03 | Mon Univers
Je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai pleuré en public. Sûrement à l'école primaire, par terre dans la cour. Je crois que pas un jour je n'ai eu les yeux au sec. Avec tout ce que j'ai versé j'aurais pu avoir une mer pour moi toute seule !
Faut dire que j'étais bien naïve si je pensais que mes larmes allaient me ramener mon père ou alléger ma peine. Mais bon, à cet âge-là, on croit aussi au Père Noël, c'est un peu la même chose. Si un inconnu peut te rendre visite une fois par an, alors ton père finira bien par revenir, non ?
Dire qu'il y a des femmes qui pleurent leur ex, preuve qu'il y a des gens qui continuent de croire toute leur vie, quand ils meurent ils espèrent encore.
D'habitude je suis plutôt douée, je garde tout, ça coule vers l'intérieur et puis ça sort plus tard à l'abris des regards, au calme.
Mais cette fois-ci, c'était comme si la voix du prêtre désactivait tous mes stratagèmes. Bon, c'est vrai que ça fait du bien. Et puis a un enterrement on a le droit, alors je me sens un peu moins coupable. Du coup, j'ai commencé à me demander d'où ça venait.
Il se peut que ce soit à cause de Marius, le seul enterrement auquel j'ai assisté. Ça fait longtemps que je ne suis pas allé lui parler, sûrement que ça a réveillé ma culpabilité.
Ou alors c'est à cause de mon cœur plein de la terre où mon père est enfoui. Sa dernière demeure. Un trou béant qui attend son retour pour l'ensevelir une fois pour toute et pour de bon, ce sale traite.
Si je pouvais je te tuerais de mes propres mains, au moins comme ça tu auras une bonne raison de faire le mort et je saurais où te rendre visite !
Je suis constamment partagé entre la conviction que mon père est mort, seule explication plausible à son silence prolongé, et le dégoût de penser qu'il puisse vivre chaque jour sans se souvenir de mon existence tandis que je suis hantée par son absence.
Est-ce qu'on peut oublier son enfant ?
Je veux dire, est-il vraiment concevable que le temps puisse effacer complètement ce souvenir ?
Omnia Fert Aetas* comme sur le tatouage du pirate. Vraiment ? ( *Le temps finit par emporter tout ce qui existe ) Mais alors, pourquoi cela ne fonctionne pas de la même manière pour moi ? Pourquoi est-ce que je ne l'oublie pas ?
Je me dépêche de retirer ces vêtements noirs, et me prépare à passer le reste de la journée à lire sous la couette quand un message inattendu déclenche un feu d'artifice dans mon cœur.
De : 🐯
À : Moi
« Angle à gauche dans 3 minutes piccola »
Je n'en reviens pas.
Il nous a suivi c'est sûr !
Si on nous voit, on est mort !
Combien de secondes j'ai mis pour m'habiller ? Aucune idée. Peut-on appeler ça s'habiller, oui si on considère qu'enfiler un manteau par-dessus un tee-shirt et un bas de pyjama signifie être habillée.
J'attache à la hâte mes cheveux dans un chignon informe, j'enfile une paire de Converses et je descends les escaliers à toute vitesse, le cœur battant d'émotions.
Il est vraiment là !
Il s'arrête, enlève son casque, et dévoile son merveilleux sourire.
- Weeee Kristy Ri' ! Fa mi un bacc Amo* ! Exige-t-il en me montrant sa joue du doigt.
(*fait moi un bisous Amour, en Napolitain)
Puisant dans son immense sourire cette étincelle de vie qui me fait cruellement défaut, je me précipite pour l'enlacer de toutes mes forces.
Dans ses bras, je prends conscience de l'ampleur de ce manque infini qui fait ressurgir les vagues de tristesse en moi.
Ses mains prennent délicatement mon visage, telles des ailes protectrices, tandis que ses yeux lisent à la loupe à travers mes larmes qui stagnent.
- Je suis là, tout va bien, murmure-t-il de sa douce voix rassurante avant de poser ses lèvres sur mon front.
- Je suis désolée Edua, je voulais pas pleurer, je suis contente de te voir... bégayais-je secouée de sanglots en cachant mon visage contre son torse.
- Je sais, je sais, chuchote-t-il. Monte vite avant que quelqu'un nous voit, dit-il en me lâchant à contrecœur.
J'ai à peine le temps d'enfiler le casque et de m'agripper à lui qu'il démarre à fond pour m'emporter loin du tumulte de mon existence.
