17 | Zone trouble
Sans donner à mon cerveau le temps de réfléchir, je roule en direction de chez César.
Au fond de ma poitrine, j'entends mon cœur battre très très vite, à toute allure vers cet homme qui me vengera. Ça m'est bien égal que le blessé parle ou qu'un certain Charly soit fautif, moi ce que j'exige c'est le châtiment de celui qui a failli ôter la vie d'Eduardo.
J'ai mal, très mal, maintenant que Cardini n'est plus là pour contrarier mes pulsions de sa voix douce et intense. Je n'arrive plus à maîtriser la douleur provoquée par cette nuit d'angoisse et qui, complice du froid de la ville, me glace l'âme.
Malgré ma détermination, mon esprit est perdu. Je ne sais pas comment aborder le sujet. Alors, en conduisant, je me motive à m'en faire craquer le cerveau.
Par quel bout... Par quel bout allais-je expliquer ça à César ? ... Il faudra bien que je lui avoue la vérité, toute la vérité depuis le début. Et alors...
Impossible de ne pas penser à ce qui adviendra quand César saura ce qu'il s'est passé cette nuit. Comment pourrais-je éviter qu'il ne se fâche contre Eduardo ? Ira-t-il jusqu'à le punir de nous avoir mis en danger ? Même en réclamant son indulgence, rien n'est moins sûr.
Ces pensées m'angoissent. Mais ce n'est pas tout, je me sens faible, stupide, je m'en veux à mort de m'être fourrée dans de pareils draps. Tout aurait dû s'arrêter après la traduction !
Non, vraiment, en atteignant le domaine, je n'étais plus aussi certaine de vouloir lui avouer pour le blessé. Après tout, le pirate m'a promis que le type payera, alors peut-être valait-il mieux partir d'ici avant de me compromettre.
Falco et Axsel fumaient devant l'immense portail de la demeure. En me voyant, ils stoppèrent immédiatement leur discussion et se figèrent tout droits, le regard détourné, comme pris en faute d'être des humains. Cette attitude suffit à m'agacer.
Je connais ces gens pour ainsi dire depuis que je suis née, j'ai même vécu ici, et pourtant... Ces colosses impassibles et sûrs d'eux sont incapables de me regarder sans y avoir été invité. C'est à peine s'ils osent m'adresser la parole.
Je ne suis pas dupe. Je sais comment sont les hommes, il n'y a que les cadavres dans les cimetières qui échappent à leur misérable jeu de séduction. Ce serait mentir si je disais qu'être la fille de mon père et la protégée de César ne m'a pas préservée. Mais cette estime qu'ils ont ne m'est pas destinée, c'est uniquement par respect envers la hiérarchie masculine.
Dans un monde où les hommes qui me connaissent baissent les yeux, Cardini est le seul à avoir eu le courage de me voir autrement. Le premier qui m'ait vraiment regardée, vue. Quelque chose m'a révélée, rassurée et confortée dans l'idée que je pouvais être une personne à part entière.
Non pas parce que j'avais des doutes sur mes capacités à plaire, mais parce que j'avais un doute beaucoup plus profond, sur l'idée qu'on ne puisse jamais dépasser la barrière de mon hérédité dès lors que l'on sait qui je suis.
Bien sûr, par ce rapprochement, il m'a également prouvé qu'il ne respecte pas César comme il le devrait, mais bordel il a osé et ça m'a fait du bien ! Cette façon qu'il a eu de m'imposer des limites contre ma propre folie, et cette douceur. Comment s'y prend-il pour être toujours si contrôlé ?
D'un seul coup, cette étrange situation me fait retrouver furtivement l'embrasement mêlé de trouble que j'ai ressentie quelques minutes auparavant.
J'étais comme paralysée. Je ne mens pas. Incapable de bouger. Il avait pris tout l'ascendant. On pense à mille conneries dans une position pareille. Je me disais « s'il m'embrasse, je peux toujours lui arracher la lèvre avec les dents », pour me prouver que je maîtrise encore quelque chose. Et parce qu'au début j'avais envie de le dévorer de rage, puis... plus vraiment.
