Chapitre 1 - Te revoir

Gabriel Agreste s'était toujours senti à part.

Très vite, il se rendit compte que la grande majorité des gens était stupide et avait de basses aspirations. Quand ils en avaient. Généralement, ils se contentaient de ce qu'ils avaient et se battaient bec et ongles pour le garder, même si ce n'était que des miettes. Mais, lui, il aspirait à beaucoup plus que des miettes.

Issu d'un milieu modeste, le futur styliste de renom travailla dur pour entrer à la prestigieuse faculté de stylisme à la Cité des Arts. Il se fit rapidement remarquer par ses enseignants pour son esprit créatif et son style unique. Tout aussi rapidement, il s'attira l'inimitié et les jalousies de ses camarades de promotion. Ce n'était pas grave, les amis et les sorties étaient une perte de temps. Il avait mieux à faire, des ambitions à réaliser.

L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Qu'à cela ne tienne, il est à l'école à la première heure tous les matins. Sauf le weekend, les locaux sont fermés. Sinon, il vivrait presque sur place si on l'y autorisait. On se moque de lui. On le traite de drogué du travail. Il le prend comme un compliment. Ce n'est pas en lambinant qu'on obtient ce qu'on veut.

Ils le persécutent, lui volent ses affaires, détruisent ses prototypes. Rien ne l'atteint. C'est, au contraire, la preuve qu'il est sur la bonne voie. Bien que totalement tordue, c'est une forme de reconnaissance de la part de ses pairs. Plutôt que de s'élever à son niveau, ils cèdent à la facilité en voulant le rabaisser au leur. Si humain. Et si pathétique.

Il sort diplômé avec les félicitations du jury et réussit à décrocher son premier emploi avant son obtention. C'est une prestigieuse maison de couture où il fait ses armes, emmagasine de l'expérience et crée des contacts. Au bout de cinq ans, il fonde sa propre maison. Il savoure le moment où ses initiales ornent la porte de son premier atelier. Il est petit mais ce n'est que le début.

Les premiers temps sont durs. Il se rend vite compte qu'il ne peut tout faire lui-même. C'est la mort dans l'âme que Gabriel engage des stylistes pour le seconder. Trois sont virés en l'espace d'une semaine. Ce sont des incompétents, incapable de comprendre sa vision. Il leur transmet en détail ce qu'il veut et ils réussissent l'exploit de tomber à côté à chaque fois.

Gabriel gagne rapidement une réputation d'irascible, de tyran et de bourreau de travail. Il est à l'atelier tous les matins à six heures, y compris le samedi et le dimanche. C'est à ce moment-là, avant que les employés arrivent, dans le silence matinal qu'il réfléchit le mieux, qu'il dessine avec un enthousiasme et une satisfaction sans commune mesure. 

Et que dire du moment où le tissu est découpé puis assemblé et enfin porté par un mannequin. C'est ça, la vraie magie. Créer avec son esprit puis en faire quelque chose de réel et de tangible. Bien qu'intraitable, Gabriel récompense généreusement le bon travail de ses employés. La loyauté n'a pas de prix dans le monde de la mode. Tout y est aussi éphémère que les tendances et les collections qui ponctuent l'année d'évènements auxquels il doit se montrer. Ce dont il se serait volontiers passé. 

Il doit faire l'épouvantail, ou bonne figure. Nous sommes à l'ère de la communication, lui dit justement la directrice de la communication. De mauvaise grâce, il s'y soumet. Il a du succès mais c'est quelque chose qui se cultive, il ne peut se reposer sur ses lauriers. Il développe sa maison en créant des marques accessibles aux bourses plus modestes, ainsi que du parfum et du maquillage. C'est un succès triomphant, sa fortune grandit à vue d'œil, les tapis rouges sont déroulés sur son passage.

C'est lors d'une énième soirée, un gala de bienfaisance, qu'il rencontre Émilie. C'est une jeune actrice comme on rencontre des dizaines mais dont la carrière ne décolle jamais. Mais d'après ses collègues, elle a du talent ainsi qu'une carrière prometteuse. C'est son agent et son producteur qui la lui présentent. Ils souhaiteraient que le "grand styliste" crée les vêtements qu'elle portera pour son prochain film. Ce n'est pas la première fois qu'on l'approche ainsi et il avait bien l'intention de refuser comme pour les précédentes...

Mais c'était sans compter sur l'effet presque hypnotique que ses yeux verts ont sur lui. Il reste sans voix devant l'air radieux et, presque, ingénu de cette jeune femme. Elle est intimidée par la réputation et l'allure revêche de Gabriel. Celui-ci se surprend à engager la conversation avec elle et à faire l'effort de se montrer aimable. Elle se détend et ils discutent de choses et d'autres. Émilie est intelligente, vive d'esprit et très drôle. Pour la première fois de sa vie, Gabriel trouve un intérêt à entretenir une relation avec un autre être humain qui n'ait pas de rapport direct avec son travail.

Il hésite beaucoup à lui proposer un rendez-vous galant. Finalement, il se jette à l'eau. A sa plus grande surprise et à sa plus grande joie, elle accepte. Un deuxième, puis un troisième et encore un autre. Autant que ses tournages le lui permettent. Dès qu'elle a un instant de libre, elle le passe avec lui. Pour la première fois de sa vie, Gabriel se sent comblé. Elle a amené le soleil dans sa vie qu'il n'imaginait pas si morne et sans couleurs. Ses collections s'en ressentent. C'est sa période "kaléidoscope". C'est une débauche de couleurs et de formes plus farfelues que les autres. Tout le monde aime.

