On regrettera demain ⚠️

Bon, que je vous prévienne... Cette nouvelle est en réalité un OS punitif, parce que blablabla, paraît que le syndrome de l'imposteur, ça se soigne. En l'occurrence, la punition était d'écrire une nouvelle érotique sans utiliser les verbes avoir et être (auxiliaires néanmoins autorisés).
Compatissez.
Et comme j'ai peut-être fait une autre bêtise durant la phase d'écriture, on m'a rajouté une phrase contrainte à insérer subtilement dans le texte. Je l'ai mise en gras par habitude, mais vous auriez trouvé sans.

J'annonce donc clairement que cette nouvelle comporte du contenu mature. Vous voilà prévenus ;)

***


Raah, ce mal de bide...

L'impression qu'on me charcute de l'intérieur, qu'on s'empare de mes tripes pour les tordre dans tous les sens, qu'on ricane en malmenant mon petit cœur au trente-sixième dessous, qu'on affole ma caboche de mille vertiges pour me forcer à rendre ma dignité.

Bon sang, je ne tiens pas l'alcool.

— Une misérable, voilà c'que...

— Mais non.

Le cerveau embrumé de bibine, je distingue tout de même la pointe de lassitude dans la voix de Marwan. Pas sûr qu'il se doutait de l'étendue de mon désespoir quand il m'a proposé de passer la soirée avec lui.

— Sale pétasse à grosses miches...

— Ouais.

— Mmh, grincé-je en fusillant mon hôte du regard. Et avec un peu plus d'enthousiasme, ça donne quoi ?

— Navré, miss Tarée, je ne dénigrerai pas le physique d'une femme pour te faire plaisir.

Oh, pitié. Manque plus qu'une petite phrase psycho à deux balles et il cochera toutes les cases du type Parfait et Désolant de Gentillesse.

— On parle pas d'une femme, Marwan, mais d'une créature démoniaque vomie de l'Enfer pour piquer les mecs des autres !

— Même. Je comprends que tu veuilles évacuer ta frustr... tristesse, mais tu ne te défoules pas sur la bonne personne. Elle, elle s'est juste laissé séduire par les promesses de ton Don Juan de petit copain. Enfin, d'ex-petit copain..., ajoute-t-il avec une grimace contrite.

Pff.

— Le jour où je t'ai étiqueté meilleur ami, j'aurais mieux fait de me péter la rotule. Si on ne peut même plus critiquer gratuitement les morues et les infidèles, je...

— Allez, te bile pas pour ce naze. Votre relation battait de l'aile depuis un moment, de toute façon. S'il ne t'avait pas lourdée ce matin, tu l'aurais fait dans deux semaines. Et puis, tu sais ce qu'on dit, un de perdu...

— ... moins mal au cul, ouais, je sais..., maugréé-je en lorgnant ma sixième – ou septième ? – bière ondoyer à travers le verre teinté de la bouteille.

— Non mais Lou, bordel ! s'indigne le puritain de service.

Amusée, j'ébauche un rictus torve en remarquant comme ses joues, naturellement hâlées, deviennent soudain plus foncées. Chez un autre, une telle pudibonderie me hérisserait le poil ; chez Marwan, je trouve ça craquant. Il ne se rend pas compte du potentiel qu'il cache, cet idiot. Je connais des dizaines de nanas qui se pâmeraient pour une œillade charbonneuse de l'Égyptien – et je ne parle même pas du reste – mais rien à faire : en matière de flirt, Marwan relève davantage du cas social que du séducteur invétéré.

Timide comme pas deux, très attaché à un obscur règlement sur le nombre requis de rendez-vous avant de se sauter dessus et ce qu'on peut bricoler en amont pour patienter, préférant les longues soirées cocooning en duo devant un film que les folles nuits entre débauchés consentants. Bref, un gentleman aussi désespérant qu'ennuyeux. Heureusement que je le connais depuis l'école primaire. Si je l'avais rencontré après le réveil de mes hormones, je me serais détournée de son cas avant même qu'il ait osé déplorer à voix haute mon vocabulaire fleuri.

