Chapitre 23

— Ne bougez pas, déclare-t-il en avançant pour saisir l'arme de poing de l'homme le plus proche de lui.

C'est Cyril, en chair et en os. Je suis ébahie et il me faut quelques secondes pour me reprendre :

— Où est l'autre ?

— Il est là, répond Cyril à leur place.

Un peu hébétée par tous les évènements, je m'approche de la cellule et la déverrouille.

Laurent est en caleçon, sanglé à une table, de drôles d'appareils lui tiennent les yeux ouverts. Des sillons en partie secs de ses larmes sont visibles sur ses joues.

— Misère, Laurent !

J'entre en trombe et lâche mon arme pour me dépêcher de le libérer. Des images diffusées sur le mur en face de lui et des messages se succèdent. Ils essayaient de lui laver le cerveau, peut-être qu'ils ont réussi, je n'ai pas la moindre idée du temps qu'il a passé ici.

Le premier bras désentravé il se débarrasse des appareils qui lui écartaient les paupières. Il n'a pas assez d'amplitude pour détacher son autre main, mais il gère son buste alors que je vais à ses jambes.

Dépêchez-vous.

Tu me parles vraiment dans ma tête? finis-je par demander dans mon esprit en espérant ne pas être ridicule.

Oui, mais les explications, plus tard.

Ce n'est plus des explications qu'il me faut à ce stade. J'ai encore le sentiment que mon univers prend un virage à cent-quatre-vingts degrés. Mais Cyril à raison, il faut d'abord trouver un moyen de se sortir de cet enfer.

— Ouvre toutes les cellules, il y a un boîtier, là-bas, m'ordonne Cyril.

Laurent a ramassé l'arme que j'avais laissé tombée et pour contrecarrer le froid mordant, lui et Cyril font se déshabiller nos otages pour leur piquer leurs fringues.

Un gros bip résonne dans tout l'étage quand je parviens enfin à appréhender comment fonctionne le tableau de commande.

— Du renfort arrive, annonce Laurent au même moment.

Le temps que j'ouvre, ils ont obligé le troisième mec à se dénuder avant de l'enfermer dans une des chambres. Au départ, je ne comprends pas bien pourquoi. Puis je vois onze autres élèves sortir des cellules. Ils sont tous hébétés.

Je suis larguée, comment nous sommes supposés faire maintenant ?

— Prends les habits, ordonne Cyril à Lily qui fait partie des personnes que j'ai libérées, puis il s'adresse à moi. Je leur ai tout expliqué par l'esprit. J'ai synthétisé que nous étions des rats de labo et qu'ils allaient finir par nous tuer. Mais qu'avec nos dons nous pourrions sortir, m'éclaire-t-il.

Je ne connais personne intimement, mais es visages et les prénoms me sont familiers. Ils se sont tous rassemblés près de nous. Ils grelottent dans leur chemise d'hôpital. Je me concentre pour réchauffer l'atmosphère, le froid polaire n'est plus nécessaire.

— Tu devrais te ménager, me souffle Laurent en s'approchant.

Des soldats arrivent à ce moment-là. Ils nous encerclent et sont couverts comme des pots de miel. Ils ont même des lunettes, comme celles que l'on met au ski. Vicieuse, j'augmente encore la température. Laurent, Cyril et Lily n'ont enfilé que les habits militaires et pas les protections contre le froid, ils souffriront moins que nos adversaires.

Tu es si forte.

Les compliments ce sera pour plus tard, explique-moi ce qu'on fait maintenant! On est cernés et personne ne parle.

Ils ont reçu l'ordre de nous contenir, sans nous tuer si possible. Je fais le tour des douze autres pour connaître leurs capacités et voir ce qui pourrait nous aider.

Ils sont que huit pour le moment! Plus on entend, plus ils seront nombreux! le pressé-je.

Nous sommes finis.

— Je me rends, déclare Laurent en s'avançant vers un côté du couloir.

