5. Evidence et partage


Les larmes coulaient sans même qu'il ne s'een doute. Il remarquait à peine le liquide brûlant sur ses joues. La vue de Jisoo était mauvaise alors, gâchée par ses pleurs déchirants. Le corps mince était recroquevillé sur lui-même, tenant sans le moindre problème sur le rebord de la fenêtre. La ressemblance avec un animal blessé était frappante !

Les sanglots pénibles ébranlaient toute la silhouette de l'asiatique. Il observait le ciel à travers ses larmes, une main plaquée contre sa bouche. L'azur s'étendait à perte de vue, et l'adolescent se sentait minuscule, incroyablement vulnérable, face à cette immensité. Une boule se formait au fond de sa gorge, un mal être profond et intolérable. Une faiblesse qui lui faisait honte !

L'horizon n'était que le fruit de son imagination, se perdait là où elle se confondait avec la terre. Le ciel bleu était strié de nuages cotonneux, semblables à d'innombrables cicatrices.

Jisoo était torturé par tant de choses. Ces questionnements qui échappaient à bien des êtres, un savoir sans nom. Ce monde lui était douloureux, la simplicité que l'on y trouvait en était une offense immense. Une insulte que l'adolescent ressentait au plus profond de lui, une blessure toute neuve. C'était un fardeau qu'on lui avait imposé, une connaissance qui lui ouvrait les portes d'un univers nouveau. Jisoo portait ce poids sur ses frêles épaules et il se sentait près à craquer, à s'effondrer pour de bon. Comment le supporter ? Comment accepter une telle différence ?

Le temps passait et les larmes ne tarissaient pas. Le jeune homme observait la course lente du Soleil à travers le ciel. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter, pas même le désespoir d'un être pur. Il ne pouvait qu'envier cette force et ce courage. Recommencer éternellement la même routine, cette tache dure pour une renaissance qui ne viendrait pas. Le respect et la tristesse d'un enfant que cet astre avait vu grandir.

-C'est ici que tu te caches ?

La voix pourtant suave fit sursauter Jisoo. Il se retourna si vite que sa tête aurait très bien pu se décrocher de sa nuque pour venir s'écraser par terre, dans un bruit mâte. Jeonghan était juste là, à quelques pas seulement. Le cœur de son homologue rata un battement alors qu'il réalisait la situation dans laquelle il se trouvait. D'un mouvement bien trop rapide, il essuya les larmes qui maculaient ses joues. Trop tard, l'Ange avait tout vu. Son regard doux en disait long et se cacher était inutile, résultant d'une risible fierté.

-Je ne me cachais pas.

La réponse aurait pu être crédible, si seulement la voix de l'asiatique n'était pas encore agitée de trémolos incontrôlables. Il serra les dents, se maudissant d'être ainsi faible. Jeonghan avançait à pas comptés, son regard oscillait entre le ciel et son vis-à-vis. Ce dernier fuyait ses yeux où les sentiments n'étaient même plus lisibles. Un mélange de curiosité et de quoi d'autre ? Une humanité à peine croyable.

-Les autres se sont inquiétés, tu sais ? Ton père n'a pas encore mis en courant, mais les nonnes te cherchent. Personne ne savait où tu étais parti.

Jisoo peinait à y croire et secouait la tête, presque tristement. L'Ange était tout proche, et ses idées se mélangeaient déjà.

-Il n'y a pas de quoi s'alarmer. J'avais juste besoin ... d'être un peu seul.

C'était une demi-vérité et les mots écorchaient la bouche du jeune garçon. Il était à fleur de peau, proche d'éclater en sanglots une fois encore. Cette solitude lui était douloureuse, autant qu'elle lui était virale.

-C'est un bel endroit, ici.

L'Ange s'assit juste à côté de son cadet, sur le rebord de la fenêtre. Sa présence avait quelque chose de spéciale, une aura unique que l'on ne saura caractérisait. Cela allait au-delà d'un parfum particulier, une entité qui ne pouvait être de ce monde. Le regard de Jisoo s'accrocha à la silhouette de Jeonghan, sans espoir de s'en détacher. Le visage sans défaut était éclairé par les dernières lueurs du jour. Cette lumière dessinait des nuances sur la peau. Les longues mèches brunes brillaient d'un éclat magnifique et volaient, emportées par une brise imaginaire. Les prunelles étaient perdues ailleurs, hors du temps, aspirées par l'atmosphère crépusculaire.

