Chapitre 16

Ma peau pu le chlore, elle tire. Je déteste les séances en piscine. Surtout qu'autant les garçons que les filles détaillent tout le monde. Tous ces regards qui pèsent sur mon corps quand je sors de l'eau me filent des frissons de dégoût.

Je rejoins le banc où patientent les autres.

— Qui peut dire ce qui manquait à la nage de Dana pour qu'elle améliore son temps ? demande Lena.

— Son impulsion n'est pas optimisée, elle remonte trop tôt à la surface.

Je jette un regard à Cyril et j'espère qu'il sent que je n'aime pas son intervention. Depuis qu'il est au centre et qu'il a repris du poil de la bête, il brille dans tous les sports. Et comme c'était le cas au collège, tout le monde le bade. À croire qu'il n'y a pas de justice, j'aurais apprécié que les choses soient différentes pour ne pas avoir l'impression de revivre les mêmes choses qu'avant.

Lena continue d'énumérer ce que je dois améliorer pour être plus performante. Sauf que je m'en fiche. Je n'aime pas les leçons à la piscine et encore moins de devoir passer les chronos sous les yeux de tous.

C'est au tour de Cyril et il explose le meilleur temps qu'il détenait déjà. Son crawl était parfait et Lena demande aux autres de lister ce qu'il a bien fait. La réponse est évidente, comme d'habitude il a tout bien exécuté. C'est horripilant !

Le court se termine enfin.

— Dana !

Je me retourne vers Cyril et ne prends pas la peine de répliqué.

— Je ne voulais pas te fâcher.

— T'en fais pas pour ça. Ce n'est pas comme si c'était important, tout le monde t'admire, tu t'en remettras.

Cyril m'attrape par le bras pour que je m'arrête.

— Putain, on a la chance d'être tous les deux. Pourquoi t'es tout toujours si froide ?

— Je... J'en sais rien. Tu es trop parfait, c'est saoulant, je pensais au moins avoir échappé à ça. Mais même ici les filles, elles passent leur temps à parler de toi !

Les yeux marron de Cyril me transpercent. Il ne sait pas quoi dire, mais pour une fois que j'ose lui dire les choses, je ne m'arrête plus :

— Prends pas la grosse tête, hein ! Elles ont d'autres mecs qui leur plaisent, mais vu qu'elles savent que je te connaissais avant, elles me parlent de toi. Sauf qu'on n'a jamais été amis et je m'en fous de toi et de tout ce que tu fais. Donc ouais, c'est pas ta faute, mais ça me gave. Donc si tu pouvais t'abstenir de commenter mes catastrophes sportives, j'apprécierais.

— T'es loin d'être si nulle. Et c'est toi qui n'a jamais voulu qu'on soit amis. Si je venais à la cantine, tu changeais de table ! Et tu ne me répondais jamais en cours !

— À la cantine ! Te voir tripoter ta copine du moment pendant que je mange ! Non, merci. On a vu assez d'horreur pendant la guerre. Et ta pitié en cour quand je m'en sortais pas, je n'en voulais pas non plus.

— Purée ! C'est fou d'être autant sur la défensive ! Je ferais des efforts, mais j'espère que tu en feras aussi pour t'apercevoir que c'est simplement par gentillesse que j'agis.

Je lève les yeux au ciel et le laisse planté-là.

La lumière et le son strident me font bondir du lit.

Je ne m'y habituerais pas. Et j'ai trop peu dormi.

Pourquoi il a fallu que je rêve de Cyril ? J'ai envie de pleurer, il ne méritait pas de crever. Même s'il me saoulait souvent... Surtout que nous avions fini par devenir amis. Nous n'étions pas fusionnels, mais nous rigolions bien quand nous nous retrouvions ensemble. Il était plus humble que ce que je m'étais imaginé et surtout, il n'avait jamais conscience de toutes les filles qui l'admiraient. Je pensais qu'il faisait semblant au début, mais non. Il était terriblement naïf.

