9. Confession intime

Attention : Ce chapitre, sans être particulièrement violent au niveau du langage contient malgré tout des éléments pouvant choquer les plus jeunes. Des mentions d'agressions sexuelles sont plus ou moins explicitement sous-entendus.

Le crépuscule avait laissé place à la nuit, opaque dans sa singularité. Cette fois-ci, Jisoo n'y accorda pas le moindre regard. Dans son âme baignait encore la douceur du jour, celle qui avait caressée sa peau pendant de longues heures.

L'espoir avait signé son grand retour et contre cela, l'obscurité même n'y pouvait rien. Il restait encore à faire pourtant, l'asiatique en était conscient, mais l'esquisse d'une solution se matérialisait sans en être douloureuse. L'éclat du jour se levant derrière l'horizon. Un sourire minuscule mais d'une éternelle sincérité. Jisoo ne songeait plus à être lâche, à fuir ce qui le torturait. Il n'était plus question de cela à présent. Les propos rassurants de Chan tournaient en boucle dans son esprit complexe. La faiblesse aussi, quittait son corps, comme si elle n'avait jamais été une part de son être. L'adolescent voulait y croire.

Le dimanche touchait à sa fin, tout portait à en témoigner. Ce jour spécial disparaîtrait bientôt, au profil d'une routine bien connue. Un goût un peu amer mais pas si désagréable.

Jisoo déambulait dans les escaliers alors que le couvre-feu ne tarderait pas à être annoncé. Personne n'avait vu Jeonghan depuis l'heure de la messe, tôt dans la matinée. Etrangement, le plus jeune ne s'en inquiétait guère, la conversation qu'ils allaient partager lui faisait plus de tord. Une angoisse profonde qui accompagnait chaque pas d'asiatique. Il ne pouvait y échapper et ne cherchait même plus à s'en soustraire. Il abdiquait sans jamais en être perdant, sa faiblesse n'était plus !

Les couloirs sombres s'allongeaient sans que jamais Jisoo ne s'y perde. Un labyrinthe dont il connaissait le moindre recoin. Sa main effleura distraitement le mur rugueux. Une balade sans but ? Non. Le jeune garçon savait exactement où il se rendait et surtout, pourquoi. Jeonghan se cachait quelque part dans l'orphelinat, là où personne ne pourrait le trouver. Un endroit connu de lui seul.

Alors Jisoo poursuivait sa route, avec lenteur. Les marches s'enchainaient, les unes après les autres, réduisant l'espace entre lui et celui qui attendait sa venue. De cela, l'asiatique était absolument certain. Une réponse soufflée comme une brise nocturne. Un éclair de divin, dont le doute ne s'invitait pas.

Le jeune garçon arriva enfin à sa destination première. Et ce fut sans surprise qu'il découvrait la silhouette de l'Ange, assise sur le rebord de la fenêtre close. Un petit sourire triste se dessina sur les lèvres de plus jeune, la surprise n'avait même pas lieu d'être. Il attendit un moment, son regard balayant celui qui hantait ses pensées. Jeonghan ne bougeait pas de son perchoir, sa main soutenant sa tête dans un geste plein de lassitude. La beauté distinguait ses traits jusque dans sa manière de se tenir. Une élégance, une magnificence qui se passait bien de mots. L'éclat de la Lune venait décrire des courbes pâles sur la peau, y ajoutant une lueur presque mystique. Comme toujours, il laissait son cadet sans voix.

Jisoo réussit à rassembler suffisamment de courage pour murmurer, comme pour signaler sa présence :

-Tu es là ...

Inutile et pourtant efficace. L'Ange se retourna lentement en direction de son vis-à-vis. Ses traits étaient tirés, fatigués même, empreint d'un désespoir à peine masqué.

-Et toi, tu es revenu.

-Je ne suis jamais parti. Rétorqua Jisoo tout en s'avançant.

L'inquiétude était lisible dans le regard torturé de Jeonghan. Il passa sa main dans sa longue chevelure, nerveusement. Lui aussi avait peur, bien que les motivations ne soient pas toujours les mêmes.

-J'avais besoin de m'éloigner un peu, de réfléchir aussi.

-Personne ne savait où tu étais passé, tu es parti si soudainement. Même ton père était inquiet.

Jisoo n'en avait pas douté et Chan lui en avait touché un mot plus tôt dans la journée. Il lança alors, sans même y songer :

-Et toi, tu étais inquiet ?

Il était pathétique. L'asiatique regretta ses paroles à l'instant où elles franchirent ses lèvres. La faiblesse était là, de retour malgré les promesses. La faiblesse était là, Jeonghan en était la cruelle incarnation. Ce dernier fut étonné de cette entrée en matière plutôt brutale. Elle ne ressemblait pas au cadet dont la délicatesse souffrait de ses émois. L'Ange le voyait bien et la fatigue y était aussi pour quelque chose. C'était pourquoi il répondit, simplement :

-Oui.