Éberluée, je le regarde se diriger jusqu'aux soldats. Il a les mains en l'air. Cyril ne lui prête aucune attention, il est concentré vers les militaires qui bouchent l'autre bout du couloir. Je ne comprends pas ce qui se passe.

Les hommes armés face à Laurent baissent leurs fusils. Ils sont confus. Du côté de Cyril, certains secouent la tête et s'avachissent, d'autres paraissent perdus, mais ils ne nous tiennent plus en joue.

Vient m'aider, sans mouvement brusque.

J'obéis à Cyril et me rapproche de lui. Je ne comprends pas comment être utile. Mais Laurent et lui semblent savoir quoi faire.

Laurent désarme un premier milliaire en douceur, avant que les autres se rebiffent. Mais je n'ai pas le temps d'en voir plus, car Cyril me donne le signal pour immobiliser les quatre dont il s'est occupé. Nos compagnons nous aident. Puis Cyril passe toucher chacun des soldats qui semblent s'assoupir aussitôt.

Les onze adolescents, encore en pyjama d'hôpital, se débrouillent pour se vêtir avec les fringues des hommes endormis et surtout se saisissent de leurs armes. Aucun ne sait s'en servir, il n'y a que Laurent et moi qui avons appris. Je suis équipée aussi, mais même si j'ai les connaissances pour utiliser ces appareils, je ne me pense pas capable d'en faire usage.

Cyril n'a pas l'air en forme par-dessus le marché, il a dû trop tirer sur la corde de son don.

— Ils sont en train d'envoyer des hommes avec des gaz soporifiques. Mais suivez-moi.

Sans l'ombre d'une hésitation nous lui emboitons le pas, moi juste derrière lui et Laurent qui ferme la marche.

Cyril s'engouffre dans une porte grâce à un des badges récupérés. Le passage est vide. C'est un long couloir qui semble coincé entre deux pièces. Il nous faut franchir une nouvelle porte pour en sortir.

Comme tout le reste de ce complexe de malheur, les murs sont gris. Elle est chichement meublée. Elle ressemble à une salle de repos, il y a même une machine à café.

Laurent a claqué le battant métallique et défoncé le panneau de lecture de cartes magnétiques.

— Je ne sais pas si ça les empêchera d'ouvrir. J'aurais peut-être dû casser celui de l'autre côté avant de fermer, déclare-t-il en haussant les épaules. Par contre, comment ça se fait qu'on ait rencontré si peu de soldats ?

— C'est la nuit, la plupart dorment et ils ont reçu l'ordre de s'équiper en conséquence, et l'armurerie pour les cas spéciaux est située au dernier sous-sol, sourit Cyril. Il faut bloquer le passage, je suis trop loin, je n'entends plus les pensées de personne, mais il faut être prudent.

Laurent et d'autres commencent à débarrasser la table, quant à moi je m'approche de la porte et applique mes mains sur les gonds, avant de chauffer. Ils vont être obligés de la trouer s'ils veulent passer et avec le bordel que mes camarades amassent devant, je leur souhaite bien du courage.

— Ils peuvent arriver par les escaliers internes aux quartiers des soldats, c'est leur seule possibilité. C'est aus...

Cyril s'effondre et Laurent aussi.

Je secoue l'un puis l'autre. Je les frappe. Je panique. Les adolescents sont confus pour la plupart, surtout ceux qui n'avaient pas découvert leur don. Je sais que Cyril leur a expliqué succinctement les choses en partie par télépathie, mais ils sont complètement largués. Je ne peux pas compter sur eux.

J'octroie un violent coup de poing à Laurent, en espérant qu'il revienne à lui, mais rien. Sauf que c'est là que je remarque son mouchard, il n'est plus comme le mien. Et Cyril a le même.

J'essaie de tirer sur les deux extrémités, mais rien à faire.

— Qu'est-ce que tu fais ? me demande Jennifer.

— Je crois que c'est les boucles d'oreilles qui les ont drogués, il faut les leur enlever.

Tout le monde s'agite et tente de détacher le petit appareil. Il me faut faire preuve de patience pour leur expliquer qu'ils n'ont pas le même que les deux autres, car sinon nous piquerions tous un somme.

