Chapitre 1.2
Llanasīň prenait place dans une génération nouvelle possédant cette chance de pouvoir exister sur Lähallka. Et elle en était parfaitement consciente. Cette vie qui était la sienne, était intrinsèquement liée à celle de Lukaň.
Par le passé, la Natial avait pu éprouver de la solitude en de rare occasion, cependant jamais assez longtemps sans qu'une douce et chaleureuse présence viennent effleurer les frontières de son esprit avec une délicatesse infinie.
Llanasīň le savait, elle était ce souffle du vent qui rugissait dans le ciel, infatigable, éternel. Sa hna ýlo lů lå lune letzo meto kėvýň tsėtul'aøk lune rhūvėl, je suis tout et rien à la fois comme le grain de poussière dans la tempête.
La jeune femme attrapa son ceinturon, y accrochant de multiples sacoches de tailles variées, dague et rhīvele.
Alors que la seývanaý s'affairait à se tresser les cheveux à grande peine, un pas délicat se fit entendre dans son dos, s'approchant sans se cacher mais sans causer de trouble au sommeil paisible du jeune homme plus loin. Ce garçon pourrait certainement dormir en plein cœur d'un llanasīal. Llanasīň secoua la tête, blasée.
- Ma Llana préférée, chantonnait Kulī en l'agrippant par les épaules dans une étreinte affectueuse.
- Tu dégoulines d'amour, c'est répugnant, écarte-toi, ria la jeune femme en se débattant.
- Orhī n'aime pas sa grande sœur, ne me rejette pas toi aussi ou je te jette par-dessus le bord des ailes de Lokaň.
Par instinct de survie, et la considérant comme potentiellement capable de mettre sa menace à exécution, Llanasīň se laissa dorloter quelques secondes en riant de plus belle.
- Orhī ne sait pas ce qu'il manque ce ğonō sans cervelle, renchérissait-elle en reculant. Besoin d'aide pour ta coiffure ma belle ?
- Oh par mes dieux oui, je t'en prie !
Kulī, de quatre astraīlsī son aînée, était une perle brute. Son visage en cœur révélait une beauté diaphane surélevée par ses iris argentées en forme d'amandes. D'une beauté originelle indéniable, son lien avec Opat, son īrhīň aux yeux de la même teinte et au plumage gris d'argent aux extrémités noires, l'avait rendu encore plus belle et lui valait d'être courtisée de certains.
Son petit nez délicatement retroussé portait de fines taches de rousseur, étrangetés que son frère Økorhī et elle avaient reçu de leur mère. Leur chevelure de jais contrastait avec la pâleur délicate de leur peau. Økorhī cependant, d'une lune plus âgé que les jumeaux, possédait encore les yeux noirs des na'rhåsī. Toutefois, s'il était jugé digne, il ne les aurait plus pour très longtemps de cette teinte de l'īlī par nuit sans lunes la plus sombre.
Ėlaītaň et lui formaient une paire d'amis que rien ne semblait pouvoir séparer. Si l'un venait à faire une idiotie, vous pouviez être sûrs que le second ne se trouvait certainement pas loin. Plus jeunes, Llanasīň et lui se détestaient cordialement, mais grandissant, et ne pouvant se résoudre l'un comme l'autre à faire souffrir Ītaň en l'obligeant à choisir entre eux, ils parvinrent à se supporter mutuellement et même devenir aimables l'un envers l'autre, pour le bien du seul dénominateur commun de leur trio. Puis mûrissant, Kulī s'était additionnée à ce petit groupe le transformant en quatuor.
Kulī terminait de tresser les cheveux de son amie en deux longues nattes collées sur le crâne. La coiffée attrapa un morceau de zīvī et y contempla son reflet. La jeune fille qui se tenait maintenant à ses côtés dans l'attente de son appréciation sur sa réalisation, s'était donné de la peine. Les nattes prenaient en volume sur le crâne, décorées d'anneaux de bois, du propre ğėnähň de Llanasīň, de son lotī préféré et de quelques plumes de ğonō et de tallhlaň.
Son regard se décrocha de ses cheveux blancs délicatement ouvragés et se porta sur son visage. Sa peau couleur de sable brun, les sourcils de la même teinte de nuage blanc que la chevelure héritée de sa mère, un nez étroit et des lèvres pulpeuses surmontant un menton légèrement pointu. La jeune Natīal inclina sa tête sur le côté, plissant les paupières sur ses yeux sombres.
Aurait-elle le courage d'aller quérir un lien, et ainsi modifier à jamais la coloration de ses iris ?
Ou alors la bravoure viendrait-elle à lui manquer le jour où cette dernière devrait invariablement faire un choix qui déterminerait son avenir ?
Le sourire inquisiteur que lui lança Kulī, presque impatiente comme un enfant, extirpa son amie de ses pensées obscurcies par les doutes et ses craintes les plus enfouies.
- Tu aurais fait une tresseuse incroyable si tu n'avais pas choisi la voie de l'īrhīnaý.
- Llana...
- Je sais ! Tu ne veux pas en entendre parler...
- Excuse-moi, tu sais que le sujet est encore sensible, se confia-t-elle en baissant les yeux.
