Chapitre 11
Léo commence à reculer lentement, me poussant délicatement en arrière pour que je le suive. Nous devons trouver une autre sortie, et vite. Le conduit bifurque quelques mètres plus loin, une intersection à peine visible dans l'obscurité. Léo s'y engage, prenant à droite, et je me glisse après lui, le souffle court.
Soudain, il s'arrête à nouveau, cette fois devant une autre grille d'aération. Il s'accroupit pour observer à travers, puis se tourne vers moi, ses yeux bleu perçant dans l'obscurité.
— On est au-dessus du laboratoire d'expérimentation, murmure-t-il. Je vois une issue. On doit descendre.
Je hoche la tête, le cœur battant à tout rompre. Il dévisse la grille avec précaution, puis se laisse glisser à travers l'ouverture, atterrissant silencieusement sur le sol en dessous. Je l'imite, mes pieds touchant le sol froid avec un léger bruit sourd. Le laboratoire est désert, éclairé par une lumière blafarde qui donne une allure spectrale aux équipements autour de nous.
— Par ici, dit Léo à voix basse, me désignant une porte métallique au fond de la pièce.
Nous nous précipitons vers la porte, mais avant que nous ne puissions l'atteindre, un bruit métallique résonne derrière nous. Je me retourne brusquement, le cœur manquant un battement. Une silhouette émerge des ombres, une femme que je reconnais immédiatement. C'est Ella.
Mon souffle se coupe en la voyant. Ses cheveux, autrefois bruns et raides, sont désormais d'un noir profond et brillent sous la lumière crue du laboratoire. Son visage est plus symétrique, ses traits affinés, mais il y a quelque chose de différent dans son regard. Une lueur d'incertitude, peut-être même de peur, que je n'avais jamais vue chez elle auparavant.
— Ella ? murmuré-je, presque sans le vouloir, comme si son nom était la seule chose capable de me ramener à la réalité.
Elle ne répond pas tout de suite, son regard oscillant entre Léo et moi, comme si elle tentait de rassembler des souvenirs qui lui échappent. Son silence me glace. Est-ce encore vraiment elle, ou la chirurgie l'a-t-elle déjà entièrement transformée, effaçant ce qu'elle était, ce qu'elle signifiait pour moi ?
Léo, toujours alerte, s'avance légèrement, interposant son corps entre Ella et moi, prêt à réagir au moindre signe de danger. Mais je pose doucement une main sur son bras, le suppliant silencieusement de ne pas intervenir. Je sens qu'il y a encore une chance de la ramener. Ella finit par avancer d'un pas, hésitante. Ses yeux se fixent sur moi, et je lis une confusion profonde dans son regard, comme si elle luttait contre une force invisible pour comprendre ce qui se passe.
— Clara... ? finit-elle par murmurer, sa voix faible, tremblante, comme si prononcer mon nom lui coûtait un effort immense.
— Oui, c'est moi, Ella, dis-je d'une voix douce, essayant de masquer ma nervosité.
Je fais un pas vers elle, mais je sens Léo se tendre davantage, prêt à intervenir si nécessaire.
— C'est moi, Clara, ta meilleure amie. Souviens-toi, Ella, souviens-toi de qui tu étais. Nous avions des rêves, des projets... Tu aimais peindre, te balader dans le parc, te perdre dans des livres. Ils ne peuvent pas tout t'enlever. Ils ne peuvent pas effacer ce que tu es vraiment.
Mes mots semblent l'atteindre enfin, et ses traits se détendent légèrement. Une larme solitaire glisse sur sa joue parfaitement sculptée, un signe que l'humanité en elle n'est pas encore totalement effacée.
— Ils... Ils ont fait quelque chose à mon esprit, Clara, souffle-t-elle, sa voix brisée. Je me souviens de toi, mais... tout est flou, confus. Pourquoi suis-je ici ?