Il faut dire qu'il est vertigineux et moi j'ai toujours eu le vertige, c'est mon point faible. Mettez-moi sur un tabouret, vous me retrouverez le nez par terre. Là c'était différent, je faisais l'expérience d'une autre forme de chute libre, les pieds ancrés au sol.
Il y avait quelque chose de très passionnel, appuyée en sandwich entre deux murs. Oui deux, parce qu'il faut bien admettre que le pirate a un physique imposant, ça m'a fait un effet dévastateur. D'autant plus que je cherchais à retrouver ma hargne. J'avais les sourcils froncés et les narines fumantes, mais au fond de moi il y avait ce tremblement, cette fièvre indescriptible.
Ça faisait des mois qu'on ne m'avait pas approché de la sorte, j'en crevais d'envie et tout mon corps me rappelait cette dure réalité. Alors, quand il a découvert mon autre faiblesse, mon cou, je n'ai plus su répondre de moi. Et, encore maintenant, sa bouche persiste à me faire frissonner, comme une invisible trace qui me torture délicieusement.
Lorsque les gardes s'avancent à hauteur de mon véhicule, j'efface en un éclair l'image de Cardini collé tout contre moi qui me dévore à pleine bouche.
- Tout va bien, madame ? demande Falco avec sollicitude en scrutant les alentours.
- Est-ce que César est réveillé ? M'informais-je sans rien laisser paraître de mon trouble.
- Non madame, mais si vous voulez...
Déjà que le titre de « madame » a du mal à passer, le vouvoiement mit un terme à ma patience de nature très limitée.
- Non, je ne veux pas ! Je ne veux rien !
Surpris, ils reculèrent synchro d'un pas pour parer cette soudaine colère. Eux qui ne tremblent devant personne, ont peur d'une gamine colérique. Si ce n'est pas pathétique !
- Ah si ! J'aimerais bien que vous vous comportiez comme des gens normaux !
Vous pouvez pas m'appeler par mon prénom ? Je suis qui moi, hein ?
- Bah... Vous êtes la fille de Toma, lâche Axsel d'un air nigaud.
Perdant toute maîtrise, je me mets à cogner mon front contre le volant pour transférer la rancœur qui me déchire.
- T'es con ou quoi ? Lui reproche Falco en lui administrant un coup de coude pas du tout discret.
- Mais, c'est sa fille, j'ai rien dit de mal... se défend l'autre en se tenant les côtes.
- Oui, mais tu sais bien...
Oui, il sait ! Je sais, tu sais, ils savent tous cette cruelle vérité : mon père, ce fumier, s'est volatilisé il y a six ans ! Il m'a abandonné sans donner signe de vie ! Pourtant, ça n'empêche personne de ne me considérer qu'à travers son prisme, et ça me fait monter la rage aux yeux.
Désespérée, je me retiens de m'arracher les cheveux et me contente de faire une marche arrière pour prendre la direction de la maison conjugale.
Il est 6 h 30 quand j'arrive dans le quartier. Je suis morte de fatigue et suis obligée de sonner car je n'ai, évidemment, pas pris mes clefs. Sacha m'ouvre complètement éméché. Je le devine nu sous son peignoir qui ferme mal, ce qui, mélangé à l'épaisse fumée de cigarette qui flotte dans l'air, me provoque un double haut le cœur.
- Ma dulcinée s'est enfin décidée à rentrer, attention si on te voit à cette heure on va penser que tu fais le trottoir, ri-t-il en rejoignant ses amis qui somnolent sur le canapé.
- Ça ne changera pas trop de toutes celles qui circulent dans l'appartement, renchéris-je en me déchaussant.
Je ne sais pas où ce type trouve le fric pour se taper tout ce que Istok compte d'escort. Enfin... Nous avons un accord tacite, je vis où je veux et César ne doit rien savoir de sa vie de dépravé.