Pourtant, je ne peux nier qu'il me plaît, physiquement. À l'opposé des dieux du stade qui posent fièrement sur la porte de mes toilettes, Marwan se distingue par sa carrure gracile et les lignes délicates, presque féminines, qui dessinent son visage. Si on ajoute au tableau une bouche plus charnue que les standards autorisés et des iris si sombres qu'ils en paraissent noirs, je ne crois pas exagérer en affirmant qu'il mériterait le fouet pour gâcher si ouvertement le temps que les honnêtes gens passent à fantasmer sur lui.

Merde, mon crâne va exploser.

Bon, plus qu'une bière et je me couche. Marwan me prête déjà son plumard, manquerait plus que je démarre mon coma éthylique sur le tapis du salon.

Comme s'il avait pigé mon besoin du moment, mon ami s'extirpe du canapé en proposant une dernière tournée. Emballée, j'acquiesce en silence et dodeline distraitement de la tête tandis qu'il rejoint la cuisine. À peine plus grand que moi, la démarche un brin maladroite, le jean descendu trop bas sur les hanches.

Alcool, fatigue ou lubricité latente, mon intérêt se concentre sur une zone jusque-là épargnée de mes considérations. Songeuse, j'étudie attentivement le léger renflement de son cul, vrille l'élastique noir de son boxer, note que certains jeans relèvent moins de l'habit normalisé que de l'entrave à la décence.

Ma confusion atteint son paroxysme lorsque, penché devant le réfrigérateur ouvert, Marwan offre à mon regard scrutateur le bas de son dos. Je l'ai déjà vu en sous-vêtements, mais toujours avec son aval... et de face. Là, l'impression de transgresser un accord tacite de longue date décuple mon trouble tandis que je reluque le foutu grain de beauté perdu au milieu du désert délicieusement doré de sa peau.

Bordel, il fait soif...

La raison prête à lâcher, je retrouve un semblant de dignité au moment où Marwan se redresse, triomphant, une bière dans chaque main. Néanmoins, alors qu'il se réinstalle à mes côtés, la vision de son affriolant postérieur continue de hanter mon esprit.

J'avoue piteusement ne pas m'intéresser outre mesure à sa vie sexuelle. Je sais que sa réserve le bride beaucoup, qu'il n'aime pas les coups « pour rien » et qu'il s'est séparé de sa dernière copine depuis un bail. Le reste, j'ai toujours préféré l'ignorer, alors qu'en fornicatrice éhontée et décomplexée, j'ai gratifié mon meilleur ami de chacune de mes frasques avec force détails qu'il n'a jamais pris le temps de réclamer. Déséquilibre flagrant, qui m'éclate ce soir en pleine figure.

J'aime le cul, je l'assume parfaitement. Marwan... je n'en sais rien, au final. Il pratique moins, mais je suppose que ça ne préjuge ni de son intérêt ni de ses compétences en la matière. Il se montre toujours attentionné et à l'écoute des autres, ça ne m'étonnerait pas qu'il s'avère un bon coup.

Assurément, je vais devoir investiguer sur cette information de la plus haute importance.

Décidée à en savoir plus, je fais mine de remonter la bretelle de mon débardeur et, roublarde, arrange ostensiblement mon décolleté pour offrir à deux jolis yeux sombres le spectacle de leur vie.

Si Marwan ne pipe mot, il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer le léger haussement de sourcil trahissant sa surprise. Son regard coule un instant sur l'objet du délit, avant de sagement se poser sur les paquets de chips éparpillés sur la table basse. Patiente, amusée, bourrée, j'observe son comportement avec une discrétion qui frôle l'irrécupérable. Mais je m'en moque et en plus, je ne pense pas différer beaucoup de mes habitudes.

