La cohabitation devenait de plus en plus chaotique.
Tout était sujet à dispute, le rangement, le linge, la vaisselle, nous ne pouvions plus communiquer sans se balancer des trucs à la figure, que ce soit des insultes ou des objets.
Avoir Sacha pour mari c'est moralement insupportable, mais vivre avec lui c'est vraiment le fond de l'abîme. Son caractère est un repoussoir.
Je n'avais déjà absolument pas envie d'être sa femme, encore moins sa mère, hors de question !
Je n'ai pas signé pour me transformer en Dobby l'elfe de maison.
Épuisée de devoir me battre avec lui, j'ai donc décidé d'engager une femme de ménage qui s'occuperait de son bordel.
Sauf qu'il la virée le premier jour en menaçant de l'étouffer si elle continue de passer l'aspirateur pendant qu'il dort.
La pauvre est partie en pleurs sans que je n'aie eu le temps de coller le fer à repasser dans la figure de Sacha.
Alors je ne fais plus rien, je suis en grève illimitée, mon territoire s'arrête à la porte de ma chambre car passée cette barrière de sécurité je risque de devenir veuve avant le délai imparti.
Dans les rares moments où nous avons échangé quelques mots, il m'a informé qu'on devait passer dîner chez César dimanche soir.
Faut voir sur quel ton !
J'étais sortie de ma grotte pour aller chercher du réconfort dans une tasse de café chaud. Malgré le bruit infernal que fait la machine, j'espérais qu'il ne remarque pas ma présence, mais mes espoirs furent rapidement anéantis lorsqu'il gueula depuis sa chambre.
- Fais moi du café aussi !
- Ok.
- Deux doses !
- D'accord, râlais-je exaspérée.
Ça sonne comme un ordre, c'est ça le problème avec lui, c'est pas une demande mais un ordre, strict et autoritaire. S'il n'y a que ça, mais ça vient s'ajouter au milliard de choses qui m'insupportent chez lui.
- Hé dimanche on bouffe chez César, lance-t-il en rentrant dans la cuisine.
"On" ? Ravie d'apprendre que mon avis est optionnel.
- Tu parles de toi à la troisième personne maintenant ? T'es schizophrène ou juste égocentrique ?
- Excusez-moi Madame la littérature, me feriez-vous l'honneur de ramener votre cul pour dîner chez mon père ? Se moqua-t-il en minaudant la bouche en cœur.
"Madame la littérature", révulsais-je les yeux en me retenant de répondre.
Sacha n'a jamais ouvert un manuel de savoir-vivre, ni aucun livre, c'est sûr et certain.
Je ferme les yeux, me rappelant à nouveau que je n'ai pas vraiment le droit de le tuer.
Mais il mérite quand même un état grippal, juste quelques jours histoire de me foutre la paix.
- Alors ? S'impatiente-t-il sur un ton qui me tend un peu plus.
- C'est bon, j'irais, soufflé-je exaspérée.
J'ai envie de l'envoyer se faire foutre mais il va insister, alors je me réserve une excuse dans un coin de ma tête que je dévoilerai à la dernière minute pour échapper à cette réunion familiale.
Tanya et lui autour de la même table c'est trop me demander, la nourriture risque de me sortir par le nez et les fourchette vont voler.
C'est bizarre comme les événements ont basculé, pensais-je en l'observant.
L'année commençait bien, je ne savais même pas qu'un abruti pareil puisse exister quelque part sur terre puis la vie a battu les cartes et maintenant on vit sous le même toit.
Je tire une clope de mon paquet et l'allume.
- Hé par contre habilles-toi normalement hein, je veux pas qu'on pense que je me suis marié avec une hippie.
Ses mots réveillent ma colère, je le fusille du regard mais il m'ignore complètement, alors je ne peux rien faire d'autre que de garder en moi les menaces de mort que je me retiens de prononcer.
Ça sera ça ma nouvelle vie pendant encore 2ans 8mois et 21jours ?
Devoir suivre mon mari comme un chien suit son maître et me retenir chaque jour de lui arracher la carotide avec les dents ?
C'est pas une vie, c'est un test de ténacité.
