Chapitre II
"L'homme ne pourra jamais cesser de rêver. Le rêve est la nourriture de l'âme comme les aliments sont la nourriture du corps". P.Coelho
Mmmm ! L'odeur des crêpes !
J'ai posé mon sac dans l'entrée et j'ai couru vers la cuisine.
Ma mère m'attendait. Elle portait son vieux tablier élimé. Une pile de crêpes fumantes reposait sur une assiette.
— Merci Maman ! Exactement ce dont j'avais besoin !
Ma mère m'a servi un verre de lait et m'a souri. Mais j'ai tout de suite vu qu'elle n'avait pas son sourire habituel, celui qui lui creusait de jolies fossettes.
— Et sinon, tu as passé une bonne journée, mon chéri ?
Son ton m'a alerté. Elle devait savoir quelque chose.
J'ai noyé une crêpe dans le sirop d'érable et je l'ai engloutie dans la seconde.
— Bhaaa, ça va bien ! Mais tu sais, ça fait seulement trois jours, alors difficile de dire, ai-je glissé entre deux mastications.
Le visage de ma mère s'est assombri.
— Clément ! On ne parle pas la bouche pleine ! Et tu es sûr que tu n'as rien à me dire ?
J'ai dégluti.
— À propos de quoi ?
— À toi de me le dire, j'ai reçu un appel de l'école...
— Ha bon ?
— Clément, ton père et moi sommes convoqués. Ils veulent nous parler de ton comportement.
— Non, maman, enfin il y a juste le prof de maths...
Ma mère s'est rembrunie.
— Enfin Clément ! Tu ne peux pas nous faire le coup à chaque fois ! Essaie de te concentrer un peu ! Tu te rends compte que si cela se passe comme l'année dernière tu vas finir par te faire expulser et on va encore devoir déménager ?
C'était la goutte de trop. Comme si mes problèmes à l'école ne suffisaient pas !
— Mais ce n'est pas de ma faute ! Et puis pourquoi on a déménagé, hein ? Je la déteste cette école !
J'ai poussé l'assiette et j'ai couru vers ma chambre.
— Attends Clément. Arrête !
Peine perdue, j'étais déjà dans les escaliers.
J'ai claqué la porte et je me suis jeté sur le lit. Puis, j'ai remonté les draps jusqu'à disparaître en dessous.
Dingue ! Même mes parents ne me comprenaient pas !
Était-ce si mal de rêver ? Devait-on toujours suivre les règles ou emprunter le même chemin de vie comme des moutons ?
J'ai soufflé pour apaiser la colère et chasser les idées noires qui se mêlaient dans ma tête.
C'est à ce moment que j'ai senti un poids sur mon lit, au niveau de mes pieds.
La masse a progressé vers le haut du lit. Quelques secondes plus tard, j'ai senti un liquide chaud et visqueux s'écouler sur mon visage.
La bave avait traversé les draps.
— Beurk, Scotty ! C'est dégueulasse !
J'ai hissé ma tête hors de ma planque et je suis tombé nez à nez avec mon vieux golden retriever. Il m'a lapé la joue et fourré sa truffe humide dans mon cou.
— Hey, mais arrêtes !
Je l'ai serré contre ma poitrine et l'ai gratté derrière la tête.
— Au moins tu me comprends toi, hein ? Bon, et si on se branchait sur Skype et qu'on discutait avec les amis ? T'es d'accord avec ça, Scotty ? On verra plus tard pour les devoirs et la punition. Pascal sera content de te voir aussi !
Le chien m'a adressé un regard étrange et a incliné la tête de biais.
— J'étais sûr que tu serais d'accord !
J'ai saisi la tablette qui reposait sur la table de chevet. Elle était au sommet d'une pile de livres mal alignés.
Pas de bol. La connexion était morte.
— OK... hey... comment ça se fait qu'on n'ait pas le Wi-Fi ? Ça doit encore être le routeur qui déconne.
Je me suis levé en grognant et j'ai descendu les marches quatre à quatre.
— Papa ! Le routeur déconne encore, ai-je crié.
Pas de réponse. Normal. À cette heure-ci, il devait classer pour la centième fois de la journée sa collection de coléoptères dans la cave.