Le corps entier de Jisoo se relâcha de toute la tension accumulée. C'était bien peu en vérité, mais la preuve vivante de l'intérêt de son ainé. Cela aurait pu être suffisant mais ils avaient besoin de plus tous les deux. Leurs regards s'heurtaient et ils y lurent une même blessure, celle qu'ils s'étaient eux-mêmes infligée. Il fallait qu'ils se lancent, qu'ils se mettent en danger sous le regard de la Lune insensible. C'était là le seul moyen pour eux d'y survivre. L'Ange, dans sa clairvoyance le comprit le premier, une révélation douloureuse. Il souffla alors, la voix tremblante d'émotions :

-Ne me laisse plus ...

Cela brisa quelque chose en Jisoo. C'était ce qu'il fallait, juste les mots mus d'une étrange sincérité. Un appel au secours, une demande qui en cachait bien des nouvelles. Les yeux de Jeonghan étaient brillants de larmes contenues. Il était pitoyable ainsi, et l'image parfaite se brisait pour laisser entrevoir l'humain derrière le masque, infiniment plus intéressant.

Jisoo vint combler l'espace entre son ainé et lui. Il s'assit à ses côtés, la rancune se transformait en pitié. La gorge nouée, il se contentait de dévisager son vis-à-vis avec toute l'attention que ce dernier lui suscitait.

-Je ne te quitterai plus, tu as ma promesse.

La nuit venait témoigner de cela. Des esprits éveillés malgré la lourdeur de l'obscurité. De la douleur naîtrait des sentiments bien plus profonds ... Il n'y avait rien de plus vrai.

-Est-ce que tu pourras me pardonner un jour ?

Les souvenirs de la veille restaient encore frais, Jeonghan pouvait les voir défiler dans le regard automnal de son cadet. C'était si difficile d'en être l'auteur !

-Je crois que, quelque part, je t'ai déjà pardonné. J'aimerai être plus fort contre toi.

Ils étaient nus, tous les deux. Il n'y avait plus de faux-semblants ou de masques futiles pour se soustraire au regard de l'autre. Le mensonge n'avait plus sa place sur leurs corps dévoilés.

En ce dimanche soir, tout devait être dit, rien ne devait être laissé au hasard. C'était un pacte silencieux, la promesse muette d'un avenir meilleur. Jisoo se revêtit d'un sourire sans joie, sans que la moindre hypocrisie ne vienne ternir ses nobles intentions. C'était à son tour de se jeter à l'eau, d'assumer ce semblant de courage. Il en était conscient, mais sa voix était incertaine lorsqu'elle prononça ces paroles :

-J'ai besoin de savoir pour tout ça. Si j'ai pu te pardonner, je ne pourrais pas oublier sans ton aide. Alors explique-moi comment le supporter. J'aimerai te comprendre, savoir qui tu es réellement. Dis-le-moi, je t'en prie ...

C'était une supplique, Jisoo n'en eut pas honte. L'expression de ses désirs, d'une volonté fugace. L'Ange en fut touché et il savait qu'il était perdu. Comment lui refuser cette faveur ? Ce qu'il avait toujours caché avec autant de ferveur allait être révéler, dans le silence pénible de l'obscurité. Il ferma les yeux, douloureusement.

-Crois-moi, tu ne préfères pas l'entendre.

-Jeonghan, j'en ai besoin. C'est vrai, je t'ai pardonné mais je ne peux pas te regarder si je reste dans l'ignorance. Ce que j'ai vu hier n'était pas toi, j'en suis persuadé.

Jeonghan était prêt à tomber pour son homologue, lui montrer l'horreur de son passé, une plaie béante et sanguinolente. La chose monstrueuse qu'il était capable de devenir, vestige d'années lointaines. Il se lança alors, après une courte hésitation :

-Je n'ai jamais connu mon père, je n'ai aucune idée de qui ii était. Ma mère est partie tôt, bien trop vite. Une maladie incurable alors que je n'étais pas en âge de comprendre. C'est mon oncle qui m'a élevé durant des années. Il n'avait pas d'enfants et vivait seul là où personne ne venait jamais. Je crois que personne n'avait eu vent de ma présence chez lui au village. Je ...