Le temps joue son œuvre. Je rigole, je susurre, je guette. Et surprends plus d'une fois les iris glisser sur ma poitrine, se détourner avec gêne avant d'y revenir et s'y attarder. Je pourrais m'interroger sur cet intérêt soudain pour mes nibards, mais la satisfaction décelée dans son attitude plus trop équivoque occulte toute considération pénible de ma conscience. Marwan ne le sait pas encore, mais il vient de m'autoriser à lui faire du rentre-dedans dans les formes.

Basculant entre la volonté de ne pas heurter sa sensibilité et l'envie furieuse de taquiner sa susceptibilité, je lorgne ma bière quelques secondes avant de planter mon regard dans le sien.

— Ça fait combien de temps que t'as pas baisé ?

— Qu... Excuse-moi ?!

— Moi, ça fait quatre jours, et toi ?

Proprement estomaqué, il me dévisage comme si j'avais osé évoquer le sujet tabou par excellence. Si son air d'ahuri ne me surprend pas vraiment, la gêne qui s'imprime peu à peu sur sa figure commence en revanche à m'inquiéter.

— Quatre... semaines ? insisté-je.

Pour toute réponse, j'obtiens un grognement incompréhensible doublé d'une abdication visuelle des plus stressantes. Merde, je n'imaginais pas un tel néant sexuel.

— Plus que ça ? Quatre mois ?

Ses épaules se haussent, il évite toujours mon regard, frotte ses pieds l'un contre l'autre. Mon dieu...

— Marwan, bon sang ! J'te parle d'hygiène, là !

Contre toute attente, mon cri du cœur mute son embarras en éclat de rire. Un peu forcé, certes, mais on ne le changera pas.

— T'inquiète, je me débrouille très bien tout seul ! Attends, je vais chercher d'autres chips, embraye-t-il en sautant à nouveau du canapé.

J'acquiesce vaguement, les nerfs sens dessus dessous. En totale surchauffe, je ne pense plus qu'à une seule chose. Marwan, gentiment installé sur ce même coin du sofa où je suis affalée sans grâce. Marwan, simplement vêtu du boxer entraperçu il y a cinq minutes. Marwan, dont la main sûre contraste avec le lâcher-prise explicite de sa figure. Marwan, dont le râle libérateur risque de flinguer mes dernières cellules lucides.

Putain...

Quand l'objet de mon film personnel réapparaît pour de vrai dans mon champ de vision, habillé, mais toujours aussi sexy, ma raison menace de se faire la malle une bonne fois pour toutes. Possédée par le démon de la luxure, le cerveau noyé d'alcool, je fronce les sourcils alors qu'une idée saugrenue s'implante peu à peu dans mon crâne.

Saugrenue, mais diablement aguichante. Et tenace. Bordel, je ne vais pas réussir à m'en défaire. À quel moment le concept d'un meilleur ami sexy s'est-il imposé comme une brillante trouvaille dans mon esprit cabochard ?

Troublée, je reluque l'Égyptien avec fascination. Si ses yeux vitreux indiquent qu'il a largement dépassé le stade de l'ivresse légère, il paraît toujours lucide. Du moins, plus que moi. Bonne ou mauvaise nouvelle, que je n'ai pas le temps d'appréhender convenablement, alors qu'il remarque mon manège et fronce les sourcils.

— Quoi ?

Prise sur le fait, j'ouvre la bouche et dégoise à toute vitesse :

— Si ça te dit, je peux t'aider à remettre le compteur à zéro.

Un léger sourire étire ses lèvres tandis que mon offre trace son chemin à travers les rouages de son petit ciboulot brumeux, juste avant que ses yeux ne s'écarquillent et que ses traits ne dessinent une expression effarée.

— Attends, t'as pas vraiment proposé ce que je crois que t'as proposé, hein ?

Merde, il m'a perdue. Que croit-il que j'ai suggéré, là ?

— J'sais pas. Moi, je te propose un échange de fluides.