Je m'efforce de détourner mon attention des questions qui risquent de me mettre hors de moi, et retourne dans ma chambre bien décidée à ne plus le croiser jusqu'à dimanche.
Les offres professionnelles s'accumulent depuis une semaine. Des petites missions de traduction se succédent régulièrement, me fournissant un revenu tout en occupant mon esprit et en faisant passer le temps.
S'aurait pu être très satisfaisant, mais c'était sans compter sur la cohabitation tumultueuse avec Sacha...
Quand il ne passe pas son temps à jouer sur l'ordinateur en gueulant, il invite ses amis à picoler jusqu'a pas d'heure ou alors il baise.
Concernant ce dernier point le dérangement ne dure que cinq toutes petites minutes, mais après il faut cohabiter quelques heures avec les Castafiores du jour. Elles se révèlent beaucoup moins lyriques que dans la chambre à coucher, et finissent par hurler en claquant violemment la porte d'entrée.
A mon humble avis c'est complètement absurde, mieux vaut le claquer lui directement.
C'est donc à la bibliothèque que je trouve la paix nécessaire pour faire mon travail. Ma présence et mon apparence jurent un peu avec le décor, les gens me regardent bizarrement mais moi je ne les vois pas.
Je fais comme eux quand j'étais petite et qu'ils m'ignoraient. Quand tout le monde trouvait ça très confortable de détourner les yeux pour ne pas voir la petite fille maigre, mal coiffée, cernée et muette.
Alors maintenant je saute au visage des gens, je les éclabousse, on me remarque car je suis colorée et mes bracelets sont bruyants, mais c'est trop tard et ça n'a strictement plus d'importance qu'ils me voient ou non parce que dans ma réalité ils n'existent pas.
C'est peut-être parce qu'il y a une énorme gravité en moi que je vis avec tant de légèreté, pour garder un équilibre, ne pas flancher, ne pas mourir encore plus.
Le problème c'est la nuit.
Je ne peux rester à la bibliothèque que jusqu'à 20h, après je n'ai nulle part où m'installer pour continuer mon travail. La nuit étant également le moment le plus critique dans l'appartement, je n'ai pas non plus envie de rentrer. Alors souvent je marche jusqu'a mon ancien appartement.
Je fus prise d'un violent sursaut lorsqu'Eduardo me sortit de mes pensées en klaxonnant au détour de ma rue.
- J'adore quand tu fais ça ! Rie-t-il très fier de ses supers capacités à m'effrayer.
- Encore raté, je suis toujours en vie, soupirais-je déçue la main sur le cœur. Fais mieux la prochaine fois, j'aimerais VRAIMENT que tu me porte sur la conscience jusqu'à la fin de tes jours, fis-je en lui tirant la langue.
Il descend de son scooter et m'enlaçe en plaquant fermement ma tête contre son torse pour étouffer mes mots.
- Arrête tes conneries, t'es trop belle pour parler comme ça, murmure-t-il.
Je souris, largement satisfaite de l'avoir piqué pile là où ça fait mal, mais mon sourire s'évapore dès que mes yeux se posèrent sur son visage.
- EDO ! Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Paniquais-je en voyant son visage tuméfié.
- Les risques du métier, souri-t-il plutôt content de lui.
- Du métier ? C'est pas un métier ça, c'est de la merde ! M'énervais-je en le repoussant.
Alors que la colère brûle en moi, je lui tourne le dos et m'en vais d'un pas déterminé. Cependant, à peine ai-je commencé à m'éloigner qu'il me rattrape à toute vitesse.
- Kristy, boude pas ! C'est rien du tout, insiste-t-il la voix rassurante en me tenant la main.
- T'en a rien à foutre de moi ! Criais-je en me dégageant. Un jour tu vas mourir et moi j'aurais plus personne. T'y penses à ça ?
Honteux il baisse la tête et en observant son arcade recousue je ne peux m'empêcher de prendre sa main.
- Allez viens, murmure-t-il en me tirant à lui.
- T'es qu'un égoïste, fulminais-je contre son torse.
Le nez niché dans son odeur, je repense à toutes ces fois où j'ai eu peur de le perdre.
