Chapitre 2
"Vol des ateliers Crior et Peunolt - Les enquêteurs suivent la piste d'un même voleur
On se souvient du mystère soulevé par le vol des ateliers de couture Crior et le lien fait avec le vol des entrepôts Peunolt. Les enquêteurs continuent à suivre cette piste. Ils disent avoir fait le rapprochement avec des vols opérés il y a un an... vols qui ont précédé l'arrestation et l'exécution des terroristes par la Mairie. Y aurait-il un lien avec le groupe terroriste précédemment cité ? Dans ce cas-là, on ne saurait trop vous conseiller de faire attention et de prévenir la Milice si vous repérez un signe suspect, Milice qui a d'ailleurs fait la même recommandation. Les enquêteurs, eux, continuent leurs investigations pour trouver le ou la coupable."
Victoire froissa le journal et le jeta sur le sol. Elle commençait à avoir peur. D'abord, ce foutu enquêteur, avec son manteau sombre et ses questions pressantes qui, elle en était sûre, commençait à avoir des soupçons, et puis cet article... Cette fois, il fallait qu'il parle. Sinon, ils seraient réellement découverts et arrêtés. Et là, ils ne pourraient sans doute pas s'échapper.
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Lorsque Victoire sortit des ateliers, elle était sur les nerfs. L'enquêteur avait été plus oppressant que jamais. Il lui avait posé des questions du style : "Avez-vous entendu parler des terroristes arrêtés par la Mairie, il y a un an ?", "Connaissez-vous Archibald Vermeille, l'ingénieur ?", "L'avez-vous rencontré ?" C'était sûr, il se doutait de quelque chose. Sans rien laisser paraître de ses pensées, la jeune femme commença à marcher. Mais elle ne prit pas la direction de la cachette.
L'appartement où elle vivait et derrière lequel était caché l'ingénieur était censé être inoccupé. Victoire n'était pas retournée à son vrai appartement depuis plusieurs mois. Elle avait trouvé cette cachette grâce à l'ingénieur et pensait que ça l'aiderait à brouiller les pistes. Mais l'enquêteur lui avait demandé pourquoi elle n'était pas rentrée chez elle depuis aussi longtemps, et elle se retrouvait obligée de rentrer. C'était ironique. La mesure prise par sécurité devenait celle qui risquait de compromettre son plan. Elle espérait que Camille et surtout Mr Vermeille ne s'inquiéteraient pas trop...
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Ce fut lorsque les lampadaires s'éteignirent que la nuit commença sur la ville. Quelques instants seulement après cette extinction des feux, une porte grinça et quelque chose bougea dans la pénombre. Discrètement, essayant de faire le moins de bruit possible, Victoire se glissa dans les rues sombres et désertes pour rejoindre la cachette. Il avait été très difficile de trouver une excuse valable pour justifier une telle absence auprès de la concierge. Victoire se doutait qu'elle ne l'avait pas vraiment cru et qu'elle la signalerait auprès de la Milice tôt ou tard. Raison de plus pour se dépêcher de finir la montgolfière. Et pour ça, ils avaient besoin de l'ingénieur.
Elle arriva enfin devant l'immeuble, et elle disparut dedans, respirant de soulagement. Elle avait croisé plusieurs patrouilles qui ne l'avaient heureusement pas repéré. Elle ne se doutait pas qu'une ombre la suivait depuis le début du trajet. L'ombre scruta l'immeuble et lorsqu'une lueur brilla à une fenêtre, elle hocha la tête avant de s'en aller.
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Lorsque Victoire arriva dans le hangar, elle eut l'impression qu'une tornade lui tombait dessus. C'était simplement Camille qui lui assénait un flot de paroles où se mêlaient l'inquiétude et la colère.
-T'étais où ?
-J'ai eu des ennuis, j'ai pas le temps de t'expliquer. Où est le vieux ?
-Dans le salon.
-Il faut qu'il nous donne les infos tout de suite.
Elle se dépêcha de rejoindre le salon, courant presque. Il était là, recroquevillé dans un fauteuil défoncé, la mine effrayée. C'est lui qui parla le premier.
-Ils nous ont trouvé, c'est ça ? Je vous l'avait dit qu'ils nous repéreraient. Maintenant, on va tous mourir !
-Calmez-vous. Non, ils ne nous ont pas encore repérés. Mais ils ne vont pas tarder à le faire si vous ne nous aidez pas rapidement.
-Non. C'est trop tard. Je vous avait dit d'arrêter ! C'est trop tard.
Victoire comprit qu'elle ne pourrait rien tirer du vieil homme, quoi qu'elle fasse. Elle sentit un mélange d'émotions lui secouer l'estomac. La peur, la colère, l'incompréhension, la compassion. Mais une seule remonta à la surface. Le désespoir.