Au cas où les engins aient encore des surprises en stock, il nous faut les mettre hors d'état. J'ai une idée, mais j'ai peur de blesser mes amis, sauf que le temps presse et je n'ai pas dix ans pour trouver un autre moyen.

Je pose un doigt de la main droite de chaque côté de la petite puce et je laisse la gauche au-dessus de l'oreille. Quand le froid se fait sentir, je chauffe le métal. Il est plus résistant que le mien à croire qu'ils ont anticipé.

Le mouchard me semble enfin meuble, j'imagine que tout a grillé à l'intérieur, mais je ne prends pas le risque et tire sur un des bouts. La moitié vient, faisant par la même se détacher la seconde sur l'arrière du lobe. Lobe recouvert d'une trace circulaire de brûlure, mais le reste de l'oreille semble intact. Elle est simplement rouge.

J'applique le même traitement au mouchard de Cyril. Je sue, utiliser autant mon don commence à me fatiguer.

J'ai à peine fini que du bruit se fait entendre derrière la porte.

— Qu'est-ce qu'on fait ? murmure plusieurs jeunes au milieu des cris.

— Il faut porter Cyril et Laurent le temps qu'ils reprennent connaissance. Suivez-moi.

Je n'ai pas la moindre idée de ce que je fais, ni d'où je vais. Cyril savait par où fuir. Moi pas. Mais pour le moment, l'entrée étant assiégée, nous prenons la seule autre sortie. Il nous faut remonter à la surface. Cyril a parlé d'un escalier, c'est ce que nous allons chercher. J'espère ne pas faire fausse route.

La pièce de repos que nous venons de quitter donnait sur un couloir desservant plusieurs portes. Elles sont toutes sur le même mur qui nous a vus arriver. Il semble n'y avoir personne. D'un pas rapide nous parcourons le couloir qui tourne à angle droit. J'ai mon arme à la main, mais je souhaite ne pas en avoir besoin quand nous franchissons le virage. Et j'ai de la chance, il n'y a toujours personne.

À force d'avancer, et après avoir pris un nouveau coude à quatre-vingt-dix degrés, je remarque une porte sur le mur qui était nu jusqu'à présent. C'est la seule munie d'un lecteur de cartes. Si j'étais des militaires, je protègerais la sortie de la sorte. J'espère que mon raisonnement tient la route.

J'applique le badge sur la machine. Le bip résonne, le voyant passe au vert et la poignée ne m'offre aucune résistance quand je l'actionne.

J'entrebâille le battant et je jette un œil à l'intérieur. C'est une cage d'escalier, plus petite que celle que nous empruntons tous les jours et elle n'est pas jumelée à un ascenseur. Je fais signe à tout le monde de passer. Une fois que c'est fait, je repense à la réflexion de Laurent et casse de plusieurs coups de crosse le lecteur du côté du couloir que nous venons de quitter. Je laisse notre côté intact, au cas où nous devions revenir de toute urgence, même si du coup nous serions faits comme des rats.

— Il nous faut monter, chuchoté-je pour ne pas que ma voix porte. Le plus silencieusement possible !

Mes camarades obéissent. Je ferme la marche. Il n'y a que vingt niveaux sous nous et il me semble entendre du bruit. J'ai peur de voir débarquer tout un régiment de soldats, armés jusqu'aux dents.

Laurent et Cyril émettent des grognements. J'espère qu'ils vont vite se réveiller pour prendre les choses en main, car je n'ai pas la moindre idée de ce que je fais.

Sur les paliers plus haut des échos des ordres hurlés nous figent. Un visage passe par-dessus le parapet et nos regards se croisent. Je suis trop loin pour discerner ses traits, mais, malgré tout, je suis sûre que nos yeux se sont accrochés. À peine a-t-il disparu que j'entends à nouveaux crier.

— Qu'est-ce qu'on fait ? me demande un des garçons de tête.