À mi-chemin entre méfiance et ricanement, Marwan secoue la tête, comme s'il n'arrivait pas à assimiler l'information. Zut, j'ai peut-être mal évalué ses capacités de raisonnement...

— Tu as sifflé combien de bières, au juste ?!

Ah, si. Tant mieux.

— Le nombre préconisé pour délester son meilleur ami d'une abstinence dangereuse et malsaine, souris-je, mutine.

— Malsaine toi-même, réplique-t-il en se renfonçant dans son fauteuil. On ne peut pas coucher ensemble, Lou.

— Pourquoi ?

— Pou... Mais tu t'entends parler ?! Je... Non, pas question !

— Pff, t'en fais des caisses, là. S'agit pas de se promettre des niaiseries qu'on ne tiendra ni l'un ni l'autre, juste de passer du bon temps. Évacuer nos frustrations respectives. Renforcer notre complicité, ajouté-je en haussant brièvement les sourcils.

— J'ai jamais rien entendu de plus débile.

Bon, il va finir par me vexer. Si je n'inspire certes pas le même engouement que lui envers le sexe opposé, il me semble tout de même que mes atouts fassent leur petit effet lorsque j'active le mode séduction. Par un décolleté judicieusement exposé, par exemple. Qu'il ne me la fasse pas à l'envers, il m'a reluquée dans les règles, lui aussi.

— Dis-moi, tu n'aimes plus les rousses ou comment ça se passe ?

— Je... Quel rapport ?

Sans déconner. Déterminée à mener mon entreprise jusqu'à l'orgasme, je pose la bouteille sur la table basse et glisse jusqu'à lui, m'installant sans cérémonie sur ses cuisses alors que la stupéfaction s'inscrit sur sa figure. Manifeste, sa crispation traverse nos vêtements, m'insuffle une confuse sensation de victoire, m'encourage à poursuivre.

— Ou alors, c'est ma silhouette qui ne te revient pas ? Tu préfères les crevettes ? Ah non, je me revois en train d'échanger des fringues avec Johanna, l'argument ne tient pas... Mon parfum qui te dérange, dans ce cas ?

— Arrête..., proteste-t-il en levant les yeux au ciel.

De plus en plus amusée, je me penche à son oreille et susurre, suave comme pas permis :

— Au risque de t'embarrasser encore plus, je sens très clairement un différend fâcheux entre ton éthique légendaire et les revendications d'une bite esseulée...

— Tu te frottes exprès, ronchonne-t-il en fuyant mon regard. Comment veux-tu que...

Joueuses, mes lèvres frôlent les siennes.

— Lou, je...

Recommencent, avant d'imprimer plus fermement leur marque sur leur cible, chaude et douce, mélange d'alcool et d'autre chose, plus subtil. Le goût de sa peau, que je découvre pour la première fois. Sa respiration se bloque, et ma raison se terre plus profondément dans un recoin abandonné de ma tête.

— Oui ?

— On... On a trop bu, tous les deux... On le regrettera, demain.

Héhé, il flanche.

— Je te promets que ça ne changera rien entre nous. Je chialerai toujours après Bastien, et tu resteras l'éternel romantique à la recherche d'un amour qui n'existe que dans les fictions à l'eau de rose.

— De la baise-pansement, en somme ? souffle-t-il, les billes braquées sur mon visage.

À nouveau, un sourire polisson étire mes lèvres alors que son envie se reflète autant dans ses yeux que contre ma cuisse. La respiration alourdie, il tente encore de contrôler ses émotions.

— Je vois plutôt ça comme un bonus imprévu à notre amitié...

— Neuf mois.

— Pardon ?

— Ça fait neuf mois que j'ai pas fait l'amour à une fille, assène-t-il avec un semblant de gêne.

Qu'il me faut dès à présent désamorcer, par n'importe quoi. Une engueulade, un fou rire, une vanne pourrie. Avant qu'il ne décide de se reconvertir en moine. Là, tout de suite, je refuse d'envisager de ne pas passer à la casserole dans un futur très immédiat.

