Chapitre 49
Tous les nobles s'étaient précipités vers les appartements de la reine. Chaque demoiselle de chambre avait été mobilisé aux côtés de la reine. Anne était presque inerte dans son lit. La fièvre l'avait gagné tôt dans la nuit, annonçant son triste sort. Les draps couvert de sang étaient déplacés hors de la pièce
Claude arriva, le pas lent. Elle s'y était préparée. Rien n'allait pouvoir la déstabiliser. A peine l'avait-on remarqué qu'on l'entraina dans la pièce, au chevet de sa mère.
- La reine vous demande.
Lentement, les mains tremblantes, elle alla saisir celles de sa mère, pâles et froides.
- Mère...
- Cl-Claude ?
- Je suis là mère.
- Mon enfant, ma petite fille. Je suis désolé. Si désolé... Je m'en veux si vous saviez.
- A quel sujet mère ?
- Vous êtes encore si jeune. Trop jeune pour subir la cour et ses habitants seule.
- Je ne suis pas seule...
- Ô si vous l'êtes ma fille. Et vous le serez à jamais. Ne faites confiance à personne et ne laissez personne s'approcher de vous ou de votre couple. C'est votre seule protection, votre mariage. Vous devez enfanter le plus tôt possible, un garçon ! Oui un homme ! Un héritier assurera votre tête !
- Mère calmez-vous...
- Ne faites pas la même erreur que moi. Potius mori quam foedari !
- Plutôt la mort que la souillure ? Que voulez-vous dire mère ?
- Ne le laissez pas partir. Soyez sa femme mais aussi son bras droit ! Ne laissez personne entre vous.
- Mère, vous devri-
- Mais surtout, assurez-vous de faire le bon choix le jour venu. Votre destinée est noble ! Tout aussi noble que celle de cette servante !
- De quoi parlez-vous ?
- Faites le bon choix. Vous avez votre place parmi eux.
- Mère, la fièvre vous fait divaguer.
- Allez voir Louise, je suis sûre qu'elle vous épaulera !
- Mère...
- Il le faut ! Ne parlez à personne de vos secrets ! J'ai vu, j'ai tout – Claude fut piqué par la réflexion de sa mère mais Cassius l'interrompus.
- Princesse, dit-il, la reine perd tout sens de la réalité.
- Taisez-vous ! Qu'avez-vous vu mère ?
- J'ai vu la vérité dans les méandres ! Ils arrivent ! Protèges-toi ! Ils arrivent !
Les yeux de la reine s'étaient retournés, laissant apercevoir le blanc de ses globes. Elle hurlait désormais. La fièvre faisait couler des perles de sueur sur tout son corps morne.
- Majesté... Insista le maître.
- Je vous ai dit de vous taire !
- Claude, trouvez vite votre place ! Soyez maligne et protégez-vous !
- De quoi mère ?
- Vous le saurez bientôt... Ahhhh !
Elle se mise à convulser. Ses cris déchiraient l'air comme des lames de couteaux. Les habitants du palais furent pris par un sentiment d'effroi. Claude ne réalisa pas que la famille des Valois s'était réunie dans la pièce et observait la scène.
- J'ai vu le démon ce soir ! Il est venu ! Il m'a tout pris ! J'ai vu son visage dans ses yeux faits d'hémoglobine ! Il la veut ! La chose la veut ! Elle détruira tout !
François grimaçait. Les paroles de la reine lui rappelaient la créature qui l'avait poursuivi lui et Katarina. Était-ce la même créature ? Il y a quelques mois, un tel discours lui aurait simplement fait penser à de la folie. Mais il le savait, la reine n'était pas folle. Il avait vu cette chose. Il avait vu beaucoup de choses depuis son arrivée. Il n'était plus aussi cartésien depuis. Son esprit auparavant entravé par la religion s'était ouvert à de nouvelles pensées.
- Il faut que tu saches ! La pro... La ....
- Quoi mère, dites-moi !
- A la vieille du soixante Qu- L'être d'or... Gallia... Les Humains ! Le Phoenix combattra ! Là où Neptune ! Neptuuune ! L'éclat de la Lune ! Sous l'éclat de la lune ! Il faut t'aider de la lune Claude ! Trouve-la ! Sauve-la !
