L'Aventure d'une vie:

La première fois qu'Annalise voyagea, elle avait six ans.

Sur un balai fin en bois clair, elle sentit l'air s'engouffrer à travers ses mèches folles, la douce odeur des embruns venant lui flatter le nez en un doux chatouillis. Elle prit une grosse inspiration, et d'une brusque pression vers le bas, fit plonger son balai, un rire s'échappant de sa bouche d'enfant, raisonnant alors comme un carillon à travers le ciel. Son cœur faisait des sauts de géant tandis qu'elle piquait vers la mer, les passants sur les côtes s'exclamant avec de l'admiration, de la peur pour elle, et de l'amusement.

Alors qu'elle allait s'écraser sur la surface de l'eau, elle redressa son manche, un large sourire sur les lèvres et les yeux rieurs.

Elle se sentait plus libre que jamais.

Sur son canapé, la bouche entrouverte et les yeux grands ouverts, Annalise se retourna vers sa mère.

« Encore ! »

Et avec un doux sourire, sa mère ne put pas lui refuser.

C'était le début d'un long voyage.

***

Annalise avait des étoiles dans les yeux, du haut de ses huit ans, en découvrant une saga qui la laissa sans voix.

Partout, des explosions, des bruits de tir, qui sifflaient dans l'air, dans un son strident et des couleurs chatoyantes.

Des droïdes qui tombaient au sol, en un claquement sonore.

Des Jedis, qui, d'un simple mouvement de la main, envoyaient valser leurs adversaires.

Des combats entre chevalier de la lumière et chevaliers des ténèbres, armés de sabres lasers et exécutant des figures toutes les plus acrobatiques les une que les autres.

L'infini devant elle.

Derrière elle.

A gauche.

A droite.

En bas.

En haut.

La magie de l'espace.

Et des vaisseaux.

De nombreux vaisseaux, qui comme un essaim d'abeilles, menaient une danse mortelle au dessus de Coruscant.

Batailles galactiques.

Combats épiques.

La Force.

***

Annalise passa un doigt rêveur sur la photo de la baleine qui lui faisait face. Elle avait toujours été fascinée par ces créatures sublimes. Et à douze ans, elle continuait de les aimer.

En fermant les yeux, elle se laissa tomber sur son lit.

Et son immersion commença.

L'océan.

Le mot à lui seul menait à un...océan de choix.

Le clapotis de l'eau à ses côtés avait un petit quelque chose d'apaisant. Mis à part cela, le silence.

Un silence reposant.

Et bienvenue.

La sensation du liquide frais sur son corps, partout sur elle, lui apportait la paix. Les bras et les jambes écartées, elle se laissait flotter sur les flots, ses longs cheveux prenant l'apparence d'une auréole, châtains habituellement, mais qui, trempés, se teintaient d'une douce couleur auburn.

Elle ouvrit ses yeux noisette.

Le ciel lui apparut dans toute sa splendeur.

Bleu.

Du bleu partout.

C'était presque difficile de voir où commençait le ciel.

Et au loin, une île, couverte de verdure, son sable blanc visible même de là où elle était.

Et là, à seulement quelques dizaines de mètres, fendant l'eau, une large bosse, suivie d'un panache blanc, qui s'élevait dans l'air.

Le souffle.

Une baleine.

Annalise prit une grosse inspiration.

Et se laissa couler.

Bleu.

Du bleu partout.

Et un chant.

La baleine chantait.

Et c'était une mélodie magique.

Comme une lamentation.

Mélancolique.

Grave.

Puis aigue.

Et une danse.

La baleine dansait.

Et c'était un phénomène magnifique.

Gracieusement.

Harmonieusement.

Puis elle remontait.

Et le cycle se répétait.

Annalise, avec un petit rire, se rendit compte qu'elle disposait d'un stock d'air illimité.

Alors, elle nagea vers cette forme sombre, gigantesque, majestueuse.

Il était temps de faire connaissance.

***

A quinze ans, Annalise se passionna pour la poésie.

Sur la pelouse, l'herbe lui chatouillant les jambes, un recueil de Victor Hugo dans les mains, elle s'évadait dans des vers.

Sur la plaine de sable,

Une caravane, au loin,

Une pyramide, indémodable,

Un oasis dans le coin,

La chaleur étouffante,

Qui vous prenait la gorge et le cœur,

La soif, suffocante,

Qui disait : « Vas-y, meurs ! ».

Le mirage devant soi,

Comme un appât,

Un ancien roi,

Un nouveau pas,

Le vieil ennemi, Soleil,

Lueur aveuglante,

Ardente merveille,

Et faut-il qu'elle vous mente ?

Vous êtes perdu.

Et la mort vous gue_

« Annalise ! », l'appela sa mère.

En grognant, la jeune fille ferma son ouvrage.

« Quoi ? », cria-t-elle.

Un petit silence, sur lequel les grillons chantaient, et Annalise se laissa porter par la brise de l'été.