Jeonghan déglutit avec difficulté. Les mots s'écoulaient de sa bouche, sans sous entendus ou parades. La vérité pure et immonde ! Il s'humecta les lèvres alors que Jisoo le couvait du regard, prêt au pire. L'Ange reprit, plus incertain encore :

-Je ne comprenais pas à l'époque ce qu'il attendait de moi. Il m'enfermait dans la cave pendant des jours entiers et j'en venais à oublier la lueur du jour. Il disait que je n'étais pas sage, que j'étais un ... mauvais garçon et qu'il fallait me punir ...

Chaque syllabe était douloureuse, écorchait la bouche du plus âgé. Il revivait la période la plus sombre de son existence, en proie à ses propres démons. Jisoo voyait tout cela et son instinct lui hurlait de faire cesser cette torture. Les traits de l'Ange étaient empreints d'une telle atrocité, d'une telle souffrance qu'en être témoin révélait du supplice. Pourtant, le cadet garda le silence, écoutant religieusement son vis-à-vis de dépourvoir de son masque et de ce secret, trop longtemps garder :

-Il n'avait besoin de rien pour ça. Il me laissait des heures durant dans l'obscurité. Je me souviens de tout dans les moindres détails ... La froideur, l'humidité et les rats qui s'habituaient à ma présence. Mon oncle revenait alors, complètement saoul. Les premières fois, je n'avais pas compris. Ses mains sur mon corps étaient sales. Il me disait que j'étais comme ma mère ... une putain et que je n'étais bon qu'à ça ! Il me faisait mal et me hurlait des mots atroces. Il recommençait encore et encore, et je ne devais pas m'en plaindre. Il aimait la peur qu'il m'inspirait, me voir pleurer face à lui. Mes supplications aussi, mes cris alors qu'il me détruisait de toutes les manières possibles.

Les mots devenaient injures et frappaient durement. Jeonghan avait besoin de s'en échapper, de ne plus avoir à les garder pour lui. L'horreur touchait désormais Jisoo dont l'impensable était révélé.

-Il ne s'est jamais arrêté durant toutes ces années. Je n'étais qu'un objet, même pas un être humain. Une putain tout juste à satisfaire le moindre de ses désirs. Il me répétait que mon corps seul importait et que ... je ne serais jamais rien de ... plus.

Les larmes dévalaient le long des joues de l'Ange, sa faille offerte à la vue de tous. Il était submergé par le passé, par ce qui l'avait forgé bien malgré lui. Il en avait presque oublié la présence de son cadet tant les émotions étaient omniprésentes. La souffrance recouvrait chaque partie de son être, imprégnait ses cellules et toute son âme. Elle semblait même s'échapper de lui comme par tous les pores de sa peau, Jisoo en était témoin. Ce dernier, au terme de ce monologue, pris son ainé dans ses bras spontanément.

-Merci de m'en avoir parlé, Jeonghan. Murmura-t-il, au creux de son oreille.

Les sanglots de l'Ange étaient peut-être aussi les siens. Comment savoir ? Le plus jeune pouvait se vanter de connaître son homologue mais il n'y songea même pas. En cette heure tardive, il souffrait avec lui et il partageait cela. L'ainé soulageait ce qui le torturait depuis si longtemps alors que l'autre acceptait cette faiblesse.

-Tu es bien plus que ça. Renchérit Jisoo.

Jeonghan serrait son cadet à s'en rompre les os. Sa chaleur lui était bénéfique dans cet univers de douleur. Les blessures pourraient bien se refermer avec le temps, l'espoir était permis. Ils étaient ainsi, sous les étoiles et la Lune. Un passage forcé pour une harmonie certaine. La confiance s'installait, dans le calme parfait de la nuit. Cela se passait bien de mot.

Les ailes de l'Ange avait disparu le temps de quelques heures pour laisser entrevoir les cicatrices du passé. L'humain derrière la prestance divine. Jeonghan apparaissait aux yeux de Jisoo.


Un très, très long chapitre sur le secret de Jeonghan. Ce n'est pas facile à écrire pour moi et c'est ce qui se cache derrière lui. Ca explique plus ou moins son comportement et j'avais ça en tête depuis le début. C'est un sujet très sensible auquel il m'importait de traiter dans cette histoire.

Ce chapitre marque le tournant de cette fanfiction pour Jisoo et Jeonghan. Ils vont repartir sur de nouvelles bases et même si ce passe était difficile, il n'en reste pas pour le moins forcé. J'espère n'avoir choqué personne parce que ce n'est pas mon but. Je ne souhaitais simplement pas dédramatiser un sujet aussi complexe et grave.

Evidemment, j'attends vos avis sur ce chapitre avec impatience. Vos votes me sont également importants, j'y vois une forme de soutien là aussi :)

Je vous retrouve jeudi pour la prochaine partie : Requête. Au programme le retour de Mingyu et une conversation entre celui-ci et Jisoo (elle s'imposait aussi).

Enjoy !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top