09 | Mise au point
Le lendemain, Mercredi 8 Septembre
Quand je sors du sommeil artificiel dans lequel m'a plongé l'Irish Coffee, il me faut cligner plusieurs fois des yeux pour le croire. Eduardo, réveillé à l'aube qui tente de me joindre en discontinue depuis trois bonnes minutes.
Considérant qu'il est de notoriété publique qu'il ne se lève jamais avant midi, immédiatement j'en déduis que l'heure est grave et saute sur mon téléphone.
Il m'informe que César veut nous voir dans trente minutes, ensemble et à Paris. Bizarre...
L'empereur sort rarement au-delà des remparts de son empire, il faut dire qu'il n'en a pas vraiment le droit, sa présence est tolérée mais sans escorte juste un chauffeur. Ce déplacement inopiné à une heure si matinale ne me dit rien qui vaille.
Sur ma cafetière il est 7h43, en réalité il n'est que 6h32, l'horreur.
Qu'il ne lui vienne pas l'envie de restreindre un peu plus nos libertés sinon ça va très mal se passer, pensais-je.
D'ailleurs pour le "sauvages" il va y avoir droit, de manière frontale mais pas en présence d'Eduardo autrement il risque de descendre dans son estime.
Je plonge un cachet d'aspirine dans un verre de jus d'orange et pendant qu'il se dissout j'en profite pour filer sous la douche. L'eau froide me hérisse la peau et me réveille comme si je viens de me prendre mille volts.
Foutue chaudière qui ne fonctionne jamais !
Pour me réchauffer, je frictionne mon corps en le tartinant de crème. En attendant que ça s'absorbe je prends le temps de m'observer devant la somptueuse porte-miroir en bois inclinée contre le mur au pied de mon lit.
Je suis mignonne toute nue, pensais-je le sourire aux lèvres avant de prendre des sous-vêtements.
A contrario mon visage fait peine à voir. On dirait que je n'ai pas dormi depuis dix jours, d'ailleurs le ressenti dans mon corps est assez similaire. L'anticerne à ce stade devient nécessaire, voir même obligatoire.
Je ne mets pas de mascara, car je risque encore de pleurer sur mon sort, et termine par un trait d'eye-liner qui s'avère pas génial mais on va faire avec.
Quand je ne colle plus, je mets un large pantalon palazzo bariolée de couleurs chaudes, des escarpins compensées qui me grandissent d'une bonne dizaine de centimètres et une chemise en soie beige.
J'enfile ma panoplie de bracelets un par un, attrape une veste en cuir et une grosse écharpe avant d'aller affronter le monde extérieur.
Sitôt dehors je peux affirmer avec conviction que s'en est bien fini de l'été. L'épais brouillard de grisaille et le froid qui se fraye insidieusement un chemin sous les vêtements me le rappelle à grand renfort de frissons. Je suis gelée !
De nature frileuse, tout ce qui descend en dessous de vingt degrés me fait grelotter et couler du nez. Heureusement la chaleur du métro souterrain m'aide à relâcher ma prise autour de mon corps et, lorsque les portes de la rame s'ouvrent, je m'engouffre vite pour me blottir sur un siège dans un coin.
Face à moi sont assis un père et sa fille d'une dizaine d'années. Je suppose qu'il l'accompagne à l'école. Me reviens en mémoire les trajets solitaires que je faisais dans la pénombre du jour qui se lève tard l'hiver, et mon esprit vagabonde une seconde me rappelant ma propre enfance.
J'étais horriblement envieuse de ces petites filles, comme celle assise en face de moi, qui portaient de beaux vêtements bien propres et avaient les cheveux coiffés, tressés ou avec des couettes. Elles étaient belles parce que leur maman les préparait avant d'aller à l'école.
Moi je ressemblais aux déchets que la houle rejette sur les plages.
Le matin, je me réveillais seule. Mes faux-parents dormaient, alors je faisais très attention à ne pas faire de bruit pour ne pas les réveiller. Je prenais mon petit déjeuner dans le noir en ouvrant la porte du réfrigérateur pour avoir un peu de lumière.
