The Sunset
Harlow
La descente des vingt étages ne m'a pas paru longue, et pourtant... Mon cerveau a eu le temps de repasser en intégralité ma rencontre avec Isaac.
Six ans que je ne l'avais pas revu. Et mes souvenirs ne lui rendent pas justice. Il faut avouer que j'ai quitté un adolescent pour me retrouver en face d'un homme. J'ai eu beau faire comme s'il m'indifférait, Isaac est devenu un homme magnifique.
Non mais tu t'entends ma pauvre fille ?
Quoi ? J'ai des yeux pour voir.
J'ai pas dit que j'allais me pavaner à ses genoux non plus.
Sa carrure d'ancien joueur de foot en tant que quaterback est toujours aussi impressionnante. Un mètre quatre-vingt-dix de pur sex-appeal. Un corps musclé comme un mannequin d'Abercrombie, des hanches étroites qui doivent révéler un V parfait dont la pointe... je balaie d'une main les images qui tentent une approche.
Une crinière noir corbeau qui semble ne pas connaître l'utilité d'une brosse ou d'un peigne, des yeux gris aussi sombre qu'un ciel d'orage avant une tempête. Et ce n'est pas cette mâchoire carré, ombragée par une barbe de trois jours, entretenue à la perfection, ni cette bouche sensuelle qui cache une langue percée qui vont contredire le reste.
Reprends toi Harlow. Et ta petite culotte s'en portera mieux.
J'avise le panneau de commande et je m'aperçois qu'il reste encore une dizaine d'étages avant que je ne puisse sortir de cet enfer. Les portes s'ouvrent pour laisser pénétrer deux hommes en costume qui n'ont aucun scrupule à me dévisager. Je les ignore en me replongeant dans mes pensées.
Et là, il n'est plus question du physique de mister Foster, mais de son caractère de merde.
J'ai cru que j'allais l'étrangler, pour ensuite le balancer par la fenêtre tellement il m'a énervée avec ses provocations. Notamment quand il a insinué que j'étais jalouse des petasses qui passent sous son bureau pour rendre hommage à son organe reproducteur.
Non mais je rêve... peut-être... ou pas...
Kendra va être fière de moi. Voilà qui me remet les pieds sur terre. J'ai vraiment pris sur moi pour ne pas aggraver mon cas, et passer pour une nana hystérique devant un mec qui j'en suis sûre le pense.
Heureusement que la partie travail est restée très professionnelle, et je peux même avouer, une seule et unique fois, que j'ai apprécié de travailler avec lui. Son côté professionnel m'a bluffé. Moi qui pensait que papa l'avait placé là pour la galerie.
Il a quand même son diplôme de master en finance. Kendra me l'a confirmé quand j'ai eu un doute sur sa crédibilité au poste de directeur adjoint.
Enfin le rez-de-chaussée. Dès que les portes s'ouvrent sur le hall où grouille plus de gens qu'à mon arrivée, je sors de la cabine en saluant d'un mouvement de tête les deux pingouins qui me laissent le passage. Je fais un signe de la main à clone numéro un, avec un joli sourire commercial quand je passe à proximité du comptoir d'accueil, et je me retrouve sur le trottoir sous un soleil de plomb. J'attrape mes solaires pour les glisser sur le nez, vérifie si j'ai des messages sur mon téléphone, rien à part Kendra, qui me rappelle par sms, au cas où ma mémoire aurait été lobotomisée par un Hades super sexy, ah ah je suis pliée de rire... que notre rendez-vous est à vingt heures. Je ne prends pas la peine de lui répondre. Je regarde l'heure en me disant qu'il va falloir que je me bouge si je veux être dans les temps.
Pourtant je ne prends pas la direction de la station de métro, mais plutôt celle du centre ville. Marcher après ma rencontre avec Isaac, me fera le plus grand bien. Mon cerveau s'en portera mieux et mes hormones descendront en température, ces traitres.
Après ma balade je reviens dans le quartier d'affaire où je hèle un taxi. J'oublie le métro. trop long.
Je suis vraiment à la bourre.
Mon regard est attiré vers la sortie du parking de la société que j'ai quittée quelques heures plus tôt, alors que je m'apprête à monter dans le taxi. Un bolide de marque italienne attend que la barrière s'ouvre, et je n'ai aucun mal à reconnaître le conducteur malgré ses lunettes de soleil. D'ailleurs celui-ci me fait un petit signe de tête quand il redémarre. En trombe.
