Prologue. Le Désincarné

La porte venait de s'ouvrir, et le domaine de la crypte d'être transgressé. Seul le bruit de ses pas résonnait sur les dalles froides et anthracite du sous-sol, avalé par les ombres qui tapissaient la cave.

Le crépitement des flammes de sa torche semblaient violer le silence sacré de l'endroit; pas un écho, pas un murmure soufflé par le vent s'engouffrant entre les hautes colonnades de granite.
Comme la porte s'ouvrait, une longue tache de lumière s'étendait sur les dalles lisses, découpée par son ombre, jusqu'à buter contre le mur de la crypte. L'alchimiste s'y trouvait, recroquevillé sur lui-même et tremblant de douleur. Même s'il n'avait plus la force d'en pousser, les hurlements discordants de ses cauchemars se mirent à hanter le sous-sol.

Les bottes d'acier blanches tintèrent contre le sol, portant l'Exorciste jusqu'au souffrant, tordu sur lui-même et gémissant silencieusement.
« Alors ? demanda la première après s'être accroupie à son niveau. Ces deux simples syllabes s'envolèrent en écho entre les arches et les ogives de pierre.

- Tu... tu avais... raison, fut-il forcé d'admettre, rassemblant ce qui lui restait de vitalité pour répondre.

— J'aurais bien voulu avoir tort sur ce coup là. Il n'y a vraiment aucun moyen d'y remédier ?

— J'espère bien m'être trompé aussi sur la formule... parce que le venin, lui, ne pardonne pas...

— Oui, soupira l'autre en ressassant de bien mauvais souvenirs. J'ai déjà croisé, par le passé, ces petites saletés volantes... trois jours de souffrance avant la délivrance de la mort. Tu aurais dû mourir hier.

— On ne peut plus négocier quand on a renoncé à tous les pardons que la vie nous tendait... J'imagine que, maintenant, tu vas... ? »
Il ne finit pas sa phrase. D'une part parce que ses forces l'abandonnaient, et d'une autre parce qu'ils savaient tous les deux.

L'Exorciste se contenta de hocher la tête, endossant toute la gravité qu'accompagnait ce geste.

Elle profita du long silence pour considérer longuement son vieux camarade. Sa peau présentait déjà de nombreuses boursouflures rouges, blanches ou violacées, et le vacillement des torches rendait la moindre imperfection rugueuse visible à cause des ombres de ces dernières. Une sorte d'œil commençait à germer sur son bras gauche, tandis qu'à droite, la chair fondue semblait se réassembler pour former on ne savait quelle déliquescence.
Et son état n'allait pas en s'arrangeant.

Ce dernier échange de regard valait pour les deux comme le plus déchirant des adieux. Elle se leva, et rebroussa chemin pour marcher vers la seule sortie.

« C'est tout de même dommage, commenta l'Alchimiste alors que son amie partait.
Elle ne se retourna pas, mais s'arrêta pour entendre les derniers mots de son mentor.

— J'ai voulu te prouver que la vie était le plus merveilleux des dons qui puisse jamais être... et voilà que la vie éternelle se change en souffrance éternelle... tout comme tu l'avais prédit. J'espère de tout cœur... que quelqu'un réussira à te faire changer d'avis... sur ce point. »

L'épitaphe résonna dans la crypte. Et ne s'éteignit jamais tout à fait.
Cette fois-ci, ce fut à l'Exorciste de ne pas avoir la force de répondre.
Baissant la tête, elle reprit sa marche d'un pas lourd, et scella la crypte à contrecœur, plongeant à jamais son ami dans les ténèbres.

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