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- Ella, réveille-toi, c'est l'heure ! hurle la voix aigüe de mon amie et colocataire, Diane.
Je tâtonne ma table de chevet à la recherche de mon portable. Putain, il est à peine cinq heures du matin. Notre avion est à huit heures, pas besoin de se lever trois heures plus tôt et attendre comme des cons à l'aéroport. La patience ne fait pas partie de mes qualités, puis le sommeil est précieux, la moindre minute est chère à mes yeux. J'ai déjà bouclé mes valises hier soir emportant tous mes vêtements d'hiver, enfin ceux qu'Adé ma obligé à acheter.
Deux jours plus tôt, elle m'a traîné dans une dizaine de magasins pour renouveler ma garde-robe hivernale. Selon elle, j'avais besoin d'au moins quinze pull en laine torsadée, de bottes à fausses fourrures, de chaussettes tue l'amour, de gilets, de pantalons longs et j'en passe. Je n'ai pas besoin de tout ça mais le problème c'est que je ne sais pas dire non à Adé. Heureusement que j'avais de l'argent de côté ou je me serais ruinée pour un simple séjour en Suisse.
Déjà que le voyage coûte cher !
- Ella !!!
Je fourre ma tête dans l'oreiller et grogne de frustration. Je n'ai aucune envie de sortir de mon lit douillet pour aller me peler les miches en Suisse. Ok, les photos de la station de ski et du chalet où nous allons séjourner sont canons et donnent envie, mais toute cette neige me fait flipper. Le risque avalanche n'est pas à prendre à la légère.
Diane continue à hurler mon nom pour que je me décide à me lever. J'adore ma colocataire mais sa voix stridente dès le matin très peu pour moi. Je ne suis pas du matin même pas du tout. Diane le sait, elle vit avec moi depuis six mois maintenant, elle devrait avoir compris qu'il ne faut pas me brusquer aux aurores.
Je traîne ma carcasse jusque sous la douche pour me réveiller en douceur. Je ne connais rien de plus apaisant que l'eau chaude sur ma peau. J'en oublierai presque l'endroit où je vais vivre pour les semaines à venir. Trois semaines et demie ça passent vite. Dans une vie, ce n'est rien, sans oublier que je ne vois pas ce qui peut m'arriver en vingt-quatre jours.
Je ne vais pas gagner au loto ou rencontrer l'homme de ma vie au milieu des pistes. Déjà parce que je ne joue pas au loto étant donné que j'ai autant de chance que Scrat dans l'Age de la Glace. Puis, si je tombe sur le mec le plus sexy de la terre et que par miracle il succombe à mon charme, je ne resterai pas avec lui puisqu'il vit dans un lieux que j'exècre. Quoiqu'il en soit, je me convaincs de la durée éclaire de ces vacances plus ou moins improvisées.
Après la douche, je m'habille en vitesse entendant deux autres voix me parvenir depuis la cuisine. Diane n'est pas seule. Je ne prends pas la peine de me maquiller rejoignant la cuisine, intriguée par les voix. A quoi bon se maquiller pour aller finir sa nuit dans un avion ? Bon, honnêtement, je n'ai pas le courage d'arranger mon visage, la fainéantise ma gagné.
Dans la cuisine, je suis surprise de voir qu'Adélaïde et Olivier sont déjà là, bien habillés et sans trace de fatigue sur le visage. Je ne connais pas deux personnes aussi parfaites quAdélaïde et Olivier Rhodes et ce dans toutes les situations possibles et inimaginables. Blonds, yeux bleus, visages angéliques, peau dorée, allure de mannequin, ils sont parfaits.
Vous savez ils ressemblent aux personnes que l'on adore détester dans les séries américaines, elle en tant que reine du bal, lui comme le sportif parfait adulé de tous. Contrairement aux clichés des riches dans les séries, ce sont deux personnes adorables et généreuses prêts à tout pour leurs amis.
- Alléluia, la Belle au Bois Dormant nous fait enfin l'honneur de sa présence, me taquine Diane de bonne humeur.
Je lui tire la langue puisque ma répartie est restée bien au chaud dans mon lit. J'embrasse mes trois amis sur la joue en guise de bonjour, puis me sers une immense tasse de café avant de m'affaler contre le dossier d'une chaise.
- Tu as une tête abominable, se moque Adé.