Gabriel Agreste est amoureux. Et ça lui fait tout bizarre. Déjà parce que ça ne lui ait jamais arrivé auparavant, ensuite parce qu'il ne sait pas quoi faire. Audrey Bourgeois, celle qui l'a  aidé à lancer sa carrière et meilleure amie d'Émilie, l'encourage à la demander en mariage. Il ne sait pas, est-ce qu'il est quelqu'un d'assez bien pour elle ? Il n'avait jamais envisagé de se marier, ni de fonder une famille. Enfin, si. Mais c'était quelque chose de lointain, d'abstrait. C'était quelque chose qui arriverait en temps voulu. Mais pas là.

Il ne contrôlait rien de rien, et ça l'angoissait. Finalement, c'est Émilie qui lui propose qu'ils se marient. Il n'en revient pas. Cela dérange les traditions mais ne l'embête pas spécialement. Bien au contraire, il accepte aussitôt. C'est l'homme le plus chanceux sur terre. Leur mariage est princier, tout le gratin de la mode est présent. Pour leur voyage de noces, ils font un tour du monde. Malgré leur vie professionnelle respective, ils arrivent à se ménager du temps pour eux.

Émilie tombe enceinte. Gabriel se pensait heureux, il l'est encore plus. Fonder une famille et léguer à ses enfants son patrimoine ne pourrait lui apporter plus de joie. Et c'est un petit garçon qu'ils baptiseront Adrien, du nom de l'oncle d'Émilie qui l'a élevée comme sa fille. Il est le portrait craché de sa mère qui met sa carrière un temps entre parenthèse pour s'occuper de lui. Ils se disputent parfois, sa femme estime qu'il travaille trop et ne passe assez de temps avec sa famille. Le styliste réplique qu'il a une entreprise à faire tourner. 

C'est le principal sujet de leurs disputes, malgré leur amour mutuel. Il y a des jours avec et des jours sans. Adrien grandit et devient un beau jeune garçon tandis qu'Émilie enchaîne les fausses couches. L'actrice aimerait désespérément une famille nombreuse et pleine d'amour. Mais la nature n'a pas l'air de vouloir exaucer son souhait. Gabriel culpabilise, il ne souhaite rien de plus que de combler son épouse. Malheureusement, celle-ci sombre dans une profonde dépression au bout de quelques années.

Un soir qu'ils se disputent à propos d'une broutille, Émilie prend la voiture en pleine nuit. Elle a un accident. Les secours auront beau essayé de la ranimer, elle succombe à ses blessures.

Gabriel nage en plein cauchemar. Il a perdu son épouse adorée, il se retrouve seul avec ce fils dont il ne sait pas s'occuper. Alors il fait la seule chose qu'il sait faire le mieux : se noyer dans le travail, pour mieux oublier. Il engage Nathalie Sancœur  en tant qu'assistante personnelle pour l'aider dans la gestion du manoir et s'occuper d'Adrien. Il fait en sorte de saturer l'emploi du temps de l'adolescent, en fait l'égérie de sa maison et prépare le terrain pour qu'il devienne l'héritier parfait. Ainsi, lui non plus n'aura pas le temps de penser à l'absence de sa mère.

Le temps passe et Gabriel plonge au fin fond du désespoir à son tour. En fouillant dans les affaires de sa femme, il tombe sur un mystérieux coffret et y découvre un livre ancien ainsi que des boîtes à bijoux. Il fait la rencontre de Nooroo et un plan lui vient alors. Récupérer les miraculous de la Coccinelle et du Chat Noir pour ramener sa femme. Pour combler le vide sidéral de leur vie. Sans elle, il n'est rien. Rien d'autre que Gabriel Agreste, le styliste.

Il veut l'entendre à nouveau l'appeler "Gaby". Il veut à nouveau entendre son rire. Il veut encore se disputer avec elle.Il veut d'autres enfants avec elle, quitte à les adopter. Il veut vieillir avec elle. Il veut voir son fils à nouveau heureux.

Mais Ladybug et Chat Noir sont des adversaires inébranlables, comme on peut l'attendre des porteurs des plus puissants miraculous. Rien n'y fait, les années passent et rien n'avance. Chaque fois, il lui semble effleurer du doigt son plus cher désir mais il se dérobe avec un fatalisme désespérant.

Les années passent, Gabriel se lasse. Il perd peu à peu espoir. Son fils grandit et s'éloigne. Il déménage mais il fait en sorte qu'il soit dans un bon logement. Hors de question que son fils soit dans un appartement miteux. 

Il vient un jour lui dire qu'il a une petite-amie. C'est la première fois qu'il vient lui faire part de sa vie amoureuse. Gabriel s'inquiète, car elle est styliste dans la même faculté où il a étudié. Est-ce une intéressée qui veut profiter de son image et de sa fortune ? Il veut en avoir le cœur net. Lors du dîner, il doit reconnaître qu'il en a pour son argent. Elle a un sacré caractère et ne se laisse pas démonter par ses questions. Ils semblent heureux.

Cela lui rappelle quand il avait leur âge. C'est si loin. Adrien lui a dit qu'il a l'intention de l'épouser. Cela le rend étrangement heureux. A son tour, il va fonder sa propre famille, avoir des enfants. Gabriel avait du mal à s'imaginer père, alors... grand-père ?

Transporté par la nostalgie, il fixe le portrait de son épouse.

- Mon amour, serait-ce une trahison que de renoncer à te ramener ? demande-t-il en caressant la toile du bout des doigts.

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Et c'est le tome 2 ! /o/

Vous l'attendiez, le voici ! Oui, on ouvre avec un aperçu de la psyché de notre antagoniste favori. Je prends le contre-pied des histoires où, traditionnellement, les explications sont à la fin.

A bientôt pour la suite ;)

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