- Mère ?
Dans une dernière secousse, la plus brutale, un cri guttural s'échappa de sa gorge faisant frémir toute l'assemblée. Une flaque de sang surgit au même moment de sa bouche grande ouverte, s'éclatant sur le visage autrefois magnifique de la reine et sur les mains de sa fille. Un silence tomba. Même en ayant vu des choses choquantes durant son service dans le nord, François n'avait jamais vu du sang gicler hors d'une bouche de façon aussi vivace. Margueritte s'était couvert le visage en retenant un hurlement d'horreur alors que Louise s'était reculée.
Le seul cri qui trancha le silence fut celui de Claude. Le chagrin et l'incompréhension la possédaient. Les mains encore couvertes du sang à l'odeur âcre, la texture chaude et épaisse, elle essuya son visage plein de larmes. Elle réalisa alors ce qui recouvrait ses mains. D'autres hurlements, cette fois de terreur, lui échappaient. Elle tentait d'essuyer ses fines mains sur le tissu de sa robe, mais sans succès. Elle se releva, hurlante, secouée par les sanglots.
- Claude, calmez-vous !
La princesse venait d'entrer dans un état d'euphorie. François alla la saisir mais elle se dégagea violemment, le surprenant.
- Laissez-moi vous aider.
- Non ! NON !!
Il retenta sa chance. Il lui attrapa les poignets de force et la plaqua contre son torse vigoureusement. Elle se laissa finalement aller, les hurlements remplacés par les sanglots. Louise s'empressa de recouvrir le corps de la reine d'un drap blanc tandis que Margueritte sortit dans l'espoir de respirer à nouveau.
François ne lâcha pas sa femme. Elle était en état de choc. Lui était d'autant plus choqué par les dernières paroles de sa belle-mère. De quoi parlait-elle ? Il les répétait dans sa tête. Il ne voulait pas les oublier. Était-ce la créature qui lui avait murmuré ces mots ?
Cassius était de nouveau aux côtés de la défunte. Il souleva le drap et regarda un instant le cadavre.
- Majesté, la princesse devrait sortir désormais. Il n'est pas bon pour elle de rester ici.
Il hocha la tête solennellement. François parvint à voir le visage de sa femme. Claude était encore toute tremblante.
- Faites venir mon écuyer.
Un domestique accourra alors vers la sortie de la chambre. Aussitôt, Arthus apparut près du prince.
- Faites venir les demoiselles de compagnie de sa majesté la princesse, Arthus. Immédiatement.
- Bien majesté.
L'homme se dirigea sans attendre vers la porte. Cassius observait encore le cadavre. Il arborait un regard curieux et fasciné. La mort ne l'effrayait pas, non, elle le fascinait depuis toujours. Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Le prince accompagnait doucement la princesse à l'extérieur. Ses demoiselles de compagnie l'attendaient probablement.
Louise s'approcha du lit. Elle était pâle. Malgré son jeune âge pour une mère, elle bravait la mort avec aplomb.
- Fascinant. Le sang semblait déjà coagulé, comme s'il était déjà sans vie depuis plusieurs heures. Fascinant !
- Pour l'amour du ciel maître, cachez votre plaisir, il s'agit là de la Reine de France.
- Oui, pardonnez-moi Louise. Il rigola sympathiquement. Je laisse ma passion prendre le dessus.
- Je ne peux vous blâmer. Vous faites face à la mort brillamment.
- Vous me flattez ! Je suis simplement surpris. Rien n'a l'air normal ici. La maladie de la reine ne s'est pas manifesté comme elle aurait dû.
- Vraiment ?
- Eh oui !! Voyez, c'était à prévoir. J'avais pourtant dit au Roi que cette grossesse allait la tuer mais il refusait d'entendre raison.
- Quelle horreur. La reine n'avait pas son mot à dire je suppose.
- Ah, avec la pression que lui mettait le roi depuis toujours, je doute fort qu'elle ait refusé cette grossesse.
- Je ne comprendrais jamais leur soif d'héritier. François n'est-il pas suffisant ?
- La couronne change les hommes Louise.
- Ne dites pas cela.
- François change déjà.
- Que dites-vous ?
