Chapitre 10
Le lendemain soir, l'air est chargé de tension tandis que Léo et moi avançons silencieusement à travers les rues désertes de Harmonia Perfecta. La ville, dans sa perfection glaciale, m'oppresse de nouveau. Les bâtiments uniformes de verre et d'acier reflètent une image déformée de notre réalité, une illusion de sérénité et de beauté. Chaque pas que je fais résonne dans mes oreilles comme une trahison, rappelant les souvenirs douloureux de ma propre transformation inachevée, et de la chirurgie qui m'attend si je ne réussis pas cette mission. Mon cœur bat à un rythme effréné, un mélange d'adrénaline et de peur alors que nous approchons de notre destination.
Léo marche à mes côtés, silencieux et concentré. Ses gestes sont précis, presque mécaniques, mais je sens l'intensité de sa détermination. Savoir qu'il est là, avec moi, me donne le courage de continuer. La montre qu'il m'a donnée la veille est solidement attachée à mon poignet comme pour me rappeler constamment ce qui est en jeu.
Nous nous glissons dans les ombres, évitant les VigilEyes qui surveillent chaque recoin de la ville. Leurs lumières rouges percent l'obscurité, balayent les rues comme des prédateurs en chasse. À chaque passage, je retiens ma respiration, craignant que notre présence soit détectée. Mais Léo connaît les failles du système. Il m'indique un chemin sûr, un réseau complexe de ruelles et de passages dérobés qui nous conduisent jusqu'à la porte sud du centre de données.
C'est une porte anodine, dissimulée entre deux murs lisses, marquée seulement par un petit terminal. Léo s'accroupit devant, sort un petit appareil de sa poche et commence à déjouer les mécanismes de sécurité. Je l'observe en silence, mon esprit se préparant à ce qui nous attend à l'intérieur. Chaque seconde semble s'étirer à l'infini, les battements de mon cœur résonnant comme un tambour dans mes oreilles. Enfin, un clic retentit, et la porte s'ouvre en silence.
Nous pénétrons dans l'obscurité oppressante du centre de données. Léo se faufile devant moi, ses mouvements fluides trahissant son expérience, tandis que je m'efforce de rester discrète derrière lui. Je le suis de près, mes sens en alerte, guettant le moindre bruit, le moindre signe de danger.
Nous atteignons enfin une intersection où deux couloirs se croisent. Léo s'arrête net, son bras tendu pour m'empêcher d'avancer. Je m'immobilise, suivant son regard qui se fixe sur les caméras de surveillance installées dans les coins du plafond. Leurs lentilles mécaniques balaient lentement la zone, des sentinelles sans âme prêtes à alerter les gardes au moindre mouvement suspect.
— Attends, murmure-t-il, son souffle effleurant mon oreille. Je vais désactiver les capteurs thermiques. Ne bouge pas.
Je me fige, le corps tendu, attendant son signal. Après quelques secondes, les caméras s'arrêtent, et le voyant rouge des capteurs thermiques s'éteint. Léo revient vers moi, un sourire discret aux lèvres.
— C'est bon, me dit-il. Les caméras sont hors ligne pour les prochaines minutes. On doit se dépêcher.
Nous nous glissons dans le couloir, avançant à pas feutrés. Léo jette des regards furtifs autour de lui, chaque muscle de son corps tendu, prêt à réagir à la moindre alerte. Je peux sentir la tension qui émane de lui, mais cela ne fait que renforcer ma détermination.
Après ce qui semble être une éternité, nous atteignons enfin la porte du serveur central. Elle est massive, imposante, et protégée par plusieurs couches de sécurité. Léo pose une main sur l'une des parois, ses doigts glissant sur le métal froid.
Nous atteignons rapidement le conduit d'aération dont Mila nous a parlé. Léo se hisse le premier, puis m'aide à grimper. Une fois à l'intérieur, l'air devient plus lourd, le conduit est étroit, oppressant, et l'obscurité presque totale. Seule la faible lueur de la montre de Léo nous guide à travers le labyrinthe métallique. Je sens l'air glacial contre ma peau, et je dois me concentrer pour ne pas céder à la claustrophobie qui menace de m'envahir.
Nous rampons ainsi pendant ce qui me semble être une éternité, jusqu'à ce que Léo s'arrête soudainement devant une grille. Il jette un coup d'œil à travers les barreaux, puis me fait signe d'approcher. Je me glisse à ses côtés et regarde en bas. Nous sommes au-dessus de la salle de serveurs.
Léo s'active et je l'aide à desserrer les vis de la grille avec une efficacité silencieuse. Je sens mes mains trembler légèrement, mais je me force à rester concentrée. Une fois la grille retirée, Léo glisse en bas, atterrissant avec souplesse sur le sol. Je le suis, mes jambes fléchissant légèrement sous l'impact.
La porte est massive, imposante, et protégée par plusieurs couches de sécurité. Léo pose une main sur l'une des parois, ses doigts glissant sur le métal froid.
— C'est là, murmure-t-il en tournant son regard vers moi. Prépare-toi, Clara. Une fois que nous serons à l'intérieur, il n'y aura pas de retour en arrière.
