Chapitre 36

Dans la salle du trône, le roi Louis faisait les cent pas. La colère l'avait mis hors de lui. Où pouvait bien être François ? Les temps étaient graves. Se rendait-il compte de l'importance de sa présence ? Louis devait-il lui parler de la prophétie dès maintenant ? Oui, il le savait mais il ne pouvait s'y résigner. Non, il allait attendre encore.

Enfin, la tête aux cheveux châtains de François apparut. Louis descendit les quelques marches qui séparait le trône et la salle et se dirigea vers le jeune homme, furieux.

- Où étiez-vous ?! Hurla-t-il.

- Dans la forêt. J'essayais de comprendre tout ce qui se passe récemment.

- Ah vraiment ? cracha le Roi. Figurez-vous mon ami que le cadavre de l'enfant a disparu, tout comme le sang et encore l'écriture sur le mur !

- Quoi ?! S'écria François, incrédule.

- Pendant que vous vous promeniez, les nobles et moi-même faisions face à une situation très grave.

- Mais comment le sang a-t-il pu disparaître ? Et le cadavre.

- C'est comme s'il ne s'était jamais rien passé.

- Et les mots écrits au sang ?

- Quod Perveniet. « Ils arrivent ». Voilà ce qui était inscrit.

François se tendit. « Ils arrivent » ? Il savait de qui il s'agissait. Il en était sûr. Les chevaliers arrivaient. Le visage toujours aussi fermé, il hocha la tête puis quitta la salle du trône. « Personne ne doit savoir pour ces chevaliers » se disait-il. Robert l'attendait non loin, dans un couloir.

- Alors ?

- Le cadavre et toute trace du meurtre ont disparu.

- Quoi ? Comment est-ce possible ?

- Je l'ignore. François expira difficilement. Les choses vont trop vite. Je ne sais plus d'où donner de la tête. La seule chose dont je suis sûr c'est que quelque chose d'horrible va se produire dans peu de temps. Et je suis pratiquement sûr que Katarina y est mêlée.

- Comment ?

- Ça je l'ignore encore. Mais il y a trop de mystères ! A commencer par ces chevaliers, puis cette soi-disant prophétie mentionnée dans les textes de Martin, ensuite il y a cet appartement incroyable et ce système de conduits.

- Il y a aussi le meurtre de cette enfant. Mais j'ai du mal à saisir où tu vois un lien avec Katarina.

- C'est plus un pressentiment qu'autre chose.

Du côté de la forêt, la jeune fille arrivait à peine dans la partie la plus dense. La nuit avait fini par tomber. A bout de souffle, elle se laissa tomber sur l'herbe noire. L'atmosphère ici n'avait pas changé depuis la première fois qu'elle était venue. Les mêmes sensations de froid et de malaise l'habitaient. Les larmes coulaient toujours sur ses joues. Elle était à bout. Pourtant, elle n'avait pas hésité à venir ici. Même si cela voulait dire croiser la créature qui l'avait poursuivis cette nuit-là.

Elle n'avait cessé de ruminer. Toute la journée, elle avait tenté de comprendre ce qui lui était arrivé cette nuit. Elle se rappelait, juste avant de sombrer dans le vide, avoir entendu les grognements d'animaux sauvages autour d'elle. Ils ressemblaient à ceux de chiens. « Probablement des loups » s'était-elle dit. Mais dans ce cas, comment se faisait-il qu'elle n'ait aucune morsure. Elle était encore en vie. N'importe quel loup l'aurait dévoré et pourtant, elle était intacte. Seule sa tête avait été blessé.

Des frissons parcoururent son corps. Elle avait compris une seule et unique chose aujourd'hui. Cet endroit n'était pas anodin. Les paroles de Basile elles non plus n'étaient pas anodines. Ô que non, elles ne l'étaient pas.

- Cet endroit... Ce n'était pas un feu. Et le temps qui s'était écoulé anormalement vite... Les paroles de Basile... Une mise en garde ? Un danger ? Et cette chose qui m'a attaquée ? Que me voulait-elle ?

Comme le jour où elle avait découvert cet endroit, elle entendit un son sortir du fond de la petite clairière. Elle observait un peu plus les lieux. Tout était recouvert de cette visqueuse matière qui constituait la créature. Au centre de la clairière, la lumière de la lune avait réussi à se frayer un chemin entre les arbres. Il n'y avait qu'un amoncellement de pierres, de hautes herbes, de buissons et de branches. L'endroit était extrêmement dense et sauvage. Les arbres tout autour créaient cet effet d'enfermement.