- Il murit. Cependant, il se comporte différemment. J'ai eu la chance de connaitre le roi Louis dans son adolescence. Sa montée au trône avait changé sa vie. Il était amoureux d'une jeune fille je me souviens. Malheureusement, celle-ci ne l'aimait pas lui mais son meilleur ami et bras droit.
- Ulric De Nazelle ?
- Lui-même. Il ne pouvait épouser la jeune fille. Son sang n'était pas bleu.
- Pourtant le Duc de Nazelle, eh bien était... un duc.
- Oui, mais cela ne l'a pas empêché d'épouser la jeune femme. Un brave homme.
- Donc le roi aurait changé à cause d'une femme ?
- Pas du tout ! Mais c'est dès son refus qu'il comprit que la vie de prince et de roi n'avait rien d'enviable.
- Comment pouvez-vous parler de choses aussi triviales dans des temps pareils ? Claqua François en revenant.
Cassius ne fit que sourire tandis que Louise détourna le regard.
- Comment va la princesse ?
- Aussi mal qu'elle peut aller. Elle est retournée dans ses appartements en compagnie de ses dames.
- Bien. Elle va avoir besoin de repos. Les prochains jours vont être difficiles.
- J'ai fait envoyer une missive dans le nord pour le roi.
- Il rentrera aussitôt tu en es conscient ?
- Peut-être pas. Dit-il froidement, les mains dans son dos.
- Comment ? S'indigna Louise.
- Il a bien plus important à faire dans le nord.
- Comment peux-tu penser cela ?! Cria-t-elle.
- Je ne fais que dire la vérité. Un roi a toujours plus important à faire.
- Et son enfant ? Dois-je te rappeler qu'elle a aussi perdu l'enfant ?
- Cela, je pense que le roi s'y attendait. Dit-il simplement en haussant les épaules.
- François !
- Sur ce, je retourne auprès des Nobles, ils sont assez agités comme ça.
Louise était dépitée. Elle ne reconnaissait plus son fils. Désespérée, elle se retourna vers Cassius qui se lavait les mains.
- Vous avez raison ! Il change !
- Ne vous en faites pas. C'est un homme bon. Il ne faisait que dire la vérité.
- Tout de même, il pourrait faire un effort.
- Il en fait suffisamment pour supporter la cour. Laissez-lui au moins ses paroles crues. Elles éloigneront les serpents.
- Que va penser le peuple ? Je ne veux pas que mon fils hérite d'un surnom dévalorisant. Imaginez qu'on le surnomme François le Hardis ou pire encore.
- Cessez de vous en faire. Il n'est pas encore roi. Il se plie à la volonté du roi Louis mais je suis sûr qu'une fois monté sur le trône, il se montrera sous son vrai jour.
- Peut-être, oui, murmura-t-elle.
- Pouvez-vous faire appeler les domestiques chargés de s'occuper de la défunte reine ?
- Je... Oui. Je vais le faire.
Louise lança un dernier regard à la reine. Elles ne s'aimaient peut-être pas beaucoup, mais jamais Louise ne lui avait souhaité du mal. La voir mourir aussi tragiquement lui fendit le cœur. Pourtant, tout comme son fils, elle se posait des questions. Les siennes étaient cependant différentes. Elle indiqua aux domestiques de rejoindre le maître puis s'éloigna.
- François sait-il pour la prophétie ? Avec la démonstration de Anne, il va se poser des questions... Mon dieu.
Elle soupira tout en prenant son visage dans ses mains.
Elle décida d'aller prendre l'air. Peut-être allait-elle retrouver Margueritte ? Néanmoins, elle ne prit pas le chemin des jardins mais ceux des cours plus bas dans le château. Elle retrouva une basse-cour vide, calme. Elle ne se posa pas trop de questions sur l'absence de domestiques et allait s'adosser à un mur de pierre.
Un bruit éclata dans le ciel. La jeune femme releva la tête, surprise. Un éclair trancha le ciel pour venir caresser la plus haute tour du château, telle une main venue des cieux. Une pluie battante s'abattit sur la région de Blois, la première depuis des semaines. Une ambiance presque lugubre s'installa. Comme un écho à ce sombre jour, les cloches de la chapelle carillonnèrent subitement. Un autre bruit de tonnerre, puis, à nouveau, la vive lumière de la foudre explosa comme un million d'étoiles dans le ciel et vint chatouiller le toit de la chapelle. Un silence solennel régnait parmi les humains. Un éclair vint reproduire exactement la même chose que le précédent. Louise vit la lumière céleste toucher le pique de la tour dans un grondement. Sans réfléchir, elle abattit ses doigts sur son torse, reproduisant la croix chrétienne.