- T'aurais pu apporter les croissants, y a pas de petit dej', sauf si tu veux de la vodka, ironise-t-il en soulevant un verre douteux.
- Non merci, qui sait t'as peut-être craché dedans, bougonnais-je en me dirigeant vers ma chambre.
Je m'allonge à la renverse sur mon lit et je ferme les yeux. Derrière mes paupières closes, je vois encore les traits de Cardini, et ses yeux qui me scrutent intensément. Si près, jusqu'à m'obstruer le cœur.
Rah, il m'agace, à être si charmant !
J'envoi un SMS à Eduardo et me couche tout habillée sous la couette avec mes écouteurs. Le film catastrophe des dernières heures repasse dans ma tête, me faisant soudain ressentir le contrecoup de toutes ces émotions.
C'est brouillon dans mon esprit, je navigue entre colère, honte et excitation. Et ce capharnaüm mêlé aux bribes de musique me berce jusqu'à sombrer dans un sommeil agité.
Quelques heures plus tard, mes tympans captent au loin des bruits sourds qui perturbent ma quiétude. Je soulève difficilement mes paupières, une odeur étrangère m'étreint, me retient au creux de ses bras. Je ne comprends pas tout de suite, néanmoins le vacarme m'extirpe résolument du sommeil.
Les connexions se font alors d'un coup : c'est l'odeur du sweat de Cardini dans lequel j'ai dormis, et les bruit sont ceux qu'émet Sacha pour me réveiller. Furieuse, je bondi hors du lit.
- QUOI ?
Il se contente de me tendre une enveloppe blanche.
- Maintenant que t'es débout, tu peux faire le café, baille-t-il.
- Tu rêves Nikolic, grinçais-je en lui claquant la porte au nez.
Pas complètement réveillée, je referme la porte et ouvre le courrier. J'ai des difficultés à relier ce que signifie cette photographie de moi prise ce matin devant la maison de Cardini.
C'est seulement en la retournant que mon pouls s'affole.
« Qu'est-ce qui serait pire ?
Que César l'apprenne ou qu'il finisse comme Filip ?»
Un sentiment de terreur s'abat sur moi. Je sens mon ventre se contaminer d'angoisse, m'assaillit si fort que ma rationalité se fendille. La sueur colonise jusque mes pensées.
Des flashs d'il y a trois ans en arrière me reviennent et mon cerveau me dit de fuir loin d'ici. Au bord de la défaillance, mes mains tremblent tandis que mon cœur s'emballe. Cette fois-ci impossible de me répéter en boucle « il ne s'est rien passé », car je fais face à la réalité que je tente sans cesse de fuir.
Et puis j'avise d'un seul coup que ce chantage inattendu représente ma chance de leur prouver que je ne suis pas folle et qu'ils ont eu tort de ne pas me croire. Il y a bien quelqu'un a Istok qui s'est introduit chez moi. J'ignore pour quelle raison et ce qu'il s'est exactement passé, mais Filip n'a pas eu d'accident. Quelqu'un l'a éliminé. Et il compte recommencer.
Mes neurones s'entrechoquent bruyamment, pourtant une certitude reste bien en place : il est hors de question de me laisser intimider.
Je vais montrer à ce cinglé que c'est mal me connaître s'il pense avoir en sa possession un secret par lequel me tenir en laisse. Lui prouver que, non seulement je n'ai rien à cacher, mais mieux encore : ce truc précis va se retourner contre lui et le faire trébucher.
Déterminée, je quitte la chambre en trombe sans me changer.
- Ça y est tu t'es décidée à aller chercher les croissants pour ton mari, femme ? Ironise Sacha sous les rires gras de ses amis.
- Appelle un chauffeur.
- Toi ? Un chauffeur ? T'es sous LSD ou quoi ?
- Appelle un chauffeur !
Dans la voiture, j'ai la bouche sèche, je transpire, je vais me trouver mal si ça continue comme ça. Le trajet me semble interminable, je manque de sommeil et plus rien ne va dans ma vie. Je ne sais pas si je frôle la dépression ou l'évanouissement.