Toutes les fois où adolescent il se mettait dans des situations violentes quand il ne pouvait pas contenir sa colère. Il suffisait d'un regard, d'un mot, d'un mauvais geste et son sourire enfantin se transformait en rugissement félin prêt à déchiqueter.
Combien d'années pour apaiser la tempête qui l'habite foutues en l'air l'espace de quelques mois passé derrière les barreaux du centre de détention pour mineurs ?
C'est là-bas que ses codétenus ont vu en lui un chef de bande. Être l'ami de Fabio l'a aidé à se faire une réputation et une admiration qu'il n'a plus voulu perdre une fois dehors.
Sauf que je sais qu'il n'est pas comme ça.
Il n'est pas comme eux !
Il a un cœur tendre, c'est un protecteur mais pas de ceux qui protègent avec un flingue.
Lui il te protège de l'existence en te faisant rire, en te transportant dans une autre réalité plus légère, en te débarrassant du poids de l'existence.
Je ne veux pas perdre cet Eduardo-là, pensais-je en le serrant un peu plus fort pour le faire renaître à l'intérieur de lui.
- Pourquoi tu es venu me voir dans cet état-là ? Soupirais-je la voix débordante de reproches.
- Il faut que tu donnes ça demain à César, s'excuse-t-il presque en sortant une enveloppe de la poche de son jogging.
- Alors c'est comme ça, maintenant je suis devenue un vulgaire pigeon voyageur pour vos affaires de merde ? Grimaçais-je déçue.
- Oh Kristy ! C'est pas vrai, dit pas ça, implore-t-il sincèrement blessé que je puisse le penser.
Ses doigts effleurent délicatement ma joue dans une douce caresse qui cherche à dissiper ma contrariété. Fuyant ses yeux tristes, je reste murée dans le silence et l'observe détruite par l'état de son beau visage tout abîmé.
- Tu veux qu'on aille faire un tour ? Ose-t-il quand même.
Je grimace en secouant la tête, mes règles et le scoot ne vont pas faire bon ménage. Si on rajoute la poussée de rage qui me prend en voyant son visage les crampes ne vont pas tarder à me plier en deux ou à me faire fondre en larmes.
Jouer avec mes sentiments ce soir reviendrait à jouer à la roulette russe avec un pistolet automatique en ayant la certitude de se faire exploser sans pouvoir deviner quelle facette de ma personnalité va prendre le dessus.
Et puis, mon envie de passer du temps avec lui est balayée par la simple idée qu'il puisse prendre le sujet à la légère.
Il le sait que j'ai peur de le perdre, que je ne suis pas encore capable d'accepter l'accélération que prend sa carrière de Pistolero et que j'ai l'impression qu'un mur s'érige entre nous à cause de la distance que nous a imposé César.
Il sait que je ne peux pas m'empêcher de lire sur son visage la date d'expiration qui arrive à échéance.
Il le sait et il continue, comme si ça n'a strictement aucune importance, il en rie et s'en félicite parce qu'il se sent fort et puissant.
- Tu sais à quoi tu me fais penser ? Prononçais-je en le regardant enfin dans les yeux. A la tête que t'avais quand ton père te frappait.
Ma main se crispa sur l'enveloppe, tandis que la sienne se figea contre ma joue.
- Piccola... insiste-t-il embarrassé.
- Rentre chez toi Edua, murmuré-je les yeux piquants de larmes rien qu'à l'évocation de ce sujet.
- Attends...
- Je t'aime Edua, mais s'il te plaît rentre chez toi, fis-je catégorique en essayant d'user de ma voix la plus inflexible tandis que je sens l'étau de la tristesse resserrer ma gorge.
Ses lèvres se posèrent en silence sur mon front, puis il baissa honteusement la tête sans plus oser me regarder dans les yeux, attacha son casque et s'en alla.
J'aurais voulu le dire différemment mais pas moyen de transiger sur ce sujet, il faut qu'il sache que je ne le laisserais pas éternellement faire n'importe quoi.
A l'abris dans mon petit studio, j'ai laissé couler mes rivières de larmes en repassant en boucle le jour où je l'ai connu.
Ce besoin inné que j'aie eu de le protéger. Moi qui ai toujours tremblé de peur au moindre cri, à la moindre porte qui claque.