- Ainsi le seigneur est venu chercher l'âme de la reine. Murmura-t-elle. Reposez en paix, Anne. Je prendrais soin de votre fille, soyez sans crainte.
Soudain, des bruits de pas dans le sable et la terre attiraient son attention. Elle vit deux jeunes filles courir sous la pluie. Elles émirent quelques petits cris au contact de la pluie froide sur elles. Louise reconnut immédiatement l'une d'elles.
Discrètement, elle se mit à les suivre. Les deux jeunes filles allaient s'abriter dans les écuries. Un rire échappa à l'une d'entre elles. Louise du faire l'effort de traversa la cour en courant pour ne pas finir trempée. Elle se cacha derrière l'un des enclos puis attendit.
- Je n'arrive pas à y croire.
- C't'étrange !
- Ariane est encore dans les étages, la journée va être dure pour elle et les autres demoiselles de chambres de la reine.
- Qu'elle repose en paix.
- Oui. C'est un jour tragique. Une autre reine de France s'est éteinte.
- Ouais ! C'est comme si Dieu l'avait pris au bon moment.
- Que veux-tu dire ?
- Bah dis, tu reviens enfin de ta tour dorée et quand les autres domestiques veulent te chercher des poux, un incident grave arrive ? Moi j'dis, c'est la volonté de Dieu.
- Par pitié Solange, ne me mêle pas à cette histoire. C'est une parfaite coïncidence ! Et puis la reine était malade depuis longtemps.
- Ouais ! Moi j'dis c'est une bonne chose pour toi. Tout le monde va vite t'oublier.
- Peut-être mais en aucun cas je ne me réjouis de la mort de notre Reine ! Retorqua la brune. Le royaume entier est en deuil.
- Bref ! Moi j'suis contente que tu sois de retour Katarina ! Les autres peuvent bien aller crever.
- Solange...
- Bah quoi ? Me sors pas ce ton moralisateur de grande dame ma p'tite. Si tu me disais plutôt c'que te veut le prince.
- Pardon ?
- Ouais ! Il te voulait quoi ? Il t'a protégé. C'était grandiose, dit-elle accompagnée d'un sifflement. Alchima et d'autres étaient fous de jalousie. Y'a bien quelque chose ?
- Le fait que tu suggères que quelque chose le pousse à m'aider est insultant !
- Tu peux me le dire, on est amies depuis des années.
- Je vais te le dire. Non, il n'y a rien ! Je suis une servante, lui un prince. Je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir. J'ai eu beaucoup de chance c'est tout.
- Comment qu'il a su alors ?
- Une amie à moi vie à la cour, elle l'a prévenue.
- T'as des amies à la cour toi ?
- Une seule, elle vient du même couvent que moi.
- Ouais...
Louise songea un instant. Qui pouvait bien être l'amie d'une servante chez les nobles ? Soudain, le visage d'Alazaïs du Beaumont lui revint. « Je connais bien ces deux livres, ils proviennent du couvent d'Anger, là où j'ai grandi. Katarina, la servante y a aussi grandi. Elle a été élevée par les nones au couvent. » Bien sûr, la jeune noble avait dit cela dans le but de prouver son innocence. La jeune femme fronça les sourcils. Une servante avec les faveurs du prince et maintenant l'amitié d'une riche fille de nobles français ? Cela faisait beaucoup pour une simple cuisinière. Même sa propre fille semblait l'apprécier. Louise n'aimait définitivement pas cette jeune fille. Elle allait lui poser problème, Louise le savait.
Pour l'heure, elle devait rejoindre la famille royale. Katarina sera l'occupation d'une autre de ses journées.
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Bonsoir, c'est un petit cadeau de ma part ;) Un super long chapitre pour bien finir la soirée de reprise ! plus de 2700 mots rien que pour vous ;) Bonne soirée et à demain pour la suite !
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