Tu t'excuseras Isaac !

                                                 

                                                                                        Isaac


Tu as fait... quoi ? S'insurge Alan, en stoppant son geste de porter son verre à la bouche, en me regardant d'un air ahuri.

Je passe une main dans les cheveux en signe de nervosité.

— Tu as très bien entendu, connard, inutile de m'obliger à me répéter.

J'avale une gorgée de whisky, et la brûlure que cela me procure en atténue une autre, que j'ai du mal à éteindre depuis que miss Jenkins a déserté mon bureau.

— Tu t'excuseras Isaac.

— On dirait un commandement mec.

Je le provoque sciemment, mais son petit ton paternaliste me saoule.

J'ai conscience que j'ai merde, j'étais même à deux doigts de lui courir après afin de m'excuser. Mais à quoi bon, me suis-je raisonné. Harlow et moi sommes aussi têtus l'un que l'autre.

Je grogne une réponse incompréhensible pour Alan, mais très claire pour moi.

— Et puis-je connaître la raison de ton comportement minable ?

— Oh ça va hein !

— Non ça ne va pas justement Isaac. Des années que je te vois souffrir en silence, que tu protèges Harlow sans qu'elle n'en ait connaissance, que tu te tapes des nanas sans intérêt parce que tu ne peux pas avoir celle qui fait battre ton cœur et lever ta bite. Alors non, je ne crois pas que ça aille pour que tu ais comparé Harlow à une pute.

Ce mot prononcé par Alan est comme un uppercut en plein dans ma gueule.

— Sur le coup putain, j'étais tellement vexé qu'elle me repousse en prétendant que tant que rien ne sera éclaircie, rien ne pouvait être possible entre nous, que j'ai vu rouge. Dans ma tête, tout recommence ou plutôt tout continue. J'étais de nouveau ce jeune homme incapable de tenir tête à sa mère ou à l'autre connasse. Et le pire Alan... c'est que finalement rien n'a changé. Et tu sais pourquoi ?

Mon pote fait non de la tête.

— Je ne peux toujours rien lui révéler.

— Tu pourrais si tu le voulais vraiment, me coupe-t-il.

C'est à mon tour de hocher négativement la tête.

— Non, ce n'est pas à moi de tout lui raconter. Mais il va falloir que les choses s'accélèrent car, comme tu le spécifies si bien, ma patience est réduite à néant depuis que Perséphone est réapparue dans ma vie.

— C'est pas plutôt à cause de Ken le surfeur ?

Ce mec me connait trop bien. Je réponds à son ton ironique par un doigt d'honneur, mais ma réaction ne trompe pas mon pote qui éclate de rire.

— Bon, je vais au bar pour nous ravitailler, précise-t-il, en tapant de ses paumes sur la table en bois tout en se levant, et pourquoi pas ramener les deux meufs qui n'arrêtent pas de nous dévorer du regard depuis une heure. Je suis certain que dans leurs pupilles clignote une bite.

Je pars dans un grand éclat de rire.

Je tourne la tête pour suivre la direction qu'il me montre, et effectivement, une brune et une blonde assises trois tables plus loin lorgnent dans notre direction, un sourire éclatant depuis qu'elles ont notre intérêt. Je hausse les épaules.

— Ça veut dire oui ou non ?

— Ça veut dire comme tu veux.

— Oula mon pote, sauter une fille te fera le plus grand bien. A défaut de remettre ton cerveau à l'endroit, ça soulagera ta bite.

— T'es con ou tu le fais exprès, m'énervé- je. Je t'ai tout relaté depuis la visite d'Harlow chez moi hier soir, jusqu'aux menaces à peine voilées de Faith, pour finir par la façon dont Harlow et moi nous sommes rapprochés... et toi tu penses que la solution serait que je me tape une nana sans intérêt pour me détendre ? Et enfouir mon comportement de salaud le temps d'un orgasme ?

Alan a ce sourire, celui qu'il réserve à ses adversaires quand il gagne un procès.

Et je comprends que ce connard vient de me piéger.

— T'es vraiment un sale con mec.

Je souris à mon tour, car Alan est pour moi ce qui se rapproche le plus d'un frère. J'ai toujours pu compter sur lui, pour m'encourager, me soutenir, ou me mettre une droite quand je deconnais. Heureusement pas souvent, sinon j'étais bon pour des séances chez le chirurgien de ma mère.

— J'ai bien cru que ton cerveau cramé par une certaine fille ne comprendrait pas.

