I























Impossible de leur rendre leur étreinte malgré la chaleur de leurs bras.
Je gardais les bras ballants les écoutant pleurer à chaudes larmes et m'assommer de baisers et de mots réconfortants.

Je n'ai pas décroché un mot mais je me suis contentée de les fixer une fois libérée de leurs bras.

Ils ont tous un peu changé.

Lyam a grandi et ressemble presque à une jeune femme. Elle est tout simplement ravissante malgré ses yeux vidés de toute la lueur et chaleur enfantine qu'elle avait avant.

Maman a le visage beaucoup plus creusé et papa semble encore plus exténué qu'avant.

Waël a pris de la masse et son regard est presque indéchiffrable.

Lynda qui a fait le déplacement à le même regard que Lyam, complètement éteint et triste.

Mais mon regard se porte essentiellement sur le petit-être qui dormait dans le salon. Je m'approche un peu et admire ce bébé qui est mon petit-frère.

Maman : On l'a appelé Safar, Safar Kevork.

Safar...

Très joli prénom.

Ali : C'était un très long voyage, je crois que Delilah devrait aller se reposer un peu avant tout.

Je n'étais pas fatiguée mais si ça pouvait m'éviter d'être ne serait-ce qu'une seconde le centre de l'attention je ne dis pas non.

Lyam : Je vais t'aider à monter dans ta chambre.

Même sa voix a l'air d'avoir changé, d'être moins aiguë ?

Je lui emboîte le pas sous le regard de tous. Plus nos pas nous dirigeaient vers ma chambre et plus les souvenirs de tous mes moments passés avec Lyam refont surface.

Nos joies, nos éclats de rire, nos pleurs, nos moments de confidences...
Tout était encore gravé dans ma tête.

Lyam : Personne n'a touché à ta chambre. J'enlevais les poussières toutes les semaines ne t'en fait pas et promis je n'ai pris aucune de tes affaires.

Mon regard se déporte sur elle après sa dernière phrase et je la vois lutter pour ne pas s'effondrer devant moi.

Qu'est-ce que je suis censée faire ?

Lyam : Je vais te laisser te reposer -voix enrouée-

Je referme la porte derrière moi et l'invite à s'installer dans mon lit. Je m'allonge la première dans mon lit et je sens mon corps fondre sous la douceur du matelas et l'odeur des draps qui portaient encore mon odeur d'avant.

Parfum vanille...

J'ouvre mes bras et elle n'hésite pas une seconde avant de s'allonger et se blottir contre moi. Elle pose sa tête sur ma poitrine et une fois que je resserre mes bras autour de son corps je la sens complètement lâcher prise et éclater en sanglots.

Lyam : Je suis désolée... Pardonne-moi Delilah... Pardonne-moi de ne pas t'avoir retrouvé rapidement...

La culpabilité.
Sentiment récurrent pour la famille et les proches de la victime.
Ils se sentent tous responsables de la disparition de celle-ci et veulent porter le fardeau de tout ce qui a pu lui arriver de mal.

J'entame de longues caresses silencieuses sur son dos en remontant parfois sur ses longs cheveux sentant merveilleusement bons. Elle met énormément de temps à se calmer mais finit par
taire ses sanglots sûrement épuisée.

Moi : Tu peux dormir dans mes bras ne t'en fait pas, je ne partirais pas.

Elle relève la tête vers moi surprise de m'entendre prendre la parole et me fixe les yeux embués de larmes avant de reposer sa tête sur ma poitrine et se laisser bercer par mes caresses.

Les heures passent et le sommeil ne me gagne toujours pas. Je n'ai cessé de fixer mon plafond refusant de fermer l'œil pour ne pas revivre mes cauchemars.
Mais le silence de la maison, le noir de la pièce et le bruit du vent à l'extérieur me poussent à laisser mes pensées vagabonder sur ma vie avant qu'elle ne bascule à tout jamais.






Flashback 16 mois auparavant


2 jours après le dîner chez les Velasquez

L'incompréhension.

Ce sentiment me ronge depuis 2 jours et ça provoque en moi une tristesse épouvantable.

Comment il a pu me laisser me faire détruire par son père sans bouger le petit doigt ?

Il a toujours dit qu'il irait au front pour moi alors pourquoi ne s'est-il pas manifesté quand j'en avais le plus besoin ?

Pourquoi tu me fais constamment souffrir Siyah ?

- Delilah ?



Je sors de mes pensées et regarde Ali qui avait l'air de m'adresser la parole depuis plusieurs minutes déjà.

Moi : Tu disais ?