Elle avait réussi à retrouver l'ingénieur, elle avait tout planifié, cela pendant des mois, et maintenant il ne manquait qu'un seul élément, un seul, et voilà que son rêve partait en éclats. Elle le savait maintenant, ils allaient perdre, et mourir. Non. Petite, elle avait entendu puis lu des centaines de fois ces histoires qu'on racontait sur l'extérieur. Le ciel bleu, l'herbe verte, les animaux, tant de mots qu'elle ne connaissait qu'à travers des contes et des romans et dont elle avait toujours rêvé. Elle en était sûre, elle y arriverait. Après tout, elle s'appelait Victoire... Non ! Maintenant, tôt ou tard, ils seraient repérés et ils ne pourraient pas s'enfuir. La Mairie ne lâchait pas ses citoyens.Elle ne leur laissait pas de liberté de mouvement, ni aucune liberté d'ailleurs. Elle les tenait au creux de sa main, près à les écraser au moindre faux mouvement. Non ! C'était même à cause d'elle, Victoire, qu'ils allaient être écrasés. Si elle avait fait plus attention... Elle commençait même à douter d'elle, de ses capacités... Avait-elle seulement eu une seule chance ? Même si ils avaient pu savoir le secret, n'auraient-ils pas été repérés, et écrabouillés, de toute façon ? Non, non, non, je ne peux pas y croire, on ne peut pas arrêter maintenant, on peut... Non, elle le savait depuis le début au fond, ils n'avaient jamais eu aucune chance.
-Non.
Victoire sursauta. Elle n'avait pas entendu arriver Camille. Maintenant, il parlait d'une voix tremblante, mais pas de peur ni de désespoir. De révolte. Il parlait d'une voix tremblante, mais anormalement grave, assourdie par la colère et pourtant plus tonitruante que jamais. Une voix véritablement effrayante.
-Non. Nos espoirs, nos efforts ne seront pas réduits à néant par un type comme vous qui refuse de nous aider. Si vous êtes arrivés à trouver quelque chose, on y arrivera nous aussi. On peut le faire. Victoire l'a dit, ils ne nous ont pas encore trouvé.
Victoire recula. Camille n'avait jamais été aussi impressionnant. Son ton grondait comme un orage sur le point d'éclater. Ses yeux brillaient d'une lueur terrifiante, cernés de rouge. Il régnait autour de lui une aura intimidante. Lorsqu'elle prit la parole, ce fut d'une voix timide, balbutiante.
-Mais... Camille... On ne peut plus rien faire... C'est trop tard...
Camille explosa.
-Ah, toi aussi tu t'y mets, maintenant, Victoire ? Tu me déçois. Je vais continuer tout seul, on dirait ?
Ses paroles l'ébranlèrent, comme si elle venait de se prendre un mur. Il continua cependant, s'en prenant cette fois à l'ingénieur.
-Et vous, le vioque, écoutez-moi bien. Si j'ai toujours rêvé de monter au-dessus des nuages, c'est parce que ma mère a toujours rêvé de le faire. Elle m'a ouvert les yeux. Elle m'a sorti du désespoir étouffant de cette ville. Elle m'a transmis son rêve. Elle a eu tout à fait raison. Elle est morte il y a un an.
L'ingénieur se figea. Il s'était encore plus recroquevillé devant la colère volcanique du jeune mécanicien et son visage avait prit toutes les teintes possibles et imaginables. Maintenant, il était pâle et regardait Camille avec stupéfaction, bouche bée.
-Ma mère était Milena Strauss, exécutée il y a de cela un an pour projet d'acte terroriste. Si je suis là, c'est grâce à elle. Et elle n'aurait jamais voulu que vous abandonniez lâchement votre rêve, Monsieur Vermeille.
A présent, l'ingénieur tremblait de tous ses membres. Victoire, elle, restait choquée, interdite. Puis la raison lui revint.
Non, il a raison.
Comment avait-elle pu faiblir à ce point ?
-Nous ne somme pas encore morts, lança-t-elle.
-Nous ne sommes pas encore morts, reprit Camille.
Ils se tournèrent vers l'ingénieur. Il était penché sur lui-même, en proie à une intense réflexion. Il se redressa.
-Vous avez raison. Nous ne sommes pas encore morts. Apportez-moi papiers et crayons. Vous avez des outils et du matériel par centaines. Si on travaille bien, on peut finir ça en une nuit.
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Ils travaillèrent toute la nuit, sans jamais se reposer. Ils n'en ressentaient pas le besoin. Au matin, toute la fatigue leur retomba d'un coup dessus mais ils étaient contents. Ils avaient réussi. Ils avaient terminé.