Alan se lève, s'apprête à aller au bar, quand d'un coup il pivote, son air sérieux est de retour.

— On picole encore, mais je n'oublie pas que l'on a l'affaire Faith à régler.

Pour Alan tout est classifié, en dossier, déformation professionnelle.

Sans attendre de réponse de ma part, il tourne les talons et rejoint le comptoir sans jeter un œil aux deux filles. Je connais son jeu. Ignorer pour attiser la curiosité, solliciter l'envie. D'ici la fin de la soirée elles seront ferrées et prêtes à tout pour finir dans son lit. Méthode qui a fait ses preuves chez moi aussi.

En attendant qu'il revienne avec notre commande, je réfléchis à un moyen pour m'excuser auprès de ma princesse. J'ai abusé, surtout que je n'en pensais pas un mot. Harlow est une des rares de mon entourage, à part Alan, a être d'une honnêteté sans faille. J'ai été blessé dans mon amour propre, encore une fois elle ne me fait pas confiance, mais comment lui en vouloir après notre passé ? Après ce que j'ai dû accepter, pour l'épargner, elle ?

Des doigts aux ongles manucurés et vernis de rose passent dans mon champ de vision. Je relève mon regard pour identifier à qui ils appartiennent, et me crispe quand je reconnais une des deux nanas. La blonde.

— Je m'excuse de te déranger... mais...

La fille se dandine d'un pied sur l'autre mal à l'aise.

Je peux la comprendre car mon regard n'a rien d'amical.

— Mais ? m'impatienté-je.

Elle regarde par-dessus son épaule, sûrement pour emmagasiner du courage de la part de sa copine.

— En fait, j'ai parié avec mon amie, et j'ai perdu...

— Ça arrive, réponds-je agacé.

Je joue avec mon téléphone en le faisant tourner entre mon pouce et mon majeur sans détourner les yeux. Les siens sont comme hypnotisés par la dextérité de mes doigts, et à cet instant je n'ai aucun mal à deviner ce qui passe dans son cerveau. J'étire le coin de ma bouche en un sourire railleur. Elle est pas mal, avec un certain charme, ses fringues sont bas de gamme, mais au moins correspondent à son style, pas comme celle qui l'attend, un grand sourire aux lèvres et un décolleté aussi profond que les gorges du grand Canyon. Ces filles arrivent tout droit d'un trou perdu, en manque d'étalon sûrement. Besoin de chevaucher des mecs de la ville.

Je détourne mon regard après mon analyse, le porte sur mon pote toujours au bar en pleine discussion avec la barmaid.

— Donc, reprend-elle, attirant de nouveau mon attention, j'ai pour gage de récupérer ton numéro de téléphone.

Je ris narquois en la dévisageant.

— Rien que ça ! Je m'exclame.

Si elle semblait timide au départ, là, c'est pire. Elle baisse sa tête, se triture les doigts et ses joues sont rouges. Sauf que je ne tombe pas le panneau. Je suis certain que si je lui propose un tour dans ma caisse elle dit oui de suite, car son sourire en coin ne me trompe pas. Il la trahit même. Jouer les ingénues avec l'intention de mieux arriver à ses fins est une tactique trop souvent utilisée par les pétasses de mon milieu.

Je connais la règle par cœur ma belle, passe ton tour.

— Un peu prétentieux, comme lot ? Non ?

— Qui ne tente rien n'a rien, se redresse-t-elle, en me fixant à présent, se mordillant la lèvre inférieure.

Maintenant c'est sûr, elle n'a rien de la vierge effarouchée.

— C'est certain, et j'apprécie l'ambition en règle générale, mais il faut aussi savoir rester jouer dans sa cour...

Elle allait répliquer, mais le bip de mon téléphone annonce un message, ce qui a pour effet de me désintéresser de la meuf, qui pense me soutirer mon numéro sur simple demande, avec l'excuse d'avoir perdu un pari.

Elle se croit où la Valley Girl *? Et surtout elle me prend pour qui ? Pour un mec paumé dans un bar tout aussi perdu au fin fond de Wyoming ?

Un sourire éclot au bord de mes lèvres quand je lis le nom de l'expéditeur, ou plutôt de l'expéditrice. Sans attendre, je déverrouille l'appareil pour prendre connaissance du message de ma princesse. Sauf que je déchante vite, car Harlow m'indique seulement, l'heure à laquelle vont débuter les travaux après-demain. C'est froid, impersonnel, laconique. Je serre mon mobile à m'en faire blanchir les phalanges.