La matière visqueuse n'était pas simplement déposée sur la végétation réalisait Katarina. Elle se releva doucement. Tout se confirmait. Elle descendit quelques pierres, elles formaient comme un escalier. Tout portait à croire qu'un ruisseau avait coulé ici à une époque. Les traces du mouvement de l'eau, les pierres pleines de calcaire un peu plus haut dans la forêt. L'endroit avait dû être magnifique. Aujourd'hui, il était funeste, sinistre.

Elle pouvait sentir une présence. Elle n'était plus seule. Le pas lent, elle s'approchait encore. La matière visqueuse ne l'était plus. Katarina pouvait toucher cette chose sans y enfoncer sa main. Elle durcissait. Plus Katarina avançait, plus elle était dure. Curieuse, elle déposa une main sur une branche recouverte de cette semence démoniaque. Elle ne sentit rien pendant quelque seconde, puis, soudainement, un battement. Surprise, elle retira sa main. Un bruit provenant du fond de la clairière retentit. Elle se retourna brusquement, entraînant sa crinière noire dans un mouvement gracieux. Son cœur cognait contre sa poitrine.

De nouveaux bruits surgirent de l'autre côté de la clairière. Une pierre tomba dans l'estomac de la jeune fille. Elle savait. Elle savait ce qui se profilait, là dans l'ombre.

Soudain, le hurlement d'un loup se propagea dans la forêt, au loin. Katarina reprit son courage. Elle avança à nouveau vers le fond de la clairière. Les bruits se multipliaient autour d'elle. Plus elle avançait, plus elle voyait clair. La semence noire, et maintenant dure, formait comme des veines sur un cou tendu. Elle pouvait maintenant voir ces troncs noirâtres battre doucement. Le bruit d'un pouls se mêlait aux bruits de la forêt. Elle le savait, oui ! Il s'agissait bien de cela !

- Voilà donc pourquoi Basile refusait que je reste ici.

Elle se tenait maintenant au fond de la clairière, les arbres à quelques mètres d'elle. La matière noire changeait de forme ici. Elle ne donnait plus l'impression de former des veines mais bien un tourbillon. Un immense tourbillon creux et profond écrasant toute nature autrefois présente. La créature allait-elle surgir des bois désormais ? Allait-elle se sentir menacée ? Katarina priait pour que ça ne soit pas le cas. Pourtant, elle ne rebroussait pas chemin. Elle alla même jusqu'à déposer sa main sur l'immense tourbillon. Quelque chose se produit alors. Ce que Katarina vit, n'était pas ce qui fût le plus étrange. Le creuset noir venait de battre comme un cœur l'aurait fait. Mais ce que la jeune fille ne pût voir fût ses yeux. Ses magnifiques yeux en amande devenir aussi translucides que de l'or pur. Elle entendit de nombreux cris d'animaux autour d'elle, des oiseaux prirent leur envol. Le vent souffla si fort qu'il siffla entre les arbres. Elle ne sentit rien en particulier et pourtant, ses yeux scintillaient comme des joyaux au soleil. Sa peau pâlit encore plus. Sous ses pieds, la terre noire venait de virer à l'ocre.

Ce fût le cri de la bête qui la fit redescendre sur terre et réaliser dans quelle mauvaise posture elle se trouvait. Ses yeux scintillaient toujours, comme deux billes remplies d'or liquide. Le cri de la créature disparu soudainement. Plus aucun bruit ne se fit entendre autour d'elle.

- Très bien. Je m'en vais.

A reculons, le dos droit, le cœur battant, elle s'éloigna. Elle venait de parler à la créature. Elle n'était pas loin, elle le savait. De l'autre côté de la clairière, une meute de loups venait de s'arrêter pour observer la scène. Sans le savoir, Katarina venait de franchir un seuil dans sa vie. C'était le tout premier des quelques seuils qu'elle avait à franchir avant le dernier stade. Avant que l'obscurité ne dévore Blois.

Elle en était sûre maintenant. Elle savait où elle se trouvait. Ne voulant pas embêter la créature davantage elle partit, presque sereine, vers le palais. Elle quittait Le Nid de la créature.


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Joyeux Noel !! Voilà voilà mon chapitre favoris. C'est vraiment un chapitre important pour la suite de l'histoire. 

En ce qui concerne la prochaine publication, je ne sais pas DU TOUT quand je vais poster. Cela va dépendre de si j'avance beaucoup pendant les vacances... Restez dans les parages tout de même !

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