Joue collée contre son dos, j'oublie tout, je respire de nouveau, je reprends vie et plus rien n'a d'importance tant que je l'ai près de moi.
- T'aurais pu choisir un immeuble avec un ascenseur, souffle-t-il sur le palier du troisième.
- Allez fait un effort, il n'en reste que deux, souriais-je. Tiens tu vas rire, tu sais à quoi je pense à chaque fois que je monte ces escaliers ?
- Que maintenant tu n'es plus obligée de les monter parce que tu vis avec ce connard de Sacha ? Grince-t-il entre ses dents.
- Non, ça c'est pas drôle du tout ! Je préfère vivre seule et monter dix étages que d'habiter avec lui ! Rétorquais-je amèrement. Je pense à César. Quand il est venu sonner à ma porte. Je suis sûre que s'il avait été accompagné il aurait demandé que quelqu'un le porte ! M'esclaffais-je en le contaminant.
Secouée par les rires qui résonnent dans la cage d'escalier, j'ai du mal à déverrouiller la porte. Une fois fait, j'enlève mes chaussures et me laisse tomber à la renverse sur mon matelas adoré.
Eduardo s'assoit à côté de moi, ses doigts glissent doucement dans mes cheveux pour dissiper cette matinée tourmentée.
Nous nous observons en silence pendant de longues minutes. Ce qu'il y a de magique dans nos regards c'est qu'ils sont le reflet mutuel de l'enfant que nous avons été.
Il me voit quand j'avais six ans.
Je le vois quand il en avait sept.
Quand je le regarde je suis incapable de voir autre chose que l'enfant en lui dans un corps d'adulte. Il peut jouer à faire semblant d'être un adulte, parfois le pitre immature ou même le caïd hargneux, et de temps en temps le romantique qui charme toutes les filles qui passent. À mes yeux, il reste le gosse des rues aux cheveux ébouriffés qui passait son temps à taper dans un ballon pour tuer l'ennui.
Celui qui pédalait sur son VTT pour me donner des croissants à travers la grille pendant la récréation, qui venait me chercher à la sortie du collège en klaxonnant sur un scooter volé, ou encore qui s'introduisait la nuit en passant par la fenêtre de ma chambre pendant ses permissions.
Nous n'étions rien l'un pour l'autre, puis nous sommes devenus tout l'un pour l'autre.
Lui, il ne m'a jamais abandonnée.
Il a toujours été là pour éclairer ma vie et dessiner des sourires sur mon visage triste.
On est un peu le point de repère de l'autre. Pour ne jamais oublier qui on est vraiment à l'intérieur et ne pas se perdre dans cette vie d'adulte qui nous dévore.
Mon frère, pas du sang mais du cœur.
Il me fait du bien, c'est presque magique. Une sorte de génie incapable de faire autre chose que des stronzate* comme dirait sa mère, mais un génie quand même.
(*conneries en italien)
- Tu m'as manqué, murmurais-je en souriant tristement.
- Toi aussi. Je viendrais plus souvent...
- Je ne veux pas que tu aies des problèmes à cause de moi, coupais-je lassée.
- Et pourquoi il vous oblige à vivre ensemble ? S'exclama-t-il.
- Il dit qu'il y aura une enquête, pour vérifier si c'est pas un mariage blanc.
- Il a vraiment des idées alakon ! Souffle-t-il un léger sourire au coin des lèvres.
Eduardo ne supporte pas mon union factice avec Sacha. Il ne le supporte pas tout court. Mais il sait aussi que remuer le couteau dans la plaie n'accélérera pas les jours, et n'effacera la culpabilité que je ressens d'avoir accepté.
- Au moins tu n'es plus obligée de vivre dans ce placard à balais, ironise-t-il pour dévier de sujet en observant mon bric-à-brac. J'ai jamais compris pourquoi t'as choisi cet appartement !
- Quand t'as pas de garants, pas de fiches de paye et pas de tunes, tu prends ce qu'on te propose et tu fais pas le difficile.
- Quand t'es la préférée de César tu peux vivre dans la maison qu'il t'a achetée, rétorque-t-il dans un clin d'œil.
- Prêtée, rectifiais-je, pour mes études et je ne suis plus étudiante, lui rappelais-je.
Il sait tout aussi bien que moi que cette maison était un cadeau empoisonné pour me garder sous surveillance.