Ça ne part jamais vraiment le désir de la vie que l'on n'a pas vécue, celle qu'on aurait aimé avoir et qui nous a échappé. Tout ce temps perdu qui ne reviendra jamais.
J'ai la gorgée nouée en repensant soudain à mon père. Combien de jours, de semaines, de mois, d'années perdus, disparus, effacés à jamais dans ce temps que nous n'avons pas partagé et qui s'étire jusqu'à aujourd'hui.
Prise d'un indicible malaise, mon cœur se serre comme une vieille éponge rabougrie. Devenue l'objet de ma propre réflexion, je réalise qu'il ne faut pas grand-chose pour faire ressurgir ce passé que je cache dans une case du cerveau, loin derrière.
J'ai le tournis et envie de vomir mon jus d'aspirine. Comme il ne me reste que deux stations, je ferme les paupières et augmente le volume de mes écouteurs, ultime tentative pour repousser ce vide qui prend bien trop de place et ces souvenirs qui me découpent en morceaux.
C'est presqu'avec bonheur que je laisse le froid fouetter mon visage tandis que je me faufile dans le quartier St-Michel. A cette heure les rues sont désertes, à peine quelques sans-abris qui sommeillent sur leurs lits de fortune.
Une misère qui ne subsiste que dans la Capitale régie par la loi du "marche ou crève", pour bien garder en mémoire que si tu ne marches pas droit tel que l'État en a décidé tu finiras sur le bitume comme ces gens.
Chose que vous ne verrez ni à Istok ni dans l'enclave Sud tant l'entraide et l'hospitalité y sont élevés au rang de code d'honneur. Certes, eux aussi ont leurs règlements intérieurs, mais au bout de ces exigences c'est une famille qui s'offre à toi. Alors qu'à Paris, même en marchant au pas, seule la solitude t'étreint.
Parvenu à la bonne adresse, César se tient dos à moi, droit debout au milieu de la ruelle.
On ne la fait pas au vieux loup, il n'a pas besoin de regarder derrière lui pour sentir les ombres et reconnaître leur propriétaire.
La plus petite respiration qui oserait s'approcher d'un peu trop près, n'aurait même pas le temps d'effleurer le cachemire de son long manteau qu'elle se transformerait en dernier soupir d'expiation.
Je n'ai parcouru que trois mètres dans un silence absolu lorsque César se retourne, arborant ce rare sourire que portent ceux qui sont heureux de te revoir. Alors j'accélère un peu pour l'enlacer.
On parle souvent des gens qui nous ont fait du mal, mais rarement de ceux qui nous ont fait du bien et qui nous ont aidé, soutenu, aimé. César fait partie de ces gens-là pour moi.
Longtemps il a même été la seule personne dans cette catégorie, notamment lorsque mon père était incarcéré. Et les enveloppes qu'il apportait régulièrement n'y était pas pour rien dans les accalmies familiales qui s'en suivaient. Oh jamais longtemps ! Mais pendant quelques jours je redevenais un fantôme invisible sur qui la méchanceté évitait de s'abattre.
J'aime profondément César, le problème c'est qu'il me fait sentir petite, docile et tellement vulnérable. Il sait comment me toucher par les sentiments et jouer de cet attachement démesuré que j'ai pour lui.
De plus sa froideur étouffe la flamme explosive qui brûle en moi et je déteste l'idée qu'il ait ce pouvoir sur moi.
Il incarne tout ce que je voudrais effacer de mon enfance, tout ce monde que je veux rejeter mais qui m'aspire tel un gouffre dévorant chaque fois que j'essaie de m'en échapper.
Cet inconscient et irrationnel devoir de loyauté que j'ai envers lui m'oppresse et m'entraîne dans une vie que je ne veux pas vivre.
Je sais que chaque pas que je fais vers César rendra le chemin inverse plus difficile, mais je le fais quand même car dans le fond je me sens redevable. Et puis dans ses yeux, je retrouve cette douceur paternelle qui me manque tellement, tellement.
