Chapitre 4

Ana


Soulagée d'avoir terminé cette entrevue grotesque, je me dirige vers la cuisine.

Salut George, salut Mary ! Bien dormi ?

Ça va, ma belle. Et ton nouveau compagnon de chambre ? s'enquiert George.

Ne m'en parle pas ! Je n'arrive pas à cerner ce soi-disant avocat. Je l'ai retrouvé à moitié nu dans ma cuisine ce matin !

Tu en as de la chance, toi ! s'exclame Mary en me lançant un clin d'œil.

Ce bonhomme est une plaie ! Je t'assure ! Pourtant, je ne manque pas de patience, mais il est prétentieux, hautain et d'un désagréable... C'est l'homme le plus imbu de lui-même que je n'ai jamais rencontré !

Est-ce une étincelle de colère que je viens de voir passer dans tes yeux ? surenchérit Mary. Notre Ana ne va pas tarder à sortir de ses gonds !

Je ne te ferai pas ce plaisir, je n'en arriverai jamais là. George, pense à prévoir ses repas du jour sans gluten, s'il te plaît.

Seulement pour aujourd'hui ?

Je l'espère, tout dépendra de la météo.

Le soleil va montrer le bout de son nez aujourd'hui, précise Mary, donc avec un peu de chance, ton séduisant tortionnaire partira demain.

Que l'univers t'entende ! Séduisant... c'est vite dit ! Dès qu'il ouvre la bouche, le charme s'évanouit ! En plus, il tourne la tête à Alice, elle est littéralement fascinée quoi qu'il dise. Elle ne regarde que lui et m'ignore. Incroyable !

Hou ! Vivement midi que je puisse admirer ses atouts ! s'impatiente Mary en tapotant des mains.

George ne relève pas la remarque de sa compagne, mais hausse un sourcil d'inquiétude.

Depuis quand parle-t-on des clients de cette manière ? gronde-t-il.

Ne sois pas jaloux, mon chéri. Ça ne fait pas de mal de jeter un coup d'œil. Je suis serveuse. C'est mon métier de regarder où je mets les pieds et les plats.

Tu es comme les chats, toi... Tu n'as pas de clients à servir ? grogne-t-il de plus belle.

Mary lui répond par un sourire forcé avant de disparaitre avec un plateau bondé de viennoiseries.

Vivement qu'il disparaisse de ma vue, dis-je en soupirant. Il est envahissant.

Tu n'as plus l'habitude de vivre en couple...

Cesse de te moquer ou j'envoie Mary lui apporter du champagne qu'elle pourra déguster en sa compagnie.

Hilarant, Ana ! commente-t-il d'un air sérieux.

Je mets ma main à couper qu'il est célibataire. Avec ses grands airs, il doit se payer une femme quand bon lui semble. Je suis certaine qu'il vit seul ! Personne ne peut être maso à ce point !

Tu es vraiment dure avec ce client !

D'abord, ce n'est pas un client. Je le loge gracieusement.

Pardon ? Pour quelle raison ?

Parce que c'est mon appart.

Je ne vois pas le rapport. Tu le critiques, mais tu fais encore des concessions alors que tu ne sors pas la tête de l'eau avec l'hôtel !

Ce n'est pas une raison. Ce n'est pas professionnel de recevoir un avocat dans une chambre qui n'est pas destinée à la clientèle.

Tu me sidères ! Ton comptable en tomberait de son siège ! Heureusement que l'hôtel est complet !

Oui, mais s'il le reste, c'est grâce à la météo, certains vont vouloir négocier...

Je t'interdis d'aller sur cette pente glissante.

Les clients se retrouvent prisonniers ici. Je leur dis quoi ? « Prenez vos cliques et vos claques et allez donc trouver un autre hôtel à pied ! »

Tu n'es pas responsable de la météo ! En revanche, tu continues à les nourrir et à les héberger avec tout le confort. Tu raisonnes à l'envers, Ana !

Je sais... La gérance, c'était le dada de Patrick, pas le mien !

