Chapitre 19
Week-end Rush : plusieurs chapitres seront postés ce week end ;)
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- Aller ! Et plus vite que ça s'pèce de bon à rien !
Le regard méprisant, Ariane ramassa les draps maculés de la Reine sous les ordres d'une des femmes de chambre. Elle fit mine de se retourner pour lever les yeux au ciel.
- Et dépêches-toi ! La Reine va bientôt revenir pour s'reposer.
- Oui madame.
Elle saisit les édredons tout en sortant de la suite. L'odeur de la sueur émanait fortement des draps. Ariane se retenait de grimacer. Dans les couloirs, comme chaque matin, les serviteurs accourraient. Ariane les observait sans gêne. Certains se pavanaient presque devant les nobles. Arrivée dans la laverie, elle s'installa à côté d'une autre domestique. Ariane observa autour d'elle tout en laissait tomber la masse de tissus dans une décoction à la lavande.
A côté d'elle, la jeune domestique remarqua un détail sur les draps. D'un regard froid et détaché, elle nota la tache de sang sur les draps, puis lâcha dans un murmure :
- La reine perd du sang ?
Surprise d'entendre celle-ci émettre un son, Ariane la dévisagea. Son regard et le sien se mêlèrent. Ils avaient quelque chose de semblable. Pas dans leur aspect physique. La blonde à l'air naturellement farouche réprima un frisson. Rares étaient les fois où elle avait croisé un regard si étrange.
- Qu'est-ce' ça peut bien t'faire ?!
Les mots d'Ariane émanèrent d'entre ses dents légèrement écartées. Elle ne faisait pas confiance à cette fille. Tout son corps lui hurlait de s'éloigner d'elle. Elle n'inspirait rien de bon. Ariane était tellement sur la défensive qu'elle n'avait pas eu le temps d'assimiler que la Reine perdait du sang. Elle vit traverser une lueur étrange dans le regard de son homologue. Les vapeurs des eaux autour d'elle n'aidaient pas Ariane à se clamer. Son pouls ne faisait qu'accélérer alors qu'une boule se formait dans son ventre. Les cuves en cuivres reflétaient la lumière provenant des fins soupiraux.
Soudain, Ariane crut voir dans ce qui aurait dû être le reflet de son homologue, une étrange chose. La rousse qui lui faisait face n'avait pas le même aspect dans le cuivre des cuves. Une monstrueuse enfant la regardait juste derrière son reflet. Puis, tandis qu'Ariane ne pouvait détacher son regard de la cuve, le reflet prononça deux mots. Deux mots qu'Ariane comprit à peine. Quod perveniet. Quod Perveniet ? Un cri s'échappa de sa gorge. Comment un reflet pouvait-il parler ? Elle se retourna vers la domestique. Personne. Le reflet lui n'avait pas bougé.
Autour d'elle, les vapeurs avaient fini par former un épais brouillard, l'étouffant presque. Ses yeux la brûlaient. Sa gorge était meurtrie. Les mots de la silhouette se répétaient. Ariane, était naturellement rationnelle, mais à l'instant, elle venait de céder à la panique. Elle se recroquevilla dans un coin, la respiration courte.
- Ariane ? Mon dieu Ariane !
Malheureusement, celle-ci n'entendait plus rien. La panique s'était introduite dans ses veines comme un poison. Le visage décrépit de l'enfant lui provoquait des haut-le-cœur. Elle sentit des mains la secouer, puis un parfum de fleur d'oranger, semblable à l'huile qu'utilisait son amie sur sa longue chevelure noire. Un brin de lucidité lui revenait.
- Tout va bien ? Que t'es-t-il arrivé ? Tu es toute pâle !
- Je... Je n'en sais rien. Il y avait cette fille
- Une fille ?
- Je ne connais pas son prénom. Elle était là, puis elle est partie, continuait-elle le regard vide. Elle parlait de sang, puis le reflet a dit des mots...
- Des mots ? T'en souviens-tu ?
- Quod Perveniet. Oui voilà. Ça signifie quoi ? Et comment-Comment un reflet peut-il parler ? C'était une enfant ! Y'a pas d'enfant ici !
- ça ne me dit rien mais on dirait du latin. Et je l'ignore.
- Tu connais bien le latin ! Les nones te l'ont appris !
- Oui mais je ne le parle pas couramment, c'est une langue extrêmement complexe. Calme-toi maintenant.