Tout à coup, un bruit retentit. Ils se figèrent.
Il y avait des gens dans l'appartement du haut.
Ils comprirent tout de suite ce qui se passait. Au bruit des pas, ils devaient être plus d'une dizaine. Victoire comprit qu'ils ne savaient pas réellement combien ils étaient et à quelle mesure ils pouvaient se défendre. Ils pouvaient être seulement une personne comme vingt. Ils pouvaient être munis d'un unique pistolet à vapeur comme de centaines.
-Alors, où est cette foutue cachette ? On est dans un appartement tout ce qu'il y a de plus banal.
-Calme toi, Jacques. Cet appartement devrait être inhabité depuis un an, or nous avons la preuve que quelqu'un y a logé et récemment. Il doit y avoir une ouverture secrète ou quelque chose. Fouillez partout.
-Pff. Ils peuvent bien être partis à l'heure qu'il est. Avec toute cette foutue paperasse, on a perdu un temps fou.
-Jacques, fait attention à ce que tu dis et ne critiques-pas nos Maires bien aimés. Tu sais ce que tu risques.
-Ouais, désolé. Je ne pensais pas ce que je dis.
L'effroi et la stupeur avaient pris nos amis. Victoire fut la première à réagir. Ils n'avaient pas encore trouvé la clé. Ils avaient un peu de temps devant eux. En quelques signes, elle essaya de faire comprendre à ses amis ce qu'ils devaient faire. Ils comprirent et prirent place dans la montgolfière.
-Et maintenant, qu'est-ce qu'on doit faire ? chuchota Victoire le plus bas qu'elle put.
L'ingénieur s'apprêta à répondre mais Camille le devança.
-Si j'ai bien compris le système, on doit tirer sur ce levier-là.
L'ingénieur hocha la tête, bouche bée. Victoire était tout aussi stupéfaite.
Un bruit de machine qui démarre retentit dans le hangar. En haut, les soldats continuèrent à chercher, confondant sans doute avec les bruits habituels d'un immeuble de logement. Soudain, l'ingénieur se tapa le front.
-Le plafond ! J'ai oublié le plafond.
Victoire courut hors de l'appareil. Le bruit de la machine couvrait celui de ses pas. Elle se dirigea vers un levier accroché sur le mur et l'abaissa.
Comme par magie, le plafond commença à se couper en deux parts qui s'écartèrent l'une de l'autre, révélant le "ciel" gris. Les rouages tournaient à toute vitesse. Cette fois, on ne pouvait pas confondre avec des bruits de machine à chauffage ou à eau courante. Des exclamations de stupeur retentirent dans l'appartement. Un cri résonna :
-DERRIERE LA PENDULE ! VITE !!!
Des bruits de fracas se firent entendre, presque entièrement recouverts par le vacarme tonitruant qui régnait dans le hangar. Victoire n'eut pas le temps de s'apitoyer sur le sort de la pauvre pendule et courut le plus vite qu'elle put vers la montgolfière qui commençait à s'élever. Au dernier moment, elle sauta de toutes ses forces, rata le rebord et se sentit soulevée par deux mains puissantes. Camille et l'ingénieur s'étaient mis à deux pour la sauver.
Lorsque les soldats réussirent à forcer le passage et déboulèrent dans le hangar, ils virent l'engin dépasser le plafond, trop haut pour qu'on puisse lui tirer dessus. En haut, ils virent la ville rapetisser sous leurs yeux, les premiers passants et les gens qui ouvraient leurs volets ouvrir des yeux écarquillés-de stupeur et d'espoir. Camille siffla.
-On peut même commander ce machin. Monsieur, dit-il en s'adressant à l'ingénieur(il ne l'appelait plus le vioque), j'ai longtemps espéré pouvoir vous dire ça un jour mais vous êtes un génie.
-Oui, bon, grogna Mr Vermeille, les joues légèrement teintées de rose, fermez cette porte ou on va mourir étouffés par les nuages gris.
Ils firent ce qu'il dit et s'agglutinèrent avec lui devant les fenêtres de la montgolfière. Enfin, ils dépassèrent la couche grise.
Le soleil se levait, teintant les nuages blancs de légères teinte de rose et de jaune. Le ciel était un dégradé entre le violet et le bleu clair. Victoire et ses amis furent trop choqués pour parler. La jeune femme sentit le vieil homme fondre en larmes à côté d'elle.
-Merci, éructa-t-il entre deux sanglots.
Victoire pensait ne pas mériter ces remerciements, aussi dit-elle :
-Oui, merci à toi, Camille. Et merci à vous aussi, Monsieur.
Camille se tourna vers la jeune femme et lui dit.
-Merci à toi aussi, voyons.
Ensemble, ils se dirigèrent vers le soleil levant.
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