- Tu sais, j'ai pas encore posé mon préavis. Je crois que je vais garder l'appart, mais je dois trouver un autre boulot pour payer le loyer, soupirais-je.
Je lui raconte brièvement la folie qui m'a pris l'autre jour et qui a fini par me coûter ma place.
- Tu vas vraiment faire des CV, des entretiens d'embauche et tous ces trucs là ? S'étonne-t-il beaucoup trop exagérément pour que sa question soit innocente.
- J'ai pas vraiment le choix, c'est comme ça que ça fonctionne dans la vraie vie...
- Pourquoi tu t'obstines à vouloir être comme tout le monde ?! Demande à César n'importe quel travail, tu gagneras dix fois plus !
Nous y voilà, une fois de plus...
Il trouve inconcevable que j'ignore cette main providentielle qu'eux tous se seraient empressés d'attraper et de ne plus jamais lâcher.
Mais contrairement à eux, je ne veux pas de ce père de substitution. Je ne PEUX pas le vouloir, car il me renverrait encore plus fort l'absence, l'échec et les manquements de mon propre père.
Et ça, je ne suis pas prête à l'admettre.
Cependant, je me suis bien gardée de le dire, car Eduardo se sentirait trop coupable de l'avoir sous-entendu, lui qui a trouvé en César ce qu'il a toujours cherché et qui sait combien mon père compte pour moi.
- Je m'obstine à vouloir être comme eux car je ne l'ai jamais été et parce que la vie des gens normaux est tranquille, répondis-je sur le ton de la confidence.
- Ouais... ennuyeuse surtout, fit-il en levant les yeux au ciel.
- C'est bien l'ennui ! C'est calme, il n'y a pas de risques, pas de danger, pas de barreaux aux fenêtres, énuméré-je sarcastique.
- Pas de fric non plus, rétorque-t-il un sourire en coin.
Le fric... Comme si tu pouvais éponger les larmes et le sang avec des billets de banque.
Ça ne peut même pas racheter le temps perdu...
Ne l'écoutez pas, il ne fait pas ça pour le fric, c'est faux. Il peut raconter ce mensonge à des inconnus pour frimer, mais pas à moi. Un peu bien sûr, comme tout le monde, mais la vérité c'est qu'il le fait surtout pour les femmes.
Sa drogue à lui se résume aux femmes. De tous les signes, sous toutes les formes, dans toutes les nuances. Eduardo aime les femmes et les femmes l'aiment. Faut dire qu'il a un sourire, on en fait pas deux des comme ça.
Mais ces connes préfèrent les voyous, comme si on ressentait plus de frissons à se faire charmer par un criminel que par un employé, faut vraiment rien connaître à ce milieu pour croire ça.
T'inquiète que tu vas frissonner, mais de trouille quand tu vas voir la vie que c'est derrière le décor.
Les stigmates bleus des menottes qui encerclent ses poignets attirent mon attention.
Je ne peux m'empêcher de passer tendrement mon index dessus pour que les traces disparaissent de sa peau. En vain. Elles restent obstinément ancrées, me rappelant que je suis impuissante face à ça. Cette part de lui qui se plaît à vivre dangereusement dans l'illégalité pour pouvoir réaliser son rêve.
- Edo, tu sais, je me disais... Si on veut on peut arrêter tout ça, avant qu'il ne soit trop tard.
Du revers de la main, il caresse avec douceur ma joue, le regard chargé d'affection.
- Bientôt toi et moi on partira vivre au bord de la mer, je te le promets, murmure-t-il.
- J'espère.
Quand nous étions petits nous parlions sans arrêt de notre envie d'aller voir la mer. C'était un peu obsessionnel.
Certains mômes voulaient devenir riches ou célèbres, nous on voulait juste aller à la mer.
Ça signifiait les vacances. Celles que l'on n'avait pas. Ça voulait dire sortir des murs de nos maisons où résonnent les cris et les coups, pour être remplacés par le bruit des vagues. Ça avait l'odeur de la liberté et des horizons infinis.
Depuis, la mer c'est le seul futur vers lequel je me projette.
- T'as vu Jack ?! Demandé-je soudain.
- Ouais, elle boude depuis que tu es partie, j'ai voulu la ramener mais tu la connais...
- Viens on va la voir, comme ça j'embrasse ta mère en même temps, ça fait longtemps que je l'ai pas vue et j'ai faim, fis-je dans une moue suppliante.
Si vous saviez les plats que sa mère cuisine, un pur bonheur.
- César va...
