Chapitre 4 - 2/2

Une tape brusque sur l'épaule gauche de cette dernière força sa reconnexion avec le présent. Ėlaītan lui fit un petit signe de la tête vers l'avant pour lui indiquer de prêter attention à ce qu'il se passait devant eux. La cérémonie avançait. Elle pivota brièvement vers Ýlī et lui signa de se retrouver près de la grande cascade plus en queue de Lukaň d'ici deux heures. Pour toute réponse, son amie hocha la tête en camouflant un sourire.

Un īrhīnaý sur son lié apparurent bientôt tandis que le soleil sombrait plus encore dans le ciel à l'assaut des nuages rendus dorés de l'īlī. La monture se stabilisa au-dessus de l'hnėvtsīl à grand renfort de battement d'ailes puissants, puis attrapa la structure en bois prévue à cet effet et le souleva de terre.

Quelques instants plus tard, après avoir transporté son funèbre fardeau, l'īrhīň desserra sa prise sur la barre de bois et les voiles de tissus se gonflèrent d'air dans un claquement sourd. Alors Maanī, une chanteuse à la voix cristalline du clan, entonna les premières notes de ce chant que la Natīal avait déjà pu entendre danser à ses oreilles plus tôt, de la bouche de Kulī.

L'assemblée se joignit à elle et bientôt toutes les voix des Seývaňsī rendirent leurs derniers au revoir pour une âme partie trop tôt. Et alors qu'ils assistaient à la disparition de la jeune enfant, avalée par les abîmes inconnues de Lähallka et que le clan laissait à Ğadallka le soin de prendre soin de Dītī, Verhėm tomba à genoux, et sa voix en hurlant se déchira comme les derniers rayons du soleil déchirèrent le ciel.

Deux heures plus tard, l'obscurité s'était fait reine sur les forêts du lī'ut centenaire. Verhėm avait fait savoir au clan qu'il voulait rester seul pour pleurer sa dernière famille, et tous se dispersèrent pour respecter sa volonté.

Ėlaītaň prévoyait de réunir leur petit groupe d'amis vers l'apogée de la nuit et Llanasīň lui avait précisé que Ýlīnar et elle prévoyaient déjà une rencontre à la cascade. Ainsi il fut convenu que le reste du groupe les y rejoindrait. Paraissait-il qu'il souhaitait leur faire part de quelques choses qui le tracassaient. Son frère représentait une source indéniable d'informations nouvelles. Ses oreilles trainaient toujours en des endroits innombrables grâce à son talent reconnu pour la confection d'arcs qui lui valait de pouvoir poser les pieds dans presque n'importe quel tīsīalu.

Rhena rêvait sans s'en cacher d'en faire son apprenant.

Et Ėlaītaň arborait une envie toute aussi véridique que ce soit le cas.

Pour cela, il faudrait cependant que son frère choisisse la voie des airs durant leur ūlėň commun, mais surtout, qu'un īrhīň le juge digne et le choisisse. Et même après cette incontestable réussite, pour que les deux puissent entretenir une relation d'enseignant à élève, il serait indispensable que son double se voit affublé d'iris bleues, couleur d'épines d'urhīaløň. Autant dire que rien n'était encore joué.

Llanasīň en était là de ses réflexions, ses pieds nus baignant dans l'eau froide translucide aux reflets de sève de velaøňlorsque des pas résonnèrent, faisant rouler des galets le long de la berge de la rivière. Instantanément debout dans la seconde qui suivit, il ne lui fallut que quelques pas avant de se jeter dans les bras tendus de Ýlīnar.

La violence de l'impact leur coupa le souffle. Les deux amies y ayant mis la même énergie d'approche mais le choc passait loin en second plan derrière la joie pure et le soulagement de se retrouver de nouveau réunies.

-  Tu m'as tellement manqué Llana, souffla-t-elle, le nez caché dans la chevelure blanche détachée qui courait jusque dans la chute de ses reins. J'ai tant de choses à te raconter.

-  Ton absence est toujours dure à supporter aussi Ýlī... La forêt paraît bien calme sans ton rire pour la déranger.

Comme répondant à une demande non formulée, la belle rousse partit dans un rire qui sauta jusqu'au cœur de son amie et l'entraîna dans sa danse endiablée. Lorsqu'un cavalier quittait les terres de Lukaň pour voler vers un horizon infini, rien ne pouvait affirmer que ce dernier reviendrait un jour.