— Waouh ! Eh ben, mon vieux, je ne donne pas cher de ton endurance !

Soulagement ultime, la provocation semble fonctionner alors que son regard s'étrécit.

— Tu me défies ? souffle-t-il, l'ombre d'un rictus à la commissure des lèvres.

— Évidemment.

Pas sûre que mon large sourire appuie le sérieux de la chose, aussi décidé-je de stopper là une conversation trop verbeuse pour une autre, plus à-propos. Entreprenante, je noue mes bras dans sa nuque et me rapproche de son visage. Coopérative, sa bouche s'entrouvre avant de se sceller de nouveau à la mienne. Cette fois, nos langues entrent dans le jeu, en un ballet aussi désordonné qu'envoûtant, et alors que ses doigts suivent l'ourlet de mon short puis s'enhardissent à caresser ma peau, j'échappe un soupir de contentement.

Marwan embrasse plutôt bien. Pas d'exubérance, si ce n'est la tension qui émane de chacun de ses membres. Il se maîtrise, par pudeur ou respect, mais je compte bien faire voler en éclats l'un et l'autre avant qu'on ne passe aux choses sérieuses. Sourcil arqué, je me détache de lui, lève les bras en l'air. Saisissant l'intention, mon ami s'empare du bord de mon vêtement et le remonte avec lenteur. Sa peau frôle la mienne, la charge d'une électricité délicieuse à mesure que mon buste se dévoile à son regard empli de désir.

J'aime lire l'envie dans ses yeux. J'aime capter cet instant où il bascule de la timidité à l'assurance, où ses mains s'impriment plus fermement sur ma peau, où ses lèvres prennent possession de moi, de ma gorge, de ma poitrine. Vaincu il y a trois minutes, Marwan devient conquérant, m'impose baisers et caresses avec une fièvre que je ne lui connaissais pas et qui me transporte encore plus loin que les promesses vaseuses de l'alcool.

Impatiente de le découvrir à mon tour, j'ôte son t-shirt avec fébrilité avant de le balancer le plus loin possible du canapé. Mon geste lui arrache un léger rire, que j'étouffe d'un baiser revanchard en pressant mes mains sur son torse. Peu musclé, Marwan possède néanmoins de jolis pectoraux qui n'attendent qu'un examen minutieux de leur fermeté. Ce que je m'empresse d'effectuer, naturellement dotée du sens du sacrifice.

Audacieuses, mes lèvres explorent chaque centimètre carré de sa peau tandis que son odeur boisée envahit mes narines et chavire un peu plus ma raison. Confusément, j'entends quelques soupirs discrets et cependant très encourageants. Dans mon dos, une main chaude erre paresseusement avant de se crisper lorsque je redessine du bout de la langue le liseré sombre partant du nombril et disparaissant sous le boxer.

Taquine, je fais mine de m'en éloigner, et ne cache pas ma satisfaction quand la main de Marwan se presse malgré lui sur ma nuque. Ramenée dans le droit chemin, j'obtempère de bonne grâce et le libère sommairement des derniers vêtements qui l'entravent. Rauques, presque inaudibles, les premiers gémissements laissent peu à peu place à des grondements plus marqués.

Les traits contractés, il ferme les yeux, évitant délibérément la confrontation visuelle alors que je ne cherche que ça. Qu'il me regarde le savourer. Qu'il sache à quel point ça me plaît de m'occuper de son plaisir. Je murmure son nom, me heurte à un imperceptible signe de tête négatif, reporte ma frustration sur son sexe que j'englobe furieusement, retrouve un semblant de sérénité alors que son poing se referme nerveusement dans mes cheveux.

— Lou, arrête..., souffle-t-il tout à coup en se redressant.

— Dans tes rêves, grogné-je. T'abuses, là, on arrivait sur une bonne vibe et...

— Ouais, ben justement, me faut une capote, genre maintenant.

Ah.

