Chapitre VIII : La fête de Slugh

Dehors, un tapis de neige recouvrait la cour du château. Les arbres, tous orphelins de feuilles, portaient une guirlande de flocons. Les nuages, ternes, enveloppaient le monde de leur manteau grisâtre. Noël approchait. Hagrid avait déjà décoré la Grande Salle d'un sapin majestueux. Des chérubins voletaient autour.

« Des choses de prévues pendant les vacances ? »

      Luna détacha son attention des petits angelots. Son ami reposa son verre sur la table ; une trace de jus de citrouille maculait sa lèvre supérieure.

« Rester à Poudlard, annonça Luna. Mon père sera en déplacement pour son journal. Et toi ?

— Vacances en famille.

— Je suis contente pour toi. »

      La Serdaigle attrapa une serviette et fit disparaître la tache orange du visage de son ami. Les joues de Stefen virèrent au rouge, ce qui amusa Luna. Des rires s'élevèrent : elle reconnut trois garçons de leur maison, ceux qui tourmentaient Stefen. Une colère timide s'empara d'elle. La jeune femme se leva, droite comme un I, saisit sa baguette placée derrière son oreille et la tendit face aux sorciers. Ils pâlirent, surpris qu'elle osât les menacer au sein même de la Grande Salle, sous les yeux de leurs professeurs.

« Furunculus ! »

      Tous un tas de pustules plus affreux les uns que les autres poussèrent sur la peau des garçons. Des couverts atterrirent sur le sol quand ils se redressèrent brusquement, le visage caché entre les mains. Deux s'enfuirent, mais le dernier s'arrêta face à la jeune femme.

« Tu me le paieras, Loufoca ! »

      Il rejoignit ses amis, furieux.

« Pourquoi tu as fait ça ? s'écria Stefen. Maintenant, ils vont aussi te prendre pour cible.

— J'ai affronté pire. »

      Stefen la dévisagea et alors qu'il s'apprêtait à prendre la parole, son regard s'ancra loin derrière Luna. Elle suivit le mouvement de son ami, découvrant Harry Potter, un sourire aux lèvres ; le garçon avançait vers eux et Luna remarqua avec un pincement au cœur que ses cernes n'avaient pas disparus. Loin de là.

« Salut, Luna ! »

      Stefen s'éloigna, sans doute se sentait-il de trop. Luna lui offrit un geste de la main, puis rattacha son attention sur Harry.

« Bonjour, Harry !

— Ça te tenterait de m'accompagner à une fête ? Le professeur Slughorn organise une réception, ce soir, avec les élèves de son club. J'aimerais y aller avec une amie. »

      Le visage de Luna s'illumina d'un sourire contagieux, comme un rayon de soleil dans une journée sombre. Elle adorait les fêtes mais n'avait que peu d'occasions d'y participer. Qu'Harry pensât à elle la toucha au plus profond de son cœur.

« Je t'accompagnerai. J'ai même une jolie robe jaune dans mes affaires au cas où cette opportunité se présenterait. »

***

      Une douce musique berçait la salle de cours de potions. Métamorphosée à l'occasion de la soirée du professeur Slughorn, la pièce paraissait bien plus grande. Des rideaux aux couleurs des quatre maisons décoraient les murs de pierre. Sur une rangée de tables, des coupes se remplissaient d'elles-mêmes. Les musiciens se produisaient au sommet d'une petite estrade en bois. Luna admirait le violoniste ; elle avait toujours adoré cet instrument. Il avait le don de l'emporter au sein de contrées magiques, des contrées où elle rencontrait sa mère, son propre archer dans les mains. Elle se revoyait, petite fille, assise par terre, absorbée par le morceau joué par sa maman. Une larme roula le long de sa joue.

      Harry, kidnappé par Hermione, avait laissé Luna seule sur la piste après deux danses en sa compagnie. Face à la détresse de son amie Gryffondor, Luna s'était dit que l'affaire revêtait une grande importance. Peu après la disparition des deux rouge et or, Cormac McLaggen l'avait heurtée. Il s'était excusé, puis il lui avait demandé si elle n'avait pas vu Hermione. Luna avait préféré répondre par la négative, comprenant peu à peu l'état de son amie.