Ariane respirait plus facilement maintenant que son amie était avec elle. Katarina revenait tout juste de la plaine où elle avait étendu le lingue en compagnie de Basile, mais celui-ci avait rebroussé chemin juste avant la laverie, prétextant avoir à faire. Katarina se souvenait de sa mine sombre si soudaine. Il était parti en courant, sans un dernier regard pour elle.
Tout à coup, Ariane se releva pour plonger ses mains dans la décoction de lavande. Elle en ressortit des draps.
- Elle a parlé de sang ! Paniquait-elle. De sang sur les draps de la reine.
- Mais enfin, il n'y a rien là-dessus ! Katarina observait son amie attentivement. Pour enlever du sang il faut bien plus que de l'eau chaude. A vrai dire il faudrait uniquement de l'eau froide. L'as-tu trempé autre part ?
- NON !
- Très bien, ce n'était peut-être qu'une plaisanterie.
- Qui plaisanterait de la sorte ? La reine est enceinte ! Si elle perd du sang...
- Ne t'en fait pas, il n'y a pas de sang.
Ariane laissait les draps retomber dans l'eau chaude, les épaules basses et le regard perdu dans le vide. Elle n'arrivait pas à retrouver son calme. Ses mains tremblaient. Tout son corps tremblait. Katarina tentait tant bien que mal de la rassurer. La pauvre enfant était sous le choc.
La nuit venait de tomber sur le Palais de Blois. La célébration battait de son plein dans les couloirs du château médiéval. Katarina avait raccompagné son amie dans les chambres pour qu'elle puisse se calmer dans un espace calme. Elle, avait dû la remplacer dans les étages supérieurs. Sa blouse grise de cuisine avait été remplacé par quelque chose de plus neuf et ses cheveux avaient été tressé dans son dos. La jeune fille avait déjà servi. Elle devait prendre ce qu'on lui confiait et l'emmener dans la Salle haute, là où était réuni les plus importantes têtes.
Elle montait adroitement les marches des étages avec en main une soupière de plusieurs kilos. Un ragoût fumant s'y trouvait. Sa longue robe cachait ses misérables souliers qui lui conféraient de l'assurance. Porter pendant longtemps les mêmes chaussures assurait une certaine dextérité. La mine neutre qu'elle devait afficher avait du mal à se dessiner sur ses doux traits. Elle ne pouvait empêcher ses lèvres de s'entrouvrirent légèrement, ou encore ses sourcils de former un arc de cercle. Une fois arrivée devant l'immense table de nobles, elle inspira l'air chargé de mille et une odeurs avant d'avancer le pas certain vers les autres servantes et d'effectuer les mêmes gestes que celles-ci.
Katarina n'avait pas pensé au Prince depuis un moment. Leur discussion lui semblait si lointaine, comme un rêve. Pourtant, quand elle arriva derrière lui pour le servir, elle se sentit toute drôle. De dos, François ne vit qu'une main suivit d'un maigre poignet. Cette peau laiteuse lui rappela immédiatement la cuisinière. Cependant, il ne bougea pas. Sa fiancée se tenait juste devant lui, les joues pourpres et les épaules affaissées. La pauvre n'était pas à l'aise entre tous ces nobles et son futur époux. Il était évident qu'elle n'était point prête à se marier et devenir une femme. Dix-sept ans ne lui avaient donc pas suffi à la préparer à la vie conjugale.
Même si rien sur le visage de François ne laissait transparaître sa surprise et son envie soudaine de se retourner, il brûlait d'envie de plonger ses yeux dans ses lucarnes dorées. Il inspirait profondément et gardait toute contenance. Il n'en était rien pour Katarina. Elle tentait de cacher ses joues en abaissant la tête. Elle attendit quelques secondes avant de se souvenir que ses cheveux étaient noués, coincés dans son dos. Elle ne pouvait cacher son visage derrière ses mèches.
