Chapitre XI : Une réunion imprévue

      La nuit enveloppait le château de son manteau lorsque Drago sortit de la Salle sur Demande. La veille, son précieux bouquin avait péri dans les flots du Lac Noir. De cette lecture ne restaient que d'éparses notes sans queue ni tête. Des formules qu'il n'avait pas encore essayées. Depuis les aveux faits à Luna, le garçon ne parvenait pas à se concentrer pleinement sur sa tâche. Cette peur qu'il lui arrivât quelque chose l'étouffait. Comment osait-il éprouver ne serait-ce que  la moitié de ce qu'il ressentait pour cette fille ? Plus il la voyait, plus la paix le frappait. Un faible bonheur qui berçait son corps d'une douce chaleur. Et alors qu'il errait sans but dans les couloirs de Poudlard, la réalité lui sauta au visage : lui, Drago Malefoy, un Serpentard, un disciple du Seigneur des Ténèbres, tombait amoureux de Lovegood, une traîtresse à son sang.

Il crut son cœur sur le point d'exploser lorsqu'une main se posa sur son épaule ; effrayé, Drago se retourna dans un sursaut et tomba nez à nez avec le directeur de sa maison.

     « Laissez-moi tranquille, professeur ! »

Rogue plaça son index contre ses lèvres et intima à Drago de le suivre. L'urgence de l'enseignant l'alarma, ses pas précipités accrurent son malaise. Néanmoins, il le suivit, silencieux. Le temps avait semblé filer à toute vitesse lorsque Drago reconnut la cour de l'école. Ils rejoignirent le parc ; le jeune homme eut juste le temps de jeter un dernier coup d'œil au château avant que le professeur Rogue ne saisît son poignet. Une force surnaturelle l'attira dans un tourbillon nauséeux.

Il lui fallut quelques secondes avant de comprendre qu'il se tenait au sein des sous-sols de son manoir. Toujours enveloppés dans un mutisme, Rogue, ses cheveux plaqués tout contre son crâne, tirait Drago derrière lui. Le Serpentard n'osa pas se plaindre, ni même grimacer. Les marches craquèrent sous leur poids et à mesure qu'ils s'approchaient de l'intérieur de la grande bâtisse, la Marque des Ténèbres le brûlait, de plus en plus vive. Voldemort était là. Encore. Et il n'était pas seul. La bouche de Drago s'assécha, son cœur battait la chamade. Il aurait voulu se trouver partout ailleurs. Pourquoi le faisait-on revenir ? Le maître avait-il appris pour Luna ? Son sang se glaça.

Plusieurs personnes se retournèrent dans leur direction. Parmi eux, Drago reconnut sa mère. La voir en forme aviva une flamme au creux de sa poitrine. Narcissa entoura son fils de ses bras, lui offrit un baiser, puis le prit par la main. Rogue les observait, aussi affable qu'une porte de prison. Ils avancèrent parmi les partisans du mage noir ; Drago attacha son attention sur ses chaussures.

     « Maître... »

Rogue exécuta une révérence. Voldemort lui intima de se redresser d'un geste sec de la main ; Drago le salua à son tour, sans un mot. Il se redressa, croisa les orbes rougeoyantes de son maître, puis retourna auprès de sa mère qui s'était placée à l'écart. Près d'elle, se tenait sa sœur, Bellatrix Lestrange. Elle envoya un clin d'œil à son neveu qui lui répondit par un sourire forcé.

     « Ce soir, nous fêtons la venue d'un nouveau membre dans les rangs. » Voldemort sourit. Il n'avait toutefois rien de chaleureux. « Je profiterai également de cette soirée pour m'entretenir avec le fils Malefoy. »

Un goût métallique se déversa dans la bouche de Drago au moment où il se mordit l'intérieur de la joue. Une entrevue en compagnie de son maître ? Il se doutait de quelque chose. Ou alors, il souhaitait simplement discuter de l'avancée de sa tâche. Oui, c'était cela. Pourquoi tirait-il les pires conclusions alors qu'il n'y avait aucune chance que Voldemort pût être au courant ?

