Deuxième rencontre avec la mort
Un jour, saoul comme un cochon, le vieux Gary était monté sur une table pour déclarer : « Les gens comme moi sont immortels ! L'enfer est ici ! Si je meurs, le ciel me recrache pour s'assurer que je reste dans ma prison terrestre ! »
Quand dix heures après s'être pris une balle dans l'œil, Morgus s'était réveillé, il avait repensé à la théorie que des années plus tôt son ami avait eu en picolant trop. A croire qu'horrifié par ses méfaits, le paradis l'avait rejeté comme un chat le fait avec une boule de poils. Pour être tout à fait honnête, le criminel avait l'impression d'être cette boule de poils. Déjà, intérieurement il se sentait tout retourné. Telle une mélodie détestable mais entêtante, le discours fumeux de Barett sur la loyauté et les sacrifices nécessaires tourné en boucle dans sa tête pour faire remonter un à un ses souvenirs. On lui avait tiré dans la jambe pour qu'il tombe, puis dans la main pour qu'il lâche son arme et enfin dans l'un de ses yeux pour qu'il ne puisse plus jamais les rouvrir. De l'extérieur, il était encore bien pire. Il était blessé. Il lui manquait un œil. Ses habits déjà tachés de boue et de sang avait aussi été trempés par la pluie nocturne. Terre et mousse de la forêt où avait eu lieu l'affrontement se mêlaient à présent avec ses cheveux sombres. Et s'il n'avait jamais été friand des insectes, Morgus après cette petite expérience était certain de les haïr. Se débarrassant d'un cloporte qui grimpait sur sa manche, il se leva avant de retomber aussitôt, surpris par une sorte de bourrasque noir qui finit par s'immobiliser devant lui. A bien y regarder, il s'agissait d'une silhouette humaine encapuchonnée dans un tissue si sombre qu'il semblait absorber la lumière du jour.
— Qui êtes-vous ? demanda Morgus.
— La mort, répondit très sérieusement l'inconnue d'une voix féminine.
Entendant cela, le bandit ne put s'empêcher de rire et ce jusqu'à ce qu'une faux n'apparaisse comme par magie sous sa gorge.
— Ce n'était donc pas une blague ? fit-il remarquer en essayant de s'éloigner de l'arme.
— En effet, comme je vous l'ai dit je suis la mort, répéta-t-elle de façon toujours aussi neutre et sérieuse. Plus précisément, je dois faucher les âmes des morts rebelles.
— Et qui vous dit que je suis mort ? questionna Morgus en comprenant que le paradis ne l'avait pas recraché mais qu'au contraire l'enfer avait simplement du retard.
— Le registre l'a dit.
— Et s'il se trompait, votre registre, répliqua-t-il en repérant sous un tas de feuille le canon du révolver qu'il avait dû lâcher plusieurs heures auparavant. Après tout, je parle et je bouge.
— Ce n'est qu'une erreur. Votre âme ne contrôle plus qu'un corps mort. Si vous vous concentrez bien vous verrez que votre cœur ne bat plus et que dans vos moments de silence vous ne respirez plus. Vous laissez fauché est la meilleure solution : les immortels n'ont plus de vie.
Sur ce, elle commença à fendre l'air de son arme mais aussitôt Morgus saisit rapidement son révolver et tira. Si sa blessure à l'œil droit l'empêcha de toucher la poitrine de sa cible, la balle tirée se figea néanmoins dans le bras de celle-ci qui dans un cri lâcha sa faux. Se précipitant sur l'arme, le malfrat la saisit avant de se relever pour déclarer :
— Les forces s'inverse, on dirait. Que se passe-t-il si j'utilise votre arme contre vous ?
— Je meurs, répondit-elle pas apeuré pour deux sous. Mais je ne suis pas seule, d'autres faucheurs vous pourchasseront.
— Partez alors ! annonça-t-il aussi tranquille que s'il venait de ruiner quelqu'un aux cartes avant d'ajouter un percevant le trouble de son interlocutrice. Vous pensez que je n'ai plus de vie et que je vais devoir fuir jusqu'à qu'un de vos comparses me retrouve. J'ai envie de vous prouver le contraire.
— Vous jouer un jeu dangereux, prévint la faucheuse qui pour la toute première fois semblait éprouver une émotion humaine – l'agacement. La prochaine fois que l'on se verra...
— Je vous promet, l'interrompis Morgus, que la prochaine fois que l'on se verra, me faucher sera la dernière chose à laquelle vous penserez!
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