Ce sont les bruits des coups de ceintures qui ont réveillé en moi l'instinct de protection.
Ce jour-là, la petite fille qui se murait dans le silence et n'osait jamais rien dire pour ne pas se faire disputer, a hurlé.
J'ai hurlé de toutes mes forces, pour lui et pour toutes les fois où je ne l'avais pas fait pour moi.
J'ai hurlé à son père d'arrêter en protégeant son corps avec le mien, prête à recevoir tous les coups à sa place.
J'avais six ans, j'étais couverte de larmes, il était couvert d'hématomes et de sang.
Sur le sol de sa cuisine, nos regards se sont soudés et sans un mot nos âmes se sont fait la promesse de toujours prendre soin l'un de l'autre.
Dix ans plus tard il contrevenait à sa promesse en me privant de lui pendant les huit longs mois qu'a durée son incarcération.
Et ce soir je réalise que l'enfant en lui risque vraiment de disparaître s'il continue.
Il faut que j'en parle demain à César, de toute façon maintenant j'ai plus vraiment le choix que d'y aller.
______________ Le lendemain....
Une fois de plus César venait briser la tranquillité de ma famille en me volant la dernière nuit dans le cocon familial.
Son appel en plein milieu du repas était justifié par une urgence qui visiblement ne pouvait pas attendre notre rendez-vous de demain.
« On a un blessé, il faut que tu viennes »
Je n'ai rien eu besoin de dire, ma mère a compris. Prononcer son prénom sous notre toit reviendrait à faire entre le diable par la porte. Tout ce que j'ai pu faire c'est fuir ses regards qui trahissaient la déception et la tristesse.
Livia ne comprends pas pourquoi je vis à Istok mais elle sait que cela signifie être lié à César puisque sur ce domaine tout lui appartient, surtout ses habitants.
Consciente d'avoir mis au monde un fils pas trop con, elle essaye d'en comprendre la raison et mon mutisme n'est pas là pour la rassurer.
Malgré tout elle me fait confiance.
Jamais intrusive, pas une remarque ces six derniers mois n'est venu trahir son envie de comprendre.
Respecter mon silence a plus d'importance que sa curiosité, alors plutôt que de demander elle préfère souffrir en essayant de deviner, confiante dans le fait qu'un jour je lui dirai la vérité.
Ma mère est un trésor et mon unique but est de lui redonner le sourire, mais si elle découvre que c'est pour elle que je le fais, elle me flanquerait la première gifle qu'elle ne m'a jamais donnée.
Le pied sur la pédale d'accélération et la colère d'avoir écourté mon week-end, je fonce vers chez César en faisant exploser le moteur pour contenir ma propre envie d'exploser.
Envie décuplée quand il m'accueille dans son bureau et que je ne vois aucun blessé.
Kenan le maboul se tient dans un coin à se curer les ongles avec un canif, il relève à peine la tête pour signifier sa présence.
Face à César, un homme chétif est assis sur une chaise, muni d'une paire de lunettes aux verres épais et d'une sacoche qui semble peser deux fois son poids.
- Ah ! Je suis content que tu sois arrivé si vite ! S'enthousiasme César qui s'était relevé de son siège un grand sourire aux lèvres.
- Où est le blessé ? Me renseigné-je sans aucune forme de patience.
L'Empereur fait le tour du bureau, se positionne face à moi et sans un mot sort de derrière son dos un revolver à barillet dont il fait jouer le cylindre pour vérifier s'il est bien chargé.
Ne comprenant rien à ce manège, la seule chose précise qui me traverse l'esprit c'est qu'il a retrouvé Michel et découvert mes intentions.
J'aurais aimé deviner que c'était un piège pour préparer un systeme de défense, disons des réponses aux questions qu'il va certainement me poser.
Sentant sa vengeance venir, je m'apprête à dégainer mon arme avec l'espoir de le descendre avant que ses hommes ne se chargent de moi.
A cet instant ma vie défile au rythme des rouages du cylindre qui tourne.
- Je te présente Adam mon traducteur. Adam est un garçon très intelligent qui travaille pour moi depuis...
- De... deux ans, bégaye le mulot craintif.
