Chapitre 41

J'atterris lourdement sur les fesses en râlant. Julien et Benjamin font un malheur avec leur électricité.

Nous avons trouvé un lieu loin de tout et couvert par les arbres. Et quand il fait gris, nous nous y rendons pour travailler. Lily, Benoit, Estelle et moi devons faire face aux neuf autres. C'est dur, car l'eau de Benoit conduit le courant et les deux piles adverses ne nous ratent pas. Nous controns cet aspect par moi qui congèle l'eau. Benoit est bon pour la manipuler, au point de pouvoir en faire des serpents qui s'enroulent sur nos adversaires, sauf que je ne parviens jamais à les solidifier longtemps, Charlotte les faits fondre. Boris nous renvoie l'eau dessus et nous prenons le courant. Estelle grâce à son don d'empathie sait qui va attaquer, mais elle est loin de percevoir autant de nuances que Laurent et son aide est minime. Quant à Lily, elle a trouvé un moyen d'empêcher certaines choses de la blesser, elle parvient même à atténuer le jus que nous prenons si elle nous touche. Pour ma part, je n'ai pas besoin de mes mains pour m'occuper de mon don, Estelle non plus, mais les deux autres oui, ce qui limite beaucoup nos mouvements, car Lily n'a que deux mains. À quatre contre neuf, nous nous faisons submerger. Le corps à corps est musclé. Laurent, Martin et Cyril nous laminent.

Et nous finissons tous les quatre cloués au sol sur le tapis épineux où trônent quelques bogues de châtaignes.

— Encore. Même configuration, déclare Cyril en se relevant de la pauvre Estelle.

— Fais chier, bougonné-je.

Nos adversaires ont deux télépathes, ils peuvent tout savoir et communiquer sans que nous n'en sachions rien.

Le vent de Jennifer se lève et nous oblige à nous abriter les yeux. Ils ont déjà commencé, ils ne nous épargnent rien et ne nous offrent même pas l'opportunité d'ouvrir le bal. Au lieu de leur donner froid comme la fois d'avant et permettre à l'eau de Benoit de geler, je décide de faire le contraire. Je pénalise tout le monde, même ma propre équipe.

Martin qui n'apprécie pas de commencer à avoir chaud, m'envoie sa corde lestée de bouts de ferrailles aux extrémités. Je saute pour l'éviter, sauf que cet enfoiré l'attire à lui et elle s'emmêle dans mes jambes au retour.

Je tombe lourdement au sol. Mon ami ne va pas apprécier la suite, mais je saisis chaque bout de son lasso improvisé et les fais fondre. La vulgaire corde séparée du reste ne lui sert plus à rien. Il peste, m'arrachant un sourire. Il est limité, je me suis déjà mise pieds nus tout à l'heure, je n'ai plus rien de métallique sur moi. Il n'est utile qu'au corps à corps désormais, mais il ne peut pas encore approcher.

Lily tient la main de nos deux autres coéquipiers alors que la température augmente jusqu'à faire évaporer l'eau du sol qui se transforme en brume. Cet aspect nous handicape aussi, car eux peuvent toujours savoir ce que nous tramons et nous non, mais tout geler n'a pas fonctionné non plus. Donc je tente le tout pour le tout. Les deux électriques ne peuvent plus se servir de leur don, Charlotte tente de faire une boule de feu pour me l'envoyer dessus, mais elle ne me distingue pas, en plus si elle me rate, tout pourrait prendre feu. Mais cet état ne dure pas, le vent de Jennifer et le manque d'eau au sol font se dissiper la brume et nos adversaires chargent.

J'esquive et tente d'immobiliser Jennifer, sauf que Julien me saute dessus. Je parviens à le maîtriser, durant trois secondes, avant d'être à mon tour maintenue au sol et d'y rester.

— On peut pas vous battre, s'exaspère Lily en se relevant.

— C'est clair, surenchérit Benoit. Nous n'avons que deux dons offensifs. Et vous six.

— Je sais, mais le but, c'est d'apprendre à prendre le dessus, même un court instant pour pouvoir fuir ou laisser du temps aux autres. On est déjà certains d'être en infériorité numérique quoiqu'il arrive quand ils nous retrouveront. Il faut simplement qu'on teste le plus de scénarii possible, même si on sait que c'est mal engagé, il faut essayer.

Une moitié hoche la tête après le discours de Cyril, mais l'autre est dubitative, moi la première. Sauf que pratiquer ne peut pas nous faire du mal, donc je me relève prête pour le prochain assaut.

Cette fois, je fais équipe avec Martin et Laura, contre tous les autres.

— Quelqu'un m'explique pourquoi je suis toujours celle du côté des moins nombreux ! commenté-je en grimaçant.

— Tu exagères, se moque Benoit.

Je soupire, consciente que l'équipe que nous formons n'a rien de complémentaire. Laura nous est inutile parce que Cyril va tout entendre.

Sympa le compliment, commente cette dernière.

Désolée. Tu comprends ce que je veux dire.

— Personne ne porte de métal et t'as bousillé mon outil, m'apostrophe, Martin.

Sans avoir le temps de lui répondre, j'esquive une salve électrique et récupère sa corde et les bouts de ferrailles que j'en ai détachés. Je fais monter la température proche de moi pour esquiver l'eau sans avoir à bouger, pendant que je m'atèle à rendre l'outil réutilisable, mais le vent de Jennifer me balaie les pieds et je tombe lourdement vers l'avant. Heureusement, j'ai terminé, même si c'est grossier.