En partant, impossible de savoir si la paire atteindrez un autre lī'ut avant que l'īrhīň ne se fatigue jusqu'à n'en plus pouvoir voler. Et puis les cieux de Lähallka pouvaient entre autres se targuer de posséder une dimension dangereuse incontestable. La météo variait fortement sous l'influence des deux lunes et de leur valse autour du globe, tout autant qu'impactée par les phénomènes climatiques intrinsèques à l'atmosphère de Lähallka.

Le ciel dégagé d'azur barré du rhīvele courant autour de la planète détenait cette fascinante capacité à se couvrir en un frémissement du temps du plus immense des lėkazsī.

-  Ezalīm nous a raconté ce qu'il s'était exactement passé, commença-t-elle en entraînant sa camarade à sa suite pour les faire marcher en direction de leur lieu de rendez-vous avec les autres.

-  Nous ?

-  En rentrant, tout īrhīnaý doit faire un compte rendu de son vol. Nous étions parties le faire avec Eana.

À l'entente de ce prénom, Llanasīň échoua royalement à masquer une moue dédaigneuse et ses yeux roulant vers le ciel. Eana se plaçait sur la même tranche d'âge que Ýlīnar, s'avérait être une excellente chasseuse et cavalière de sėzllaīltout comme d'īrhīň.

Une peau pâle et des cheveux châtain foncé coupés court qui la distinguaient avec élégance et lui donnaient un air mutin. Ce qui frappait le plus chez elle, c'était la couleur de ses iris aussi rouge que le sang. Une couleur particulière et peu commune contrairement à l'argenté, le bleu, le vert ou même l'orange.

Un Natīal naissait invariablement avec une iris teinte de nuit sans étoiles ni lunes, reflet saisissant des feuilles d'alīseøň. Cependant, se lier avec un īrhīň lors de l'ūlėň impliquait une mutation dans le corps qui se traduisait par la colorisation des yeux. On dénombrait ainsi huit variations qui en découlaient. Dans l'ordre de rareté croissante, se trouvait comme plus commune l'iris verte rappelant la couleur de la mousse au sol ou encore les feuillages de rhīnaøň, īrhakaøň, du sokøň ou même de l'hnatøň.

Venait ensuite l'iris bleue, reflet du ciel infini, nuance de Kīīň, teinte merveilleuse retrouvable sur diverses variétés de plantes, mais aussi dans les branchages du sallkaøň ou du sīkaøň. L'argent occupait la sixième place et les Natīalsī y associaient l'az'urha de l'équilibre réalisée à partir de sève de tanøň.

Juste après, commençant à être un peu moins courante, se trouvait l'orange, couleur chaude et vibrante du feu et du dīmaøň. Une teinte aussi ensorcelante que la chevelure de la jeune rousse avec qui Llanasīň contemplait l'urhal dans la quiétude de la cascade silencieuse. L'eau rendue dorée par l'éclat d'Astrīrhėl sur l'onde, recelait une beauté saisissante que la troisième couleur la plus rare d'iris s'était octroyée. Ezalīm, ce ğonō, en possédait la paire.

La quatrième place revenait à cette drôle de teinte coincée entre le bleu et le vert comme ne sachant pas choisir, que Llanasīň voyait tous les jours en regardant sa mère dans les yeux. Une variation si particulière que cela en avait fait chavirer le cœur de son père malgré ses réserves quant aux īrhīnaýsī.

En seconde position sur l'ordre de rareté, le marron couleur de terre se faisait maître. La vie animale et végétale était condamnée à vivre sur les carapaces abritant divers biomes des lī'utsī, ne pouvant décemment pas fouler l'īlī intangible, la terre ainsi chose rare sur Lähallka ; cette teinte en avait suivi l'exceptionnalité.

Vainqueur parmi tous, le rouge, pigment unique et mystérieux. Coloration de plumes de tīrhėksī ou bien même de feuillles de sulīøňsī, les īrhīnaýsī aux yeux rouges se comptaient peu nombreux. Rien que sur Lukaň, le clan Seývaň pourtant large de plus d'un millier d'âmes et dénombrant juste un peu plus d'une centaine d'īrhīnaýsī, les iris couleur de sang n'étaient seulement possédées que par deux paires-liées. Et Eana en faisait partie et en tirait un égo démesuré.

