Le bad boy
« Lefebvre ?
- Présent.
- Martin ?
- Présent.
- Chevalier ?
- Présent », répondis-je
« Lambert ?
- Présent.
- Leroy ?
- ...
- Leroy ? Est-ce que Leroy est là ? »
Le professeur releva la tête de son carnet d'appel pour scruter la classe. Son regard finit par se poser sur une tête rousse au fond de la salle, planqué dans ses bras.
« Monsieur Leroy, vous n'êtes pas ici pour dormir. Et veuillez répondre quand on vous appelle. »
La voix du professeur était glacial. Malheureusement, il devait être nouveau, sinon il saurait que Constance n'obéissait que quand il en avait envie.
Constance ouais... Ses parents attendaient une fille. J'aurais pu le plaindre en temps normal mais non. Pas lui. Jamais lui.
« Ouais », daigna-t-il enfin lâcher.
Il releva également la tête pour montrer tout l'ennui que lui évoquait cette discussion, dévoilant ses incroyables yeux bleus. Probablement, la seule chose belle chez lui.
C'était tout Constance Leroy, ça... Montrer son dédain sans pour autant franchir les limites. Leroy... Le nom lui collait bien à la peau. Il se prenait certainement pour un petit roi.
La tête désormais négligemment posée dans sa main, en appui sur son coude, il jeta un air de désintérêt profond aux gens qui s'étaient retournés pour l'observer. En croisant mon regard, il m'adressa un sourire mesquin.
Ouais... Nous n'étions pas amis.
Je me détournais de la vision agaçante pour reporter mon attention sur le professeur.
Cependant, l'idiot ne quittait pas mes pensées.
Constance Leroy, c'était 1m65 de morgue pour 50kg d'insolence. Sa taille, son poids, ses cheveux roux, son physique trop maigre, trop atypique, tout chez lui était sujet à moquerie. Pourtant personne n'aurait songé à le faire, en rêver à la limite, mais surtout pas le faire. Parce qu'il en imposait malgré ce physique, il terrorisait même. Il se moquait, écrasait, raillait. Ça lui arrivait d'en venir aux poings. Mais rarement. Il était intelligent, il savait que les coups étaient des preuves bien plus visibles que les mots.
Alors il contrôlait sa sauvagerie. Il s'arrangeait pour frapper là où ça ne laissait pas de trace, privilégiait l'humiliation quand il le pouvait et avait une manière de se mettre les professeurs dans la poche sans pour autant les respecter qui était détestable.
Je haïssais ce mec.
La fin du cours arriva. Je rangeais mes affaires en silence alors que Marie blablattait à mes côtés, se plaignant de devoirs trop durs et autres soucis scolaires. Je ne l'écoutais que d'une oreille. Nous nous dirigions vers la sortie et elle ne regardait pas devant elle. Or elle allait le percuter. Autant lui éviter ça. L'attrapant d'un geste rapide, je la ramenai à moi tandis que Leroy passait. Il me jeta un regard insolent.
« Encore en train de jouer au Chevalier. »
Quelques personnes autour de nous pouffèrent. La blague était facile, je l'entendais quotidiennement mais elle fonctionnait toujours chez les moutons. Et il faisait bon être le mouton de Leroy.
« Merci », me glissa Marie, une main sur mon bras.
Elle faisait ça pour me dissuader de réagir. Ma mâchoire se contracta mais je restais muet. Leroy passa, lâchant un « pitoyable » plein d'ennui derrière lui. Je m'en foutais, je tenais à finir ma scolarité en paix.
Je posai mon regard sur Marie et soupirai d'exaspération. Elle le suivait du regard. Cette idiote était amoureuse. Je ne pouvais rien faire. Lui énoncer la liste des défauts de l'homme n'aurait rien pu faire. L'amour est aveugle.
Le mariage lui rend la vue ?
Pitié non. Je ne voudrais pas les voir en couple. L'idée me faisait vomir. Qui sait comment il agirait avec elle ? Personne ne savait comment il traitait les femmes pour le coup. Soit il était très discret, soit il n'avait jamais eu de copine. Ni l'un, ni l'autre ne me rassurait.
