Chapitre 1 : Les urgences
Jeudi 10 août
Dans quelques jours je vais être hospitalisée. Encore. C'est ma 5e fois. Mais cette fois-ci, à la différence des quatre premières, je n'ai pas fait de connerie.
Je m'appelle Alba et je suis atteinte d'un trouble bipolaire. Je vous raconterai les détails au fur et à mesure. Ces derniers jours, j'allais un peu moins bien. Alors, ce jeudi, pendant mon temps de travail, je suis allée aux urgences psychiatriques de ma ville.
Mon copain Zack m'a accompagnée. Il était 13h. En arrivant dans la salle d'attente des urgences psychiatriques, nous avons dit bonjour à un autre patient qui attendait également. Il tapait frénétiquement des pieds avec le regard fixé devant lui. Je me suis dit à ce moment "ah je suis bien aux urgences psychiatriques, entourée de gens présentant un comportement typique de ce lieu."
L'attente était longue, si longue. Avec mon copain, on a réussi à s'occuper comme on a pu. On a joué a des jeux sur téléphone. On a joué au jeu "devine à quoi je pense." Il m'a fait trouver le mot adolescence, et moi le mot correspondance.
Pendant ce temps, l'homme en face de nous se levait régulièrement pour aller ouvrir la fenêtre, faire un tour dehors, revenir fermer la fenêtre, s'assoir en tapant du pied, et répéter ceci en boucle.
Il nous a demandé plusieurs fois "c'est long, hein?" On a acquiescé. Au bout de 2 heures, une femme est arrivée en demandant à voir un médecin de suite. Les infirmières l'ont sommé d'attendre. Elle n'a pas réussi à se poser cinq minutes. Trop impatiente, elle est partie.
Je pensais à mon apparence. Avais-je l'air d'être bizarre moi aussi ? Pourtant, j'étais habillée comme d'habitude. Une chemise rose car j'adore cette couleur, un blaser blanc en lin, un jean classique et des baskets Puma. Je m'étais maquillée de fards rose et blanc, assortis à ma tenue. Enfin, je portais des boucles d'oreilles en forme de marguerite et mes cheveux bruns étaient attachés en une haute queue de cheval. Peut-être étais-je habillé de manière un peu stricte, il est vrai. Mais je sortais du travail, où je me devais d'être professionnelle.
Enfin, au bout de 3h, une infirmière m'a enfin proposé de venir avec elle.
L'entretien put commencer.
- Bonjour Madame Becq, annonca-t-elle, désolée pour l'attente.
- C'est rien, dis-je alors que c'était quelque chose.
- Qu'est-ce qui vous amène ?
- Alors voilà, j'ai un trouble bipolaire diagnostiqué il y a 3 ans. J'ai fait plusieurs tentatives de suicide dans ma vie et actuellement je sens des symptômes de pré-rechute. Je sens que si je continue à laisser aller, je risque de faire une tentative de suicide à nouveau.
- Quels symptômes décrivez-vous ?
- De l'anxiété principalement. Des idées noires aussi. Des troubles de la concentration et des troubles du sommeil.
- Y-a-t-il eu un élément déclencheur ?
- Pas vraiment, tout va bien dans ma vie. Je travaille en santé publique sur des statistiques. Je vis avec mon petit ami depuis peu de temps. Il est parti en vacances avec ses copains, me laissant toute seule la semaine dernière. C'est là que les angoisses ont commencées.
- Au boulot, ça se passe bien ?
- Oui, mais je pense que je veux bien faire. Trop bien faire. J'ai toujours peur de décevoir ma cheffe alors qu'elle semble m'apprécier. J'ai toujours envie qu'on soit fier de moi. Alors je me mets beaucoup la pression.
Pendant que je parlais, l'infirmière notait tout dans son petit carnet.
Soudain, une alarme se declencha. Immédiatement, l'infirmière se leva et couru vers la sortie. Je connaissais ces alarmes. En psychiatrie, cela veut dire qu'un patient devient dangereux pour le personnel et que tout le monde doit venir aider.
J'entendais une femme hurler dans le couloir. J'expliquais la situation par message à mon copain.
"C'est la fille de tout a l'heure, m'écrivit Zack. Elle voulait partir mais ils ne l'ont pas laissé y aller. J'entends des bruits de sangles, je pense qu'ils sont en train de l'attacher."
Cinq minutes plus tard, les cris cessèrent et l'infirmière revint dans le bureau.
- Excusez-moi pour ce contretemps. Vous disiez ?
- Je disais, repris-je, que j'ai seulement vingt-sept ans et déjà 4 hospitalisations a mon actif, et que j'ai déjà subis des dizaines de tentatives de suicide. J'ai conscience d'avoir un dossier très lourd.
Elle réfléchit avant de me dire :
- En tout cas, je vous félicite Madame. Je vous félicite d'être venue nous voir, et bravo d'avoir une aussi bonne connaissance de votre pathologie. C'est vraiment remarquable.
L'entretien reprit, et dura une demi-heure.
- Je vais parler de votre cas au médecin. Nous reviendrons vers vous juste après.
Elle m'invita à patienter à nouveau dans la salle d'attente. Il commençait à se faire tard. L'homme en face de nous continuait à taper des pieds, l'un apres l'autre, toujours sur ce même rythme régulier.
Finalement, après deux bonnes heures supplémentaires d'attente pendant lesquelles nos batteries de téléphones diminuaient drastiquement, le médecin est enfin venu.
Dans son bureau, il reprit les éléments de l'infirmière. Je répétais ce que j'avais déjà dit.
- Je vois que vous êtes déjà venue aux urgences en octobre. Que s'est-il passé a ce moment ? me demanda-t-il.
Je lui racontai alors l'episode d'octobre :
- Et bien c'était tout simple. Alors que je conduisais, je suis rentrée dans la voiture d'une autre dame. Sans faire exprès. La dame n'avait rien. Mais elle s'est ensuite énervée contre moi et a menacé de porter plainte. J'ai eu si peur et tant de culpabilité que je suis allée prendre des médicaments. Trop de médicaments. C'est ainsi que j'ai été hospitalisée pour la 4e fois.
- Je vois, nota le médecin. Et maintenant, que pensez-vous d'une hospitalisation ?
- Honnêtement, j'aimerai éviter. Mais je ne suis pas contre non plus.
- Je pense que ça serait nécessaire.
Je commençais à sentir les larmes monter. Mais je ne voulais pas pleurer.
- Mais je n'ai pas envie d'une cinquième hospitalisation...
- Ça permettrait de vous protéger.
- Je peux demander à mon copain de cacher les médicaments disponibles chez moi non ?
- Il vaut mieux éviter de mêler votre copain a ça. Il n'est pas censé être votre infirmier à domicile. Le mieux pour votre couple serait une hospitalisation.
- Je vois. Je suis d'accord alors.
Et c'est ainsi, après plus de 5h d'attente et 1h d'entretien, que fut programmée ma cinquième hospitalisation.
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