Ça fait quelques années que tu n'as plus vraiment le choix, seulement, tu ne veux rien entendre.

George, dans la vie, on a toujours le choix... Je suis d'accord pour leur facturer les repas, mais si certains demandent un rabais, je le ferai sur l'hébergement.

Si tu t'obstines sur cette voie, tu vas mettre la clé sous la porte et tes employés dans le pétrin !

Le comptable ne me donne pas deux mois.

Comment ? Deux mois ? Tu plaisantes...

Non. J'ai refusé d'investir comme il me le conseille. Faire un nouvel emprunt me rebute au plus haut point, surtout sans aucune garantie que l'hôtel sortira la tête de l'eau. Les simulations, c'est bien beau, néanmoins la réalité peut être tout autre...

Je n'en reviens pas de ce que tu viens de m'annoncer...

Je trouverai surement un accord pour toi et ceux qui veulent rester. Les promoteurs taperont bientôt à notre porte...

À ces mots, George reste muet, le cœur lourd. Il fait partie de l'aventure depuis le début. Seulement, je ne sais pas comment améliorer la situation autrement.

Mon téléphone sonne. Je souris avant de décrocher.

Salut Bennett ! Contente de t'entendre. Pas trop la galère de ton côté ?

Une nuit assez calme même si je suis rentré tard. Un éboulement de pierres bloque l'accès à la station. Il a fallu installer un barrage. Certains n'ont pas pu rentrer chez eux. J'ai dû gérer les humeurs des habitants de Folden, pas facile. Je t'ai envoyé un client hier soir. Tu l'as vu ?

Merci du cadeau ou du fardeau ! Je l'ai bien réceptionné !

Ha ! Vu la classe de la voiture, j'ai préféré te l'envoyer. Il t'a posé des soucis ? Il ne m'a pas paru si virulent que ça.

Rien de grave, il est avocat à Manhattan et se prend pour le roi du monde. J'ai dû le loger dans mon appart, car l'hôtel est complet. Sinon ça va. Il devrait repartir demain, non ?

La météo est imprévisible en ce moment. Regarde ce qui nous est tombé dessus, alors que dix centimètres de poudreuse étaient prévus. Le problème, c'est la chute des températures. Il dort donc chez toi ?

Ben, je n'ai pas eu le choix. Je lui ai laissé ma chambre.

Mais, tu dors où ?

Sur le canapé.

Tu te moques de moi ? Tu loges avec un inconnu !

— Je ne suis pas seule, il y a Alice.

Laisse-moi rire ! C'est un caniche royal...

Ne t'inquiète pas. Il ne m'est rien arrivé. Je sais me défendre !

C'est un homme. Il doit se réjouir de se retrouver seul avec toi. Tu es si belle et compatissante... Ça ne me plaît pas du tout.

Je t'assure que je suis à la limite de l'exaspération avec lui. J'ai du mal à le supporter.

Ça ne me rassure pas pour autant... Je me demande ce qui te déstabilise. L'homme ou le fait que tu dois partager ton appart avec lui...

De toute façon, il est pressé de se rendre à Buffalo, donc je sais qu'il fera tout pour repartir le plus tôt possible. Il a des affaires à régler là-bas.

Tu veux dire Folden ? Je lui ai demandé de faire demi-tour au barrage à la montée de la station, pas sur la route de Buffalo.

Tu es sûr ?

Une berline noire avec seulement des pneus neige pour monter à la station par un temps pareil, je ne peux que m'en souvenir !

J'ai peut-être mal compris. Tu sais, si le camion de déneigement et de déglaçage va passer ? Si je parviens à dégager mon pick-up, je passerai te voir demain après quelques courses.

Aujourd'hui, il est réquisitionné sur les grandes artères. Je vais voir s'il peut au moins dégager la route de chez toi à la ville.

Merci Bennett.

Appelle-moi, si besoin et sois prudente.

Ne t'inquiète pas, Shérif. Je t'embrasse.

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