Évidemment. Après, la belle gueule, le piercing, les tatouages, il fallait la voiture... électrique pour se la jouer, je prends soin de la planète, mais aussi sportive, parce que je veux te faire frissonner bébé et pas uniquement à cause de la vitesse...
Je m'engouffre à l'arrière et indique mon adresse en préparant mentalement l'excuse que je vais devoir trouver pour attester de mon retard à Kendra.
Environ trois quart d'heures plus tard, je passe enfin la porte d'entrée de ma petite maison sur les hauteurs du quartier très intime et verdoyant de Virginia Highland. C'est dans cet endroit, que j'affectionne énormément, que j'ai posé mes valises quand je suis revenue de San Francisco il y a quelques semaines. Kendra y habite depuis plusieurs années, elle m'a donc aidée à trouver la perle rare avant mon arrivée.
La maison est typique du coin. Elle n'est pas très grande, mais je m'y sens bien.
Je l'ai entièrement décorée et aménagée dans des tons clairs et chaleureux. Les anciens propriétaires avaient un goût prononcé pour les couleurs vives. Quand je l'ai visitée pour la première fois, je me suis crue au Carnaval de Rio. Heureusement que Kendra m'a assurée que sous tous ces tapis multicolores et ces tentures aux murs existait un parquet en chêne et des murs en briques, sinon je ne l'aurais jamais achetée. Et effectivement quand elle a été vidée, j'en suis carrément tombée amoureuse. J'ai agencé l'intérieur comme je le voulais, et Kendra qui tient une boutique de décoration m'a fourni les meubles et la déco.
Le rez-de-chaussée abrite un grand salon lumineux grâce à sa baie coulissante qui donne sur un petit jardin protégé des regards indiscrets par des arbustes. La cuisine est ouverte sur la pièce principale, avec un grand îlot central et une table de salle à manger en bois clair entourée de chaises dépareillées. En vis à vis, un escalier en bois mène à une mezzanine où se trouvent ma chambre, une salle de bains avec une baignoire jacuzzi, et un très grand dressing.
Je me déchausse pour monter les escaliers, puis une fois à l'étage, je me déshabille sur le chemin de la salle de bains. Ma mère me hurlerait dessus en voyant mes fringues traîner partout. Je relève mes cheveux pour les attacher, commence à faire couler l'eau de la baignoire et repars dans la chambre pour choisir la tenue idéale de ce soir. Quand j'ai enfin trouvé, je sélectionne une playlist, et quand la voix de Jennifer Lopez éclate dans l'enceinte murale, je me glisse dans le bain à remous. Je me laisse envahir par la chaleur et l'odeur de jasmin en posant ma tête contre le rebord en fermant les yeux, et les bulles font le reste. La musique se coupe, et l'alarme de mon iPhone prend le relais, manquant de me faire boire la tasse.
En râlant contre ma meilleure amie. C'est pas elle qui t'a mise en retard ! je sors de la baignoire, puis je m'enroule dans un drap de bain, une fois séchée, je m'active pour me préparer.
S' il y a bien une chose que Kendra déteste ce sont les gens en retard et là, je suis bien partie pour. Je parfais mon maquillage avec un trait d'eye-liner, du blush pour me donner bonne mine et rejoins ma chambre pour enfiler les vêtements sélectionnés. Un jean noir moulant, une blouse du même ton en plumetis et mes boots à talon cloutés à la semelle rouge. Je teint mes lèvres avec le rouge Velvet de Chanel et me voilà opérationnelle pour une soirée entre amies.
Le Sunset est bondé quand j'y pénètre à la suite d'un groupe d'étudiantes. C'est comme ça la plupart des veilles de week-end. Charly le patron est un mec adorable qui a su faire d'un ancien bar d'ivrogne un lieu hype et convivial en même temps.
C'est ici que Kendra et moi nous retrouvions après les cours pendant nos années lycée ou les week-ends où nous ne travaillions pas au bowling, comme la majorité des lycéens, ou des étudiants. Mais on peut aussi y côtoyer des jeunes cadres de la city venus en voisin après le boulot pour apprécier un verre, ou le soir pour regarder un match de la NFL. Charly est un ancien joueur professionnel de foot. Le seul défaut, et pas des moindres, ce sont les serveuses qui se croient chez Hooters avec leur short microscopique et leur débardeur trois tailles trop petites. D'où le nombre impressionnant de mecs au mètre carrés.