Il me manque. Je ne lui ai jamais avoué que si je le détestais et que si je le fuyais à l'époque c'était parce que, comme les autres, j'étais complètement obsédée par lui. Et que j'étais jalouse de mes amies.

Je ne sais pas ce que ça révèle de la qualité de mon « amitié », mais bon, j'étais un peu leur bouche trou et leur faire valoir. Quand d'autres se moquaient de moi, souvent mes soi-disant amies se mêlaient au groupe. Donc l'un dans l'autre, ce n'est pas bien grave. Et c'était une vie différente.

Je me dépêche de rejoindre un des points d'eau. J'ai la surprise d'y trouver Laurent. Sauf qu'il est du côté des garçons et que je ne me vois pas me retrouver au milieu des mecs.

Sa présence attire pas mal de regard, le matin il y a peu de changement, à part moi qui vais parfois dans une des pièces où personne ne se trouve quand j'ai la motivation d'aller loin. Ce qui n'est clairement pas le cas aujourd'hui avec le peu de sommeil que j'ai eu.

Je suis bousculée et me rattrape in extremis. Je m'amende d'avoir été au milieu et me retourne. C'est Camille, elle se rend à gauche. Elle ne m'a pas répondu et pas présentée d'excuse, même si c'était ma faute de m'être arrêtée dans le passage.

Juste pour l'embêter, car je sais qu'elle va s'en rendre compte, je vais avec les garçons. Il y a une douche de libre de chaque côté de Laurent, les autres mecs n'ont pas osé s'approcher. Peut-être qu'ils ont cru que les vieux allaient venir. Ça m'arrange. Au lieu d'être blessée et de me morfondre du comportement de Camille, je me sens forte et sur un petit nuage.

Laurent m'offre un sourire quand je rejoins le jet à côté de lui. D'habitude je passe aux toilettes avant ma douche, mais je n'y ai pas pensé. J'espère avoir le temps après, je me sens idiote. Tout ça à cause d'un garçon. Je suis pathétique, mais je ne peux pas m'empêcher de lui rendre son sourire. Je croise les doigts pour que la chute ne soit pas trop rude.

Au réfectoire, je m'installe à nouveau en face de lui, personne ne fait de remarque sur ma présence. Avoir trouvé ma place m'enlève un poids que je n'avais pas conscience de porter. Le simple fait de ne plus être seule m'insuffle un peu de courage.

J'entame à peine mon fruit que le chef Girard entre. Il est accompagné de deux autres instructeurs. Ils ne nous donnent pas leur nom, nous devons les appeler « chefs ». Ils sont tous interchangeables de toute façon, avec leurs fringues, leurs coupes et leurs comportements identiques.

— Votre attention. D'autres vont vous rejoindre petit à petit et nous allons nous retrouver devant un problème. Une décision a donc été prise. Dès demain, vous serez tous appelés par vos numéros et seulement comme ça. Vous devrez aussi faire l'effort entre vous pour écarter toute confusion. Vos vêtements seront changés dans la journée, le numéro de votre chambre sera cousu sur le devant et sur le col derrière pour éviter toute méprise. La première semaine nous serons magnanimes si des prénoms vous échappent, mais par la suite il y aura des sanctions. J'espère que je suis clair.

— Oui, chef ! déclarons-nous en cœur.

— Bien. On se retrouve en salle des machines.

L'horreur ! Ils vont nous déposséder de la dernière chose que nous avons amenée avec nous de l'extérieur. Nos prénoms. Enfermés ici, nous ne savons même pas quel jour il est. A la surface, nous fêtions encore les anniversaires, nous n'avons même plus ça. Et maintenant, nous devenons des numéros.

Je deviens Cinquante-six.

Certains s'en amusent, d'autres font semblant de bien prendre la nouvelle. J'espère moi aussi donner le change, même si Laurent ne doit pas être dupe. Je mange mécaniquement mon laitage tout en laissant mon regard se déplacer de table en table et récapituler les numéros de chambres que je connais.