— Si vite ? raillé-je en m'écartant.

— Moque-toi...

Le sourire aux lèvres, il se lève et rejoint la bibliothèque. Intriguée, je ne manque pas d'examiner ce postérieur enfin dénudé qui se promène devant mes yeux, avant d'étouffer un ricanement en voyant son propriétaire passer la main derrière une rangée de livres et en extirper un sachet argenté.

D'accord. Originale, comme planque.

— Tu veux bien vérifier la date de péremption, s'il te...

— Mais ferme-là ! rigole-t-il en retraversant le salon.

— Ça risque de poser problème, observé-je, faussement sérieuse. Pour ta gouverne, j'aime manifester mon approbation à mon partenaire par quelques braillements opportuns.

— Je sais, sourit-il. Je t'ai déjà entendue.

Bien sûr. Avec toutes les fois où nous avons dormi l'un chez l'autre depuis le début de notre amitié, il s'avère difficilement concevable qu'il ait toujours pu pioncer sur ses deux oreilles. Surtout que, d'après mon expérience, ma voix porte.

Entreprenantes, ses mains agrippent le rebord de mon short et m'attirent à lui.

— On continue dans la chambre ?

Oh, mon petit Marwan... Trop classique, ça. Après neuf mois d'abstinence, on verse quasi dans un second dépucelage, ce soir. Ça se fête en grande pompe. Sans mauvais jeu de mots. Quoique...

Exaltée comme rarement depuis les débuts de l'ère Bastien, j'empoigne les mains de mon partenaire de folie et recule en aveugle, butant contre le canapé, manquant de m'exploser le talon contre le pied de la table, ricanant lorsque Marwan se le prend de plein fouet.

Deuxième porte à droite, deuxième porte à...

Concentrée à la fois sur les iris ensorcelants de l'Égyptien, son corps d'éphèbe tendu d'envie, le mien qui crie famine, mon équilibre malmené par l'excitation et l'alcool, je pouffe en l'attirant contre moi, savoure nos corps qui se fracassent contre le mur, reprends passionnément ses lèvres, le repousse par jeu avant de progresser vers mon but, trouve enfin cette satanée poignée, entraîne Marwan à l'intérieur de la pièce...

Et émets un grognement étouffé lorsque je me heurte à un imposant plateau de verre.

Stupéfiée, je guigne avec effarement le bureau de Marwan tandis qu'une petite voix dans ma tête répète que mon sens de l'orientation ne colle manifestement pas avec une cuite en bonne et due forme.

— Ça ne va pas ? s'enquiert Marwan devant ma mine consternée.

— Je visais la salle de bain..., ronchonné-je en roulant des yeux.

— Bah, heureusement que tu t'es trompée.

Constatant mon haussement de sourcil, il se fend d'un sourire canaille en laissant ses doigts remonter le long de mes bras.

— L'eau pourrait nous remettre les idées en place, tu ne crois pas ? Je sais pas toi, mais moi, je veux pas courir le risque..., poursuit-il en me tournant d'autorité face au bureau.

Oula, moi non plus !

Aux anges, je me délecte de ce torse épousant mon dos, de ces mains qui me caressent avec une sensualité remarquable pour un état d'ébriété avancé. À la torture, je subis les tourments délicieux de ce bassin cherchant le mien par à-coups irréguliers et dont le seul obstacle consiste en un short en coton lâche et une...

Putain.

Comme s'il avait capté ma prise de conscience envers ce qui recouvre mon popotin rebondi, une main se hasarde soudain aux abords de mon vêtement. Nonchalante, lascive, la curieuse électrise mes sens et annihile toute considération rationnelle, entre désir impérieux qu'elle chemine rapidement vers son but avoué et plaisir grisant de l'attente.

Le palpitant lancé en plein sprint, ma respiration se bloque alors que Marwan dénoue – bien trop lentement pour ne pas le faire exprès – le lacet de mon short. Prête à lui griller la politesse, je donne le maximum pour me contenir et, basculant la tête en arrière, inspire l'envoûtante fragrance de cardamome qu'il affectionne depuis des années.

