Chapitre 2.1

/!\ TW - Sang, violence...

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« Chaque Natīal lié sait que sa survie dépend de deux choses : la connaissance de son environnement, des vents et nuages, et la confiance mutuelle avec son īrhīň. »
Premier enseignement d'Īnīs pour tout nouvel īrhīnaý.

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Les jeunes femmes retrouvèrent leur aînée au pied du sulīøň, entourée d'enfants comme on aurait pu le présumer plus tôt. Un vent tiède soufflait dans la forêt, faisant danser sa chevelure, charriant sa voix mélodieuse qui psalmodiait le lo'elīs lů dat'elīs, premier et dernier chant qui accompagnait les âmes à la naissance et les apaisait après la mort.

Llanasīň préféra éviter d'y voir un présage qu'elle aurait pu relier à son tirage d'az'urhasī de la veille. Tout Natīalpossédait le droit de s'exercer à la pratique de l'īølaň. Ce jeu de divination se basait sur des tirages de galets runiques existant au nombre de trente-deux à l'instar du nombre de jours que prenait Astrīrhėl à apparaître pleine dans le ciel.

Il existait plusieurs comme l'atrėk'ėl, l'ärhka'olle, et d'autres encore que la jeune femme ne connaissait pas. Ces deux-là s'avéraient pouvoir remplir divers usages et les Sages Natīalsī en laissaient la connaissance à tout à chacun, n'y décelant certainement aucun potentiels risques à craindre.

Il était pourtant connu que la pratique de l'īølaň admettait un immense potentiel de divination pour le peu que son utilisateur sache l'utiliser correctement, mais surtout le lire et l'interpréter. Néanmoins, son usage se raréfia au fur et à mesure que les siècles passèrent et que les chamans se firent moins nombreux dans chaque clan. L'ensemble de galets runiques devint désuet et seuls quelques jeux subsistèrent à travers les âges. Des jeux qui gardèrent une symbolique importante qui justifia que les Natīalsī les possédant en furent peu enclins à les céder à d'autres.

Les légendes racontaient pourtant que ces galets réalisés à partir de la sève de trente-deux essences d'arbres spécifiques, détenaient ce pouvoir d'aider à l'éveil de la conscience grâce à un lien intangible qui les reliait avec les lī'utsī. La sève était admise comme représentant le pouvoir de vie des arbres qui devaient leur existence à la croûte terrestre des carapaces de ces immenses créatures volantes.

Les mythes reconnaissaient ainsi le lien entre les az'urhasī et les lī'utsī dont la présence sur Lähallka et ce que cela impliquait resterait certainement à tout jamais un mystère. Les Natīalsī possédaient ainsi un outil formidable à leur disposition.

Toutefois, l'īølaň restait limité par l'éveil de conscience de son utilisateur mais aussi par ses préceptes même. Le jeu runique ne permettait pas de prédire l'avenir au sens propre. Il semblait plutôt s'inscrire comme un récepteur de fréquences, d'énergies, et seule sa lecture permettait d'en obtenir des interprétations sur des questions vagues. À cela il fallait rajouter la fatigue mentale qu'une longue pratique finissait invariablement par faire naître. Toutes ces raisons en justifièrent l'abandon de l'usage courant.

Llanasīň s'était avérée dès le plus jeune âge fortement intriguée par les urhasī Kåslīaň et leur grande variété d'utilisations possibles. Lors de chants cérémoniels, elle entendit à de nombreuses reprises la mention de l'īølaň et le lien qui l'unissait aux lī'utsī, et sa curiosité d'enfant ne nécessita pas plus pour devenir une soif nouvelle de connaissances.

Détenir un objet lié à Lukaň ?

Posséder une sorte de moyen de communication avec lui ?

Six astraīlsī, mais une tête remplie de rêves et de la magie du monde. Ce fut le début de sa quête pour réunir par elle-même de la sève de ces trente-deux løkt'urhasī à dessein d'en confectionner son propre īølaň.

Son frère, pour qui l'aventure représentait sa plus grande source de divertissement, suivi avec joie et les membres du clan se retrouvèrent à devoir ramener plus d'une fois les deux aventuriers égarés aux confins du territoire recouvrant le dos de Lukaň. Des trente-deux essences d'arbres nécessaires à la réalisation d'un jeu complet, le territoire des seývanaýsī en comportait vingt-quatre.

Bien trop jeunes pour être décemment autorisés à parcourir la forêt sans surveillance adulte, mais ne parvenant pas à obtenir pour autant que des membres du clan les accompagne. Ce fut la justification de nombreuses fugues qui leur valurent la réputation d'être ingérable.

Konall les aimait trop pour les gronder sévèrement et les empêcher de découvrir leur monde. Il avait essayé au mieux de pouvoir se libérer de ses obligations pour pouvoir passer du temps avec eux et les aider, mais cela s'était avéré plus dur qu'escompté.