Un moment passa, et Jisoo avait repris sa contemplation. Le ciel les inspirait tous deux, d'une manière étrange, inexplicable. Les derniers instants du règne du Soleil alors qu'il mettait un terme à sa conquête. Une grandeur qui touchait à sa fin dans une effusion de couleurs de toute beauté !

-Tu viens souvent ici, je me trompe ?

Le plus jeune déglutit, puisant une quelconque inspiration dans le crépuscule. Un peu de courage aussi, tout ce qui pouvait lui manquer en ce moment. Jeonghan renchérit alors, plus doucement encore :

-C'est en quelque chose ton jardin secret ... Un lieu connu de toi seul, tu es certain d'y être tranquille. C'est un bel endroit pour réfléchir ! La vue y est magnifique aussi, il ne doit pas avoir meilleur crépuscule qu'ici.

L'Ange disait vrai et ses paroles éveillaient une vérité que son cadet avait préféré garder pour lui, jusqu'alors. Ils pouvaient peut-être se comprendre, malgré tout. Un spectateur et son chérubin, tout juste tombé du ciel.

-J-Je trouve ça beau. L'aube davantage que le crépuscule. Le levé du jour me rappelle une sorte d'espoir, un renouveau de tout ce qui est vivant. Lorsque le Soleil se couche, c'est différent. Ca s'apparente plus à de la mélancolie, un repos forcé. Et une fois la nuit tombée, je peine à me souvenir de cette clarté, de cette vie. Tout ça, personne ici n'est en mesure de le comprendre.

Les mots d'abord hésitants s'étaient ensuite échappés, comme libérés de toute attache. Un poids considérable disparaissait des épaules de l'adolescent. C'était bien peu, finalement. Juste des paroles dont la portée restait intérieure, un secret bien gardé !

-Et c'est pour cette raison que tu viens ici ? Parce que les autres ne pourraient pas comprendre. La différence n'est pas un problème, ça le devient à partir du moment où tu en as honte. La sensibilité est un don, et tu ne dois pas en souffrir. Tes yeux voient l'invisible, une beauté que tant de gens ne connaîtront jamais. C'est une chance que tu as !

Jisoo n'en croyait pas ses oreilles. Les dires résonnaient en lui et répercutaient une évidence à laquelle il avait si longtemps fermé les yeux. Son fardeau en devenait moins insupportable, partagé avec un de ses semblables. Jeonghan n'avait jamais semblé aussi angélique. A la fois si humain et mue de cette chose qui ne pouvait pas être d'ici.

L'adolescent ne savait quoi dire, quoi ajouter à cela. C'était une vision à la fois semblable et différente à la sienne. C'était nouveau, étonnant et agréable !

-Tu es le premier à me parler ainsi.

Il s'était senti si seul, tout ce temps ! Mais l'aura réconfortante de Jeonghan lui faisait un bien incroyable. Il ne restait presque rien de cette journée sur le point de s'achever. Une forme indistincte de lumière et le coup de pinceau d'un artiste inconnu et dont le talent dépassait l'entendement. Le Soleil s'en allait vers d'autres horizons, abandonnant ses enfants à une obscurité certaine et redoutée.

-Mingyu n'est pas ici ?

C'était maladroit. Grossièrement dit et risible au-delà de la considération ! Les paroles avaient dépassé la pensée et Jisoo se sentait comme le dernier des idiots. Une indélicatesse au potentielle de briser n'importe quelle magie !

Jeonghan pinça simplement les lèvres, son visage se fermait tandis que son expression devenait impénétrable. Le regard fuyant, il répondit après une longue minute :

-Non, j'imagine qu'il est dans la salle avec les autres.

