10. Requêtes
La nuit avait été courte. Trop certainement. Le Soleil s'était levé soudain, comme une nouvelle à laquelle on ne s'attendrait pas. Jisoo avait jeté un regard effaré au ciel qui se colorait déjà de toutes ses nuances pâles. Il ne saurait dire combien de temps ils étaient restés ainsi, dans les bras l'un de l'autre. Mais c'est d'un commun accord qu'ils se séparèrent, un regret amer qu'aucun ne masqua.
L'asiatique ne verrait pas l'aube ce matin-là. L'envie lui manquait, une fatigue tenace le lui empêchait. Une envie furieuse de fermer les paupières, rien qu'un seconde. De fermer ses yeux, lourds et irrités. Il accusa un dernier regard à l'horizon, comme l'excuse muette de son abandon. Il laissait un autre être témoin de ce spectacle qu'il aimait tant, un goût amer en bouche.
Ils regagnèrent ensemble leur dortoir, sans qu'un mot ne vienne trahir le silence. Les lits étaient alignés, résultants d'un ordre parfait, règle maîtresse en ces lieux. Des adolescents y dormaient, paisiblement, jouissants d'un repos que Jisoo leur enviait déjà. Ce néant qui vous engloutissait, la paix intérieure si elle venait à exister. Aucun d'entres eux ne manquait à l'appel et les deux autres s'empressèrent de rejoindre leur couche.
Malgré l'épuisement, le plus jeune mis quelques longues minutes à trouver le sommeil. Les émotions retombaient sur lui, trop tard mais d'une redoutable intensité. Les souvenirs étaient clairs et défilaient devant ses yeux. Finalement, il rejoignit les bras de Morphée dans l'espoir de trouver un semblant de repos.
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Le réveil fut rude, encore plus que ce que Jisoo avait pu imaginer. Les sens engourdis de sommeil, la journée avait commencé. Un début de semaine et le dimanche semblait déjà bien lointain.
Jeonghan semblait bien se porter, fidèle à lui-même. Il était souriant, discutait avec qui lui adressait la parole, un exemple de sociabilité. Jisoo gardait un œil sur lui, sans trop de jalousie. Quelque chose avait changé, il le savait bien. Leurs regards s'accrochaient parfois, un peu plus longtemps que nécessaire, un sourire écorchaient la commissure de leurs lèvres même. C'était discret, de sorte à ce que personne ne puisse s'en douter. Une complicité d'un jour, que la nuit avait rendu réelle.
Le long monologue de la nonne avait échappé depuis longtemps à l'attention de l'asiatique. A l'occasion, il tentait de s'y raccrocher à nouveau, avant d'abandonner. La fatigue rendait toute tentative de concentration inutile et il en découvrait déjà les effets. Un début de migraine marque son arrivé triomphale alors que ses membres sont rendus lourds.
Jisoo laisse son regard dériver au-delà de la fenêtre épaisse de la petite pièce. Le Soleil était déjà bien haut dans le ciel et ses rayons agressaient son regard éteint. Malgré tout, il était heureux. Malgré l'horreur des révélations, de ces mots qui ne le quittaient plus. Malgré un passé atroce qui le secret avait délivré de son emprise. L'Ange s'était confié à lui et il avait la certitude profonde que les choses évolueraient seulement pour le mieux. C'était un mélange grisant d'épuisement et de soulagement, où se confondait souvenirs et réalité.
L'astre du jour atteindrait bientôt son apogée, au plus haut dans le ciel. Aucun nuage ne s'y était invité, comme respectueux de cette étoile. Jisoo ne s'était pas trompé, et lorsque la cloche sonna l'heure de déjeuner, il en fut absolument sûr. Seungcheol était à ses côtés alors qu'il se levait pour soulager les franches protestations de son estomac. Chan, quant à lui, n'était jamais bien loin.
