Chapitre 30

— Dana ! s'exclame Lily en me secouant.

Je ne comprends pas ce qui se passe, mais j'ouvre un œil.

— Ça a marché, soupire Lily. Écoute, Dana, il faut que tu arrêtes de tout geler.

En effet, je réalise que ses dents claquent et qu'elle s'est recouvert les mains d'une veste. J'ai obéi à son ordre sans le vouloir, simplement en revenant à moi. De toute évidence je n'ai plus de jus, mon don de défense a drainé ce qu'il me restait.

Je suis allongé à l'arrière d'un camion militaire à même le sol. Quand j'essaie de me redresser, je remarque que je suis enchaînée par mes quatre membres. Je tourne la tête pour comprendre ce qui arrive, surtout qu'un bruit sourd semble couvrir tout le reste. Dehors, au travers des portes ouvertes, je vois un énorme nuage de poussières et de feuilles qui tournoie autour du véhicule.

— Jennifer nous protège, m'informe Cyril. Ils ont fait venir un camion spécial pour nous enfermer dedans, quitte à ce que tu nous congèles avec toi. Ils ne pouvaient pas démarrer les autres véhicules tu as réussi à geler leur carburant apparemment.

Je suis déboussolée.

— Dana, réchauffe un peu l'atmosphère, on va crever d'hypothermie ! hurle Martin.

J'essaie. Fort. Je manque m'évanouir, mais impossible de mobiliser mon pouvoir.

— Désolée, j'en suis incapable.

Tu ne peux même pas te détacher ? demande Cyril dans l'intimité de nos esprits.

Non.

En plus tu aurais du mal, de ce que j'ai perçu dans leurs esprits, les chaînes sont en Tungstène.

Et ? dis-je.

La fusion de ce métal est très élevée.

Merde. Et en plus, je ne suis même pas en mesure de faire cuire un œuf. Ces enfoirés de militaires m'ont piégé, en plus avec ma position inconfortable je ne vois rien. Je suis épinglée sur une plaque que j'imagine très difficile à faire fondre. Ils avaient prévu leur coup. Je tire sur mes liens à m'en faire mal, je me sens oppressée.

Tous mes amis s'agitent, mais je ne peux pas voir dans mon dos ce qu'ils trafiquent, car mes mouvements sont très restreints par le support qui me retient prisonnière. Je ne peux même pas tourner la tête.

— Putain ! Heureusement, qu'ils avaient du matos pour luter contre Dana, remarque Martin. Au moins, on peut se couvrir.

Plusieurs abondent dans son sens. De ce que je comprends de leurs échangent ils sont en train de se changer et discutent de la suite. Je suis épuisée et incapable de faire quoi que ce soit pour les aider. Mais j'essaie de me tortiller pour me dégager, même en sachant que c'est vain. J'essaie de ne pas paniquer, sauf que d'être complètement piégée m'angoisse.

— Repose-toi, me conseille Lily. Je peux pas t'aider à récupérer des forces, tu vas pouvoir compter que sur toi pour te libérer.

Si Charlotte avait eu le temps de s'entraîner, je pourrais compter sur elle, mais elle risquerait de me faire exploser la tête ou de me carboniser si mon corps ne parvient plus à produire assez de froid pour me préserver.

— Préparer vous à fermer les portes ! cri Cyril. Martin, fait en sorte de dégager le passage dès que tu y verras, il ne faut pas qu'on percute un véhicule. Soyez vigilant, ils s'attendent à ce qu'on agisse comme ça. Ils n'ont pas encore de quoi se protéger des capacités magnétiques, mais ils y travaillent.

— C'est bon pour moi, annonce Laurent, me faisant comprendre qu'il est au volant.

— Go ! s'époumone Cyril.

Les choses se passent vite, Laura et Julien tirent sur les portes et à ce moment précis Thomas saute à l'extérieur du véhicule.