Je hoche la tête, tentant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Léo se met au travail, déverrouillant une série de verrous électroniques. Les minutes s'écoulent, chaque clic des dispositifs de sécurité résonnant comme un compte à rebours dans ma tête. Enfin, la porte s'ouvre dans un sifflement.
L'intérieur du serveur central est glacial, éclairé seulement par la lueur pâle des écrans qui entourent les immenses rangées de serveurs. Le bourdonnement des machines emplit l'espace, un bruit sourd qui semble s'infiltrer dans mes pensées. Léo se dirige immédiatement vers l'ordinateur principal, tapotant rapidement sur le clavier pour accéder aux données.
— Jonas avait raison, souffle-t-il après quelques instants. Les fichiers sont cryptés, mais je peux lancer le programme de décryptage. Cela prendra un moment.
Je me poste près de la porte, scrutant les ombres pour tout signe de danger. Le silence est assourdissant, et chaque seconde qui passe semble étirer le temps à l'infini. Je peux entendre le souffle régulier de Léo derrière moi, mais aussi le martèlement de mon propre cœur. Le stress est palpable, une tension qui s'insinue dans chaque fibre de mon être.
Un bruit sourd se fait entendre dans le couloir à l'extérieur. Mon corps se tend, et je me tourne rapidement vers Léo, qui a également entendu.
— Des gardes, souffle-t-il, ses yeux se posant brièvement sur moi avant de revenir aux données. Je ne suis pas encore prêt. Il faut gagner du temps.
Je n'ai pas le temps de réfléchir. Mon instinct prend le dessus.
— Je vais les distraire, dis-je, une détermination inattendue dans la voix.
Léo lève les yeux, surpris.
— Clara, non, c'est trop risqué.
Mais je suis déjà en mouvement.
— Je dois le faire. Termines le décryptage. Je te couvre.
Avant qu'il ne puisse protester davantage, je m'élance vers la porte, ma respiration s'accélérant à chaque pas. Les pas des gardes se rapprochent, résonnant dans le couloir avec une régularité militaire. Ils approchent, trop vite.
Je me glisse dans l'ombre à côté de la porte, juste à temps. Les deux gardes apparaissent, discutant à voix basse, leurs armes prêtes. Mon cœur bat si fort que je crains qu'ils puissent l'entendre. Je retiens mon souffle, priant pour qu'ils continuent leur chemin sans remarquer la porte déverrouillée. Mais l'un d'eux s'arrête soudainement, ses yeux se fixant sur la lumière verte du terminal.
Je sais que je n'ai qu'une seconde pour agir. Sans réfléchir, je pousse une caisse métallique qui traînait dans l'ombre, la faisant s'écraser au sol dans un bruit assourdissant. Les gardes se retournent immédiatement, leurs armes pointées vers le bruit.
Je profite de leur distraction pour me faufiler derrière eux, mon cœur battant la chamade. Ils avancent prudemment vers la caisse renversée, scrutant les environs. Je retiens mon souffle, me fondant dans l'ombre, espérant qu'ils ne remarquent pas la porte légèrement entrebâillée.
Après une inspection rapide, l'un des gardes murmure quelque chose à l'autre, puis ils continuent leur patrouille, visiblement convaincus que ce n'était qu'un accident. Je reste immobile, même après qu'ils aient disparu au bout du couloir, attendant que mes battements de cœur se calment.
Une fois le danger écarté, je retourne discrètement vers la salle des serveurs. Léo est toujours concentré sur l'écran, mais je peux voir la tension dans ses épaules.
— Ça a marché, dis-je en m'approchant. Ils ne t'ont pas vu.
Il me jette un regard rapide, son soulagement de me voir revenir saine et sauve visible malgré sa concentration.
— Bien joué, Clara. J'en suis à la dernière phase.
Le temps semble ralentir à mesure que le décryptage progresse. Enfin, après ce qui semble être une éternité, Léo pousse un soupir de soulagement.
— Clara, regarde ça, dit-il soudain, son ton bas mais chargé d'une intensité nouvelle.
Je m'approche, et mes yeux s'écarquillent en découvrant ce qu'il a sous les yeux. Des dossiers apparaissent à l'écran, des archives détaillant les implants neurologiques, les expériences sur la manipulation mentale, l'effacement des pensées non conformes. Des centaines de noms sont listés, chaque entrée correspondant à un citoyen, à sa transformation, à l'effacement méthodique de son individualité.
Je sens une nausée monter en moi. Ce n'est plus seulement des statistiques ou des théories froides. Ce sont des vies, des êtres humains réduits à des expériences, des souvenirs écrasés, des esprits brisés. Une colère sourde commence à bouillonner dans mes veines.
— C'est pas vrai, lâche-t-il.
Je me reconcentre sur l'écran. Il a trouvé un autre dossier, un rapport sur une "substance biochimique" développée en secret par des dissidents pour contrer les effets des implants. La substance, nommée "Éveil", pourrait théoriquement neutraliser l'influence du Sublimateur, permettant aux gens de retrouver leurs souvenirs et leur libre arbitre. Mais le rapport est incomplet, une partie cruciale manque.