Ils traversèrent ensembles les couloirs de l'orphelinat, quelques paroles de circonstances brisaient le silence. L'amitié traçait des mots, tout ce qui avait de plus inutile, c'était toutefois d'un agréable réconfort.
Jisoo aperçut Mingyu un peu plus loin, seul. Il déambulait sans but visible et n'était pas accompagné, une chose plutôt rare. C'était là une occasion rêvée pour l'asiatique qui ressentait toujours le besoin de parler à son cadet. Il lança, de manière quelque peu subite à ses amis :
-Allez-y sans moi, je vous rejoins plus tard.
L'étonnement se figea sur les deux visages, une émotion commune à ces deux adolescents. Ils échangèrent pourtant un regard entendu, hochant la tête comme un seul homme et laissèrent l'autre à ses occupations. Ce dernier les remercia sans un son pour cela, pour cette sorte de respect et de compréhension.
Seul à son tour, Jisoo en profita pour emboiter le pas à Mingyu, soucieux de paraître le plus naturel que possible. Les grognements désapprobateurs de son ventre ne lui feraient pas changer d'avis.
-Mingyu ?
N'ayant pas repérer la présence de son ainé jusqu'alors, le dénommé manqua de sursauter. De sa haute taille, il dévisagea l'autre sans comprendre.
-Est-ce que tu aurais un moment ? J'ai à te parler.
La stupéfaction du plus jeune était justifié, compréhensible même. Rares étaient les occasions où le fils du directeur lui avait adressé là parole. Et pour cause, il était plutôt introverti avec la plupart de ses camarades, une attitude qui échappait totalement au géant.
-Bien-sûr. Répondit-il, simplement mais poliment.
Ils marchèrent encore un petit moment, jusqu'à ce que le cadet s'arrête pour s'adosser à l'un des murs de l'établissement. Il paraissait plus que jamais décontracté, presque détaché de la situation. C'était une façade, évidemment, mais cela, Jisoo l'ignorait encore. Il était trop occupé à rassembler ses idées, alors que fuir n'était même plus envisage. Le regard dardé sur lui n'avait rien d'impatient ou d'agacé. Il n'avait rien à craindre de son cadet.
Le silence en devenait assourdissant, de trop aux yeux du plus âgé qui était prêt à tout pour le briser. Une gêne sincère qui n'échappa pas à Mingyu qui sourit gentiment. Finalement, l'autre lâcha dans un souffle :
-Je voudrais te parler de Jeonghan.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Il a un problème ? Réagit le cadet, au quart de tour.
Jisoo déglutit avec difficulté. Comment expliquer cela ? C'était délicat, lui-même n'était pas certain de ce qu'il voulait lui transmettre. Les illusions du plus jeune ... Il devait y mettre fin.
-Non. Il va bien. Répondit l'ainé, espérant ne pas être dans l'erreur. C'est ...
Il se stoppa seul, cherchant les mots justes. Il était mal à l'aise, se balançant d'une jambe à l'autre et se passant la main nerveusement dans ses cheveux courts. Il se sentait plus que jamais idiot, incapable de matérialiser ses propres pensées. Mingyu tentait de comprendre, de lire entre les mots, là où rien n'était dit.
-Ce n'est pas ce que tu crois. J'aurais voulu te le dire plus tôt, je ne veux pas que tu te fasses d'illusions.
C'était infiniment maladroit et ils en étaient conscients tout deux. Le géant s'appuya sur les derniers propos pour demander, les sourcils froncés sans méchanceté :
-Tu parles de Jeonghan ?
-Oui. Il ... Il t'apprécie bien mais ...
-... Mais pas de la manière que je pense.
Les mots avaient fusé, sans la moindre hésitation. Jisoo ne sut quoi répondre, les yeux écarquillés de surprise. La fatigue le rendait plus lent, moins réactif pour le moins. Une sorte de torpeur que cette conversation attisait et détruisait à la fois. Il ne savait plus quoi penser, se mordant compulsivement la lèvre inférieure.