Le bleu de ses iris me rappelle tous les espoirs qui ont nourri mon enfance lorsque je le voyais, car cela signifiait que je n'étais pas complètement abandonnée, que quelqu'un pensait un peu à moi.
Cela peut sembler fou, mais c'est dans les yeux de l'une des personnes les plus dures qui puissent exister que j'ai ressenti de l'affection. La seule affection qu'il me restait quand mon père disparaissait.
Enfin pas tout à fait, il y avait mon voisin Marius et puis surtout Eduardo.
Mon ange-gardien qui avance lentement, des épis de sommeil plein les cheveux et sur son visage mal réveillé brille un immense sourire. Lorsqu'il arrive à ma portée et ouvre grands les bras pour m'accueillir, je change de refuge.
Je n'ai pas eu l'occasion de m'excuser pour les mots blessants que je lui ai dit l'autre jour alors, blottie dans sa chaleur, je lui murmure de me pardonner.
Même si Eduardo est habitué à mon caractère tranchant il sait que je le réserve en priorité aux autres, en faire usage à son encontre est une exception qui se compte sur les doigts d'une main depuis la quinzaine d'années qu'on se connait.
Puis c'est au tour de César de l'enlacer, et les voir si proches me réchauffe le cœur.
Dire qu'il y a quelques années, il considérait qu'Eduardo n'était rien de plus qu'un délinquant turbulent qui ne perd pas une occasion de se faire remarquer. Autrement dit, une source de problèmes.
Par affection pour moi, il lui a offert une chance, et a vite découvert qu'une bonne dose de bravoure se cache sous ce caractère instable.
Il faut dire qu'Eduardo l'a immédiatement considéré comme une figure paternelle respectable et digne d'autorité, alors il a préféré garder son insolence dans sa poche.
- Ça faisait longtemps gamin, on a des choses à se dire, prononce-t-il d'un ton sentencieux.
Tout à fait réveiller, Eduardo se frotte les mains prêt à recevoir les instructions de son chef.
- J'ai réfléchis toute la nuit et il y a quelque chose que je ne comprends pas, commence-t-il embêté. Dis-moi, comment ce branquignole s'est retrouvé en plein milieu de la transaction alors que personne n'avait l'adresse ?
Eduardo ne put qu'hausser les épaules, embarrassé de n'avoir aucune explication à lui fournir car le type était inconscient lorsqu'il est arrivé pour récupérer le véhicule.
Contrairement à la veille, à présent, il est évident que le sujet préoccupe profondément César qui se déplace d'un mur à l'autre de la ruelle, les mains croisées derrière le dos, perdu dans ses pensées.
- Et il est venu tout seul, comme ça, sans vous prévenir ?
Eduardo remua négativement la tête.
César sembla résigné, il bougonna un peu, puis explosa.
- C'est un comble quand même ! C'est ton territoire oui ou merde ? Le mec se balade avec un sniper alors que vous êtes désarmés, il débarque en plein milieu de MA négociation et personne ne sait ni pourquoi ni comment il est arrivé là ? Et l'arme elle lui est tombée du ciel directement dans les mains aussi ?
César n'était pas content et sans le vouloir il devenait agressif, usant de son ton accusateur qui a le don d'énormément m'agacer.
- J'sais pas, j'm'appelle Eduardo pas Nostradamus ! Répondit-il d'un ton léger.
Frustré qu'il ne puisse lui fournir les éléments nécessaires pour apaiser ses tourments, César s'approche de lui bien déterminé à témoigner de sa méchante humeur.
- Je ne suis pas disposé à plaisanter gamin. Tu as mis sa vie en danger, j'en aurais tué d'autres pour beaucoup moins que ça ! Gronde-t-il la mâchoire serrée en levant son index devant lui.
C'est la phrase de trop. Là il touche la corde sensible et dépasse le seuil du tolérable. Personne ne peut parler à Eduardo de cette façon en ma présence !
- Ne le menace pas, l'avertis-je sèchement le regard réprobateur tout en me positionnant résolument entre eux.