— Si nous pouvions mettre la main sur cette substance... commence Léo, mais sa voix se coupe brusquement, ses yeux fixant l'écran avec intensité. Attends... c'est Ella !
Mon cœur rate un battement en voyant son nom apparaître dans un fichier. Léo ouvre le document, révélant une série de tests réalisés sur elle après sa transformation ce matin. Les résultats montrent une anomalie. Elle semble résister partiellement aux effets du Sublimateur, ses souvenirs revenant de manière fragmentée. Léo me regarde, son expression grave.
— Clara, si ce qu'ils disent est vrai, Ella pourrait être la clé pour finaliser l'Éveil. Mais ils ne savent pas encore pourquoi elle réagit comme ça... Nous devons la trouver, et vite.
Je l'observe manipuler l'interface, transférant les données sur un dispositif de stockage. Soudain, un bruit léger brise le silence. Je me tourne vers Léo, mais il ne semble pas l'avoir entendu, concentré sur l'écran devant lui. Mon cœur rate un battement. Quelque chose ne va pas.
— Léo... murmuré-je.
Il se retourne brusquement, ses yeux bleus se plongeant dans les miens avec une intensité qui me coupe le souffle. Je sens sa main sur mon bras, ferme mais réconfortante.
— Calme-toi, Clara. Tout va bien se passer, dit-il d'une voix douce mais déterminée.
Je hoche la tête, tentant de maîtriser la panique qui commence à me gagner. Mais le bruit persiste, un cliquetis léger, à peine audible, qui semble provenir des profondeurs du bâtiment. Léo se redresse, les sourcils froncés.
— Continue de surveiller la porte, je vais vérifier quelque chose, dit-il avant de s'éloigner vers l'autre bout de la pièce.
Je me tourne de nouveau vers la porte, la main tremblante sur la poignée. Chaque muscle de mon corps est tendu, prêt à réagir. Les secondes passent, lentes et lourdes, tandis que Léo s'éloigne dans l'ombre. Brusquement une alarme stridente retentit, brisant le silence. Mon cœur s'arrête, puis repart en flèche. Je me tourne vers Léo, mais il est déjà en train de courir vers l'ordinateur principal, ses doigts volant sur le clavier.
— Qu'est-ce qui se passe ? crie-je, la voix brisée par la panique.
— Ils ont détecté une intrusion ! Nous devons partir, maintenant !
Mais avant que nous ne puissions faire un mouvement, la porte du serveur central se referme brusquement, nous emprisonnant à l'intérieur. Les lumières se mettent à clignoter, et je peux entendre le bourdonnement croissant des machines autour de nous. Une sueur froide perle sur ma peau, la peur se transformant en terreur pure.
— Léo, nous devons sortir d'ici ! hurlé-je, le cœur battant à tout rompre.
— Attends ! Je dois terminer de télécharger ces données ! réplique-t-il, déterminé malgré la panique qui brille dans ses yeux.
Je me précipite vers la porte, mais elle reste obstinément fermée. Chaque seconde semble nous rapprocher un peu plus de la catastrophe. Puis, soudain, Léo se redresse, une petite clé USB dans la main.
— J'ai ce qu'il nous faut, dit-il, la voix haletante. Maintenant, il faut trouver un moyen de sortir d'ici.
Je le regarde, le souffle court, tandis que le monde autour de nous semble s'écrouler. Les machines grondent, les alarmes hurlent, et chaque fibre de mon être me hurle de fuir. Mais il n'y a nulle part où aller.
— Par ici ! crie Léo, m'attrapant par le bras et m'entraînant vers un petit conduit d'aération à peine visible dans un coin de la pièce.
Sans réfléchir, je le suis, me glissant dans l'étroite ouverture, pour la deuxième fois. Le métal froid m'entoure. Je rampe aussi vite que je peux, le cœur battant à tout rompre, chaque respiration résonnant lourdement dans mes oreilles. Le conduit est exigu, et l'air y est presque irrespirable, chargé d'une odeur métallique qui m'oppresse. Léo est devant moi, progressant avec une rapidité surprenante malgré l'espace réduit. Le son strident de l'alarme retentit encore derrière nous, mais il semble de plus en plus lointain, étouffé par les parois de métal.
Je tente de me concentrer sur chaque mouvement, sur le glissement de mes coudes contre la surface lisse du conduit, mais mon esprit s'égare. Les images de ce que nous avons découvert défilent devant mes yeux, le nom d'Ella gravé dans ma mémoire comme une brûlure. Comment est-ce possible ? Pourquoi elle ? Je n'arrive pas à comprendre, mais une chose est claire: je dois la retrouver. Peut-être que, si je lui parle, je pourrai la faire sortir de cette torpeur dans laquelle la chirurgie l'a plongée. Peut-être que je pourrai sauver ce qui reste de mon amie.
Léo s'arrête brusquement devant moi, me tirant de mes pensées. Il tourne la tête, me faisant signe de ne plus bouger. Je retiens ma respiration, écoutant attentivement. Un bruit sourd, des voix étouffées, résonne à travers le conduit, se rapprochant. Mon sang se glace. Ils sont sur nos traces.
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