Quoiqu'il en soit, je garde une assurance de façade en déboulant dans le bureau de César. Et, lorsqu'il se lève de son fauteuil pour m'accueillir, je sens que la raison de ma visite va vite modifier ses traits enjoués.
- Il ne fallait pas te déplacer pour me remercier, un appel aurait suffit !
J'ai complètement oublié que le pirate m'a livré son cadeau hier, tant il y a eu d'événements ces dernières 24h. Je ne sais même pas ce qu'il contient. A contrario je n'ai pas du tout oublié qu'il m'a forcé à revenir dans cette même maison où j'ai juré de ne plus aller, ni que je suis en colère contre lui !
- Ce n'est pas pour ça que je suis venue, regarde ce que je viens de recevoir.
Plongeant la main droite dans la poche du sweat, je sors la photo. Là, je jete le rectangle glacé sur le bureau face à lui avant de braquer l'index sur mon visage imprimé.
Circonspect, il l'observe en silence avant de s'en saisir puis la retourne pour lire l'inscription.
Je le dévisageais aussi froidement que possible. Lorsqu'il releva la tête, ses traits s'étaient un peu assombris, laissant présager l'effet escompté. Erreur.
- C'est chez Cardini ? Demande-t-il les yeux légèrement plissés en scrutant mon visage rigide.
- Oui c'est chez lui, ce matin, à Istok, sur TON territoire !
Je peux lire une pointe d'étonnement sur son visage, mais rien qui balayerait son flegme. Le perturber ? Il en fallait plus que ça de toute évidence.
- Qu'est-ce que tu faisais chez lui ?
Malgré l'absence de suspicion dans le ton de sa voix, je me sens oppressée de devoir me justifier alors que ce n'est absolument pas le sujet. Heureusement, j'ai appris très tôt à mentir vite et bien quand je pressens que la vérité risque de me porter préjudice.
- Hier, quand il a livré ton colis, j'ai saigné du nez. Il m'a dit que si ça recommençait je devais voir un médecin. J'ai pas voulu t'inquiéter, mais ce matin...
Je soulève le sweat-shirt et lui montre mon débardeur blanc où subsistent encore quelques taches de sang du blessé.
- Je suis restée quelques minutes, le temps qu'il prenne ma tension et me donne des médicaments. En rentrant je suis passée pour te prévenir, Axsel et Falco m'ont dit que tu dormais, alors je suis rentrée me reposer.
Je m'attends à des questions pièges pour déjouer le mensonge de la vérité, par chance il avale sans résistance l'alibi que je me suis fabriqué sur mesure.
- Tu as bien fait, opine-t-il de la tête. Et pour ça, inutile de t'inquiéter, c'est juste une mauvaise blague.
D'un geste indifférent, il balance la photo sur le bureau, faisant décoller ma tension nerveuse à un niveau inédit.
- Une blague ? Qui pourrait blaguer avec moi, alors qu'ils osent à peine me regarder dans les yeux ?!
Il n'en pense pas un mot. Du moins, joue-t-il à y croire. Pour mieux se donner l'impression de dominer la situation. Pensez-vous, c'est inimaginable que le grand César puisse avoir eu tort.
- Tu recommences comme la dernière fois ! Je t'ai dit de me croire, mais tu as préféré penser que j'étais parano plutôt que d'admettre que quelqu'un a Istok échappe à ton pouvoir ! T'es pas obligé de me croire, mais je ne vivrais pas un jour de plus ici.
Cette petite phrase anodine eut un effet dévastateur sur la couleur de son teint qui vira instantanément au gris. Ma décision mettait en péril le faux-mariage avec Sacha.
- Calme-toi, assieds-toi, prends un café, on va discuter, tenta-t-il la voix gorgée de miel.
Le calme ? Facile à demander, mais difficile à obtenir - surtout avec moi. La frustration commence à bouillir encore plus sérieusement. Le seul moyen de me calmer, ce serait qu'il me prenne au sérieux.