« Tu vas chopper une insolation, avec ce cagnard ! Et viens boire ! »

Annalise se leva avec réticence, son livre sous le bras.

Plus de poésie pour la journée.

***

A vingt ans, Annalise tomba amoureuse de la littérature étrangère.

Des samouraïs qui combattaient sur une île, nodachi et bokken s'entrechoquant.

Et elle, en spectatrice silencieuse, qui faisait des origamis.

Un luthier chinois qui taillait le bois, le bruit des instruments raisonnant dans sa demeure alors que les aristocrates de la cité impériale se pavanaient devant lui, dans leurs habits de soie.

Et elle, en spectatrice silencieuse, qui dessinait des estampes.

Des visions cauchemardesques de la peste, un chat noir feulant, un Orang-outan créant le chaos, un triste prisonnier.

Et elle, en spectatrice silencieuse, qui admirait ces moments sinistres.

Une demeure à l'écart des autres, sur une ambiance gothique, abritant un amour enivrant, entre préceptrice et maître de la maison.

Et elle, en spectatrice silencieuse, qui passait le chiffon sur une glace en les voyant se rapprocher, puis se séparer, pour se retrouver et finir leur vie ensemble.

***

A 30 ans, Annalise redécouvrait des classiques.

« Dis, dessine-moi un mouton. »

Et avec un sourire, elle enfermait l'enfant dans ses bras, son calepin devant elle.

« Fais attention aux serpents. » , le prévint-elle.

Un monsieur habillé d'une redingote jaunâtre, l'air affligé, enserrant son visage entre ses doigts, qui ressemblaient à des serres en cet instant, une piécette à ses pieds.

« Tenez », fit-elle en lui tendant un mouchoir, un sourire rassurant sur les lèvres.

L'homme la regarde avec confusion.

« Vous êtes l'homme le plus généreux qui m'est été donné de rencontrer, monsieur Jean Valjean. »

Elle partit.

Il fallait qu'elle rendre visite à ces chers Thénardier...

« Un anneau pour les gouverner tous. », lâcha-t-elle en pointant l'artefact d'un hochement de la tête.

Elle renifla bruyamment, avec agacement, et regarda la compagnie qui lui faisait face.

Quatre Hobbits. Un Mage. Un Elfe. Un Nain. Un Rodeur. Et un Prince.

Une sacrée troupe...

« Si vous saviez dans quel merdier vous vous embarquez... », chuchota-t-elle avec amusement.

***

A présent, Annalise avait plus de quatre-vingt ans.

Et elle aimait toujours autant voyager.

« Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lire aujourd'hui... », se demanda-t-elle en se passant une main sur les lèvres.

Sa bibliothèque, remplie d'ouvrages aux milles couleurs et aux milles récits, semblait l'inviter à se plonger dans ses écrits.

« Ah ! »

Elle tendit la main vers le haut, et d'un doigt expert, sortit son choix de l'étagère.

Un petit sourire sur les lèvres, elle prit place sur sa chaise à bascule.

« Va pour L'île au trésor.»

Elle commença sa lecture, en humant une petite chanson. Le couinement de la porte lui fit lever la tête.

Dans l'embrasure de l'entrée, une bouille enfantine apparut.

« Timothée ? », l'appela-t-elle gentiment.

L'enfant entra complètement dans la pièce, l'air un peu intimidé, ses mains cachées derrière son dos.

« Ça te dit que je te lise une histoire ?

Son petit-fils hocha la tête. En souriant, elle lui fit signe de venir près d'elle. Il vint en hésitant et s'assit à ses pieds.

« Est-ce que tu as déjà voyagé, mon ange ? »

Il fit non de la tête.

Annalise eut un petit rire.

« Je vais te montrer alors. Tu n'as pas forcément besoin d'aller bien loin pour visiter les plus beaux endroits et vivre les plus incroyables aventures. »

L'enfant se tourna vers elle.

« Ah bon ? »

La grand-mère tapota la couverture de l'ouvrage.

« Tu as ces vieux amis. Un bon film peut également très bien faire l'affaire. »

Son petit fils la regarda avec scepticisme.

De nouveau, elle rit. Elle lui pointa la tempe du doigt.

« L'imagination, petit ange. L'I-MA-GI-NA-TION. »

Cette fois, elle lut de la curiosité dans ses yeux.

« Laisse-moi te montrer. »

Elle ouvrit son livre, et entama sa lecture :

-Chapitre 1 : Le vieux loup de mer de l'Amiral Benbow. C'est sur les instances de M. le chevalier Trelawney, du docteur Lindsey et...

Et Annalise continua ainsi, mot par mot, phrase par phrase, paragraphe par paragraphe, page par page, chapitre par chapitre.

Et avec un sourire satisfait et amusé sur les lèvres, elle vit le visage de son petit-fils s'éclairer d'une lueur intelligente.

La première fois que Timothée voyagea, il avait six ans.

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