Je joue des coudes pour arriver jusqu'au bar et saluer le propriétaire des lieux qui m'informe que Kendra m'attend à notre table habituelle au fond du bar. Je le remercie après avoir passé commande et me dirige en zigzaguant, tout en faisant attention de ne pas prendre une douche à la bière, certains ont déjà atteint un taux d'alcoolémie au-dessus de la normale, vers l'endroit indiqué. Elle discute avec un mec qui me fait dos.
Je me fais la réflexion intérieure qu'il a un cul à croquer.
Il est penché sur la table pour lui murmurer à l'oreille. Elle éclate de rire à ce que vient de lui dire son admirateur et c'est à ce moment là que nos regards se croisent. Une gêne passe furtivement sur son visage, mais elle se reprend rapidement.
— Hey Harlow ! Presque à l'heure.
Qu'est-ce qu'elle a à crier comme ça ? La musique est forte mais pas au point de hurler. Le mec se redresse d'un coup comme s'il avait pris une décharge.
— Je me serais sentie mal d'arriver à l'heure... et te faire rater un rencard, dis-je en avançant, contrariée de sa remarque.
Le mec se retourne, les mains dans les poches de son jean, et j'ai comme un air de déjà vu.
Isaac Foster en chair et en os.
Isaac Foster en chemise blanche retroussée jusqu'au coude. Et évidemment un tatouage noircit l'intérieur de son poignet.
Isaac Foster et ses fesses comestibles...
Tout va bien Harlow. Respire.
Il me regarde avec un air indéchiffrable. J'ai pas droit au déshabillage visuel comme lors de notre rendez-vous.
Il est en train de draguer ta meilleure amie... il ne peut pas tout faire.
La ferme.
Kendra se lève pour me serrer dans ses bras. Isaac ne me lâche pas des yeux et j'en fait de même par-dessus l'épaule de mon amie.
— Je suis contente de te voir ma chérie.
— Moi aussi Kendra.
Au son de ma voix, elle devine qu'un truc cloche.
— Oh ! Isaac allait partir... Alan l'attend... il...
— Il ? Demandé-je, perplexe devant son hésitation.
— Quand il m'a aperçue seule, il est venu me saluer... et me demander si je voulais me joindre à eux.
— Comme c'est adorable de sa part, fais-je sardonique. Un vrai gentleman.
Kendra à l'air mal à l'aise alors que Hades sourit.
— Encore jalouse princesse... je vais finir par croire que...
— Rien du tout Isaac. Et je te le répète, pour être jalouse, il faut que quelque chose ou quelqu'un me fasse envie... et ce n'est toujours pas le cas.
Sur ces bonnes paroles et l'air choqué de ma meilleure amie, je le bouscule d'un coup d'épaule pour m'asseoir sur la banquette en cuir rouge.
J'ignore qu'il a les épaules en béton et a bien failli me démonter la mienne, en gardant la tête haute, mais demain j'aurais un bleu, c'est certain. Et encore plus, les picotements à l'endroit où nos corps se sont touchés.
— On en reparlera... Persephone, souffle Isaac contre le pavillon de mon oreille, me faisant frémir.
Puis il dit un dernier mot à Kendra et s'élance à l'autre bout de l'établissement.
— Bon débarras, ne puis-je me retenir de dire.
— Et ben !
Je lève un sourcil en attendant la suite.
— J'ai cru que le bar allait s'enflammer sous vos regards de baises.
— Regards de baises ? M'etouffé-je avec ma salive.
— Je te jure que la façon dont vous vous matiez est à la limite de l'indécence.
Une des serveuses arrive avec nos boissons ce qui me dispense de répondre. Je n'attends pas pour m'en saisir et j'aspire par la paille une bonne quantité de mon cocktail.
Kendra ricane en voyant mon comportement.
— Rassure moi K... on ne va pas passer la soirée à parler de Foster ? Parce que sinon je me casse de suite.
— Relax baby. Il ne t'approchera plus jamais.
J'éclate de rire devant son imitation de scénarios de film de seconde zone.
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