-Tu sais ... Je ne suis pas idiot. Jeonghan n'est pas quelqu'un de mauvais mais je ne me fais aucune illusion quant au reste. Ce n'est rien de plus qu'un ami, ne te fait pas de soucis.
Mingyu souriait franchement cette fois et son jeune âge était enfin visible. Il donna une bourrade amicale à son vis-à-vis. Il ajouta, la malice dans les yeux et le ton badin :
-T'as pas à être jaloux, Jisoo.
Le dénommé retrouva soudain la parole, un peu trop tard malheureusement pour lui. Son cadet était déjà loin, un sourire mutin sur ses lèvres que l'autre ne vit pas. Ce dernier était comme perdu, en proie à une réflexion qu'il ne l'avait même jamais effleuré. Une question toute justifiée qui en emmenait encore d'autres. Déboussolé, Jisoo s'adossa contre le mur, dans l'espoir de ne pas s'écrouler. La faiblesse signait son retour, surplombait son épuisement constant. Le regard hagard, il souffla, en écho de ses pensées :
-Est-ce que je suis jaloux ?
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Il était tard, la nuit était tombée depuis plusieurs heures. L'ombre régnait en maître partout et Jisoo en sentait la lourdeur. Cette angoisse pleine et douloureuse qui prenait au cœur. L'errance et les questionnements.
L'adolescent était fatigué, autant physiquement et psychologiquement. Une sorte de lassitude d'un esprit qui ne demandait que le repos. Il avait retrouvé les limbes épais du sommeil quelques minutes seulement. C'était bien peu, loin d'être suffisant !
Les interrogations se succédaient, ne laissant aucun répit au jeune asiatique. Il maudissait la nuit qui éveillait chez lui de tels déboires. La Lune ne l'avait jamais laissé indifférent, elle le touchait, indéniablement. La pâleur qui jouait avec les couleurs sombres, y peignant une touche personnelle de mystique. Comme la signature d'une œuvre macabre où l'espoir s'échappait bien vite.
Le regard fixé sur le plafond terne, Jisoo pensait. Il était prisonnier de ses émois, ceux d'un jeune garçon qui devenait doucement un homme. Un mélange subtil de sentiments et de perdition. Il aurait pu en pleurer si seulement ses yeux fatigués le lui permettaient. Il n'y avait plus d'urgence cette fois, et il ne pouvait en vouloir qu'à lui-même.
Les émotions formaient une masse informe. Elles accrochaient la moindre de ses réflexions, le menant aux portes du désespoir. Tout cela lui collait à la peau, comme une saleté bien trop tenace. Ce qui était autrefois de simples tracas se muaient en une véritable fièvre. Une dureté insupportable que la nuit ravivait, ce qu'il s'était toujours caché mais qui ressurgissait maintenant, alors que tout semblait aller pour le mieux.
Soudain, une agitation se fit entendre dans une couche voisine, attisant l'attention de Jisoo. Il s'agissait de Jeonghan qui, de toute évidence, ne parvenait pas à trouver le sommeil lui aussi. Il ne resta pas inactif, couché sagement dans son lit. Il se leva, doucement, afin de ne pas réveiller les autres adolescents. L'autre prit un temps pour le dévisager, ébloui dans la pleine obscurité. Son ainé replaçait soigneusement la couverture, replaçant à l'occasion une mèche rebelle derrière son oreille. Il était beau ... Cette pensée atteignit l'asiatique plus fortement encore. Oui, personne ne pouvait le nier. Mais tout cela avait-il un autre sens ?
Jeonghan se redressa finalement. La Lune traçait sur lui des ornements là où son appartenance divine se faisait certaine. Ses cheveux bruns et longs descendaient dans son dos.
Il se retourna vers Jisoo, plongeant son regard dans le sien. Le cadet compris la requête muette sans qu'un mot ne soit prononcer. L'invitation plus qu'explicite de l'Ange qui s'en allait déjà, un léger sourire au creux de ses lèvres.
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