Chapitre 1.1
« Je suis tout et rien à la fois
En nul endroit et tout autour en même temps »
Extrait de lo'elīs lů dat'elīs
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Les volutes d'un ukmī grisâtre s'enroulaient encore sur la cime des plus hauts urhīaløňsī surplombant la vallée verdoyante en contrebas. On pouvait apercevoir y serpenter une rivière d'eau douce régulièrement alimentée par les passages fréquents dans des tedýlsī. Le clan se réveillait doucement au son des nokaňsī joués par quelques âmes levées avant la fraicheur de l'aurore.
Llanasīň s'étirait doucement, détendant les muscles encore sous l'emprise délicieusement engourdie du sommeil profond et de la tiédeur des nuits de sixième lune. Se faisant, elle réalisa non sans joie que chaque mouvement semblait fluide et que son corps donnait une impression satisfaisante de parfaite réponse aux demandes nerveuses émises dans son cerveau. La transe réparatrice de la nuit passée s'avérait être un franc succès et les courbatures liés à l'activité physique intense de la veille se confirmaient d'ores et déjà prendre place dans un lointain passé.
La jeune femme roula sur le côté, ses flancs passant par-dessus les bords de son kėlsėtī, les pieds nus atterrissant sur un tapis moelleux aux teintes chatoyantes. Le tīsīalu de sa famille débordait de couleurs chaleureuses se fondant avec le feuillage du sulīøň qui accueillait l'habitat familial depuis plusieurs générations.
Un rapide coup d'œil au nähr'ğėna qui s'enroulait autour de branches à la teinte chaude d'un feuillage cramoisi, suffisait pour remplir la Natīal de gratitude pour la vie que son peuple menait. De nombreux ğėnähňsī se succédaient les uns aux autres dans un camaïeu de couleurs variées, vestiges des vies passées de ses ancêtres ayant vécu sur ce lī'ut avant elle. Seuls quelques ğėnähňsī totalement noirs parsemaient la longue corde.
Quelques grognements furtifs lui parvinrent du kėlsėtī voisin dans lequel son jumeau semblait encore somnoler, profitant des brumes tièdes vaporeuses d'un līkal que Lukaň s'appliquait à traverser. Âgés lui comme elle de vingt et une astraīlsī, les deux jeunes s'impatientaient d'atteindre leur vingt-deuxième dans quelques lunes seulement.
Dans leur culture, durant la vingt-deuxième astraīl, chaque Natīal se voyait offrir de choisir la voie qu'il souhaitait suivre pour servir le peuple lors de la cérémonie de l'ūlėň. Il en existait une variété confortable, mais seules quelques-unes s'affrontaient encore dans la tête à la chevelure blanche de la jeune femme, pour obtenir ses faveurs et définir son avenir.
Ėlaītaň, d'aussi loin que ses souvenirs souhaitaient se raviver à elle, avait toujours voulu devenir īrhīnaý. Un rêve que leur père s'effarouchait à tenter de lui faire oublier. Konall, leur paternel était tisserand, confectionneur de génie dans le vestimentaire, la réalisation de tīsīalusī et bien d'autres usages nécessitant ses talents.
Grand, les yeux noirs, comme chaque na'rhå, de peau claire, il arborait une barbe en pointe grisonnante malgré son âge encore jeune. De lui, les jumeaux avaient hérité le métissage de leur peau teinte de sable brun des déserts d'Ėltėlės. Musclé, Konall était également reconnu pour sa souplesse et son habileté en escalade et déplacement dans les arbres. Llanasīň, tout autant qu'Ėlaītaň tenaient cela de lui également. Un héritage utile et appréciable lorsque qu'enfant ils jouaient avec leurs amis dans les forêts arborant le dos immense de Lukaň.
- Réveille ton frère ma farouche fille, murmura son sa mère à l'oreille de Llanasīň.
La jeune femme réprima un sursaut alors qu'un gloussement naissait dans la gorge gracile de sa génitrice qui s'éloignait de son dos derrière lequel elle s'était glissée subrepticement, une main lui volant une caresse sur la joue au passage.
- Mère, se plaignit-elle une moue affectueuse néanmoins plaquée sur le visage, m'apprendras-tu un jour à être aussi silencieuse et furtive que toi ?
- Réveille ton frère avant le volarhīň et j'essaierai de vous l'enseigner.
Sa voix, taquine et mélodieuse, faisait d'elle une chanteuse appréciée lors des cérémonies de clan. Mais Īnīs portait avant tout sur elle la réputation d'être une formidable īrhīnaý. La peau sombre, les yeux teinte de sève d'īrhakaøň, mariage merveilleux de bleu et de vert, hérité de son lien avec Īlīmī, son īrhīň lié.
Elle se distinguait par sa taille relativement petite pour une monteuse et sa silhouette élancée et gracieuse. La nature et la génétique lui furent favorable, et ses enfants en fûrent chanceux à leur tour. Bien qu'il fût probablement préférable que la fille se retienne de chanter. Pour le coup, Ītaň s'était octroyé ce don pour lui seul lorsqu'eux deux partageaient encore le ventre de leur mère.
- Aucune chance que ce jour survienne alors, maugréa Llanasīň en jetant un œil capricieux à son frère encore endormi.
- Si tu m'aides avec la cueillette d'hnatsī, ta grand-mère aimerait en faire du dīňtī pour votre future cérémonie à ton frère et toi.
Son regard aimant se porta sur le visage paisible de son fils endormi paraissant parti pour sommeiller une lune entière.