Ali : J'entends ton téléphone vibrer depuis tout à l'heure.



Je fouille dans mon sac sous le comptoir et écarquille les yeux en voyant 10 notifications de messages en attente provenant d'un numéro inconnu.

Je clique sur la notification d'un des messages et ressens une vive angoisse me submerger en défilant les photos reçues à l'instant.

Un énorme noeud se forme le long de ma gorge et mes membres se liquéfient sur place face au choc.

Qui vient de m'envoyer ces horribles photos ?

Des photos de son corps ensanglanté et défiguré et lacéré.
Des photos de l'arme du crime, de l'énorme bout de verre qui a causé sa mort...

Des photos de Fahim.
L'homme que j'ai tué en Arménie...




Ali : Hey Delilah ?

Le son de sa voix est comme un électrochoc pour moi et je rassemble rapidement mes affaires avant de partir en trombe le plantant en plein milieu de la boutique.

Moi : Je dois partir, j'ai une urgence, je suis désolée...

Je cours presque vers la sortie et débloque le numéro de Siyah les mains tremblantes et l'appelle rapidement avec l'espoir qu'il me réponde.

Je t'en supplie...
Je t'en supplie...
Je t'en supplie...

Ne me plante pas encore une fois...

Premier appel : il ne répond pas.

Deuxième appel : il ne répond pas.

Et ce n'est qu'au bout du troisième appel qu'il daigne enfin répondre.

Moi : Siyah j'ai reçu des photos et... je comprends pas comment c'est possible...Je... -bégayant-

Siyah : Delilah calme toi et explique moi ce qui se passe !

Et je n'ai même pas le temps de finir ma phrase que le bruit strident d'une voiture me coupe dans ma lancée et je sens mon corps être projeté sur le trottoir d'en face dans un bruit sourd sous les cris d'effrois des passants.











x








Retour au présent





Je me redresse en sursaut et réveille Lyam malgré moi à cause de mon geste brusque et soudain.

Moi : Rendors-toi c'était juste un cauchemar...

Je la reprends immédiatement dans mes bras et la berce en espérant qu'elle se rendorme rapidement sans poser de questions.

Lyam : Delilah...

Moi : Chuut... Ça va aller...

Heureusement pour moi elle se rendort rapidement et je me glisse prudemment hors du lit pour aller m'enfermer dans la salle de bain. Je referme la porte à clé sans un bruit et me tiens au lavabo en tentant de reprendre mon souffle.

Est-ce que j'avais vraiment fini par fermer l'œil ou j'étais restée éveillée tout ce temps ?

Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas repensé à ce jour qui avait marqué la fin de mon ancienne vie.

D'habitude je cauchemarde sur les différentes tortures que j'ai subi, les rires de mes bourreaux, le bruit des outils et de mes pleurs... mais rarement sur ce jour là.

Le dernier jour où j'ai entendu sa voix.

Depuis quand je n'ai pas pensé à lui ?

À mon réveil à l'hôpital j'ai tout de suite pensé à lui.

Lorsqu'ils m'ont enlevé.

Lorsqu'ils m'ont menacé.

Lorsqu'ils m'ont séquestré dans cette cabane.

Lorsqu'ils m'ont torturé.

Et même lorsqu'ils m'ont touché.

Mais un jour j'ai arrêté de penser à lui car j'ai fini par comprendre que j'étais seule dans ce combat et que je le terminerais seule.

Je passe un coup d'eau froide sur mon visage et ma nuque avant de retourner dans la chambre avant que Lyam ne sente plus ma présence.

Mes yeux s'adaptent aisément à la pénombre et je cherche dans la chambre un quelconque appareil électronique me permettant de jeter un œil sur l'actualité. Je tombe sur le téléphone de Lyam au bord du lit et je n'hésite pas à le saisir et entrer le code.

Je tape sur le moteur de recherche "actualités dernière année" et c'est en tapant ces trois petits mots que je me rends compte que j'ai réellement perdu plus d'une année de ma vie.

16 mois pour être exacte.

Je défile les différents faits divers ayant fait la une et m'assois au bord du lit les jambes tremblantes en voyant mon nom s'afficher dans quelques journaux locaux évoquant ma disparition inquiétante juste après mon accident de voiture.