— Dana ! m'avertit Laura à voix haute.

Une des boules de feu de Charlotte me vient droit dessus. Je gèle la surface de ma peau et encaisse l'onde de choc qui me fait tomber plus loin. Nous sommes encerclés par nos amis et manque de chance pour moi, j'ai échoué dans le périmètre de Boris. Ce dernier me sourit victorieusement avant que je ne décolle du sol. Il m'immobilise en l'air, mes deux camarades sont débordés, même si Laura est devenue redoutable pour esquiver et que Martin avec sa grosse carrure et son outil tout juste retrouvé donne du mal à Cyril.

Je me focalise sur Boris et suis désolée d'avance, car j'ai entrepris de lui donner très, très froid. Ça ne rate pas, il grelotte et je commence à vaciller dans les airs. Je ne le ménage pas, car je sais que sans y aller à fond il parvient à contenir ma capacité. Son souffle devient court, il tient bon même en tombant à genoux. Mais il perd en précision et finit par me libérer de sa poigne télékinésique. Je lui saute dessus, mais suis interceptée par Charlotte qui me repousse dans les bras de Laurent. Laurent qui tente depuis tout à l'heure de me démoraliser avec sa capacité, sauf que depuis la dernière fois, je parviens à le contrer sans même y penser. Mais il n'a pas besoin de son don pour prendre le dessus sur moi. J'esquive quelques coups avant de finir par me manger une droite et de perdre de vue le reste du terrain d'entraînement, ce qui m'est fatal. Cyril guettait l'ouverture et m'immobilise. Je tente de déchaîner mon froid, mais il s'installe dans ma tête et prend les commandes de mon corps.

En nage, je suis libérée et reprends mon souffle sans bouger du sol. Les télépathes sont ceux que je crains le plus, un contact et la partie est finie, s'ils savent faire comme Cyril. Laura en est encore loin, mais qui sait ce qui se passe au Centre. Parce que même seule, je peux lutter contre l'électricité et empêcher la zone d'impact d'être trop conductive. Cette technique n'est pas tout à fait au point, mais j'y travaille, comme celle qui me permet de protéger mes amis de la même façon que moi du feu. Par contre si Cyril me touche, il peut me faire perdre connaissance où s'approprier mon corps. J'espère qu'il n'y aura pas une armée de télépathe quand ils nous retrouveront...

Une fois dans notre maison, les filles se replient dans une salle de bain et les garçons dans une autre.

— C'est un enfer les scratchs qu'on a mis sur ces maudits soutifs ! se plaint Estelle. Ca gratte !

— Oui, mais si on veut éviter à un manipulateur du métal de nous déstabiliser, on ne peut pas faire autrement, répond Lily.

Laura est la première sous la douche pendant que moi et les autres nous nous enlevons les épines de sous les pieds et d'ailleurs.

— Vivement qu'on ait des chaussures sans rien qui s'aimante, commenté-je en désinfectant ma plante ensanglantée.

— Demain, Laura et Martin vont aller en acheter, me rassure Lily. Tu veux que je te soigne.

— Non, je survivrai, merci, lui souris-je.

— Ça m'entraîne.

Je cède, comme les autres. C'est vrai que comme nous elle doit pratiquer le plus intensément possible pour devenir meilleure.

Son intervention picote. Elle se charge même de mes bleus, c'est un peu fatigant, mais je me sens rapidement mieux.

— Il est vraiment fabuleux ton don Lily, s'enthousiasme Charlotte.

L'intéressée fait un pauvre sourire en réponse.

— Elle se sent inutile, nous éclaire Laura en se séchant.

Lily la regarde, interloquée.

— Tu n'es pas la seule à devoir pratiquer, s'excuse-t-elle. Et tu n'es pas inutile, personne ne l'est. On est tous un peu paumés, si ça peut te rassurer.

— La preuve, ça m'a fait disjoncter, l'autre jour, dis-je pour enfoncer le clou.

Elle nous remercie et les conversations divergent sur les garçons. Laura est partie préparer à manger et tout le monde parle de son rapprochement avec Julien. Ils sont mignons tous les deux et ça me fait plaisir de voir cette part de normalité qui prend ses droits au milieu du chaos de nos existences. Benoit et Martin ne sont pas qu'amis aussi apparemment, mais ils ne le montrent pas et je crois que tout le monde respecte ce point. Ils ne sont pas les seuls à avoir ce genre de cachoterie. Estelle et ses beaux yeux bleus ont déjà fait craquer Jennifer et Lily. J'espère quand même qu'au fil du temps, les émois de chacun ne causeront aucun problème, car depuis le départ de Thomas, j'ai toujours la crainte que d'autres décident de faire cavalier seul. Cette idée en taraude certains, mais ils l'expriment rarement et jamais frontalement.

Secrètement, je souhaite que nos entraînements dans les bois nous soudent et empêchent quiconque d'avoir envie de partir. Nous sommes plus forts à treize que séparer en petit groupe. Et même si tout le monde s'entraîne pour se défendre, j'ai le secret espoir qu'ils finissent par accepter la possibilité de se rendre au Centre pour secourir les autres et mettre un point définitif à toute cette folie. Quand nous serons prêts. Ce qui est loin d'être à l'ordre du jour.

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