Chapitre 34

Robert guidait François, et sans le savoir, Louise, vers une partie du château totalement inhabité. Les couloirs étaient vides et vierges de tout passage.

-          Par ici.

Le grand brun ouvrit une porte en bois dissimulée derrière une tapisserie. « Une porte dérobée ? » se demanda le prince. François n'en revenait pas, comment Robert pouvait-il connaître un tel endroit ? Derrière cette porte, François découvrit un long et étroit couloir. Les murs étaient recouverts de lattes en bois. En haut, de fines mais longues meurtrières longeaient horizontalement le mur droit. Elles laissaient couler la lumière du soleil révélant de la poussière dans l'air. Le sol en pierre était décoré d'un très épais tapis en velours aux couleurs nobles. Emerveillé par la beauté des lieux, François osait à peine avancer. Ce couloir, les détails sur le tapis, la douceur de la lumière, le calme, l'odeur de renfermé... C'était un refuge parfait dans l'immense palais.

Au bout du corridor, quatre hautes marches en pierre étaient cachées derrière un lourd rideau en velours bleu roi. Derrière, le prince découvrit avec stupeur un salon, une bibliothèque et au centre une verrière circulaire renfermant un petit jardin sauvage. La pièce ne possédait aucune fenêtre. La seule source de lumière provenait de la verrière qui donnait sur le ciel. Tout autour de la pièce circulaire, il remarquait de nombreux artefacts. La poussière recouvrait pratiquement tout.

-          Robert ! Comment as-tu trouvé cet endroit ?

-          En vagabondant dans les couloirs. Personne ne vient jamais ici.

-          Tu y passe beaucoup de temps ? Demanda le prince.

-          Non, je l'ai découvert l'hiver dernier et me suis dit qu'un jour, un tel endroit pourrait nous être utile.

-          Tu ne crois pas si bien dire, mon ami !

-          Et tu n'as pas tout vu.

Katarina était toujours inconsciente dans les bras du prince. Elle avait repris des couleurs. « Peut-être va-t-elle émerger ? » songea celui-ci.

-          La porte à droite donne directement dehors. Nous sommes presque à l'orée de la forêt. Le couloir d'ailleurs est quasiment sous terre. Cette porte donne sur la chambre.

-          La chambre ?

Dans un grand geste, Robert souleva un autre rideau. Celui-ci était beaucoup plus grand et lourd. Il dissimulait lui aussi une porte. Ou plutôt deux portes. Adroitement, il saisit la poignée gravée. François remarqua quelques mots mais il n'eut pas le temps de les lire, la pièce devant lui le fit presque lâcher Katarina. Sa bouche s'entrouvrit.

            Il ne s'agissait pas d'une modeste chambre. Celle-ci était presque trois fois plus grande que celle du Roi. Un immense lit trônait au fond de la pièce, un office était disposé plus loin près d'un mur. Une gigantesque bibliothèque longeait un autre mur. Au centre de la pièce, un immense tapis rond décorait la salle. Encore une fois, la pièce était sombre. Quelques petits soupiraux, identiques à ceux du couloir, laissaient entrer quelques rayons de lumière.

            François allait déposer la jeune fille encore inconsciente sur le lit. Il souffla péniblement en se redressant. Il observa la pièce d'un autre angle. Quelque chose attira don attention.

-          Tu ne trouves pas qu'il y a beaucoup de rideaux ici ? Et à chaque fois-

-          Ils cachent quelque chose. Finit Robert, comprenant où François voulait en venir.

Face à eux, le dernier mur de la chambre se dressait. Un rideau remontait jusqu'au plafond, plafond qui se trouvait être extrêmement haut, peut-être dix mètres de hauteur. Ensemble, ils se placèrent de part et autres de la porte et tirèrent le velours vers l'extérieur.

-          Wow...

-          Incroyable, soufflait François.

Le rideau dissimulait bien quelque chose. Une fresque recouvrait l'intégralité du mur et débordait par endroits sur le plafond voûté. Une étrange scène était représentée. Les deux jeunes hommes durent pencher la tête en arrière afin de pouvoir admirer l'œuvre d'art dans son entièreté. Au centre, au-dessus de la porte, un visage féminin était peint. Surprit, les deux hommes se regardaient un instant puis se retournèrent vers le lit, là où Katarina dormait encore. La silhouette féminine sur le mur lui ressemblait étrangement. Les mêmes yeux dorés, la même chevelure noire. Des oiseaux semblaient constituer la crinière noire. Elle tenait entre ses mains une fleur. Sur le bas du mur des mots se suivaient. Ils étaient écrits en latin.

      François, qui se trouvait du côté droit de la fresque observait ce qui se trouvait devant lui. Il y avait tant d'éléments. Un oiseau au grandes plumes prenait son envole alors que sept hommes sur leurs montures le prenaient en chasse. Au fond, un vieil homme était représenté sur un trône. Il portait ce qui ressemblait à une mitre pastorale ainsi qu'un manteau de cérémonie.

Du côté de Robert, il pouvait observer une rivière à l'eau couleur saphir. Elle brillait. De nombreuses sirènes et autres créatures étaient représentées. Tout en haut, une immonde bête sortait d'un calice en cristal. Deux silhouettes l'entouraient. Un homme était peint un peu plus en retrait. Son armure et sa cape lui donnaient un air chevaleresque tandis que sa barbe taillée ajoutait de la sagesse à ce visage. Il était entouré d'un halo de lumière et une gigantesque paire d'ailes sortaient de son dos. Derrière lui, une autre femme à la longue chevelure noire pleurait.

Sur le plafond des créatures ailées semblaient fuir. Leurs visages étaient déformés. Le ciel s'assombrissait à chaque centimètre, peu à peu.