Īnīs, cavalière émérite, n'eut pas plus de possibilités. Ce fut une période sur laquelle son compagnon et elle furent souvent déployés pour voler en-dehors du territoire. La jeune mère espéra farouchement se rattraper en leur ramenant des présents obtenus des clans vivant aux horizons sur d'autres lī'utsī. Et ce fut ainsi grâce aux voyages de sa mère que les précieuses sèves manquantes atterrirent dans les mains de la petite fille. Il lui fallut presque quatre astraīlsī pour compléter son īølaň. Ėlaītaň se chargea de graver les galets de sa sœur avec les runes adéquates.

Llanasīň en faisait l'usage fréquent depuis, avec une indéniable acuité de divination.

Et le tirage de la veille restait encré dans la mémoire de la jeune Natīal. Un atrėk'ėl ressortant avec une rune de vigilance, une seconde d'avertissement et enfin une troisième de problème.

Il ne lui était encore jamais arrivé de tirer trois az'urhasī à connotation négative dans une même main. Elle avait laissé Lukaň effleurer les abords de sa conscience durant ce tirage. Cela lui paraissait ainsi d'autant plus inaccoutumé. Elle chassa ses idées noires de sa tête et se concentra sur sa mère qui parvenait sur les derniers mots de ce chant du premier et du dernier jour.

Une main délicate se pressa sur son épaule. Llanasīň glissa un regard vers son amie, dont le sien, fixé sur l'īrhīnaý à la peau foncée, semblait empreint de nostalgie.

- Pourquoi ma mère ne peut-elle pas se montrer aussi douce à mon égard ?

Llanasīň ne répondit pas... Que pouvait-elle répondre à cela ? Sa question paraissait être un murmure destiné aux vents et sans attente d'une réponse qui risquerait de la déchirer plus encore.

Attrapant la main de la brune, la natīal les dirigea vers la figure avenante que la monteuse leur adressait au loin. Īnīs attrapa Kulī dans une étreinte d'un amour maternel qui lui manquait cruellement.

- Après cette cueillette, Kulī, tu devras m'accompagner voir les Sages. Ils ont des ordres de vols à nous donner, lui confia-t-elle en prenant la direction d'une clairière où elles trouveraient plusieurs hnatøňsī attendant la récolte.

Llanasīň suivait en retrait, ne pouvant s'empêcher de se sentir malgré elle légèrement exclue de cette conversation. Le simple fait de ne pas être īrhīnaý creusait un fossé entre ces deux cavalières et elle. Et si ses craintes s'avéraient l'emporter sur les désirs de son âme ; alors cet écart entre elles ne saurait disparaître.

Devenir tisserande... chamane, ou īrhīnaý... quel serait son choix le moment venu ?

En suivant les traces de son père, la jeune femme apprendrait à confectionner bien plus de choses qu'elle ne saurait l'imaginer à ce moment précis. Elle apporterait ses compétences pour le bien du peuple, construisant de nouveaux tīsīalusī pour de nouvelles familles. Ses mains deviendraient les façonneuses d'incroyables pièces vestimentaires, à but quotidien comme à dessein ornemental pour des cérémonies, des rites ou des assemblées des clans. Un honneur indéniable pour un tisserand.

En prenant cette voie, ses pas la mèneraient au cercle des tisserands, un espace chaleureux, ouvert et chatoyant de couleurs des tentures et cordages le formant. Construit en hauteur, il s'étendait sur un périmètre de plusieurs arbres, y prenant place comme un berceau de création et s'inspirant des différents feuillages colorés qui l'entouraient. Seuls les tisserands en formation ou ceux déjà acceptés à part entière dans le clan se voyaient octroyer le droit d'y fouler les tapis. Un clivage que chaque voie s'affairait également à mettre en œuvre.

Ainsi, les chamans, eux aussi possédaient leur espace. Tīsīalu de plus moyenne envergure, tissé entre plusieurs urhīaløňsī, à ciel ouvert pour ne point s'isoler du ciel nocturne et de ses enseignements. La voie de chaman était mystérieuse et compliquée. De cette dernière le peuple Natīal tirait les Sages qui régissaient leur espèce et les abreuvaient de leurs connaissances héritées des vents, des nuages, des lī'utsī, du ciel sous le soleil comme celui qui abritait les lunes la nuit.

La formation de chaman, pour ce qu'il en était connu de tous, consistait en apprendre à savoir lire les signes de l'univers, réussir à les interpréter et les partager pour en tirer des leçons et des enseignements. Cela passait par la lecture du ciel, ou la divination par īølaň, et d'autres aspects sombres et mystiques que le commun ne pouvait connaître qu'en choisissant cette voie.

Du moins...

Si cette voie vous choisissez.

En effet, contrairement aux autres qui faisaient l'objet du choix du Natīal durant l'ūlėň. Cette dernière, elle, s'octroyait le privilège d'appeler à elle ceux que les Sages avaient reçu l'ordre de former. Il n'y avait pas eu d'appel pour cette voie depuis une dizaine d'astraīlsī.

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