« J'ai décidé de lui dire. »
Je serrais la mâchoire.
« Marie...
- Non, ne dis rien. Je sais ce que tu penses.
- Mais justement, tu le sais mais tu refuses de l'accepter. Ce n'est pas un mec bien.
- Je réussirais peut-être à le faire changer, qui sait ? »
Je préférais ne pas lui répondre, ne pas lui crier que, si elle désirait tant qu'il change, c'était qu'elle n'était pas si amoureuse que ça, qu'elle voulait juste du challenge. J'aurais préféré qu'elle jette son dévolu sur Bastien, le mec populaire de notre année. Lui, au moins, était un chic type. Avec une copine mais sympa tout de même. Elle aurait eu le cœur brisé mais il se serait comporté comme un gentleman. Leroy se contenterait de la piétiner, pas vrai ?
Il avait visiblement accepté. J'avais été scié. Cela faisait un mois qu'ils étaient ensemble désormais. J'aurais aimé savoir comment cela se passait, si Marie allait bien, s'il était correct... Mais elle m'évitait. Nous nous retrouvions toujours, de temps à autre, mais après plusieurs disputes j'avais renoncé à parler de son couple. Il gagnait toujours, même sans être là. J'avais compris qu'elle le choisirait plutôt que moi. Ça faisait mal. J'avais l'impression de perdre ma famille.
Je sentais le regard mi-moqueur, mi-colérique de Leroy sur moi. Pensait-il que j'étais une menace ? Que je l'aimais ? Oui, j'aimais Marie... Mais pas comme ça. Il n'avait pas à lui faire, à nous faire payer sa jalousie. Et je ne pouvais rien faire.
Trois mois maintenant et je voyais Marie dépérir. Elle avait perdu du poids et elle semblait s'être refermée sur elle-même. Ma petite Marie qui avait toujours eu un grand sourire aux lèvres, qui était vive et joyeuse, semblait être l'ombre d'elle-même. Je ne savais pas quoi faire. Je ne pouvais que la serrer dans mes bras lorsqu'elle pleurait. Si j'osais mentionner l'idée de le quitter, elle partait, allait le retrouver. C'était un cercle vicieux. Je ne savais pas quoi faire...
J'étais allé voir la professeure préférée de Marie, pour lui dire que Marie n'allait pas bien et que je n'arrivais pas à savoir pourquoi, lui demander de l'aide. J'avais menti, je sais, mais elle m'en aurait voulu d'avoir dévoilé la vérité moi-même. J'espérais qu'elle lui en parle de son plein gré. Cependant quelques jours plus tard, cette dame me fit un signe négatif. Elle n'avait pas réussi. A la fin de l'heure, je traînais pour lui parler. Elle avait prévenu ses parents néanmoins.
Il fallait espérer.
Mais le lendemain même, j'eus un appel. Marie était à l'hôpital. Elle avait fait une tentative de suicide. Ses parents étaient effarés, en colère contre eux-mêmes, perdus. Son père m'a prévenu qu'ils allaient la changer d'école, essayer de la convaincre de voir un psychologue... Je ne pouvais rien y faire. Mais si cela lui permettait d'être de nouveau heureuse alors il fallait que je m'y fasse. Il ajouta que je serais toujours le bienvenu chez eux, ils savaient que j'avais essayé de l'aider. Ils ne voulaient pas qu'elle me perde aussi.
Je sortais des cours quand je l'ai appris. Je restais figé au milieu des élèves qui s'éparpillaient. Je me sentais vide et j'avais envie de pleurer. J'avais envie de frapper Leroy aussi. Il ne fallait surtout que je le fasse. Je ne devais pas avoir de problèmes.
Quelqu'un me bouscula, c'était lui. Il m'adressa ce même regard qu'il me réservait depuis trois mois.
« Ta copine a raté une journée alors tu es tout triste. Tu veux qu'on te console, Chevalier ? »
Le son de sa voix me fit fermer le poing et je fis appel à toute ma volonté pour ne pas le cogner. Au lieu de ça, je me détournais. Il fallait que je la vois, c'était plus important.
Je ne comprendrai jamais l'amour des filles pour les badboys.
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