— Il nous faut sortir et la seule façon c'est de remonter à la surface. Des hommes sont en train d'entamer l'ascension et d'autres vont descendre. Soit on va jusqu'en haut et on se défend coûte que coûte, soit on pénètre dans un étage en espérant réussir à se cacher.

— Ça ne nous dit pas ce qu'on fait ! reprend Jennifer.

Leur attention est dirigée vers moi. Ils attendent que je choisisse. Mais je n'en sais rien ! Je suis une ado tout comme eux. Je n'ai jamais eu l'étoffe de vivre tout ça. Je n'ai rien demandé. Mais ma décision peut nous condamner. Nous ne jouons plus là. Nous faisons face à des gens armés qui magouillent des choses dont je n'ai pas idée. Et nous faisons parties de ces « choses ».

— Qui a un don et sait s'en servir ? questionné-je à la cantonade.

— Je génère du vent, déclare Jennifer.

— Fort ? Longtemps ?

— Assez pour clouer une paire de minutes quelqu'un contre un mur.

— Qui d'autres ?

— J'aimante le métal, se manifeste Martin (si je ne me trompe pas de prénom) en m'arrachant l'arme des bras.

— J'électrocute les gens qui me touchent quand j'ai peur, dit Benjamin. Mais je ne sais pas si c'est utile.

— J'ai la capacité de télékinésie, mais moi aussi je ne sais pas m'en servir, ajoute Laura.

— Dommage que personne n'ait le pouvoir de guérison, d'eau ou d'explosion, finis-je par déclarer, alors que mon cerveau tourne à toute allure.

— Jennifer, tu fermes la marche et tu repousses les mecs qui montent dès que tu le peux. Il faut qu'ils restent le plus loin de nous possible. Martin, tu désarmeras ceux devant nous si tu peux.

Le bruit du métal des escaliers résonne au-dessus de nos têtes, les soldats approchent. J'entends même le grésillement de leur talkie-walkie.

Du métal !

Ces escaliers ne sont pas en béton, mais en métal.

— Changement de plan ! Jennifer tu passes devant aider à repousser. Allez-y avancez. Je gère ceux de derrière.

Je fais monter la pression en moi, jette mon arme un peu plus haut sur les escaliers et me mets à quatre pattes pour fondre le sol. Mais ce n'est pas assez rapide. À travers la grille, je les vois. Ils sont deux étages en dessous, beaucoup trop proches. Je fais quelque chose que je n'ai jamais tenté avec ma capacité de chaleur, je l'exsude comme je le faisais avec le froid. J'ai conscience que je vais sûrement passer au travers le sol, sauf que je ne vois pas d'autres solutions pour être rapide. J'essaie de pousser mon pouvoir au-devant de moi. Mais mes chaussures fondent.

À un mètre sous mes yeux le métal se met à rougir. Plus. Plus fort. Plus étendue.

Je hurle alors que je donne tout ce que j'ai. Je visualise une énorme vague digne d'un tsunami me quitter. Elle est bouillante et parcourue de milliers de courants qui s'entrechoquent.

Tout un pan de l'escalier à quelques centimètres de mes pieds s'affaisse. Il ne s'est pas détaché, sauf la rambarde qui est tombé plus bas dans un bruit sourd ponctué de rebonds. Mais les militaires sont coincés. Des volutes de chaleur s'échappent du métal surchauffé.

Je me détourne pour rattraper les autres. Mais les reliefs de mes chaussures me collent au sol. Quand je regarde mes pieds, je comprends que tous mes habits ont brûlé, je suis nue, recouverte de filaments fondus et je tousse, car la fumée m'irrite la gorge. J'étais tellement focalisée sur ma tâche que je n'ai rien vu.

Je force et finis par m'extraire de ma prison, sauf que j'ai présumé de mes capacités. Je suis à bout, mes membres tremblent. Je préfère mourir que me faire à nouveau attraper. Alors je me pousse davantage.

Les militaires tentent de me tirer dessus. Et même mes amis en avant essuient quelques tirs. C'est la fin. Puis tout cesse.