Émilie chambre quatre, Martin son acolyte la trois et après je ne sais pas. Je ne connais que la cinq celle de Laurent, la vingt-trois celle de Camille et la cinquante-cinq celle de Thomas-triste-mine. Heureusement que ce sera écrit en gros sur nos habits.

— J'espère que tu prendras pas la grosse tête ! s'exclame Malou à l'intention de Quentin.

— Jalouse d'être Deux, alors que je suis Un ? s'amuse-t-il.

Voilà qui répond en partie à mes questions. Je détaille Quentin. Je ne m'étais jamais attardée sur lui, mais j'ignorais qu'il était le premier. Je n'ose penser à ce qu'il a traversé d'être seul au début. C'est peut-être pour ça qu'il fait le pitre, il compense. Il a un profil singulier à cause de son nez crochu, mais ça ajoute à son côté comique quand il nous offre une moue espiègle après une de ses bêtises.

Il se penche vers Laurent.

— Tu ne pues pas toi ? Je suis étonné, on t'a pas vu à la douche ce matin. Tout le monde était triste de ne pas pouvoir se rincer l'œil.

Laurent lève les yeux au ciel avant de répondre :

— Purée ! Encore ces remarques puériles sur mon corps ! Je n'y suis pour rien si je me suis développé plus tôt que vous. Maintenant que vous commencez aussi à changer, j'avais espéré que vous me lâcheriez la grappe, ne t'étonne pas si je vais prendre mes douches ailleurs.

— C'est pour ça ? s'enquiert Zelda.

— Non, c'est les autres qui me gonflent avec leur cirque, c'est bruyant et si tu ne prends pas garde tu risques de te manger un truc en pleine poire. Esquiver des projectiles de bon matin, non merci.

— Je te comprends, déclare Théo. Mais bon, ça les fait gagner si on fuit et ils occuperont tout le territoire.

— Si ça peut leur faire plaisir, je m'en fiche, répond Laurent en haussant les épaules.

Je suis soulagée de ne pas avoir attiré l'attention et pris de réflexion à cause de l'absence de Laurent.

— Dana, c'est le cinquante-six, c'est ça ? me demande Malou.

— Oui. J'espère que les numéros de tout monde seront écrits en gros, dis-je.

— J'imagine. Nous on a eu le temps de voir les gens arriver dans l'ordre, c'est pas pareil. On se fait même des paris sur les dons des nouveaux. Ça nous occupe, mais toi pour le moment, tu es unique.

Je la regarde sans comprendre.

— T'es la seule à manipuler la glace. Plusieurs autres savent gérer la flotte comme Émilie ou moi. Mais la glace, il n'y a que toi. Ça aussi ils pourraient nous le mettre sur les fringues, s'amuse-t-elle, parce qu'à force on va être largués !

Je n'ose pas dire que je le suis déjà. C'est à peine si j'ai le prénom de chacun d'entre nous et il va me falloir y ajouter un numéro. Pour les dons, je sais à peu près à cause des entraînements. Mais je n'avais jamais réalisé que j'étais seule avec ma capacité, mais ce n'est pas exceptionnel, c'est aussi le cas de Laurent. Et de toute façon, ceux qui ont des pouvoirs similaires ne parviennent pas à en faire la même chose. Malou arrive manipuler une énorme quantité de liquide avec beaucoup de force, mais elle a du mal à canaliser celle ambiante contrairement à Émilie.

Je ne peux pas réfléchir davantage qu'il est l'heure de partir dans la salle des machines.

J'ai tout juste le temps de me mettre derrière mon vélo qu'un militaire ouvre la porte.

— Cinquante-cinq et Cinquante-six, visite médicale.

J'évite de montrer mon entrain, mais je suis heureuse d'échapper un peuà l'entraînement, surtout que ça diminue le risque de finir puni. Mais je n'aipas apprécié d'être déjà appelée par mon numéro. Sauf que je vais devoir m'yfaire.

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