— Du calme, rien ne presse..., susurre-t-il à mon oreille.

Merde. Prise en flagrant délit d'impatience.

— Je flippe juste qu'on tombe raides morts avant le grand final.

Les tympans vrillés par un rire silencieux, je salue mentalement la bonté d'un short trop paresseux pour tenir sans lien. Libérée de mon avant-dernier carcan d'étoffe, l'envie de clamer une remarque appropriée sur sa manière à deux temps de vivre les préliminaires se transforme en glapissement affolé quand un coup de dent aussi traître que lascif infligé à l'oreille manque de bousiller le peu d'équilibre qu'il me reste.

— Débile..., entends-je pour tout commentaire.

— J't'aime aussi, mais si tu voulais bien activer la secoooooh..., hoqueté-je alors que ses doigts s'insinuent sans plus de gêne sous la chose.

Bordel de...

Complètement soumise à l'exploration minutieuse prenant part en ce moment même sur la zone la plus humide de mon anatomie, je me plaque davantage contre le rempart humain grâce auquel j'arrive encore à tenir debout. La tension qu'il exerce contre mon corps conjuguée à l'embrasement actuel de ma culotte, je ne doute pas de m'effondrer au sol s'il me lâche maintenant.

— Ça te plaît ?

— Tu v-vois... bien q-que... non, rétorqué-je péniblement.

Un ricanement vibre contre ma gorge, les braves envahisseurs délaissent leur bastion. Frustrée, j'émets un gémissement contestataire avant de soupirer lorsqu'ils agrippent le fin tissu du sous-vêtement. Gratifiée d'une nouvelle morsure – à l'épaule, cette fois – je pince les lèvres en sentant Marwan glisser le long de mon corps. À genoux derrière moi, ses mains errant sans vergogne sur mes cuisses et mes fesses, son souffle irrégulier s'échouant sur ma peau frissonnante d'envie.

— Ok, cette image restera gravée dans ma mémoire à tout jamais.

Raah, chiotte !

— Mickey sur mon cul ? hasardé-je, d'un ton que je souhaite délibérément blasé.

— Ton cul à cinq centimètres de mes yeux.

Évidemment, il épargne ma dignité. Ce mec bat des records d'obligeance, il en devient presque pénible. À ma décharge, je n'avais pas prévu de m'envoyer en l'air ce soir.

— Tu peux certainement faire mieux que ça, ricané-je en tentant de me retourner.

Effort réduit à néant d'une poussée franche contre le bureau. Soufflée, ma respiration s'accélère alors que ma culotte déserte son emplacement habituel et révèle mes derniers secrets au regard scrutateur de Marwan.

Bon. Les choses sérieuses commencent. Je crois. Ça tourne un peu. Heureusement que la table m'empêche de me ramasser. Délicate ou ferme, vagabonde ou ciblée, chaque caresse dispensée sur le bas de mon corps m'embrase d'une excitation intenable. À sa merci, je me penche tout à fait contre le plateau de bois, sans chercher à réprimer le soupir d'intense satisfaction alors que sa langue se décide à rejoindre l'exploration du secteur sud.

Bordel de...

Une volée de frissons court sur ma peau, dresse mes poils au garde-à-vous. La chair de poule, alors que la combustion me guette : assurément, j'ai chopé une fièvre sévère. Une fièvre au charme oriental, chaude et ensorcelante. Le genre de fièvre qu'on supporte avec délice, reclus sous la couette à longueur de journée, avec pour seules excursions autorisées une virée nécessaire sous une douche brûlante ou une dégustation de choix sur la table de la cuisine.

Ou aplatie contre un bureau, la respiration erratique et les jambes écartées.