Il braque ses yeux brillants vers moi pour me faire entendre raison, mais je ne me démonte pas pour autant. Je maintiens le contact visuel résolue à lui faire comprendre qu'il va devoir changer de ton et trouver un autre coupable à ses déboires.
César qui sait réfléchir se tempère un peu, mais Eduardo reste un peu fébrile. Il sent que la situation risque de dégénérer d'un instant à l'autre, aussi il préfère calmer les choses en prenant une fois de plus les torts à son compte.
- Il a raison Kristy, soupire-t-il en m'effleurant le bras. Ça n'aurait pas dû arriver.
Ah ! Que je maudis sa loyauté qui dessine un air satisfait sur le visage de César.
- Si Cardini n'avait pas été là qui sait ce qu'il se serait passé. Et s'il t'arrive quelque chose, je dis quoi à ton père moi, hein ? En profite-t-il immédiatement de sa voix moralisatrice.
Là je sens mon sang arriver à ébullition ! Aborder le sujet de mon père représente le tabou ultime.
- Si tu parles de lui je m'en vais, le mis-je catégoriquement en garde. Tu aurais dû me dire que tu nous as fait venir pour nous engueuler, je ne serais pas venue ! M'énervais-je excédée.
Il eut l'air exagérément blessé mais ne s'avoua pas vaincu pour autant.
- Je me sens responsable, j'ai le droit oui ou non ? Alors, j'attends d'eux tous et de lui en particulier, fit-il en pointant Eduardo, qu'ils te protègent quand je ne suis pas là, c'est un crime ? S'agaça-t-il.
Je n'ai rien dit, mais ce silence il a bien compris qu'il était désapprobateur parce que s'il y a bien une chose que je ne souhaite pas c'est d'une vie où l'on doit être protégé justement. Alors, il préfère passer rapidement aux faits.
- Si je vous ai fait venir c'est parce qu'Agostini veut en finir plus tôt que prévu, j'ai besoin de la traduction pour demain. Et maintenant il exige que je sois présent au prochain rendez-vous !
Malgré la fureur qui tremble dans sa voix, je peux clairement percevoir son inquiétude.
- Tu penses que c'est lui ?! Il a fait ça pour te tendre un piège ? M'exclamais-je.
- Si ce n'est pas lui alors c'est Cardini.
Cette possibilité me fit l'effet d'une déflagration.
- Après tout, c'est son quartier, le Sud. Il lui est facile de trouver un complice et de lui fournir une arme. Décréta-t-il d'une voix sérieuse tout en se torturant les méninges pour arriver à une explication logique.
L'enfoiré, il cache bien son jeu !
- C'est vrai qu'il a tiré avec une telle précision... comme s'il savait où il se trouvait, renchéris-je involontairement à voix haute.
- Ça ne colle pas ! Il n'aurait pas descendu un désaxé au risque qu'ils s'en prennent à sa famille, hésite César les sourcils froncés de doutes.
Eduardo qui n'avait plus prononcé un mot depuis qu'il s'est fait engueulé, émergea de son silence.
- Sauf qu'il ne l'a pas tué, il l'a juste blessé à l'épaule.
- Ah oui ? Le regarda César d'un air effaré teinté d'une bonne dose de surprise.
Il expliqua qu'il a emmené le blessé jusqu'à l'hôpital puis il a attendu pour savoir s'il s'en sortirait ou pas.
Cette histoire ne lui plaisait pas. Plongé aux tréfonds de ses pensées, César tournait en rond les yeux rivés sur ses chaussures. Après quelques secondes ressenties comme des heures, il tourna la tête avec vivacité vers moi me faisant sursauter.
- Il n'a pas vu les documents, hein petite ?
- Non, bien sûr que non, affirmais-je sûre de moi.
- Tu les a bien gardés près de toi et tu es rentrée directement à la maison comme je te l'ai dit, n'est-ce pas ? Me scruta-t-il en essayant de capter mon regard.
Tout le déroulé du chemin retour en passant par le bar de Flavia se rejoua dans ma mémoire et ma désobéissance me glaça les veines.