- Je n'ai pas les gènes parfaits d'une Rhodes et il est 5h20 du matin bordel, ronchonné-je de mauvaise humeur.
- Gênes ou pas, tu es toujours aussi mignonne, Cendrillon, intervient Oli en ébouriffant mes cheveux emmêlés.
Mignonne ! Je déteste être qualifiée de mignonne, j'ai l'impression d'être une gamine de cinq ans. En plus de ça, il continue à me surnommer « Cendrillon ». J'adorais ça quand j'étais plus jeune mais aujourd'hui ça me tape sur le système. Merci ma mère d'avoir balancé à mes amis que je m'appelle Ella en l'honneur de cette schyzo de Cendrillon. Une fille qui parle aux animaux, les fout au ménage et croit qu'ils lui répondent est une folle à enfermer, je ne vois pas d'autres explications.
Le pire dans ce surnom insupportable c'est qu'il n'a cessé de me rappeler que jamais Oli me verrait autrement que comme une gamine ou une seconde petite sur. Lorsqu'on est amoureuse, c'est toujours difficile de n'être « que » la petite soeur. Dans les livres, Oli aurait fini par tomber amoureux de moi en se rendant compte que j'étais la femme de vie, mais dans la vraie c'est différent.
Le temps m'a permis d'ouvrir les yeux. Oli n'était qu'un béguin dadolescente, il s'est envolé le jour où j'ai compris que ce n'était qu'un fantasme d'une gamine de dix-huit ans. Puis, quand j'ai rencontré celui avec lequel je me voyais vivre pour le restant de mes jours, Oli est devenu quun ami.
- Le réveil à 5h était vraiment nécessaire ? La Suisse n'est qu'à une heure de vol, leur fais-je remarquer.
- Plus tôt on part, plus vite on se retrouve sur les pistes à skier !
- Sans moi.
- Tu n'as pas le choix, Cendrillon Je te traînerai en haut des pistes que tu le veuilles ou non !
Bon sang, la famille Rhodes ne me laissera jamais en paix !
- Plutôt mourir, grogné-je.
- Griffin et Matt nous rejoignent à l'aéroport ? interroge Diane changeant de sujet.
- Matt oui, mais Griffin arrivera en Suisse en fin de journée, il avait un dossier à boucler aujourd'hui, explique Adé.
Griffin travaille dans une agence de publicité cotée à Paris, il a toujours une tonne de dossiers à soccuper. Je me demande comment il s'y est pris pour obtenir trois semaines de vacances. Leur agence croule sous le boulot pendant la période de Noël. Je ne serai pas surprise de le voir en train de traiter des dossiers ou accroché à son téléphone durant le séjour.
- Et Mareva ? je demande en essayant de ne pas montrer mon agacement quant à sa présence au voyage.
- Elle est déjà à Zermatt, dans le chalet que nous avons réservé, indique Oli. Elle tenait à avoir la meilleure chambre du chalet.
Que c'est étonnant !
Madame Tobierra a besoin de son petit confort. Je ne suis pas croyante mais je prie le seigneur, son fils et toute sa famille de m'aider à supporter ces trois prochaines semaines en compagnie de Mareva, la dévoreuse d'hommes. Je suis certaine que la volonté divine ne sera pas suffisante. Cette fille est beaucoup trop insupportable.
Adé lève les yeux au ciel ne cautionnant pas le comportement de sa future belle-soeur. D'ailleurs son aversion pour Mareva crée des tensions entre elle et son frère. Elle ne comprend pas que son frère ne puisse pas voir quel genre de personne est sa petite amie brésilienne. Je ne compte plus le nombre de fois où ils se sont disputés à cause de Mareva. C'est triste.
J'ai le mauvais pressentiment que ces vacances vont partir en cacahuètes, je ne l'explique pas mais j'en suis persuadée. Un seul pas de travers de Mareva et Adé lui sautera dessus pour lui faire avaler ses extensions noires.
- Tout le monde trouvera son bonheur, tempère Oli. Le chalet est immense. Nous avons fait en sorte de réserver lun des plus luxueux. Tout le monde trouvera sa place. Nous sommes huit pour dix ou douze couches alors ce sera largement suffisant !
- Huit ? je demande interloquée par le nombre.
Adé fait les grands yeux à son frère qui se reprend aussitôt.