Bingo. Je l'ai trouvé face à ses cadres. Sous le faible éclairage du néon, il refaisait les étiquettes en latin qui lui servaient à identifier son impressionnante collection d'insectes. Puriste, il les écrivait à la main, à l'aide d'une plume qu'il trempait dans l'encre de Chine.
— Papa ! Tu peux me donner la clé de la salle du routeur ?
— Et si on commençait par un bonjour ? a répondu mon père, sans lever le nez de ses étiquettes.
Puis il s'est tourné et m'a fixé droit dans les yeux.
Mon père était un grand gaillard un peu rond à la voix toujours calme. En raison de ses énormes sourcils recourbés , il m'avait toujours évoqué le croisement improbable entre un ours en peluche et un hibou . Mais ce soir, son visage paraissait bien trop grave, ses traits étaient tirés.
— Clément, il faut qu'on parle tous les deux.
— Hey papa, je viens déjà de le faire avec maman, désolé pour l'école je...
— Non, non... Il faut que je te parle d'autre chose, mon fils.
Mon fils ! Ces mots m'ont fait l'effet d'un électrochoc. La dernière fois qu'il avait utilisé mon fils, cela avait été pour m'annoncer la perte de son travail.
Il a pris une grande inspiration et m'a posé la main sur l'épaule.
— C'est Scotty. Ta mère et moi trouvions qu'il avait perdu de l'appétit et qu'il était un peu faible... on a été voir le vétérinaire...
Il a marqué une nouvelle pause, il semblait chercher ses mots. Je retenais ma respiration, mais quelque part, je savais ce qu'il allait me dire.
— Il a un cancer, on ne sait pas combien de temps il va vivre et...
Les larmes ont embué mes yeux et j'ai posé la tête sur son ventre.
— Quoi, il va mourir, c'est ça ?
— Non, non, attends, ne t'inquiète pas mon bonhomme, il a un traitement, on va prendre bien soin de lui, et je compte sur toi pour jouer avec lui le plus souvent possible. Le moral est très important, hein. Même chez un chien.
Je me suis relevé. Le t-shirt de mon père était trempé. Je me suis tourné et j'ai aperçu ma mère qui se tenait debout à côté des escaliers de la cave; ses yeux étaient irrités.
— C'est pour ça que tu paraissais triste, maman ?
— Oui mon chéri.
— Bien, on va donner tout notre amour à ce bon vieux Scotty et je suis sûr que tout se passera bien.
— OK papa, pas de problèmes.
— Ha, et dans le même temps, essaies de ne pas t'attirer d'ennuis à l'école. Forces-toi Clément, fais-le pour nous. On veut juste que la famille se sente bien ici, que tout le monde puisse être heureux. Je sais que c'est dur, moi-même j'étais un garçon un peu différent des autres à ton âge, mais... allez, va donc rallumer ce routeur.
J'ai essuyé la morve qui me coulait sur les lèvres.
— Merci, papa, je vais faire de mon mieux.
J'ai relancé la connexion, mais j'avais perdu toute envie de parler. J'ai expédié le repas du soir sans dire un mot, fait mes devoirs et me suis couché de bonne heure.
La nuit a été agitée. J'ai rêvé que j'étais seul dans une grande maison. Je cherchais un enfant. J'entendais juste ses pleurs, mais je ne le trouvais pas et je me perdais dans un dédale de couloirs.
Je me suis réveillé à trois heures du matin. Ma couette était par terre, et j'étais acculé au bord du lit. Scotty ronflait, sa tête reposait sur mon oreiller.
J'ai fini par me rendormir, mais j'avais cette sensation étrange que ce cauchemar augurait de funestes événements.
Et je ne me trompais jamais.
***
Les crêpes sont ma "madeleine de Proust", elles évoquent des souvenirs et des moments heureux de mon enfance. Avez-vous aussi des plats qui s'associent à des souvenirs heureux ?
Les animaux ont joué également une grande part dans ma vie d'enfant. Chiens, chat. Et vous ? Avez-vous des animaux qui partagent votre vie ? Pensez vous qu'ils on joué un rôle dans votre développement durant votre enfance ?
N'hésitez pas à venir répondre et partager vos expériences ou donner d'autres commentaires. Et si vous voulez m'encourager, votez pour le chapitre. Merci !
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