      La Serdaigle se détourna de l'estrade, le cœur lourd. L'absence de sa mère la frappa de plein fouet. La plupart du temps, elle parvenait à refouler ce souvenir douloureux, mais cette soirée-là, il apparaissait plus vif que jamais. Des élèves dansaient autour d'elle. Tous riaient. Sa solitude accentua sa tristesse. Sa nostalgie l'empoisonnait.

« Professeur Rogue, ce garçon rodait dans les couloirs ! Apprenez à discipliner vos élèves ! »

      Reconnaissant la voix de Rusard, Luna se dirigea vers tout ce tapage. Elle aperçut la cape noire de l'enseignant de défense contre les forces du mal (elle ne comprenait toujours pas pourquoi il participait à cette soirée) et, se débattant contre la poigne du concierge, Drago Malefoy. Comme des étoiles filantes dans une nuit sans fin, les iris glacés du Serpentard heurtèrent les siens. Luna le salua d'un geste de la main, ravie de le trouver ici.

« Il fouinait ! l'accusa Rusard.

— Je voulais participer à la fête, alors j'ai tenté de m'incruster en douce, répliqua Drago, à présent obnubilé par ses chaussures.

— Très bien. Je me charge de le raccompagner dans la salle commune de Serpentard, Argus. »

Sous un tas de murmures, tous deux s'éclipsèrent de la pièce.

***

      Drago se força à suivre le directeur de sa maison. Il maudissait ce foutu concierge. Sa saleté de chatte, plutôt. Le félin l'avait repéré le premier et Rusard l'avait alors attrapé au détour d'un couloir. Sans eux, il se trouverait dans la Salle sur Demande. Sans eux, il aurait pu entamer des essais pour réparer l'Armoire. Les pas de Rogue résonnaient à travers le château ; des habitants de tableaux râlèrent sur leur passage.

      Les poings de Drago se serrèrent, laissant échapper un frisson de tension. Une lueur frustrée s'alluma dans son regard, comme un éclair lointain annonçant l'approche d'une tempête électrique.

« Je vous ai déjà dit que je n'ai pas besoin de vous, professeur ! »

      Sa voix trahissait les premières vagues de cette colère naissante, sa parole devenant tranchante, telle des vagues qui se fracasseraient sur des rochers. Toutefois, une froide terreur envahit ses entrailles lorsque l'homme le plaqua contre un mur.

« Que...

— Taisez-vous, Malefoy ! »

      Pour la première fois de sa vie, Drago perçut une intonation urgente dans la voix de son professeur.

« J'ai juré de vous protéger ! Cessez de me compliquer la tâche ! Potter vous accuse à cor et à cri et vous ne trouvez pas mieux à faire que vous balader en pleine nuit dans les couloirs du château.

— Que feriez-vous à ma place ? explosa Drago. Que feriez-vous, hein ?

— Je me montrerais plus discret. Filez, Malefoy, avant que quelqu'un d'autre ne tombe sur vous. »

      Rogue s'évapora dans un mouvement de cape, laissant Drago seul dans l'obscurité écrasante des couloirs. La détresse, telle une ombre vorace, engloutit son âme dans un tourbillon de souffrance. Les échos du désespoir résonnaient en lui. Les larmes coulaient. Chaque battement de son cœur était un rappel lancinant de la mission qui le consumait ; une mélodie triste et déchirante jouée par un orchestre invisible.

      Il courut, cherchant un refuge, un havre de paix dans l'océan déchaîné de sa détresse, mais les vagues de tourments semblaient l'entraîner toujours plus profondément dans les abysses. Drago se sentait perdu ; un voyageur errant dans un désert aride, en quête d'un mirage insaisissable. Son infortune, tempête dévastatrice, balayait tout sur son passage.

      Drago passa la porte des toilettes de Mimi Geignarde : ici, personne ne le trouverait. Ici, il entreverrait une parodie de sérénité.

« Tiens, te revoilà ! »

      L'esprit de la jeune fille pleurnicharde flotta vers lui. Le visage du fantôme se tordit en une grimace lorsqu'elle remarqua ses larmes. Drago s'assit à même le sol, ses jambes ramenées tout contre lui, la tête posée sur ses genoux. Mimi approcha une main maladroite de l'épaule du garçon mais ne réussit qu'à lui passer au travers. Elle s'installa à ses côtés, silencieuse.

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