- Sept, je voulais dire sept Je me suis trompé. Je pensais que que Matt emmenait une fille, bredouille Oli.
Son explication ne me convainc absolument pas. Ils me cachent quelque chose et si j'ai raison ça concerne cette mystérieuse huitième personne. Je savais que ce séjour à la neige sentait le coup fourré, Adé a toujours une idée derrière la tête, elle ne peut pas s'empêcher de comploter.
- Matt n'a jamais évoqué une fille, intervient Diane, aussi intriguée que moi.
- Qui est la huitième personne ? j'insiste perdant patience.
- Personne, réplique Adé sur un ton calme et sérieux. Oli a vraiment cru que Matt allait emmener la brune avec qui il est sorti plusieurs semaines. Tu sais combien il peut être bête des fois, souffle-t-elle.
Je ne suis pas du tout convaincue. Matt ne s'engage avec aucune fille alors qu'il pense à en emmener une en vacances avec nous est aussi probable qu'une candidate de téléréalité non refaite. C'est vraiment étrange.
- Bon, ce n'est pas tout mais il faut qu'on y aille ! nous presse Adélaïde. Tes valises sont prêtes, El ?
- Oui
- Alors c'est parti !
***
Je le savais, on est beaucoup trop en avance. Il est six heures vingt-huit précises du matin et nous sommes en train de poiroter comme des imbéciles avant d'embarquer. La manie d'Adélaïde d'être toujours en avance ma fait perdre une heure précieuse de sommeil. J'ai besoin de mes six heures complètes de sommeil pour être en forme, malheureusement ces temps-ci c'est devenu mission impossible. Le boulot me prend un temps monstre.
Lorsque je me suis lancée dans des études d'architecte d'intérieur ou plus précisément décoratrice, je n'ai pas pensé au boulot dingue que ça représente. Les demandes des clients me font partir dans tous les sens. Heureusement, j'ai appris à m'organiser en faisant tout un tas de listes qui me servent énormément. Et je peux affirmer que me lever à cinq heures du mat pour poiroter une heure et demie plus tard dans un aéroport presque désert ne fait partie d'aucune de mes listes !
Afin de combler mon ennui mortel, je me balade dans le Relay de l'aéroport tandis que les autres sont allés prendre un café dans un bar. Si je bois un autre café, je sens que mon coeur va lâcher ou une personne risque de subir ma mauvaise humeur. Je ne suis clairement pas du matin ou alors je suis une chieuse de première catégorie qui râle pour un rien. En gros, je suis bel et bien devenue une parisienne. Ma belle ville natale de Lyon me manque.
Dans le Relay, je parcours les allées de la partie magasines à la recherche de quoi lire pendant le vol. Ce n'est pas gagné. Les conneries qui font les gros titres de ces torchons de magasines me sidèrent. Ils sont pollués pas ces pseudos stars de téléréalité qui ne font que de fausses paparazzades pour que l'on parle delles. C'est affligeant mais à l'image des émissions de télévision d'aujourd'hui. Tout est devenu faux et monté de toutes pièces. Cétait mieux avant.
Je continue à jeter un oeil aux magasines quand je tombe sur une couverture qui me cloue sur place.
« Hunter Kase fait un pétage de plombs en plein tournage du troisième volet de Skills ».
La couverture représente le visage fou furieux d'un acteur que je connais ou plutôt connaissait très bien. Ce visage. Bon sang, je le reconnaîtrai parmi tant d'autres. Il a beau être responsable de l'éclat en mille morceaux de mon coeur, je ne pourrai jamais l'oublier. Il est de ceux qui laisse une marque indélébile dessus. J'ai essayé de ne plus me rappeler quel visage il avait mais je n'y suis pas arrivée. Sa trace est impossible à effacer et elle me fait toujours autant de mal.
Je me souviens encore de son odeur bois de cèdres, de la naissance râpeuse de sa barbe, de sa chevelure châtains, de ses deux billes bleus envoûtantes, et de l'effet de sa bouche sur mes lèvres ou ma peau. Sans pouvoir résister, je prends le magazine pour dévorer l'article. Selon le journaliste, Hunter aurait fait une crise pour rien parce qu'il était sous influences de drogues et refuserait de finir le tournage de son film.