«  Delilah Kevork, seulement âgé de 19 ans au moment des faits est victime d'un grave accident de la route en sortant du travail. Percutée à vive allure elle se retrouve projetée de l'autre côté du trottoir d'après les témoignages des passants sur place.
Emmenée de toute urgence à l'hôpital le plus proche, elle subit de nombreuses opérations et reste en soins intensifs pour les jours à venir sous l'inquiétude et la peine profonde de sa famille et de ses amis.
Le conducteur quand à lui a pris la fuite et reste à ce jour toujours introuvable. »

« Étonnant fait divers : Delilah Kevork, la jeune femme âgée de 19 ans victime d'un accident de la circulation serait introuvable d'après les dires de sa famille.
Les parents de la victime ont eu la mauvaise surprise de découvrir la chambre vide de leur enfant en lui rendant visite.
Tout le personnel de l'hôpital ainsi que les vidéos surveillances ont été réquisitionnés afin de comprendre comment une telle chose a pu arriver.
Compte tenu des circonstances et de la gravité de ses blessures, il serait impossible que la jeune femme ait pu quitter l'hôpital seule. »

Le choc me prend et je défile plus bas cherchant la suite des articles mais rien, il n'y a aucune suite.

Ils s'en sont arrêtés à cette article et n'ont pas donné plus de détails après ?

Il y a quelque chose de troublant que je n'arrive pas à comprendre.

Je ferme les pages et supprime l'historique en reposant le téléphone près de moi.
Son téléphone vibre aussitôt et je le reprends en voyant une notification d'un certain M.

« J'espère que tout va bien pour toi. »
« Je suis là si t'as besoin de parler, tu le sais. »

Je repose son téléphone ne voulant pas me mêler de sa vie privée.
Un léger frisson désagréable me surprend en imaginant que ma petite sœur a peut être déjà connu son premier petit copain ou son premier crush et que je n'étais pas présente.

Lyam : Tu n'arrives pas à dormir.

Je me retourne vivement surprise de la voir émerger de son sommeil.

Je la vois du coin de l'œil se redresser et passer une main dans ses cheveux emmêlés à cause des frottements contre l'oreiller.

Lyam : Tu veux que je te fasse à manger ? Tu n'as pas encore mangé.

Moi : Rendors toi Lyam.

Lyam : Viens, moi aussi j'ai faim, on va manger ensemble.


Elle se lève du lit et enfile ses chaussons comme si nous n'étions pas au plein milieu de la nuit et qu'elle ne dormait pas il y a tout juste trente secondes.

Je ne dis rien et la suis jusqu'à la cuisine. Elle referme la porte sans bruit et s'affaire à préparer à manger pour toutes les deux.

Un long silence prend place dans la pièce.

Des milliers de questions fusaient dans ma tête mais aucune ne franchissait la barrière de mes lèvres.

Parler est presque devenu un fardeau pour moi.

J'avais décidé de me murer dans le silence comme pour ne pas faire face à la réalité.

"Si tu ne dis rien c'est comme si ça ne s'était pas passé"

Et pourtant les mots n'avaient pas besoin de parler pour moi, mon corps le faisait à la place.


Lyam : Tu aimes toujours le saumon ?


J'hoche la tête et me mets à observer le moindre de ses faits et gestes. Elle pose la casserole sur la gazinière et le feu qui jaillit sous celle-ci me crispe violemment.

Ma main se porte automatiquement sur mon bras gauche et le crépitement du feu me plonge dans une violente panique.

Je ressens à nouveau ces outils me brûler chaque centimètre de peau.

Ma peau s'arracher sous mes hurlements.

Puis ce chalumeau repasser sur ma peau déjà carbonisée.


Lyam : Delilah ?


Je plonge mon regard dans ses yeux paniqués et j'ai l'impression que mon cœur va littéralement exploser à l'intérieur de moi mais je repense aux paroles de Lorna lorsque je cédais à la peur seule dans ma chambre au milieu de la nuit.


"Les épreuves ne sont pas destinées à te briser mais à te rendre plus fortes"

Je ferme les yeux et compte jusqu'à dix en me répétant en boucle cette phrase.

Lyam : Delilah qu'est-ce qu'il y a ? -inquiète-

J'inspire une dernière fois et reprends difficilement le contrôle de moi-même.

Moi : Je-

Des cris de bébé me font sursauter et me font sortir de l'enfer de mes souvenirs. Je me lève machinalement et me précipite vers le bruit des pleurs.

La chambre de Waël ?

J'entre à l'intérieur et parviens à distinguer dans le noir une chambre de bébé.

Waël n'habite plus ici ? 

Je fais abstraction de cette information et m'avance vers le petit lit et sens un profond mal être me submerger en regardant Safar pleurer.

Je sens mes membres trembler sous la pression de ses pleurs alors que je m'avance pour le prendre dans mes bras.
Ses pleurs se calment instinctivement et son petit corps chaud se blottit contre moi.