- Je ne veux pas de café, je veux une arme !
Hors de moi, je viens de hurler ces mots. Je voudrais pouvoir effacer sa sérénité qui me paraît soudain tellement insultante.
- Non.
Net et précis. Un « non » qui coupe court à tout dialogue. Comme il ne semble pas comprendre la gravité de la situation, j'embraye tout aussi catégorique.
- Non ? Le défiais-je. D'accord, j'en trouverai une alors, grimaçais-je un sourire insolent qui reflète ma détermination inébranlable.
Les armes c'est son domaine de prédilection. Son hégémonie. Lui - et lui seul - décrète qui en possède et les autorisations sont distribuées avec une grande parcimonie. Pour beaucoup cela représente le Saint-Graal. Proclamer ouvertement qu'il me sera aisé de me passer de lui est synonyme de provocation, mais surtout de traîtrise pour celui qui acceptera de me fournir ce que le chef suprême me refuse.
Prête à partir, mes doigts eurent à peine le temps de se poser sur la poignée lorsque César amplifia la voix dans mon dos.
- Très bien !
L'agressivité lui fit crisper la mâchoire avant de se pencher sur un des tiroirs d'où il sortit un Glock qu'il posa avec hargne sur le bureau.
Revenant sur mes pas, je pris l'objet pour l'examiner.
- Il est vide ! M'agaçais-je prête à repartir.
Dans un geste cérémonieux, il éleva son poing au-dessus du bureau et fit glisser entre ses doigts 17 balles qui ricochèrent sur le bois.
A peine eu-je le temps d'approcher la main pour m'en saisir qu'il aplati violemment la paume par-dessus.
- Tu n'en recevras qu'UNE par jour. Une seule, pour chaque jour où tu te sentiras en danger ! Si, et seulement SI, je ne retrouve pas le mange-merde qui est à l'origine de cette plaisanterie. Après quoi, tu me rendras l'arme et les balles. En attendant, je t'interdis de sortir d'Istok avec ça ! S'agace-t-il en haussant le ton.
Tout ceci n'a rien d'une plaisanterie ! Il y a un type qui me menace ouvertement... Enfin, qui menace surtout le pirate. D'ailleurs, je me demande s'il n'a pas quelque chose à voir avec le blessé.
Cardini aurait dû le livrer depuis longtemps, cependant, pour une raison que j'ignore, il ne l'a pas fait. Ce mystérieux photographe l'en aurait-il empêché ? S'en serait-il déjà pris à lui ? A cette pensée mon rythme cardiaque accélère.
- Tu devrais appeler Cardini, il est peut-être en danger, prononçais-je en rangeant l'arme dans la poche du sweat-shirt.
- Cardini ? En danger ? Se figea-t-il de stupéfaction.
Je me rends compte aussitôt de l'énormité de mes propos. César lui-même en sourit. Il doit trouver que j'exagère, ou que j'ai un certain humour. Au choix.
- Tu as vu le gabarit ? Allons, allons, soit sérieuse ma petite, ce type est une armée à lui tout seul, c'est pas comme ton invertébré, railla-t-il.
- Filip ! Il avait un prénom !
- Oui, bon, peu importe, appelle-le comme tu voudras.
Je baignais dans le doute, impossible de partir sans en avoir le cœur net, d'autant que je ne dispose pas de ma voiture pour aller m'en assurer.
- Vérifie quand même, exigeais-je déterminée en croisant les bras sous ma poitrine.
Il soupira de lassitude et se saisit de son portable surtout dans le but de mettre un terme à mes divagations et de se débarrasser de moi.
Lorsque le répondeur s'enclencha, ses petites lèvres se durcirent pour marmonner « il dort ».
- Il ne peut pas dormir ! M'exclamais-je malgré moi.
Je l'agace, à un point vraisemblablement inimaginable. Pourtant, ses sourcils qui prennent soudain une forme interrogative, sont très intrigués par cette affirmation que je me dois de clarifier de toute urgence.