— Laissez ! ordonne Cyril. On continue le plan. Il avait décidé de nous quitter depuis longtemps, il attendait le bon moment. Il a plus confiance en eux qu'en nous.

Les impacts de balles assourdissent nos discussions et nous vrillent les tympans. Il y a aussi les puissants bruits de taule à l'extérieur. Notre véhicule chasse un peu durant les virages. Certains de mes amis, pas préparés à ces brusques mouvements me marchent ou me tombent dessus.

C'est la goutte de trop. Je me sens étouffer. Et je tente de me libérer, à chaque chaos je bouge à peine, la sensation m'oppresse de plus en plus. Je suffoque !

Ça va aller, Dana. Laurent est à deux doigts d'abandonner la conduite pour t'aider, il n'arrive pas à se concentrer sur les deux, mais on a besoin qu'ils nous conduisent loin d'ici.

Je sens mon cœur percuter impitoyablement le métal contre lequel je suis plaquée, je me fous de ce que dit Cyril. J'étouffe !

Désolé, murmure-t-il avant que le noir me capture.

Je reprends conscience et panique en sentant que je suis entravée, puis les derniers évènements me reviennent en mémoire.

C'est bon, Dana. On a semé les militaires. Bien que je les soupçonne d'avoir une balise GPS sur le véhicule. C'est moi qui viens de te réveiller. J'avais pas envie de te forcer à dormir, mais tu empêchais Laurent de nous sortir du piège. Respire. Comment tu te sens ?

Je veux me débarrasser de ces maudites chaînes ! dis-je.

Tu en es capable ? Car pour être honnête, il va nous falloir abandonner le véhicule pour en trouver un autre.

Je sens que j'ai retrouvé un peu de force, mais je ne sais pas si j'arriverais à faire fondre mes entraves. Je réponds honnêtement à Cyril.

Fais de ton mieux, déclare-t-il.

Je ne peux pas voir son visage, mais j'ai senti qu'il était contrarié. Les autres sont loin, je suis tout au bout du camion.

— Tu peux pas t'occuper de ses attaches ? demande Boris à Charlotte.

Ce dernier est accroupi devant moi et regarde les serrures.

— Non, répond tristement Charlotte. Je vais tout faire exploser si je tente ça.

— On a cherché les clefs, me confie Boris. Même si Cyril nous a avertis que les gardes ne les avaient pas et qu'elles n'étaient qu'à leur QG. Et évidemment, on n'a rien trouvé. Tu vas pouvoir faire fondre ?

— Je ne pense pas, lui confié-je.

Le silence se fait dans l'habitacle, là où avant certains discutaient de ce qu'il allait advenir de nous.

— Je vais essayer, vous devriez reculer.

Je mobilise tout ce dont je suis capable et l'exsude par chaque pore de ma peau. L'air ondule rapidement autour de moi. Mes habits fondent. Mais le métal reste enserré autour de mes membres. Je tente de tirer dessus. Sauf que rien ne se passe.

Je hurle de frustration dans une vaine tentative où j'envoie tout ce que j'ai.

— Allez ! m'encourage Boris.

Le souffle court, j'abandonne. Je n'ai même plus la force de parler.

— Putain, dommage qu'on n'ait pas une espèce de musclor qui pourrait arracher tout ça ! s'énerve Boris.

— Je suis pas sûre que ce soit un pouvoir possible, lui répond Laura.

— Purée ! Ça devrait. Y'aurait qu'à tirer et CLAC !

Et en même temps que son onomatopée un de mes fers cède et s'ouvre.

— Bah merde ! Bien joué Dana ! s'enthousiasme-t-il.

— C'est pas moi.

— C'est toi ! s'émerveillent certains de nos camarades.

— Quoi ? Non ! Je serais quoi ? Un musclé du cerveau ! Ce serait ridicule.

— Ça s'appelle de la télékinésie, espèce de nouille, commente Laura. Concentre-toi et termine de la libérer !

— Je sais pas comment j'ai fait.