Un autre article, plus petit, évoque sa relation avec l'actrice qui partage l'affiche avec lui, la sublime écossaise, Margaret McGowan. Cette femme est tout simplement incroyablement belle, rousse plantureuse aux yeux gris électriques presque transparents et à la bouche aussi pulpeuse quAngelina Jolie. Elle est parfaite et Hunter sort avec elle depuis trois ans. Elle est le grand amour qu'il cherchait, sa moitié, celle qui ma fait passer pour une simple passade, du pipi de chat.
Ils seraient tombés fous amoureux sur le tournage du deuxième Skills. Leur histoire a été révélée au grand jour par une photo de leur baiser fougueux en plein festival de Cannes. Au moment où je lai vu, mon coeur a fait l'exploit de se briser à nouveau. J'en ai pleuré pendant des semaines.
- Ferme tout de suite ce ramassis de débilités, me fait sursauter la voix de Diane.
Immédiatement, je range le magazine à sa place et me tourne vers ma colocataire. Elle plisse le front et fronce les sourcils pour me signifier son mécontentement.
- Quoi ? je demande en connaissant déjà la réponse.
- Tu avais promis de ne plus lire les articles qui LE concernait, soupire-t-elle. Tu sais que ce n'est pas bon pour toi...
Je lève les yeux au ciel ne pouvant plus supporter dentendre cette phrase à longueur de temps.
- Sérieux, El, ça fait cinq ans qu'il est parti, qu'il t'a laissé du jour au lendemain sans explications. Pourquoi est-ce que tu ne peux pas tourner la page ?
- J'ai tourné la page, magacé-je.
Je déteste parler d'Hunter. Vraiment, ça m'horripile tellement que je suis capable de me provoquer des crises d'urticaire. J'ai le coeur qui se serre à chaque fois que j'entends son nom. Je l'ai aimé si passionnément que je ne suis pas sûre de pouvoir aimer autant à nouveau. Il est mon premier tout, et ce n'est pas évident de tirer un trait dessus.
- Oh vraiment ? Explique-moi pourquoi tu fuis les mecs dès que ça devient sérieux avec eux ? Simon était génial et pourtant tu l'as laissé partir parce qu'il a osé te demander de vivre avec lui !
- Je n'étais pas amoureuse de lui alors désolée si je n'ai pas accepté de lui faire la charité parce que lui voulait vivre avec moi ! J'ai oublié Hunter, affirmé-je. Seulement, voir son visage me fait encore un pincement au coeur et ce sera toujours le cas !
- Il n'en vaut pas la peine. Il t'a abandonné dès quHollywood lui a fait du charme, pour un stupide rôle de super-héros à la con, et ta brisé le coeur par la même occasion ! Ce n'est qu'un abruti qui ne mérite même pas que tu penses à lui ne serait-ce qu'une nano seconde, s'indigne Diane.
- J'en ai conscience, Diane
- Lui a refait sa vie depuis longtemps sans se préoccuper de toi à aucun moment. Il a fait un choix ! Bordel, j'ai l'impression de me répéter. Fais un trait sur cet enfoiré une bonne fois pour toute ! Ces vacances, tu vas t'amuser, trouver un mec et t'envoyer en lair, et pourquoi pas avoir un coup de foudre magique avant Noel !
- Oh pitié, tout mais pas ça ! Je ne suis pas dans un téléfilm de Noël à la con où la fille tombe amoureuse pendant les fêtes parce que « oh mon dieu » c'est tellement beau et magique comme période ! C'est débile et ça me donne envie de gerber.
- Tu es irrécupérable, rit-elle amusée. Plus sérieusement, El, vis pour toi et cesse de te torturer en scrutant tous les faits et gestes d'Hunter-Trou-de-balle-Kase !
Je souris. Evidemment que Diane a raison, seulement je n'ai aucun contrôle sur mon traître de coeur. Il a été malmené par cet abruti d'acteur à la con, mais il lui gardera toujours une place. Je hais être dans cet état, de toujours faire attention à ce qu'il fait, avec qui il sort, je dois impérativement le sortir de ma tête comme il l'a fait si bien avec moi.
Je me dois de vivre pour moi à nouveau, et ça commence dès maintenant. La Suisse sonne comme le moment où je décide de rayer Hunter Kase de ma vie, de mon coeur, de ma tête, d'absolument tout. Il n'existera plus à la fin de l'année.
Enfin, c'est ce dont j'essaie de me convaincre. En vain.
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