- Il... il a dit qu'il avait des choses importantes à faire, par rapport à... un type, mentis-je à moitié.
Un trait lumineux éclaire l'espace d'une seconde le visage de César qui semble comprendre qui est ce « type ».
Étrange.
Peut-être qu'il sait pour le blessé, pensais-je.
Téléphone vissé à l'oreille, doigts agités, César attendait une réponse. Après un bref haussement d'épaules, il raccroche moins serein. Une fois passe encore, mais on ne laisse pas l'Empereur sur répondeur à deux reprises sans avoir une bonne raison.
C'est la panique dans ma tête. Visiblement pas que dans ma tête, à en croire l'air contrarié de César qui prend tout à coup mes inquiétudes très au sérieux.
Il range le téléphone dans la poche de son costume et m'invite d'un geste à le suivre.
Fidèle à son image d'homme tout-puissant, il lui suffit d'un claquement de doigts pour que six fidèles apparaissent comme par magie pour nous entourer dans le hall.
Pas perturbé, il annonce d'une voix naturelle :
« Quatre dans un véhicule, Falco et Kenan avec moi, on va chez Cardini. »
Ils disparaissent au pas de course aussi vite qu'ils sont apparus, tandis que sa main protectrice se saisit de la mienne pour me guider dehors sur le parking où nous attendent les deux voitures prêtes à partir.
Pas un mot dans l'habitacle, la main de César tapote affectueusement la mienne dans une promesse silencieuse que je n'ai pas à m'en faire. Pourtant, je le sens ce subtil changement dans ses certitudes, cette anomalie qui vient déranger l'ordre naturel et fait battre sa veine frontale, signe de grosse contrariété.
Et ce n'est pas fait pour me rassurer. Du tout.
Assise à l'arrière je vois défiler les arbres à un rythme cadencé. Mon cœur aussi bat la cadence. Quant à la berline, son aiguille ne descend pas en dessous des 100 dans les rues d'Istok.
Je suis occupée à triturer machinalement une mèche de mes cheveux, lorsque le véhicule s'arrête devant la maison de Cardini. Mon regard se porte immédiatement du côté opposé. Un arrêt d'autobus.
Des frissons me parcourent tandis que je repense au mec qui se tenait là quelques heures plus tôt. Rien qu'à l'idée d'avoir été observée contre mon gré, j'ai des palpitations de rage. Si je m'écoutais, je partirais chercher le moindre indice qui me permettrait de découvrir son identité. A défaut, je me réconforte en serrant l'arme dans ma poche.
Mon attention est vite détournée vers les coups qui résonnent contre la porte d'entrée.
Falco à beau tambouriner, pas de réponse.
Le 4x4 de Cardini est pourtant bien garé dans l'allée, au même endroit où je l'ai quitté. Ce qui ne fait qu'augmenter un peu plus mon angoisse.
César observe silencieusement les alentours. Lorsque ses pupilles eurent fini leur mouvement circulaire et que sa patience arriva à expiration, il inclina simplement la tête vers ses hommes et prononça gravement : « ouvrez cette porte ».
En deux coups d'épaule, elle tomba au sol avec fracas.
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Coucou !
Not me qui essaye de vous charmer pour me faire pardonner d'avoir fait l'impasse sur Cardini dans ce chapitre.
Bon, vous remarquerez que le vocabulaire de Kristina à son sujet a « légèrement évolué », et puis elle s'inquiète pour lui.
Vous aussi ou êtes-vous confiants comme César ?
Sinon, on dirait bien qu'un adversaire supplémentaire vient de sortir du passé, ça commence à faire du monde !
Vous la sentez venir la tension ?
Les intrigues qui s'imbriquent l'air de rien ?
Et maintenant même César va s'en mêler, autant vous dire que ça va tomber comme des boules de bowling 🎳
Retenez votre souffle, le prochain chapitre s'annonce... mouvementé !
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