A l'exception de quelques nobles, nombreux avaient remarqué la jeune fille. Très peu la soudaine posture du prince. Il se tenait trop droit, il ne mangeait plus et regardait son verre vide quand il ne laissait pas ses yeux courir sur le bras de la servante. Celle-ci le servit à nouveau. Marguerite l'observait derrière son verre de vin rouge. Robert lui savourait sa volaille tout en regardant la scène entre ses longs cils bruns. Enfin, tout au bout de la table, Charlotte peinait à avaler son bout de pain. « Que vient-elle faire ici ? Pourquoi la regarde-t-il de la sorte ? »
Elle ne put retenir une protestation tout en gigotant sur sa chaise. Elle avait remarqué que la plupart des hommes de la table observaient la magnifique jeune fille. Ils avaient tous le même regard. Tous sauf le prince. Il semblait frustré, les autres découvraient Katarina. Ils la détaillaient tous. Certains avaient même du mal à cacher leur brûlant désir. François ne remarqua rien, bien trop occupé à faire comme si de rien était. Charlotte ne comprenait pas ce que la jeune servante avait de plus.
- Pour l'amour du ciel, veuillez arrêter. La Reine vous observe. Soufflait Yselda dans son verre de vin.
- Ne voyez-vous donc rien mère ? murmurait Charlotte. C'est elle.
- De quoi parlez-vous ?
- La servante avec qui le prince faisait connaissance, c'est elle !
Yselda dirigea son attention sur Katarina, puis sur le prince. Elle remarque sa beauté. Katarina, elle, se contentait de servir un autre noble qui ne s'était pas gêné pour la détailler. Puis elle vit le regard du prince. Il la suivait discrètement du regard tout en buvant le contenu de son verre à nouveau plein. Lui qui était de nature froide et détaché, parfois même glaciale, ne semblait plus tenir en place. Tout se passait dans ses yeux et sa respiration. Ses gestes eux étaient sous parfait contrôle.
- Après le diner, vous irez lui parler.
- Mais mère, il ne semble pas en...
- C'est un ordre. La coupait-elle, le regard fixé sur Katarina.
La jeune fille finie de servir discrètement tous les nobles puis vint déposer, la main presque tremblante, un peu de ragoût dans l'assiette de Charlotte. Enfin, vint le tour d'Yselda. Un sourire vicieux prit place sur sa fine bouche aux ridules marquées. Elle se pencha vers sa fille pour lui murmurer de simples mots choisit au hasard avant de se redresser et assener un coup de coude dans le ventre de Katarina qui hoqueta de douleur en reculant. La soupière dans ses mains vacilla légèrement. Déjà prête à crier aux scandales, Yselda se releva, la mine grave.
Cependant, gauche comme elle l'était, elle bouscula une autre servante avec cette fois, divers plateaux garnis d'oies ou même de signes. La soupière stabilisée, Katarina retint un rictus de soulagement. Cependant l'attention n'était plus sur elle mais sur la jeune fille étalée à même le sol. Celle-ci allait pleurer, Katarina pouvait voir les larmes perler dans ses yeux marron. Prise de compassion, elle tendit la soupière à une autre servante puis alla aider la jeune femme. Tous les regards des nobles étaient fixés sur elles. Yselda, toujours debout, dévisageait Katarina avec une rage folle.
Le Roi ne se redressa pas, il continuait de dévorer le contenu de son assiette mais la Reine et François faisaient partie des nobles qui s'étaient levés. A son tour, le jeune prince eut l'envie de rejoindre la jeune fille à terre mais dans l'unique but de s'assurer que sa cuisinière allait bien. Il n'avait rien vu du geste de la comtesse Yselda. Les indignations des nobles fusaient dans la salle alors que Katarina et la jeune femme quittaient aussi vite que possible l'assemblée de nobles pour rejoindre les cuisines.
Robert, retenait un rire. Cette nouvelle attitude chez le prince lui allait bien mieux que son manque de compassion habituel. François tourna la tête vers lui, il haussa les sourcils, l'air de dire « c'est donc elle ?» et d'approuver.
Charles de Bourbon lui ne pouvait retirer son regard de là où avaient disparu les servantes. Pendant un instant, il avait cru faire face à un mirage. « Quelle beauté ! » Il n'avait jamais vu pareille chose dans sa longue et amère vie.
Katarina avait insufflé aux hommes de la pièce une sensation d'air frais. Une renaissance presque. Les lourds regards et les avances, elle en avait l'habitude depuis le temps. Voilà plusieurs années que les mêmes choses se produisaient. Plusieurs fois, les choses étaient allées très loin mais elle s'en était toujours sortie indemne.Elle avait une emprise étrange sur la gent masculine qu'elle n'avait jamais su expliquer. Cela relevait-il vraiment de sa beauté comme on lui avait souvent dit ?
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