Bizarrement sa voix reflète la peur, ce qui a pour double effet de me rassurer et de m'intriguer.
- Deux ans, répéte César tout content. Malheureusement ce jeune homme ne pourra plus remplir ses fonctions à partir de maintenant.
J'ai à peine le temps de poser mon regard sur le traducteur que César braque son arme dans sa direction et lui tire une balle dans la jambe à bout portant.
La détonation retentit comme un coup de canon,
rejetant le type en arrière par la force de l'impact et me faisant grimacer en moi-même.
- Le voilà ton blessé, grommelle Kenan sans lever les yeux de ses ongles comme si la pièce entière ne lui avait pas renvoyé l'écho assourdissant de la détonation.
Adam toujours assis sur sa chaise, serre sa cuisse de toutes ses forces en se contorsionnant rouge comme un coquelicot pour s'empêcher de hurler sa douleur.
- Mer...merci Monsieur Nikolic, trouve-t-il la force de marmonner entre deux souffles coupés.
- Pas de quoi, fit le vieux en lui tapotant l'épaule sans cesser de sourire. Tiens Cardini, tu as tout ce qui faut là, dit-il en me montrant une trousse de secours posée dans un coin de la pièce.
Tandis que je la fouille pour sortir ce dont j'ai besoin pour éponger le blessé sans arriver à comprendre ce qu'il se passe, César pose son arme sur le bureau et sort fièrement son téléphone de sa poche.
- Kristina ma petite, s'exclame-t-il exagérément enjoué. Tu as une petite voix, je ne te dérange pas au moins ? [...] Oui, je vais mieux. [...] Ah l'enveloppe [...] Écoute, ça m'embête de te demander ça mais mon traducteur a eu un petit accident, est-ce que tu pourrais le remplacer, c'est une urgence absolue ? [...]
Ne me dites pas..., secouais-je la tête en me concentrant de nouveau sur le blessé pour éponger le sang qui persiste a affluer.
- Merveilleuse, tu es merveilleuse ! Je t'expliquerais tout ça au dîner ce soir.
« Et voila ! » S'exclame-t-il tout content en se mettant à l'aise sur son siège.
Je n'en crois pas mes yeux, il vient de tirer sur Adam pour la convaincre de travailler pour lui !
Au retour de l'enterrement elle a dit vouloir réfléchir, visiblement sa réflexion prenait un peu trop de temps pour César alors il a décidé d'orienter sa décision pour obtenir ce qu'il veut.
Et moi qui croyais qu'il se soumettait à sa volonté, me moquais-je de moi-même.
Ce type ne connaît que trois façons de procéder : la menace, l'emprise et la contrainte. Peu importe pour lui les moyens employés pour parvenir à ses fins.
Perdu dans mes pensées, je serre le bandage avec une force excessive, ce qui provoque un gémissement de douleur de la part d'Adam.
- Kenan, montre-lui la chambre qu'on lui a préparée, ordonne César en claquant des doigts à son serviteur.
La jambe du blessé bandée, je passe un bras sous ses épaules pour soutenir son poids-plume et l'aide à avancer jusqu'au bout du couloir.
Kenan n'eut même pas à offrir son aide, car je le renvoi immédiatement pour qu'il s'éloigne de ma vue. La colère ne me quittait pas.
Tandis que je lui enlève la balle, Adam m'avoue que César lui a offert une importante somme d'argent en échange de cette simulation et qu'il compte bien en profiter sous le soleil du Mexique.
- C'était pas plus simple de juste faire semblant ? Demandais-je la mâchoire serrée.
- Tu connais pas Kristina toi, souri le blessé.
- Quoi ? Elle va venir vérifier ta cuisse jusqu'au Mexique ? Pestais-je incrédule devant tant de manigances.
- Non, mais quand César lui dira que je me suis pris une balle dans la jambe il sera confiant et elle sentira que c'est vrai. Alors que s'il doit mentir il sera mal à l'aise.
César mal à l'aise ?
Je crois qu'on ne parle pas du même César !
Et pourquoi il l'a veut elle comme traductrice d'ailleurs ?
Le puzzle avait de plus en plus de mal à se former clairement dans ma tête.