     « Trêve de bavardages ! Approche, mon cher. N'aie pas peur. Bientôt, tu auras le pouvoir. Bientôt, tu seras un être supérieur. »

Les ricanements de Bellatrix renforça le malaise de Drago. Sa mère glissa sa main dans la sienne, contact apaisant face à toute cette noirceur. Les mages noirs attendaient, immobiles et muets, que la personne appelée s'approchât du Seigneur des Ténèbres. Drago ne parvint pas à distinguer son visage ; sa vue se retrouvait brouillée par les larmes qui menaçaient de l'assaillir. Il haïssait ce qu'était devenue sa vie. Hagard, le Serpentard assista à la cérémonie sans la voir. Seuls les gémissements du garçon perçaient sa carapace.

Le spectacle macabre s'acheva, Drago daigna enfin prêter attention à son environnement. Un frisson glacé parcourut son échine lorsqu'il vit la nouvelle recrue disparaître avec deux autres personnes : le nouveau Mangemort n'était autre que Stefen, l'ami de Luna.

***

Il avait attendu ce moment la boule au ventre. Depuis l'achèvement de la cérémonie, Drago tentait de se faire oublier. Des centaines de questions filaient dans son esprit. Pourquoi ce garçon ? Qu'avait-il de spécial ? Et Luna ? Se rendrait-elle compte du double-jeu que menait son « ami » ? Et son maître, qu'allait-il lui dire ?

Narcissa se tenait à ses côtés, une main posée sur son épaule. Elle redoutait autant que lui son entrevue avec le mage noir. Voldemort apparut devant eux, l'ombre d'un sourire étirait sa peau blafarde. Il ne ressemblait même plus à un homme.

     « Ma chère Narcissa, puis-je t'emprunter Drago ? »

Pâle comme la mort, sa mère recula, tête basse. Drago aurait voulu lui hurler de ne pas l'abandonner. De le sauver. Cependant, Voldemort l'attira dans son sillage et ils se retrouvèrent enfermés au sein d'une des salles de bains du manoir. Des gouttes d'eau s'écoulaient encore du pommeau de douche. Drago les observa tomber une à une alors que le silence menaçait de l'écraser. Le garçon était terrifié. Bien plus qu'il ne l'admettrait jamais. Voldemort le regardait, toujours accompagné de cette parodie de sourire. Où dénichait-il l'amusement ? Rien, ici, ne prêtait au rire.

     « Comment se passe ta mission ? Cela fait maintenant des semaines que tu as déniché cette armoire, d'après ta mère. Qu'est-ce qui te prend si longtemps ?

— Je... je n'ai pas encore trouvé le sortilège adéquat pour la réparation...

— Et Dumbledore ? Pourquoi n'as-tu rien tenté ?

— Je... je...

— Par Merlin, je croirais entendre Lucius. »

Drago baissa la tête, honteux et terrorisé.

     « Aucune distraction ne vient frapper à ta porte ? »

Ses orbes rouges le sondaient. Drago pouvait le sentir tenter de fouiller à l'intérieur de son esprit. Il remercia sa tante de lui avoir enseigné sans relâche l'Occlumencie, durant l'été. Il redressa la tête.

     « Non ! »

La lueur qui brilla sur le visage de Voldemort l'inquiéta. Il s'était montré trop véhément. Avait-il trahi son secret ? Avait-il condamné sa famille et Luna à mort par cette simple réponse ?

     « Bien. Très bien. »

Le mage noir fit mine de se détourner, mais se ravisa. Une chaleur inconfortable grimpa dans la pièce.

     « Drago ?

— Oui, maître ? »

Bercé par le clapotis de l'eau, Drago attendait la réponse du sorcier.

« Laisse-moi te montrer un aperçu de ce qui t'attend si tu me déçois. »

Voldemort pointa sa baguette droit sur lui. Le choc le laissa sans voix, son cœur gelé.

     « Endoloris ! »

Une douleur indicible se propagea dans son corps tout entier. Une hurlement s'échappa d'entre ses lèvres et lorsqu'un nouveau Doloris le frappa de plein fouet, il tomba à genoux. Des larmes lui dévoraient les joues, ses cris se répercutaient au sein de tout le manoir. C'était comme s'il brûlait de l'intérieur. Enfin, la douleur s'estompa. Voldemort s'éloigna sans un mot, sans l'ombre d'un regard. Narcissa apparut, paniquée. Le souffle court, Drago s'autorisa à fermer les yeux, emprisonné dans l'étreinte de sa mère.

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