Ils ont pris de l'avance, je ne vois pas ce qui se passe. Je rampe pour monter ces foutues marches, alors qu'il reste encore vingt-cinq paliers avant la surface.

Je contemple des armes dégringoler dans le vide, un poids me quitte. Ils s'en sortent et personne ne peut venir d'en dessous de moi. Peut-être que nous allons y arriver. Ou du moins eux.

Dana?

Cyril?

Où tu es?

Je suis encore en train d'halluciner, dis-je alors que je sens mes ultimes forces me quitter.

Dana?! Je ne te vois as! panique-t-il.

— Oh purée ! Dana !

Je lève la tête, alors que je n'avais même pas conscience que je m'étais allongée contre le métal froid. Laurent est chancelant, mais il descend jusqu'à ma hauteur.

— Relève-toi !

— Je peux pas, désolée. Il faut que vous partiez. Même si c'est compliqué et qu'il leur faudra du temps, ils vont trouver un moyen de contourner les marches fondues !

Laurent ne m'écoute pas et se penche pour m'attraper par un bras et me relever.

— Arrête ! J'ai sommeil. J'en peux plus.

Je ne me défends pas, je n'en ai pas l'énergie. Laurent aussi n'est pas bien reluisant. Il s'accroche à la rambarde comme il se cramponne à moi pour me traîner de force derrière lui.

Péniblement, nous rejoignons les autres qui n'arrivent pas à faire reculer les soldats désarmés qu'ils leur font face.

Laurent m'abandonne près de Cyril, qui est réveillé aussi, mais pas au meilleur de sa forme. Puis il se dirige entre les deux camps.

— Laissez-nous passer ! Je n'aurais aucun scrupule à vous buter, déclare-t-il.

— Il bluffe, hurle un des chefs qui semble commander l'unité devant nous.

Heureusement, ce sont des soldats sans don, sinon nous serions mal lotis.

Laurent arme le pistolet à sa ceinture et tire sur le chef sans sommation.

— Je ne vous ai pas tué, pour le plaisir de voir la tête que vous feriez en réalisant que vous ne m'avez jamais cerné. Bougez ! crie-t-il au reste des soldats.

Je n'ai jamais vu Laurent comme ça, sa colère semble lui donner des ailes, ses pas s'assurent au fur et à mesure qu'il se rapproche du barrage d'êtres humains qui nous coupe de la liberté.

Deux types lui sautent dessus. Au premier contact, ils reculent comme s'ils avaient pris la foudre. L'effroi sur leur visage et les cris silencieux qu'ils veulent pousser en se repliant me déclenchent des frissons.

Laurent est en train de manipuler leurs émotions pour qu'ils aient la plus grosse peur de leur vie.

Et en effet, même si Laurent n'est pas au top au corps à corps et qu'il reçoit quelques coups, chaque personne qui a le malheur de le frôler se carapate. Certains pleurent et supplient.

Quand les vingt soldats sont hors d'état de nuire, il nous fait signe d'avancer. Mais au lieu de nous suivre, il se penche vers le chef et le touche à son tour. Et même si je sais que c'est mal, je jubile de le voir hurler de terreur. Nous n'existons plus pour tous ces gens qui vivent le pire moment de leur vie.

— Ça ne va pas durer longtemps, me confie Laurent en arrivant à ma hauteur. En plus, ça m'a épuisé, je ne pourrais refaire ce tour de passe-passe dans l'immédiat.

— Je m'occupe de la suite, sourit Cyril en prenant la tête de notre groupe.

Tous les treize nous le suivons. Il essaie de tenir la cadence, mais c'est compliqué pour moi. J'ai retrouvé mon souffle, sauf que je ne suis plus bonne à rien. Il me faut du repos.

Laurent m'épaule alors qu'il n'est guère mieux.

— Nous sommes attendus à la surface ? demandé-je.

— Il y a des gens, mais il fait nuit et ils ont perdu du temps à calfeutrer le camp et les fenêtres des chalets, donc il y a peu de monde. D'après ce que m'a dit Cyril.

— Ils ne veulent pas que les autres sachent...