-          Quelle étrange fresque.

-          C'est un travail de maître, ajouta François.

Un gémissement provenant de derrière eux les fit sursauter. Sans réfléchir, François saisit le rideau et commença à recouvrir la fresque.

-          Que fais-tu ? L'interrogea Robert.

-          Elle ne doit pas voir cela.

-          Pourquoi ?

-          Peut-être parce qu'une femme lui ressemblant est peinte ici-même ? Murmura le prince entre ses dents.

Incertain, Robert l'aida. Il n'était pas sûr de comprendre pourquoi il paniquait ainsi.  Ils finirent par recouvrir toute la peinture et dans un mouvement précipité, François s'éloigna du mur, comme s'il en avait peur.

Dans le lit, Katarina émergeait à peine. La première chose qu'elle vu fut un plafond. Elle remarqua des gravures sur celui-ci. Il ne lui en fallut pas plus pour se demander où elle se trouvait. Elle regarda autour d'elle mais ne reconnut pas l'endroit. Le matelas était extrêmement confortable. « Il y a de la place pour au moins trois personnes » songea-t-elle. Doucement, elle se redressait, une main sur son front. Sa vue n'était pas encore fiable. Elle ne discernait rien à plus d'un mètre d'elle. Pourtant, elle pouvait voir deux silhouettes autour d'elle.

-          Où suis-je ? Demanda-t-elle faiblement.

-          En sécurité. Souffla François en déposant une main rassurante sur son épaule. Vous vous êtes évanouis.

-          Vraiment ? Demanda-t-elle.

-          Vous n'avez aucun souvenir ?

Doucement, Katarina se remémorait sa journée. Elle se souvenait avoir fait ses corvées habituelles en cuisines, puis, du tintamarre qu'avait causé le meurtre de cette enfant. La jeune fille hoquetait de surprise. En un rien de temps, elle était sur ses deux pieds.

-          L'enfant ! Cria-t-elle en fixant le vide.

Les deux hommes étaient immédiatement à ses côtés, prêts à lui poser des questions.

-          Vous la connaissez ? Tenta d'abord le seigneur de Sedan.

-          Non... Murmura-t-elle tout en baissant la tête.  Je ne l'ai jamais vu, en tout cas pas dans nos quartiers.

-          Elle portait pourtant une tenue de domestique.

Katarina réfléchissait aussi vite qu'elle pouvait. Devait-elle leur faire part de cette nuit et de son accident ? Ils ne la croiraient pas. Pire, ils la prendraient pour une folle ou bien même une sorcière. Ils ne devaient pas savoir !

-          Je ne sais pas qui elle est, je vous jure...

La peur dans sa voix fit reculer les deux hommes. Ils ne s'étaient pas rendu compte qu'ils la surplombaient. Il se regardait l'espace d'un instant. Katarina, elle se rassit sur le lit, la tête entre ses mains. Le même sentiment d'incertitude posséda à nouveau le prince. Il s'accroupit devant la jeune fille et prit tendrement ses poignets dans ses mains, l'obligeant à découvrir son visage.

-          Katarina, sachez que vous ne risquez rien si vous nous dites ce que vous savez.

-          Mais je ne sais rien !

Robert n'en croyait pas un mot. Cela n'avait pas de sens. Elle devait forcement savoir quelque chose. Sa réaction avait été bien étrange. Elle avait réagi d'une façon si violente... Pourtant ce n'était pas ça qui poussait Robert à croire qu'elle savait quelque chose. Elle agissait comme une menteuse. Elle ne les regardait pas. Ses mains étaient crispées. Ses jambes tremblaient légèrement. Il était presque agacé. Il lança un regard au prince. Celui-ci ne fit pas attention au seigneur. Il était bien trop occupé à lire le visage de la jeune fille.

Au bout d'interminables minutes, François lâcha prise. Il abandonna ses poignets et se releva tout en expirant. Il n'allait pas apprendre la moindre chose pour le moment, il le savait. Exaspéré, il quitta la pièce, suivit de près de son ami. Ce dernier referma la porte derrière eux.

-          Elle sait quelque chose, c'est évident.

-          Mieux vaut ne pas la brusquer Robert.

-          Te voilà bien clément tout à coup.

Un silence s'installa entre les deux jeunes hommes. Le regard de François s'attardait sur le salon. Cet endroit l'avait émerveillé mais après avoir vu l'étrange fresque, ce sentiment d'émerveillement avait vite disparu.

-          Si tu veux vraiment mon avis Robert, elle-même ignore ce qu'elle cache.

-          Comment ça ?

-          Tu as vu comme moi cette peinture. La femme qui y est peinte lui ressemble tellement. Sans oublier la réaction qu'elle a eue. Et ce que tu as pu entendre Alazaïs et elle dire.

-          Je ne suis pas sûr de te suivre là, François.

A l'extérieur, Louise tentait encore de comprendre où étaient les deux hommes. Elle les avait suivis sans se faire voir mais au détour d'un couloir ils avaient totalement disparu. Elle avait continué dans le même couloir qu'eux mais s'étaient retrouvés face à une impasse. Frustrée elle avait frappé la pierre froide. Comment pouvaient-ils avoir disparu ? Il n'y avait rien, pas la moindre porte ou même fenêtre.

-          Misère ! Comment ont-ils fait ?! C'est impossible !

La rage avait pris le dessus sur la frustration. Elle avait été tournée en bourrique par les deux jeunes hommes sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Katarina était bel et bien en sécurité.


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voilà voilàààà ! C'est l'un de mes chapitres préféré ! J'ADORE ce passage avec les appartements bleus. C'est ceux dont je suis le plus fière depuis le début de ce roman.

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