- Oui, oui comme tu as dit, mentis-je avec aplomb.
Je ressentis le regard d'Eduardo sur moi, et dû rassembler toute ma lucidité pour éviter de tourner la tête vers lui. Au lieu de cela, je me concentrais pour ne laisser transparaître aucun signe de mon trouble et tentais de contrôler ma respiration qui accélérait sans mon consentement.
César resta silencieux, me fixant de ses yeux bleu iceberg, son pied tapotait nerveusement sur le sol car ma réponse venait de bousculer ses pronostics.
Si je lui avais fait part de notre détour, il n'aurait pas eu à se creuser la tête, l'affaire aurait été réglée et le coupable tout trouvé. Tandis que là, rien n'était joué.
Incapable de déchiffrer son expression, la peur prenait insidieusement le dessus et freinait mon cerveau. J'en perdais ma voix et restais là comme un Sims sans réaction.
Lui dire qu'il a culpabilisé d'avoir tiré sur quelqu'un ?
Ça ne servirait qu'à renforcer la suspicion, et si César doute de lui à tous les coups il va le mettre à l'épreuve. Couru d'avance le châtiment !
L'angoisse envahissait mon corps de plus en plus intensément, jusqu'à me submerger. À un tel point que je commençais même à envisager d'avouer, simplement pour pouvoir respirer plus facilement, même si cela signifiait me faire engueuler.
Pour détourner mes pensées, je ravale ma salive et lance malgré moi :
- N'empêche il a vraiment été surpris et très très énervé, il n'avait pas l'air de jouer la comédie.
Peut-être que je voulais me persuader que je n'avais pas pris en pitié une mauvaise personne, me convaincre que je sais encore évaluer les gens, avoir l'air moins naïve aussi, qui sait.
Lui revient sûrement la scène de colère du Pirate, persuadé d'avoir tué l'homme. Alors il approuva mes paroles d'un signe de tête, sans pour autant cesser de cogiter tout en faisant jongler ses yeux accusateurs entre Eduardo et moi.
Les secondes paraissaient ne plus avoir de fin, c'est à peine si j'ose déglutir.
- Bon, cette histoire n'est pas claire. Ramène moi la traduction demain et s'il le faut on changera tout ! Décréta-t-il avec le tact qui le caractérise.
J'accepte sans me faire prier, tout ce qu'il voudra si ça peut apaiser sa colère et le faire partir.
- Moi je vais passer à l'hôpital pour parler avec le mec, s'il y a quelque chose à savoir il va lâcher le morceau, le rassura Eduardo confiant.
Malgré l'évidente tension qui était retombée, impossible pour moi de passer la barrière des pensées parasites qui venaient perturber mon cerveau. Rien de ce qu'il pouvait dire ne me rassurait, j'étais en pleine syncope.
- Parfait, approuva César en se frottant les mains de satisfaction. Et vous deux, pas de contact jusqu'à nouvel ordre, c'est plus prudent, compris ?
A regret, nous approuvons de la tête en signe d'acceptation.
Lorsqu'il tourne enfin le dos pour s'éloigner, nous échangeons un regard qui témoigne de notre soulagement, Eduardo semble aussi vidé que moi.
- Edua... commençais-je la voix tremblante prête à avouer mon mensonge.
Sans me laisser finir, il saisit mon visage entre ses mains et m'attira dans ses bras.
- Je sais, Fabio m'a dit qu'il vous a vu chez Flavia, murmura-t-il.
Je plonge dans un état d'angoisse totale et dans ma tête je me fais déjà un roman de science-fiction.
- Je ne savais pas... Je pensais que... Je voulais juste... Imagine qu'il a vu, paniquais-je.
La peur m'empêchait de formuler avec précision mes pensées, tout se bousculait dans un immense capharnaüm qu'Eduardo n'eut pourtant aucun mal à déchiffrer.
- Nun te preoccupá Piccola, chuchote-t-il d'une voix apaisante en me serrant fort contre lui.
"Ne pas m'inquiéter", mais comment ?
Peut-être que par ma faute la livraison sera un piège, que César va mourir, ou pire se faire arrêter !