Ses yeux argentés qui lui valaient la désapprobation de ses parents, qui voyaient en elle une future tresseuse ou chamane et furent déçus de son choix de voie. Comme ne pouvant se résoudre à laisser son amie dans ceette souffrance, Llanasīň lui captura une main tatouée de runes, passant son bras richement orné de bracelets en cordages ou en tissus par-dessus ses propres épaules. Plongeant ensuite son regard dans le sien, la na'rhå lui murmura :
- Kulī... la personne qu'ils voulaient que tu deviennes, ce n'est pas important... ce qui l'est, c'est celle que tu es au plus profond de toi, et que ton lien avec Opat a révélé.
- Llana...
Son ton vibrait d'une tristesse déchirante. Ses parents ne lui adressaient plus la parole depuis son choix... Depuis donc quatre astraīlsī. Son frère, en protestation pour ce traitement injustifié et cruel, avait décidé de leur faire subir la même chose. Et une famille s'était alors déchirée.
La jeune brune, les yeux débordant de larmes prêtes à couleur et pourtant si ardemment retenues, attira à elle son amie d'un coup sec pour la prendre dans ses bras dans une étreinte brève mais puissante. Puis, comme si elle voulait de nouveau enfouir toutes ses sombres pensées en son fort intérieur, elle battit des cils rapidement y chassant au passage les quelques gouttes salées qui s'y trouvaient, puis s'écarta.
- Je dois réveiller Ītaň, mon père aurait apparemment quelques petites choses à lui faire faire, mais toi, tu peux peut-être m'accompagner à la cueillette si tu le souhaites ?
- Avec ta mère ?
- Tu seras la bienvenue, lui assura sa cadette avec une moue enjouée.
- Je le sais, je te suis.
Ses yeux rayonnèrent à nouveau, mais dans le fond de ses billes d'argent, on pouvait encore discerner le spectre de la blessure laissée par le rejet de ses parents. Les souffrances les plus insurmontables étaient toujours causées par les êtres que l'on aimait le plus férocement.
Konall avait beau tenter de dissuader ses enfants de suivre la voie de leur mère, la jeune femme savait néanmoins avec certitude que le cas échéant, si leur choix se portait vers le lien avec un īrhīň, leur père le respecterait et ne cesserait pas pour autant d'inonder ses deux enfants de son amour. Le cœur de la jumelle saignait pour son amie. Et à défaut de pouvoir restaurer ses liens avec sa famille, cette-ci pouvait lui offrir l'amour de la sienne en compensation.
Après un dernier regard vers Kulī, Llanasīň partit entreprendre la quête ardue de sortir son frère du sommeil et le retrouva lové en boule dans son kėlsėtī. Perplexe, elle se demanda malgré elle comment il avait fait pour faire tenir sa grande carcasse dans une position pareille.
- Ītaň ! Lève-toi !
Joignant le geste à la parole, la jeune femme le secoua par l'épaule, n'obtenant de lui qu'un vague grognement. Kulī haussa un sourcil à son intention.
- Ėlaītaň ! Réveille-toi avant que ne vienne le volähň au moins, insista-t-elle en commençant à s'impatienter, secouant son épaule avec plus d'ardeur.
- C'est fou cette capacité à s'isoler dans les limbes...
La na'rhå acquiesça avant de réitérer ses tentatives avec une véhémence redoublée.
- Ėlaītaň kährletrīň'Rhākīaň enėk'ömetrīň'Konall !
Comme un électrochoc, son frère se redressa d'un coup dans son kėlsėtī, qui se balança avec violence et tangua dangereusement, la forçant à reculer d'un bond. Le balancier que son brusque mouvement avait impulsé à son hamac, s'amplifia à mesure qu'il lançait ses bras en l'air maladroitement pour se rééquilibrer. C'est dans un fracas grotesque que le garçon fini par s'étaler sur le sol heureusement rendu confortable par les tapis et tissages du tīsīalu.
- Llana... Kulī ? Que me vaut le plaisir d'un réveil si délicat ?
Ītaň se massait doucement le menton en laissant son regard courir entre les deux jeunes femmes lui faisant face, les inspectant, puis prenant note de l'aube déjà bien installée dans leur dos. Comme frappé par une révélation de l'univers, il s'exclama soudainement.
- Oh mes dieux ! Que Ğadallka me cache... je devais être avec père avant l'aurore !
- Dans ce cas fais plutôt appel à Lählatrīl... tu as déjà quitté le royaume du premier je te ferais dire...
- Dieux... pesta-t-il en se relevant aussi sec. Disparaissant dans la foulée dans ses propres quartiers, merci les filles de m'avoir réveillé !
Kulī étouffa tant bien que mal un rire en levant les yeux au ciel. Īnīs attendait certainement encore en bas de l'arbre. La faire patienter n'était pas réellement un problème. À peine mettait-elle un pied en dehors du tīsīalu, qu'elle se faisait assaillir par les enfants pour lui réclamer des contes de ses voyages, ou par les adultes pour diverses autres demandes.
Avec un dernier regard exaspéré à destination de la voilure par laquelle son irrécupérable jumeau avait disparu, Llanasīň se laissa couler le long d'une branche verticale, puis entrepris d'habilement descendre fouler le sol mousseux de la forêt pour y retrouver sa mère.
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