Une immense chaleur me submerge et je m'assois sur une des chaises à côté de son lit pour ne pas flancher sous l'effet des émotions qu'il me fait ressentir.

Je le berce affectueusement et ferme les yeux le cœur en miette et remplis de culpabilité.

Lyam : Delilah ?

Je sors de ma prison intérieure et observe Lyam au pas de la porte qui semblait chamboulée.

Lyam : J'ai dis à maman qu'elle pouvait se rendormir et que j'allais lui donner son biberon.

Je regarde Safar dans mes bras et l'idée de le laisser me donne la chair de poule. Lyam semble le remarquer et me propose de venir avec elle dans le salon.

Je la suis jusqu'au salon et m'assois sur un des canapés en me concentrant sur les battements réguliers de son cœur.
Lyam revient avec le biberon en s'asseyant à mes côtés.

Lyam : Tu veux le faire ?

Je la regarde étonnée et acquiesce rapidement sans savoir pourquoi cet acte me tenait tant à cœur.

Je déplace Safar sur mes jambes pour le caler contre mon bras gauche et accepte le biberon que Lyam me tendait avec un petit sourire.

Lyam : Il ne s'est jamais calmé aussi vite. D'habitude il tape des grosses crises et n'accepte pas les bras des personnes qu'il ne connaît pas.

Il me regarde avec de grands yeux et se met à boire rapidement le contenu du biberon.
Mon cœur bat anormalement vite sous ses yeux noisettes et je me noie dans ce regard si profond et innocent.

Lyam : Je vais finir le repas je reviens vite.

Elle s'en va pour me laisser avec Safar et mon âme s'apaise en le sentant gigoter dans mes bras pour essayer d'attraper le biberon de ses propres mains. Je le laisse faire tout en gardant ma main sur le biberon pour supporter son poids beaucoup trop lourd pour lui.

Moi : Je suis sûre que tu aurais adoré t'amuser avec lui... -chuchotant-

Je dépose un long baiser sur son front en retenant mes larmes.

Moi : J'en suis certaine...

Je ferme les yeux un court instant m'empêchant de laisser le passé m'étrangler ce soir.

Pas ce soir.
Pas avec Safar dans les bras.
Pas avec Lyam dans les parages.

Lyam : C'est prêt.

Elle arrive avec 2 assiettes pleines entre les mains avec un petit sourire aux lèvres.
Elle pose l'assiette devant moi et commence à manger en me regardant attentivement.

Lyam : Je... Je peux te poser une question ?

Je déglutis difficilement et porte mon regard fébrile sur elle.

Lyam : ... J'ai tout pleins de questions qui me traversent l'esprit mais je sais que c'est encore trop tôt...

- ...

Lyam : Mais...J'en ai une qui me brûle les lèvres depuis que je t'ai vu...

- ...

Lyam : ... Est-ce que tu m'en veux ? -fébrilement-

Je fronce les sourcils ne comprenant pas où elle voulait en venir.

Lyam : Est que tu m'en a voulu de ne pas avoir pu te retrouver rapidement ?

Je dépose le biberon sur la table basse en face de moi alors que Safar commençait à papillonner des yeux visiblement fatigué.

Moi : Je ne t'en ai jamais voulu Lyam et je ne t'en voudrais jamais. Rien de ce qui m'est arrivée n'est de ta faute.

Lyam : J'avais promis de toujours te protéger et...

Moi : Ton rôle n'est pas de me protéger Lyam... C'est à moi de veiller sur toi et pas l'inverse.

Elle joue avec son plat au bord des larmes. 

Lyam a toujours eu ce besoin de me protéger de tout le mal extérieur en dépit de sa personne.

Je sais qu'elle se sacrifierait sans une once d'hésitation pour moi.

Moi : Penser à toi m'aidait à me sentir mieux et à m'accrocher à la vie.

Elle relève vivement le regard vers moi l'air touché.

Moi : Tu es mon plus beau cadeau sur cette terre et rien n'a changé malgré ces 16 mois loin de toi.

Si je me tiens ici aujourd'hui c'est seulement pour elle.
Pour qu'elle garde des précieux souvenirs de moi avant que je ne parte.

Lyam : Je ne veux plus jamais être séparée de toi Delilah...

Elle se lève et vient s'assoir à mes côtés pour se blottir contre Safar et moi. Je les entoure tous les deux et pose ma tête contre l'appui-tête en ressentant un bien-être inexplicable.

Un sentiment que je ne connaissais plus avant ce soir.

La paix

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