Je m'insultais mentalement d'avoir voulu aider Dalibor, à présent je n'avais qu'une envie c'était de lui arracher les yeux.
- Écoute, j'ai une idée, dit-il en essayant d'attirer mon regard pour me rassurer. En ramenant la voiture de Flavia je vais vérifier les caméras de surveillance du bar, s'il a vu les documents on le saura.
Ses mots ont rayonné d'un furtif espoir, suffisant pour dissiper la détresse dans mes yeux. Il sourit en le remarquant et pose ses lèvres sur mon front pour terminer de chasser l'inquiétude.
Ce qu'il peut me réchauffer le cœur.
Qu'est-ce que je serais lui ?
Merci, merci d'exister !
Eduardo est né malin. Il réfléchit vite et trouve une solution pour tout, il n'y a aucune situation dont il ne puisse se sortir. C'est ça d'avoir grandi en cherchant des parades pour éviter les coups de son cinglé de père.
- L'important c'est qu'il ne te soit rien arrivé, tout le reste on peut gérer, soupire-t-il en me serrant un peu plus fort contre lui.
Je devine que César a réussir à le faire culpabiliser de n'avoir pas été là, de n'avoir pas pu me protéger sur son propre territoire. Et ça c'est injuste !
- Ne t'inquiète pas, la mauvaise herbe ça ne meurt jamais, souriais-je pour dédramatiser les choses.
Il part en fou rire. J'étais sûre que ça lui plairait.
- Alors comme ça Cardio t'a sauvé la vie ? raille-t-il pour me faire changer d'humeur.
A ces mots, je le fusille du regard et ça le fait marrer de plus belle.
- Je te jure que lui s'il a vu les documents il le boira en intraveineuse son putain de rhum, rageai-je hors de moi.
- Tu penses vraiment qu'il a vu les documents ? S'étonne-t-il.
Sous le coup de la panique bien sûr que je l'ai pensé, mais maintenant j'en doute fortement.
- Non je ne crois pas, grimaçais-je dubitative. Flavia le dévorai des yeux, et puis il était trop occupé à noyer sa culpabilité dans l'alcool, s'il avait sorti le dossier ça se serait vu.
Plongé en pleine réflexion, je pouvais déceler chez lui la volonté de savoir qui d'autre dans ce cas était à l'origine de ce bordel. A bout de ressources, il passe sa main devant son visage pour cacher un bâillement.
- Bon, je ramène la voiture et on en aura le cœur net, après j'irai voir le blessé, décréta-t-il résolu.
Nous nous enlaçons une dernière fois avant de nous séparer à contrecœur. En avançant au hasard de mes pas, je me demandais ce que j'allais pouvoir faire de ma journée.
Considérant que les amis de Sacha dorment probablement sur le canapé du salon, mieux valait attendre leur départ. Mais d'ici là il fallait passer le temps.
Commencer la traduction à la bibliothèque ?
C'est bien la dernière chose dont j'ai envie. Là tout de suite je n'aspire qu'à m'asseoir sur un banc et ressembler à n'importe qui, loin, très loin de cette histoire galère dans laquelle je me suis embarquée.
Ce n'est pas vrai que les épreuves nous rendent plus fort. Non. Les épreuves révèlent qui est fort. Elles permettent de découvrir une force en nous dont on ignorait l'existence. Mais ça ne rend pas plus fort. Ça fatigue. Et les personnes fortes sont fatiguées, même si on ne le voit pas.
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Les choses commencent à devenir sérieuses et par conséquence les personnages vont se dévoiler.
J'espère avoir réussi à mettre en lumière les personnalités profondes qui commencent à sortir à la surface.
Une Kristina qui se révèle beaucoup plus fragile qu'il n'y paraît, un César intransigeant, même menaçant, et que dire d'Eduardo l'éternel enfant qui fait preuve de sagesse et de maturité en prenant la situation en main pour rassurer sa sœur de toujours ?
Selon vous qui est à l'origine de ces événements ?
Et concernant les caméras, que va-t-il se passer ?
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