— Je crois que l'on a plus rien à se dire. Dorénavant, toi et moi, on se contentera de rapports strictement professionnels.

Cette phrase me revient comme un boomerang. Mais j'ai aussi entendu ses excuses. Je n'ai pas réagi sur le coup car je lui en voulais pour m'avoir repoussé, pas pour la gifle, je l'ai méritée. J'hésite à lui répondre.

— Tu risques quoi de me le donner ?

Je me focalise de nouveau sur la nana qui attend sûrement une réponse.

— Je te contacterai pas et ma copine me laissera tranquille.

Je l'observe plus attentivement, pourquoi ne pas lui demander de s'asseoir ? Et plus si affinité pour lui faire visiter les sanitaires ? Après tout Harlow ne veut pas de moi...

— Tu ne v...

— Je te laisse cinq minutes mec et tu ne peux pas t'empêcher d'attirer une meuf, me coupe Alan, un plateau dans les mains accompagne d'un regard noir.

Je sais qu'il a reconnu la fille.

Je lève les mains de manière innocente.

— Je n'y suis pour rien.

— Bon j'aurai essayé, se rappelle à moi la fille.

— Essayer quoi ? demande Alan d'air dubitatif.

Alan se tourne vers elle une fois le plateau déposé sur la table.

— Sa copine lui a donné comme gage de récupérer mon numéro de téléphone.

— Ambitieux, se moque mon pote.

Il me fait un clin d'œil de connivence, que je lui rends. Il n'est pas dupe du manège de la meuf.

— Je vais vous abandonner, et excusez-moi pour le dérangement.

— Bon courage dans ta quête.

Alan la regarde à peine en formulant sa phrase.

— Tu pourrais rester... tu n'auras pas ce que tu es venu chercher... Par contre, je ne suis pas fermé pour faire plus ample connaissance.

J'ignore volontairement les yeux d'Alan qui me fusillent.

— Isaac !

A mon tour de le mitrailler.

— Je ne préfère pas. Je ne suis pas un second choix.

Je hausse un sourcil perdu devant son raisonnement, quand je vois son regard qui observe mon IPhone. J'en fais de même, et je suis surpris de trouver un second message de Persephone.

— Ta maman t'a pas appris que c'est impoli de te mêler de ce qui ne te concerne pas ?

Qu'est-ce qui lui prend ?

La fille allait répliquer, mais je la devance, lui évitant une humiliation de plus de la part de mon pote.

— Ne l'écoute pas, il a ses règles. Alors tu acceptes de me tenir compagnie ou pas ?

Je décide de me désintéresser du sms d'Harlow, je verrais plus tard. Le travail peut attendre. Si elle n'a rien d'autre de prévu que passer sa soirée à penser taf, ce n'est pas mon cas.

— Ok. Je vais chercher mon amie.

Dès qu'elle a tourné les talons, Alan m'invective.

— Tu joues à quoi connard ?

— A prendre du bon temps.

Je me rencogne contre la banquette en me servant un nouveau verre.

— J'ai une frustration à satisfaire, tu te souviens ?

— Et tu crois que c'est cette meuf qui va y arriver ?

— Pourquoi pas ? Je dois lui donner sa... ou plutôt leurs chances, sinon je ne le saurais pas.

Je suis assez lucide sur mon comportement de gros con.

Bien sûr que non, elles ne vont rien effacer du tout, mais si pendant quelques heures je peux y croire, ça me va.

— Tu es majeur et vacciné Isaac, mais abstiens toi de venir te plaindre cette fois-ci dans mon bureau quand tu auras définitivement perdu ta princesse.

— T'inquiète pas Alan. J'ai bien compris de quel côté tu es.

— Tu n'es qu'un imbécile. Habituellement je suis du tien. Depuis toujours. Mais pas quand tu t'obstines dans tes conneries. Harlow, j'aurai pu tenter ma chance quand tu étais en taule, sauf que je ne l'ai pas fait parce que je sais que cette fille tu l'as gravée dans ta peau depuis la maternelle, et littéralement depuis ton incarcération. Comme tu l'es pour elle d'ailleurs...

Je suis prêt à mettre mon poing dans la gueule de mon meilleur pote simplement parce qu'il a insinué qu'il aurait pu coucher avec Harlow.

— Garde bien en mémoire, quand tu seras entre les cuisses ou les lèvres de ces deux connasses, que Ken le surfeur fait partie de l'équation, puisque je ne t'apprends rien en te te rappelant qu'il est le menuisier attitré pour la rénovation des locaux.