Avant que je puisse répondre, la porte métallique au fond du laboratoire s'ouvre brusquement, laissant entrer un groupe de gardes en uniforme, armés et prêts à intervenir. Leurs visages sont impassibles, comme taillés dans le marbre, mais leurs yeux brillent d'une lueur menaçante. Léo réagit instantanément, attrapant ma main pour m'entraîner vers une autre sortie. Mais Ella, dans un geste soudain, s'interpose entre nous et les gardes. Je reste figée, ne sachant que faire, mon cœur battant à tout rompre.
— Non ! crie-t-elle en se tournant vers eux, sa voix étonnamment forte. Ne les touchez pas !
Les gardes s'arrêtent, surpris par son intervention. Un des hommes, visiblement le chef du groupe, fronce les sourcils et lui adresse un regard sévère.
— Ella, reculez. Ces intrus doivent être neutralisés immédiatement.
Mais elle ne bouge pas. Elle reste là, entre nous et eux, son corps frêle mais déterminé. Mon esprit tourbillonne, essayant de comprendre ce qui se passe. Est-ce qu'elle se souvient vraiment de moi ? Est-ce qu'il reste suffisamment de l'ancienne Ella pour qu'elle prenne notre parti ?
Léo, de son côté, ne perd pas une seconde. Il me tire doucement en arrière, cherchant un moyen de contourner les gardes pendant que l'attention est détournée. Mais je ne peux pas la laisser comme ça, pas sans essayer de la sauver.
— Ella, s'il te plaît, viens avec nous ! imploré-je, mes yeux s'emplissant de larmes. Nous pouvons te sortir d'ici, te libérer de tout ça !
Elle me regarde, ses yeux brillants d'émotion, mais elle reste immobile. Les gardes échangent des regards, puis se mettent à avancer, contournant Ella pour nous atteindre. Le chef s'approche d'elle, une seringue à la main.
— Ella, vous êtes perturbée par la procédure. Laissez-nous vous aider à retrouver votre calme.
Mais avant qu'il ne puisse faire un pas de plus, Ella réagit avec une rapidité que je ne lui connaissais pas. Elle attrape la seringue de l'homme et la lui plante dans le bras, injectant le contenu avant même qu'il ne puisse comprendre ce qui se passe. Les autres gardes réagissent immédiatement, mais Léo est déjà en mouvement. Il profite de la confusion pour attaquer, neutralisant deux d'entre eux avec une habileté déconcertante.
Je reste là, pétrifiée, incapable de bouger, tandis que le chaos s'installe autour de moi. Ella se tourne vers moi, les yeux brillants de détermination.
— Va-t'en, Clara ! C'est trop dangereux, ils ne te laisseront pas sortir d'ici vivante ! hurle-t-elle, mais je ne peux pas la laisser derrière.
— Non ! Je ne pars pas sans toi ! crie-je en retour, m'approchant d'elle.
Léo, après avoir neutralisé le dernier garde, se précipite vers nous, sa main tendue vers moi.
— Clara, on n'a plus de temps, il faut partir maintenant ! implore-t-il.
— Je ne partirais pas sans elle, répliqué-je.
Une nouvelle horde de soldats du Consortium envahit le couloir, leur visages froids et impassibles. Léo s'élance, attrapant Ella par la main pour la tirer derrière nous.
— Courez ! hurle-t-il, et nous nous précipitons vers l'autre issue.
Le monde semble se rétrécir autour de nous alors que nous fuyons, les bruits de nos pas résonnant dans les couloirs métalliques. Les alarmes continuent de hurler, et je peux entendre les soldats se rapprocher, leurs bottes frappant le sol en cadence. Mon cœur bat à tout rompre, chaque respiration est un effort douloureux, mais je ne lâche pas la main d'Ella. Elle court à mes côtés, sa prise ferme sur la mienne, et malgré la terreur qui nous enveloppe, je sens une force nouvelle naître en elle.
Nous atteignons une porte dérobée que Léo force avec un dernier coup d'épaule. Nous nous engouffrons à l'intérieur, juste à temps pour entendre les soldats hurler derrière nous. Léo referme la porte en vitesse, bloquant le mécanisme avec un morceau de métal qu'il arrache d'un des murs.
— Par ici ! siffle-t-il, nous guidant à travers un dédale de couloirs sombres et tortueux.