— Eh non. Nous sommes une quantité négligeable comparé à tout le vivier qu'ils ont dans leur prison... C'est pour ça qu'ils vont essayer de nous abattre... Mais Cyril dit qu'il a un plan et qu'il a assez de force pour le faire fonctionner. Ça va aller, je te protègerais de toute façon. Je suis fatigué, mais je sens encore les humeurs des gens sur plusieurs mètres.

— Protège-toi, toi.

La montée des marches me paraît interminable, mais nous parvenons enfin devant une porte qui refuse de s'ouvrir, et ce, malgré tous les badges que nous avons.

Martin finit par tenter en usant son don d'arracher tout le métal et il y arrive, juste avant de tourner de l'œil. Il n'a jamais vraiment eu la possibilité de s'entrainer c'est déjà un miracle qu'il soit aussi doué.

Celui qui m'avait signalé savoir électrocuter les gens, le soulève et le passe au-dessus de son épaule. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de lui.

— Quand je vous le dis, vous vous mettez à courir tout droit, ne vous arrêtez pas. Ils vont peut-être tirer, mais ils vont vous rater.

Cyril donne le coup d'envoi et nous déboulons tous à l'air libre. C'est assez extraordinaire que personne n'hésite et que tous nous lui fassions confiance.

La nuit est fraîche et sent le sous-bois mouillé. Il fait sombre et je remarque qu'une petite bruine tombe. Je savoure ce premier instant hors de ce tombeau en béton. Puis je cours. Du moins j'essaie. Car sans surprise, Laurent, Cyril et moi sommes à la traîne. Entre les drogues qui les ont endormis et nos dons que nous avons usé jusqu'à la corde, nous sommes à bout.

— Plus vite ! nous adjoint Cyril entre deux souffles.

Le bruit des coups de feu se répand dans la nuit et je distingue à la périphérie de ma vision quelque flash lumineux, mais en effet les soldats ne semblent pas viser correctement. De plus ils sont gênés par les quelques arbres qui entourent le complexe. Nos camarades ont déjà sauté dans les bois. Je ne parviens pas encore à comprendre exactement ce qui se dessine devant nous, mais il semble y avoir une sorte de ruisseau ou du moins une pente qui nous sépare de la forêt.

— Merde ! s'exclame Cyril en me tirant violemment par le bras.

La douleur de sa poigne n'est rien comparé à celle qui me traverse le muscle de l'épaule. Je gémis et tombe.

— Désolé Dana, il était trop loin. Je n'ai compris que trop tard qu'il te visait à toi, déclare-t-il à bout de souffle.

Laurent me ramasse sans me ménagement et après quelques pas, sautes en bas du remblai qui donne sur la forêt, suivit peu après de Cyril. Je me tiens le bras et ne fais aucun effort pour faciliter mon transport. C'est à peine si je prends conscience de ce qui m'entoure. Je lutte pour ne pas tourner de l'œil.

— Leurs hélicoptères sont cloués au sol à cause de la météo. Ils devront suivre à pied, mais ils ont peur de nos dons. Et surtout, de celui de Dana, c'est pour ça qu'ils l'ont visé. Par contre, on va être coincés, je comptais sur elle pour geler un fleuve qui se trouve quelque part plus loin et qu'on le traverse.

— On se débrouillera sans ça, réplique Laurent.

— Oui, nous avons le temps, notre évasion les a complètement pris de court.

Nous finissons par rattraper nos amis d'infortunes. J'ai froid. Sans mon don, je suis démunie face aux éléments. Une personne s'est délestée d'une veste pour me la passer. Maintenant que l'adrénaline les a désertés, beaucoup ont du mal à avancer, car ils sont pieds nus. Ou plus précisément en chaussettes, parce que ceux qui ont trouvé chaussure à leur pied ont cédé les chaussettes. Il n'en demeure pas moins que le sous-bois se fiche d'un mince rempart de coton et leur meurtrit les pieds. J'en entends qui comme moi claquent des dents. Je ne peux pas croire que nous nous reprendrons.

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