Une heure plus tard, lorsque j'ai terminé de soigner le blessé, César me fournit quelques clefs de compréhension qui ne firent qu'attiser davantage ma colère et mon mépris à son égard.
- Bon puisque tu es là plus tôt que prévu, je vais t'expliquer le plan, commence-t-il en croisant ses doigts sur son ventre.
C'est pas comme s'il n'y était pas un peu pour quelque chose dans ce hasard inattendu, me contenais-je en me positionnant face à son bureau qu'il n'avait pas quitté.
- Mardi 16h vous avez rendez-vous avec Agostini qui vous remettra la moitié du pognon et à elle les documents d'export pour la livraison.
- « Elle » répétais-je refusant de croire à ce que je pense.
- Kristina, prononce-t-il sereinement un sourire en coin affichant fièrement sa satisfaction.
- C'EST HORS DE QUESTION ! Gueulais-je en frappant des deux mains sur son bureau.
Devoir surveiller les moindre faits et gestes de Tony pour éviter qu'il fasse tout foirer, c'est déjà beaucoup. Mais avoir une imprévisible comme elle en plus va au-delà de la responsabilité que je peux accepter d'endosser.
De stupeur il n'a pas le temps de s'agacer face à mon affront et se contente de relever ses sourcils très étonné.
- C'est pas ce qu'on s'est mit d'accord ! Et c'est une femme, m'énervais-je de plus belle.
- Pas n'importe quelle femme ! Ne la sous-estime pas ! Haussa-t-il le ton offensé.
Je voulais tout laisser tomber, qu'il cesse de croire qu'il m'est indispensable pour retrouver Michel, mais avec César il n'existe pas de retour en arrière possible. Jamais il ne laissera en vie quelqu'un qui peut dévoiler ses plans.
- Mais pourquoi ? Pourquoi elle ? Insistais-je à cran.
- Parce que je lui fais confiance.
Je tournais en rond, aussi bien physiquement que dans mes pensées qui se bousculaient.
- On parle d'une livraison pour un montant d'un million d'euros Cardini, je dois avoir la certitude que non seulement ça ne s'ébruitera pas mais que ce matos sortira bien du territoire. Et ces documents... Je ne peux pas les mettre entre les mains de n'importe qui, décréte-t-il catégorique.
Il y eut un silence dont le flottement suspect signifiait clairement qu'il avait quelque chose à rajouter mais qu'il appréhendait ma réaction.
- Et ?
- Et Agostini veut que le rendez-vous soit dans le quartier Sud... Confesse-t-il du bout des lèvres.
- C'est de la folie ! Toutes les entrées et les sorties sont bouclées par les forces de l'ordre, j'en viens !
- Je sais, mais les Désaxés sont les seuls à être désarmés et puis c'est son peuple les Méditerranéens, alors...
Alors ce n'est pas complètement bête, le sicilien remonte dans mon estime.
A Istok César peut le descendre incognito sans que personne ne le remarque. Pas pour son fric évidemment, juste par principe pour faire comprendre au type qu'on ne joue pas la carte de l'arrogance avec lui sans en subir les conséquences.
Malin, Agostini a vite compris que pour échapper aux sautes d'humeur de César il vaut mieux se rencontrer sur un terrain neutre.
- Comment on fait rentrer vos hommes sur le territoire des Désaxés avec les postes frontières ? M'informé-je persuadé qu'il a pensé à ce détail.
- On ne les fait pas rentrer, vous serez tout seuls, lâche-t-il l'air beaucoup trop détendu.
De pire en pire !
Certes la bande à Fabio ne possède pas d'armes, mais il ne faut pas croire qu'ils n'ont que des lance-pierres.
S'ils apprennent qu'un demi-million se négocie sur leur territoire sans qu'ils n'en aient été informés et sans rien toucher au passage, on va essuyer une pluie de cocktails Molotov et se retrouver au milieu d'une horde déchaînée.
Bon, le point positif c'est que je dispose de ce dont j'ai besoin pour assurer notre sécurité caché à plusieurs endroits dans l'enclave, dont chez ma mère.
C'est toujours mieux que de se pointer les mains vides.
Mais merde ! C'est quoi cette foutue livraison pour qu'il verrouille tout à ce point ?!
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