- Tu diras à Ėlaītaň d'aller trouver ton père près du lac. Il a quelques missions à lui donner à faire, confia-t-elle à la jeune femme en s'affairant à récupérer quelques sacoches de cueillette disposées dans un coin du tīsīalu. Rejoins-moi au sol quand tu seras équipée Llanasīň.
Sur ces dernières paroles, elle attrapa son rhekėt, fit un pas en avant au bord du tissage en spirale du sol de notre habitat, et au pas suivant, dans le vide disparut sans un bruit, avalée par l'obscurité encore présente dans la forêt. La vive Natīal se jeta instantanément à plat ventre sur le cordage pour regarder avec un sourire, sa mère disparaître en virevoltant de branches en branches. Ses longs cheveux d'une blancheur de nacre, tressés et sertis d'anneaux de bois et d'az'urhasīvisant à lui porter chance dans ses vols avec Īlīmī.
Se redressant et ajustant son to'ok, Llanasīň en profita pour lancer un regard circulaire pour inspecter leur tīsīalu. Son père, tisserand inspiré lui-même par son père tisseur avant lui, avait participé à améliorer et entretenir les cordages aussi bien externes qu'internes du cocon familial. Les structures en forme d'œufs se fusionnaient les unes aux autres, délimitées par des voilures, des rideaux de perles et autres tentures permettant de dissocier les espaces entre eux. Un ultime regard sur le nähr'ğėna et se retournant, elle franchit une voilure dorée, teinte de feuilles de velaøň, direction ses quartiers et affaires.
Pour une cueillette d'hnatsī, cela durant un jour de sixième lune s'annonçant chaud et moite, il s'avérait préférable d'opter pour une paire d'akėīlsī pour grimper sans craindre que l'écorce rugueuse de cette essence d'arbre ne meurtrisse la plante des pieds. Lorgnant quelques secondes sur son châle, la seývanaý s'abstint néanmoins de s'en encombrer. Il ne ferait certainement pas assez frais pour en justifier l'usage.
Lukaň, l'immense lī'ut transportant le biome tendre sur lequel le clan Seývaň habitait depuis des siècles, évoluait rarement dans des environnements nuageux froids. L'atmosphère gazeuse de Lähallka, planète à anneaux du système solaire de Senetra paraissait rendre impossible la vie en son sein.
Constituée d'une multitude de variétés de nuages, ce monde possédait d'entre tous, une sorte d'immense océan opaque de l'un d'eux surnommé l'īlī, mystérieux et objet de craintes, mythes et légendes. Tout Natīal, peuple de cette planète, en respectait la pleine puissance de son absolu et son infinité couvrant l'horizon en toutes directions.
Comment la vie parvenait-elle à faire sa place sur une planète semblable à l'inhospitalité incarnée ? En dépendant des lī'utsī. Ses créatures, dont le nom Kåslīaň, langue vernaculaire des Natīalsī, provenait du verbe « līre » se traduisant par « penser » et du pronom réfléchi « ut », pouvait se traduire ainsi « (je) te pense ».
Ce qu'il fallait en comprendre, c'était l'implication indubitable du rôle de cette créature dans la possibilité du développement de la vie sur Lähallka. Grandes, très grandes, le mystère de leur présence dans l'atmosphère de cette planète restait entier. Leurs ailes plus imposantes encore, battaient avec une lenteur s'étendant sur plusieurs cycles lunaires et leur permettaient de planer au-dessus de l'īlī, comme errant sans but sur cette vaste planète.
Pour camoufler aux rayons de Senetra leur peau sensible, les lī'utsī pouvant vivre des millénaires développèrent sur leur dos de gigantesques carapaces aux reliefs variés qui finirent par observer y naître d'autres formes de vies.
Les végétaux émergèrent en premier, probablement issus de micro-organismes, qui présent dans les divers nuages ne possédaient jusqu'alors nul endroit pour s'y développer. Les points d'eau ayant fleuris dans les cratères des couvertures rocheuses qui recouvraient ces êtres, en furent les berceaux.
Les millénaires défilèrent comme défilent les étoiles dans le ciel dans une course inlassable. La créature, lorsqu'elle se fatiguait après avoir vogué paisiblement au-dessus des nuages, laissait place à une autre, occupant alors son enveloppe physique, reprenant l'honorable mission de continuer son voyage et ainsi permettre l'ininterruption de ce cycle de l'évolution qui s'était enclenché sur cette terre volante.
« (Je) te pense » s'exprimait alors dans toute sa dimension symbolique. Cela signifiait, je suis là pour te porter, je suis ici pour que ton âme puisse trouver refuge dans ce monde hostile qui te contraignait à l'errance. « Je pense à toi », je vis pour toi, j'existe au dessein de te permettre la tienne.
Lukaň existait depuis plus d'une centaines d'années. Certains arbres des forêts qui s'élevaient sur son dos se trouvaient être plus anciens que lui dans ce monde. Et d'aussi loin que les Natīalsī puissent s'en rappeler, il représentait la troisième génération de lī'ut que ce peuple pouvait prétendre avoir connu. Et les croyances voulaient que lorsque Ğadallka engloutira ce monde pour un repos éternel, les lī'utsī seraient alors libre de voler vers les mystères de l'univers.
Cette abnégation, cette vie consacrée à planer dans les cieux pour offrir cette chance aux autres espèces, forçait l'admiration et la vénération. Ainsi, malgré les astraīlsī se succédant, les Natīalsī s'étaient toujours gardés d'actions pouvant nuire à leurs amis de longue date. Leur mode de vie perdura dans le respect de la vie et de la nature et leur civilisation s'ancra dans un continuum de simplicité.
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