Mince alors, je me fais vraiment sauter par mon meilleur ami. Marwan, ce grand timide qui m'a parfois tiré quelques œillades frustrées alors qu'il se baladait torse nu dans mon salon. Marwan, dont les états d'âme ont valdingué je ne sais où et qui se révèle astucieusement appliqué à l'heure actuelle. Si appliqué qu'il en a perdu sa langue.

Enfin, non, pas vraiment... Bref.

— Dis-moi un truc, Marwan.

— Merde. Tu vois pas que j'suis occupé, là ? ronchonne-t-il, le pif égaré entre mes cuisses.

Non mais je rêve. Cet idiot se paye le culot de m'imiter, par-dessus le marché.

— Justement, nan, j'vois paaas... articulé-je alors que ses doigts s'immiscent en moi sans plus de manière, lui dégageant assez d'espace pour énoncer avec solennité :

Je veux te bouffer et te prendre comme une chienne.

Pause.

Inspire. Expire. Ferme la bouche. Tu as mal entendu, Lou. Pas possible que l'Égyptien coincé ait sorti une énormité pareille. Ni lui ni quiconque.

Proprement abasourdie, mon changement d'attitude ne passe pas inaperçu. Prenant le chemin inverse de tout à l'heure, Marwan remonte à mon niveau alors que je réussis – enfin – à me tourner pour lui faire face.

— Excuse-moi ?!

— Ben, tu voulais que je dise un truc..., crâne-t-il en haussant les épaules.

Mais qui balance des choses pareilles ?!

Quasi traumatisée par la vulgarité assumée d'un Marwan que l'alcool et le stupre dégagent de toute réserve, j'en viens à étudier les possibilités de ne pas connaître la bête aussi bien que je le supposais lorsque son regard sombre marque un effarement des plus suspects.

— La vache, je viens de trouver comment te clouer le bec ! Wow, au bout de vingt ans ! Ce soir restera...

— Ta gueule et prends-moi comme une chienne, si tu veux pas que j'm'énerve.

Quitte à verser dans le jeu de rôle, autant y mettre les formes. Défié, l'homme m'adresse un sourire étincelant avant d'obtempérer en me faisant pivoter. La poitrine à nouveau plaquée contre la fraîcheur du plateau de verre, une volée de frissons se répand sur ma peau alors que je crois distinguer le son caractéristique d'une capote qu'on déballe. Tandis qu'il s'équipe, je l'entends grogner d'impatience, le sens effleurer ma croupe avant d'y asséner une légère soufflante ô combien appréciée. Au comble de l'attente, la fébrilité que je devine dans mon dos attise davantage mon envie de lui.

Encore heureux, il ne se fait plus désirer longtemps, et un même râle de satisfaction retentit dans la pièce tandis qu'il entre enfin en moi. La cadence rapide, brusque, chaque va-et-vient m'arrache un gémissement à faire pâlir de jalousie le voisin du dessus sur ce que bricole l'Égyptien en ce moment. J'ai annoncé la couleur, hein, qu'on ne me reproche pas d'avoir menti sur la marchandise ! Et même si à ce rythme, je doute qu'il tienne bien longtemps avant que je ne commente perfidement sa performance, j'admets volontiers qu'il me fait un effet dingue, en mode bestial.

Cela dit, pas autant que le mode sensuel, alors que ses mains enveloppent ma taille et ma poitrine pour me redresser contre son torse, que ses mouvements se font plus lents, que sa langue harcèle ma gorge de baisers brûlants. Menant la danse, il ne m'offre d'autre choix que d'aller à la rencontre de son bassin en l'écoutant me susurrer qu'il me trouve belle, qu'il adore me voir prendre mon pied, qu'il crève d'envie de me faire jouir.

Assurément, on regrettera demain. Mais tant pis. Ce soir, seule l'envie d'assouvir une pulsion latente me guide. Ça et l'idée, délicieuse, de désormais connaître Marwan aussi bien que moi-même. Et si on regrette vraiment, pas de panique, on picolera pour oublier.

Qui sait, peut-être qu'on remettra ça...

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