L'indifférence suintait les mots prononcés, n'y laissant pas le moindre doute. Les propos étaient fades, inutiles, mais un sens caché naquit pour Jisoo. La confirmation de soupçons dont il avait eu honte. Il lança alors, avide d'une vérité qu'il effleurait à peine :

-Tu te fiches bien de lui, c'est ça ?

-Pardon ?

Les yeux de Jeonghan transmettaient une incompréhension faussée. L'offense pour un être venu d'ailleurs ! Le cœur battant à ses tempes, son homologue reprit, avec cette force retrouvée :

-Il n'est rien pour toi. Mingyu n'est qu'un parmi les autres, il n'y a aucune différence à tes yeux. Ce n'est qu'un pauvre garçon naïf, un bel enfant que tu penses pouvoir duper sans risque. C'est un passe-temps pour toi. Un jeu sans même qu'il s'en doute !

Les dires faisaient mal, mais la vérité était plus douloureuse encore. Une plaie qui ne devait que vive qu'à la lumière du jour, à la limite du mensonge. Jeonghan reporta son attention sur ce ciel pâle, animé de quelques couleurs. Mais Jisoo lisait dans ce regard une blessure, une douleur sans équivalente. Il s'en sentit frappé en plein cœur, touché par un Mal au sein même de la beauté incarnée.

-Tu ne sais pas ce que tu dis et pourtant tu n'as pas tord ! Tu es intelligent, Hong Jisoo, ne laisse jamais personne en douter. La beauté de ce monde est réelle, ce n'est pas une évidence pour tout le monde, mais je sais que tu la comprends.

Tout semblait pensé, mûri. Une réflexion que l'on se serait faite, un soir, sans raison aucune. Les mots s'avaient pas de barrière, et n'était que plus naturels. L'Ange soupira, avant de reprendre, comme une confidence :

-Mais il est d'une noirceur que tu ne conçois pas. Tout n'est pas simplement lumière ou obscurité ! C'est ce que tu dois encore apprendre, et là encore, rien n'est simple. La réalité ne blesserait pas si tout était parfait. Elle serait agréable, comme tout le reste, admirable aussi, pour tous. Ici, la beauté n'est pas une chimère, il fait savoir en profiter le plus possible. Et se préserver du Mal, le fuir et l'emmener le plus loin de soi !

Et l'ainé se leva, dans l'écho de mots dont le sens ne pouvait se perdre. Tant de chose se cacher dans l'ombre, derrière un masque parfait et sans défaut. Il suffisait encore qu'un sourire, pour duper toute une génération ignorante. Des émotions factices et des paroles pour se cacher, pour se détruire. Jisoo commençait tout juste à comprendre, sa curiosité le poussait sans le moindre égard pour le danger. Il ne voulait pas être aveugle lui aussi, il souhaitait connaître cet être si particulier.

L'Ange s'en allait déjà. Il ne laissait dans son sillage qu'un souvenir, amer et doux à la fois. Une complexité délicieuse, un mystère véritable pour deux êtres purs et dotés d'une sensibilité sans limite. Il fallait mûrir la réflexion et les pensées étaient bien présentes pour submerger l'asiatique. Le sens était là, pas si loin au terme d'une apogée semblable à celle de l'astre du jour. Masqué pour des heures d'errance et de troubles.

Jisoo n'était plus seul, malgré les apparences. Une ombre régnait mais il ne s'y laisserait pas prendre. Il avait quelque chose à partager, à donner, à offrir. Pourquoi ? Il ne saurait le dire ! L'Ange était apparu soudain, et le secret était simplement tombé du ciel !


Assez gros chapitre que j'ai (failli) oublié de poster. Bon, je ne suis pas en retard alors tout va bien XD

Jeonghan découvre le jardin secret de Jisoo. Ils ont pas mal de points commun, finalement ainsi qu'une vision assez similaire. Ah, et petite crise de jalousie de la part de notre Jisoo international :3

On est déjà au tiers de cette histoire, je viens de réaliser XD Ca passe vite, bientôt on sera à la moitié et puis à la fin ... Le prochain chapitre s'intitule "L'Ange noir" et ... je ne vous en dis pas plus ! 

Kiss les amis ~

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