- Bordel, vous avez que ce prénom a la bouche ! Y a encore trois mois je faisais ce que je voulais et maintenant vous êtes tous là à me dire « César veut, César a dit, César va pas être content... ». C'est pas mon père et j'ai pas six ans !
Insupportable cette liberté qu'il nous ampute jours après jours ! Tout le temps une nouvelle interdiction. Pas se voir à Istok, pas trop se voir à Paris, et pas non plus dans le quartier latin. Le ter-ter d'Eduardo situé au Sud de la capitale, dont la frontière touche le domaine de César.
Je la sentais bien la colère envers moi-même et j'aurais aimé avoir cet éclair de lucidité avant de m'engager dans ce bourbier.
Mais qu'est-ce que c'est comparé à Eduardo ? Il a tout fait pour s'extirper de la pauvreté de son enclave et César l'oblige à y rester. Il souhaite faire des désaxés ses alliés.
Vous savez ceux que l'Etat a désigné comme étant « hors de l'axe républicain » ce qui lui permet de les maltraiter et d'étouffer toutes leurs revendications.
Etant donné qu'Eduardo rêvait de servir César c'était pas très compliqué de le convaincre d'y rester en lui promettant une place au soleil au bout du tunnel.
L'emmerdant c'est que nous ne pouvons plus nous voir librement. Lier César à autre chose qu'Istok représente un risque, et maintenant que je suis sa belle-fille : "Ce qui vaut pour moi, vaut pour mon fils et pour toi"
Très rassurant quand on sait quel genre de cible il représente.
- T'as raison, on va plutôt rester ici, abdiqué-je pour ne pas le tenter.
Si je le pousse à transgresser, il finira par céder, et au moindre problème, il se reprochera de ne pas m'avoir tenu tête et prendra toute la responsabilité. Après on va s'engueuler inutilement, j'ai horreur de ça.
- Ils livrent encore à manger ici ? S'étonne-t-il.
- Non, ça fait un mois que les barricades les empêchent de rentrer. Mais au numéro 134 y a une famille d'arméniens qui fait du libanais, ça te dit ?
Il hocha la tête plutôt d'accord.
Je vis dans un quartier qui n'appartenait à aucune association criminelle. Enfin si la plus grande de toute : l'Etat.
Depuis quelques mois la colère du peuple gronde, alors ils ont investi les rues et plus personne n'ose rentrer dans mon quartier.
Naïvement je l'ai choisi car je me suis dit que s'il y a bien un endroit au monde où César ne viendra pas, c'est là. Erreur de débutante. J'aurais pu m'installer à l'Hôtel Beauvau où vit le plus grand flic de France, notre cher ministre de l'intérieur, qu'il n'aurait pas hésité à venir me chercher.
Deux heures plus tard, le panier coulissant accroché à ma fenêtre apporta avec lui la délicieuse odeur épicée de notre repas qui nous mit KO.
Vous ne pensiez quand même pas que je descend cinq étages à chaque fois que j'ai besoin de quelque chose ?!
Allongée sur le dos, les yeux fixés au plafond, tandis que je fume ma cigarette et qu'Edua fait le café, je repense à cette drôle de semaine que je viens de passer...
- Y a un nouveau qui travaille pour César. Cardini. Qui c'est celui-là ?
- Il a fait la division, répondit-il en déposant les tasses sur la table basse.
- Ah ouais ?! M'exclamé-je réveillée par la curiosité. Raconte !
Eduardo m'expliqua qu'il venait du Sud. Là-bas son père travaillait pour César. Et puis sa famille a migré en banlieue. Il a grandi avec sa mère et son frère dans le même quartier qu'Eduardo.
Évidemment pour remplir le frigo il a suivi le chemin de son hérédité, de la rue jusqu'à la délinquance qui l'a menée directement derrière les barreaux de l'EPM. (*établissement pénitentiaire pour mineurs)
Il paraît que c'est parce qu'il a tué quelqu'un, vrai ou faux, ils sont nombreux à inventer quelque chose de sordide pour se faire valoir.
Au bout d'un certain temps, il a bénéficié d'un aménagement de peine. Dix ans de formation médico-militaire dans les forces armées. C'était en plein dans la période des grands soulèvements. L'Etat avait besoin de bras alors il venait se servir directement dans les prisons. Au bout de sept années, les caisses se sont vidées et il a été remercié.
A son retour, César l'a tout de suite réintégré.