La jeune femme savait se faire remarquer, chose qui d'ordinaire n'aurait pas importuné la na'rhå. Cependant la monteuse ne choisissait pas tellement de bonnes raisons pour le justifier. Du moins, Llanasīň ne lui en trouvait aucunes qui vaille de valider son exubérance et cette capacité à tenter de diriger le regard vers sa personne.

Du mouvement dans les branches attira soudain l'attention des chasseuses en pleine contemplation de l'urhal. Økorhī et Ėlaītaň sautèrent au sol atterrissant sur un lit de mousse qui avala les sons de l'impact. Les garçons semblaient absorbés par leur conversation, qui, de là où se trouvaient les deux amies, paraissait être animée.

La nuit leur charriait des bribes décousues d'un discours étrange. Kulī débarqua de l'autre rive dans une trille musicale d'Opat, survolant une forêt plongée dans l'obscurité de la nuit. La créature ailée aux plumes d'argent dont les extrémités noires le rendait facilement identifiable, se posa près d'elles sans perturber le silence nocturne.

Se redressant avec la belle rousse, elles allèrent à sa rencontre. Les garçons s'étant arrêtés pour débattre entre eux finiraient bien par les rejoindre.

-  Opat a l'air d'aller bien, commenta Llanasīň en le regardant, à quelques dizaines de centimètres de lui.

-  Oui, son plumage est épais... cela lui a certainement sauvé la vie, souffla la jeune cavalière en lui caressant la tête.

Son lié émit une sorte de roucoulement de contentement avant de tendre la tête vers la na'rhå et pousser sa main de son bec. Plus un bruit de la part de personne dès la seconde qui suivit. Tous se conformaient en la copie identique de son voisin, la tête jetée en arrière sous la surprise, les yeux aussi ronds qu'Astrīrhėl.

-  Bah ça... siffla Økorhī en approchant prudemment, fronçant désormais ses épais sourcils noirs.

-  Ce n'est pas commun, acquiesça Ýlīnar qui pour le coup, elle, reculait pour observer la scène.

Opat frottait son bec contre la paume ouverte et retournée de la main de la jeune femme aux yeux noirs. Elle n'osait se risquer à bouger de peur qu'il finisse par se dire que cela lui serait plus intéressant d'en goûter la saveur. Les īrhīňsī, aussi nobles et beaux puissent-ils être, restant de formidables prédateurs aériens, mais surtout, des créatures omnivores.

-  Par mes Dieux ! ajouta Ėlaītaň qui avait suivi son ami et se tenait désormais près des trois filles. Tu vois Llana ? Je t'ai toujours dit que tu es faite pour être īrhīnaý, blagua-t-il.

-  Il ne faudrait pas dormir dans un nid d'ählvėr avant de s'en être assuré du départ de ses maîtres !

Une voix masculine puissante venue du couvert des buissons tonna et les fit tous sursauter. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ici ? Llanasīň lança un regard mi-interrogateur mi-accusateur à son jumeau. Il lui adressa une excuse silencieuse avec une moue contrite. Certes, il lui avait sauvé la vie. Mais sa reconnaissance envers lui s'arrêtait là. Rancune tenace...

-  Elle ne serait certainement même pas choisie par un īrhīň ! renchérissait une autre personne dont le timbre féminin lui fit serrer la mâchoire et jeter un œil meurtrier à son double aux yeux noirs fuyants.

Le petit groupe se tourna vers l'origine de ces douces et affectueuses paroles à l'encontre de la na'rhå, tandis que dans son dos, Opat s'affairait toujours à se gratouiller le duvet qui surplombait le haut de son bec sur ses doigts. Aux vues de la réaction d'Ėlaītaň, leur présence n'était pas impromptue mais belle et bien désirée. Si elle avait eu son mot à dire, nul doute que les deux īrhīnaýsī qui venaient à eux n'auraient pas eu voix au chapitre.

Ils s'immobilisèrent devant les cinq amis. Llanasīň ouvrit la bouche, prononçant avec une indifférence feinte :

-  Ezalīm... Eana...

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Hâte que vous en sachiez un peu plus sur la suite !!

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