Le rappel sournois d'Alan me donne envie de bondir et de courir afin de retrouver Harlow, mais je n'en fais rien.

— Alors, amuses- toi bien Isaac. Sur ce, bonne nuit.

Sans me donner le temps de répondre, quoi que ce soit, Alan récupère ses affaires et quitte le bar sans un regard en arrière.

Putain qu'est-ce qu'il lui prend ? d'habitude c'est le premier à sauter, sans jeux de mots, sur une occasion pareille ?

Encore chamboulé après sa sortie, je ne remarque pas de suite que les deux filles attendent mon invitation à poser leurs culs sur la banquette. Si elles ont tout entendu, elles ne dévoilent rien.

— Que voulez- vous boire ? Préféré-je demander à la place, plutôt que chercher des réponses aux paroles de mon ami, qui de toute manière a déjà passé la porte du bar.

— Et si l'on allait directement dans notre chambre d'hôtel ? Propose celle habillée comme une call-girl.

Pas farouche la fille de la campagne. Elle va droit au but. Exactement ce qu'il me faut ce soir pour virer de mon esprit une certaine fille durant quelques heures.

— Bonne idée. Attendez moi dehors, je vais régler et je vous rejoins.

Quand j'arrive sur le trottoir, les deux nanas m'attendent comme prévu.

— Vous êtes venues comment ? m'informé-je.

— A pied, notre hôtel est tout proche.

Celle qui m'a abordé m'indique du doigt la direction à prendre.

Parfait.

— Ok, allons-y alors.

Sans m'attarder je les devance en scrutant les alentours. C'est idiot comme réaction, mais nous ne sommes pas loin du quartier où habite Harlow.

— Tout va bien ? Me questionne la brune en s'accrochant à mon bras, suivie de sa copine qui s'empare de mon autre bras.

Je me dégage d'un geste brusque.

— On va simplement baiser, pas faire du shopping entre filles.

Les deux s'écartent non sans me lancer un regard noir.

— Heureusement que tu es canon, sinon...

— Quoi ? tu ne serais pas venue quémander, je réponds à la blonde. N'aie pas la prétention de croire que je n'ai pas deviné votre manège.

Inutile de préciser que le reste du trajet se passe en silence.

Il va falloir faire un effort mec, pour une fois que ma conscience est raisonnable.

Désolé, la journée a été éprouvante.

— Pas de souci, rétorque la blonde, on a le même objectif de toute façon.

Son sourire radieux me conforte dans mon analyse de tout à l'heure, cette fille n'est absolument pas farouche, tout comme sa copine. Leurs rôles sont parfaitement rodés. Le mien tout autant.

Arrivée à l'étage de leur chambre de cet hôtel sans prétention, la brune insère la carte magnétique qui déverrouille la porte.

Je me décale afin de les laisser passer, je pénètre à mon tour dans cette chambre qui n'est pas une suite, mais cela fera largement l'affaire. Un canapé et un lit. Pas besoin de plus. J'entends le battant se fermer derrière moi, et la blonde n'attend pas et me pousse contre le mur attenant. Puis dans un empressement qui me ferait presque rire, si je ne devais pas me concentrer un minimum pour bander, et envoyer balader ma conscience par la même occasion, elle commence à déboutonner ma chemise, alors que sa copine se dessape en face de moi.

— Impatientes mesdames ?

Elles font oui de la tête tout en continuant à s'appliquer à leurs tâches respectives.

— On ne s'est pas présenté...commence la blonde alors qu'elle a ma queue à quelques centimètres de ses lèvres.

D'où ça sort ça ?

Je me retiens à nouveau d'éclater de rire, ne sachant pas à qui elle s'adresse. A ma bite ou à moi ?

— Inutile, demain on ne s'en souviendra plus.

Je sens que je l'ai vexée, mais rien à battre. Elle a eu plusieurs occasions de me le demander au cours de la soirée. Je ne suis pas ici avec elles pour faire connaissance autour d'un thé.

— Tu as raison, affirme la brune en s'agenouillant à son tour.

J'écarte les bras, mon sourire à fossettes en renfort, qu'aime, qu'aimait H... non, non, ne pense pas à elle maintenant, afin de leur montrer que je suis tout à elles, et c'est comme si j'avais sifflé le coup d'envoi du super bowl.

*Valley girl (litt., la « fille de la vallée ») est une locution qui désigne un de jeune femme caractérisée par sa manière de parler et son caractère excentrique, , , et souvent de mœurs légères.

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