Je suis dépitée et frustrée. Je ne peux même pas les voir, ils sont dans mon dos, car il y a peu de place entre moi et la porte. Tout le monde y va de ses conseils pour guider Boris et lui permettre de réitérer trois fois de plus son exploit. Il tente beaucoup de choses. Il répète la phrase et les gestuelles qu'il avait prononcées, mais rien. Certains le frappent pour essayer de l'énerver, la méthode échoue aussi.

Notre camion s'arrête et j'ai toujours trois membres entravés.

— Partez sans moi, dis-je. On va pas tous se faire chopper qu'à cause de moi.

Je pense vraiment ce que je viens de leur demander. Surtout que j'imagine qu'ils essaieraient de me récupérer peut-être un jour. Certains n'ont pas encore leur don, les militaires ne seraient pas capables de tout envisager et j'aurais mes chances. Si on se fait tous avoir, ils ne laisseront plus rien au hasard et nous ne reverrions jamais la lumière du jour, s'ils ne nous tuent pas.

— Laurent, Charlotte et Boris vont rester là. Nous pendant ce temps, on trouve un nouveau moyen de transport et on va voler ce qui nous manque et qu'on a perdu. Pendant ce temps, vous vous débrouillez pour que Dana soit libre. On te laisse pas, Dana ! T'as pas intérêt à laisser tomber, déclare Cyril.

Les mots de mon ami me touchent. Surtout que tout le monde abonde dans son sens et me donne chaud au cœur.

Les trois qui sont restés avec moi tentent de trouver une idée pour me détacher. Sauf que le don de Boris ne se remanifeste pas.

— Charlotte, fait péter cette merde ! Tant pis si je suis blessée ou que je meurs ! m'énervé-je.

— Ça va pas ! s'indigne-t-elle.

— Ou alors on peut essayer d'embarquer la plaque ! Elle semble avoir été ajouté après coup dans le camion. J'ai même l'impression qu'elle a bougé, intervient Laurent.

— Ouais ! Merde, t'as raison constate Boris.

— C'est sûrement toi, Dana. Tu as dû réussir à faire fondre les soudures de la plaque au véhicule.

— Même si je fais tout fondre, si vous ne la soulevez pas avant que ça ne refroidisse elle va se souder à nouveau.

Laurent fouille dans je ne sais quoi et je demande aux autres ce qu'il fabrique.

— Il cherche dans le matériel s'il n'y a pas quelque chose pour résister à la chaleur, m'explique Charlotte.

Boris ne dit plus rien et le clac d'une de mes attaches s'ouvre à nouveau.

— Ohhhhh ! J'ai compris ! hurle-t-il tout excité.

Et en effet, même si c'est long, il finit par me libérer entièrement. Par contre, il est complètement exténué. Laurent le soutient, alors que Charlotte s'occupe de moi qui n'en mène pas large non plus.

J'ai pu enfiler une des tenues qui trainait dans les coffres qui encadraient la porte qui menait à la cabine de pilotage. L'intérieur du véhicule était tout métallique et blanc. Les mêmes couleurs aseptisées que ma cellule avant de rejoindre l'entraînement militaire. Il va falloir leur conseiller de prendre un décorateur d'intérieur, c'est déprimant.

Nous marchons depuis plus d'une heure, la nuit est tombée et la futaie est tellement épaisse que nous ne voyons pas à trois mètres. Boris et moi sommes enfin aptes à avancer seuls, heureusement, car sans voir les aspérités du sol il est difficile pour tout le monde de demeurer droit sur ses jambes.

— Mais où sont les autres ? m'inquiété-je.

— Ils se sont dirigés au sud. Dans le GPS du camion, on a vu que la civilisation était plus proche de ce côté-là.

—Plus proche ? Mais à combien ?

— Une soixantaine de kilomètres m'informe Laurent.

Je ne réponds pas, je réalise que les autres ne seraient pas revenus et que Boris, Charlotte et Laurent étaient prêts à prendre le risque de se refaire capturer avec moi. Je suis émue.

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