Un militaire formé à la médecine de guerre on en croise pas tous les jours. Il devait être franchement bon dans ce qu'il fait car seule une catégorie de personnes peut se permettre d'être directement propulsé au service rapproché de sa majesté.
- Mais ça reste un traître ! Pesta Edua en écrasant rageusement son mégot. Il n'a rien à faire à Istok !
- Ne me fait pas croire que tu aimes l'ordre, tu es jaloux qu'il travaille avec César ? Le taquiné-je en pinçant sa joue.
Eduardo à toujours eu une immense estime pour César. Mille fois, il a essayé de lui prouver sa valeur en faisant tout - surtout n'importe quoi. Il rêve du jour où il pourra enfin proclamer qu'il travaille pour César depuis plusieurs mois.
- J'aime pas les traîtres, c'est tout, grince-t-il. De toute façon bientôt le Sud et l'Est ne feront plus qu'un, et ce jour-là César aura un empire grâce à moi !
- Et bah débrouille-toi pour lui filer les clefs de son empire avant 2033, parce que passé ce délai je resterais pas là, le prévené-je en me levant.
Ses projections m'agacent, elles me chuchotent un peu trop fort que de son côté cette existence n'aura jamais de fin !
J'ai pas fait un pas que ses bras bronzés entourent aussitôt ma taille pour me faire basculer sur lui.
- On est en train de faire des grandes choses Kristy...
- Ça ne m'intéresse pas du tout ! Gigoté-je dans le vain espoir de me dégager.
- Le gouvernement va tomber, c'est sûr ! Cette fois c'est la bonne !
- Ça fait vingt-deux ans que j'entends ces conneries ! Et pour être remplacé par quoi, hein ? La loi du plus fort ? Celui qui tire le plus vite ? Je ne veux pas de cette vie là !
- C'est quelle vie que tu veux toi ?
Un immense sourire illumine instantanément son visage, car il sait déjà ce que je vais dire. Il pose la question en connaissant parfaitement la réponse que je vais lui donner, simplement pour le plaisir de l'entendre.
- Moi je veux l'Italie ! Sourié-je.
- Jamais entendu ce mot, fit-il dans une moue faussement ignorante.
- Tu n'as jamais entendu parler de la Toscane ?! Ouvris-je des yeux ronds.
Il secoue la tête négativement en se retenant de rire et me libére pour que je puisse lui expliquer.
Debout, je me mis à raconter mon rêve et les innombrables éléments qui le composent. Pendant de longues minutes, je décrivais en italien devant ses yeux aussi pétillants que du San Pellegrino, les collines aux teintes dorées, les oliveraies, la terre d'argile et le turquoise de la Mer Adriatique.
Mon amour pour l'Italie avait le goût du tiramisu et de la pizza. Une mélodie du bonheur composée par Ennio Morricone,. Des robes légères, pieds nus dans l'herbe sous un soleil brûlant et du linge qui sèche au vent. La Dolce Vita est vraiment belle dans ma tête, presqu'autant que dans le film de Fellini.
Et puis, les mots se perdent, la magie retombe et le rideau se baisse annonçant le dur retour à la réalité.
Désabusée, le cœur serré, je m'assois tout près de lui car il est celui qui me rapproche le plus près de mon rêve, et il m'enlace dans sa chaleur.
- Heureusement que tu es là, mon Napolitain préféré, souriais-je.
- Heureusement que tu es là, ma gitane des Balkans préférée.
Ma main se posa sur son cœur, là où il s'est fait tatoué une tête de tigre.
Petit chaton qui a besoin de se sentir comme un félin, immortel et invincible. Qui se doit d'être fort et courageux depuis qu'il est petit pour survivre dans cette jungle humaine où les mal-nés comme lui, comme moi, doivent jouer un rôle pour survivre; et faire des choix qui ne sont pas ceux de leurs cœurs.
Heureusement cette vie dans sa grande médiocrité sait parfois nous envoyer quelqu'un pour nous rappeler qu'elle mérite d'être vécue.
Alors je lui fis encore en silence la promesse qu'un jour on vivra une autre vie, loin, très loin de ce qu'il idéalise à tort. Peut-être que cette réalité n'existe que dans mon imaginaire, mais je rendrais ce rêve réel.
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Ce chapitre est un peu plus long que les autres, mais comment faire autrement puisqu'il fait la part belle à ce nouveau personnage : Eduardo !
J'espère qu'il saura conquérir votre cœur
et que vous en avez appris un peu plus sur Kristina.
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