L'air est de plus en plus lourd, les murs se rapprochent, et je sens la panique m'envahir. Mais la main d'Ella dans la mienne est un rappel constant de pourquoi je fais tout cela. Pour elle, pour nous, pour tous ceux qui ont été brisés par ce système inhumain.
Enfin, nous atteignons une sortie menant à une ruelle sombre à l'arrière du centre. Le silence est assourdissant après le vacarme à l'intérieur. Nous nous arrêtons, haletants, le souffle court, mais vivants. Léo pose une main sur mon épaule, ses yeux brillants d'une détermination farouche.
— Nous ne sommes pas encore en sécurité, mais on a ce qu'il faut, dit-il en levant la petite clé USB.
Je hoche la tête, mon regard se tournant vers Ella. Elle est là, bien réelle, et surtout, elle est avec nous. Une lueur d'espoir naît en moi, fragile mais tenace. Léo et moi, nous continuons à tirer Ella avec nous à travers la ruelle sombre, la lumière de la ville brillait à une distance menaçante. Les sirènes de la ville résonnent encore dans l'air, et je me rends compte à quel point nous avons été chanceux d'échapper à l'attaque dans le laboratoire.
— Clara, par ici ! siffle Léo, nous entraînant dans un dédale de rues secondaires. La Friche n'est pas très loin maintenant, mais nous devons éviter les patrouilles.
Je n'ai pas le temps de répondre. Je regarde Ella, qui court avec une intensité nouvelle. Ses yeux, bien que marqués par la confusion et la douleur, sont maintenant déterminés, fixés sur l'horizon. Il y a quelque chose de réconfortant dans le fait qu'elle soit à nos côtés, et pourtant, une peur lancinante me serre le cœur. Elle a risqué sa vie pour nous aider, mais combien de temps avant que la manipulation mentale du Consortium ne reprenne le dessus?
— Vous devez vous accrocher, dit Léo en prenant un tournant abrupt. Il est impératif que nous atteignions la Friche avant qu'ils ne nous retrouvent.
Nous empruntons des ruelles étroites, longeons des bâtiments délabrés où la végétation a envahi les murs, jusqu'à atteindre une vieille porte en métal rouillée, camouflée par des planches et des débris. Léo sort un trousseau de clés de sa poche et commence à fouiller. Le silence est presque oppressant, seulement interrompu par le bruissement des feuilles et le chant des grillons. Ella, haletante, s'appuie contre un mur, les yeux perdus dans la lueur tremblotante des lampadaires. Je la regarde, une inquiétude sourde me saisissant.
— C'est ici, murmure Léo en faisant tourner la clé dans la serrure. Faites attention.
La porte s'ouvre en grinçant, révélant une échelle métallique menant à un sous-sol obscur. Léo descend le premier, suivi de près par Ella et moi. L'air est frais, presque glacial, mais c'est un soulagement après l'étouffante chaleur du laboratoire. Nous atteignons le sol en béton dur, où un éclairage faible éclaire l'espace. La pièce est un entrepôt reconverti en quartier général, avec des équipements rudimentaires mais fonctionnels éparpillés ici et là.
Les membres de la communauté nous accueillent avec des regards interrogateurs mais bienveillants. Mila, Elsa et Darius se précipitent pour nous aider.
— Vous avez réussi ! s'exclame Mila en nous entourant. Nous avions peur que vous ne rentriez pas.
Léo hoche la tête, épuisé mais soulagé.
— Oui, mais ce n'est pas fini. Nous avons eu du mal à sortir, et ils ne vont pas tarder à intensifier les recherches. Nous devons sécuriser la zone.
Je me tourne vers Ella, toujours sous le choc. Ses yeux, désormais chargés d'émotions tumultueuses, se posent sur les visages familiers qui l'entourent.
— Ella, nous devons nous assurer que tu es en sécurité, dit Mila avec douceur. Viens, nous allons t'installer dans une chambre où tu pourras te reposer.
Ella acquiesce silencieusement, et Mila l'accompagne vers une pièce plus tranquille. Je la regarde partir, un poids lourd sur les épaules. Ella a pris un risque immense pour nous aider, et maintenant, tout est incertain.
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