Surprise !



                                                   Isaac


Je suis au bureau depuis bientôt trois heures. Autant dire aux aurores. Mais il m'a été impossible de dormir après la visite de miss Jenkins. Même ma séance de sport nocturne n'a eu aucun effet sur ma fatigue pourtant prégnante, ni sur mon besoin de soulager cette envie obsédante que j'ai d'elle. La douche par contre... Ma main a fait le job, pas mon esprit.

Tout tourne en boucle dans mon putain de cerveau. J'ai repassé notre conversation au crible, analysé nos gestes, comme une connasse de présentatrice de télé réalité. Je me suis enfilé deux autres verres d'alcool, pour en arriver à la conclusion que j'avais merdé sur toute la ligne. Si je m'étais contenté de suivre ma ligne de conduite, à savoir celle de ne pas l'approcher, au lieu de tomber dans ses bras et sous son charme jusqu'à en tomber raide dingue, tout ça en en envoyant se faire foutre Kim et ses menaces, je n'ai fait au contraire qu'attiser le feu de sa curiosité malsaine sur ma princesse. J'ai servi à ma mère sur un plateau les munitions pour charger son arme de la vengeance.

Mais je crois que ce qui m'a achevé, c'est quand Harlow a insinué que le fameux soir de notre premier vrai rencard, elle était prête à me donner ce que toutes les autres filles offrent à n'importe quel mec de passage en pensant les retenir entre leurs cuisses. Sa première fois.

Je crispe mes poings de fureur.

Je me souviens de la fois où le sujet avait été abordé, c'était après des préliminaires qui nous avaient laissé un goût de trop peu. Cette après-midi là nous avons failli aller jusqu'au bout, c'était de plus en plus dur de se retenir, mais à chaque fois je voulais la préserver et lui affirmer qu'on ne le ferait qu'à la condition qu'elle se sente prête. Surtout qu'Harlow m'avait affirmé vouloir la garder pour celui qui ferait battre son cœur. Sur le moment j'ai grogné de frustration.

— Il n'y a que moi qui y arrive, Perséphone.

— Peut-être, avait -elle répondu avec son air mutin que j'adore.

Pour le lui démontrer je l'ai refaite jouir avec ma langue, et fier comme un con, j'ai posé ma main, doigts écartés à l'emplacement de son organe vital et j'ai souri. Harlow à éclatede rire devant ma fierté mal placée puis m'a avoué que c'était le cas.

Je suis sûr que ma petite rebelle a agi de façon intentionnelle en me révélant qu'un autre mec que moi a eu ce privilège. J'aurais dû m'en douter, mais l'entendre ne rend pas la vérité plus facile à encaisser... au contraire.

Sur le coup je me suis retenu de tout envoyer balader et d'exiger le nom de ce connard, puis je me suis ravisé ne voulant pas l'effrayer, ou passer pour le cinglé de service. Et puis franchement, je n'ai aucune légitimité à aller casser le pif de celui qui a eu la chance de connaître la sensation d'être le premier à... non, non, non, vires ces pensées mec.

Je passe une main dans mes cheveux, une idée vient de germer dans mon esprit, celle d'appeler ma princesse avec l'intention de lui proposer un rendez-vous dans un endroit neutre, nous devons poursuivre notre conversation, et le faire ailleurs que chez moi ou chez elle, m'évitera de lui sauter dessus. Mais d'abord, je m'apprête à appuyer sur la touche du téléphone pour demander à Barbie de me porter un café, quand des coups discrets sont donnés contre la porte de mon bureau.

Qui que ce soit qui vient me déranger, va vite retourner là d'où il arrive.

— Entrez, fais-je malgré tout, en soupirant d'un air agacé.

Le battant s'ouvre sans que je lève les yeux de mon portable, je fais défiler la liste de mes contacts jusqu'à tomber sur celui qui m'intéresse.

— Surprise ! entonne une voix que j'ai subitement envie de museler.

Mes yeux lâchent d'un coup l'écran pour fusiller celle qui pollue mon espace vital de sa simple présence. 

Manquait plus qu'elle.

Putain de Karma.

— Qu'est-ce que tu veux ?

La politesse entre nous est caduque depuis de nombreuses années.

Faith sourit à pleine dent, avançant vers moi d'une démarche chaloupée, pensant certainement que balancer son cul de pétasse va encombrer mon cerveau d'images lubriques. Si elle savait que je m'en tape. D'elle et de sa chatte qui a vu plus de bites qu'un établissement du don du sperme.

Ah mais oui, elle le sait ! puisque je n'ai jamais voulu la sauter.

Pourtant elle n'a pas ménagé ses efforts pour attirer mon attention. Mais savoir qu'elle ne le voulait que pour faire enrager Harlow, en plus de mes billets verts, m'a suffit à toujours refuser ses avances. Des filles de son espèce vénérant ma queue ou mon porte feuille, j'en ai eu un certain nombre, mais aucune n'en voulait personnellement à Harlow.

— Alan m'envoie te faire parapher des documents.

Je maudis mon pote sur trois générations d'avoir pris cette initiative.

Elle les dépose sur ma table de travail.

Faith travaille pour Foster Financial, depuis quelques années, volonté de ma mère évidemment, pour la remercier des services rendus sûrement, que mon père par lâcheté n'a pas refusé.

Maintenant que je connais toute l'histoire, je peux le comprendre. A l'époque il n'a pas eu les couilles de dire non, et moi non plus... Cela ne m'a pas empêché de rentrer dans une colère noire quand Kim me l'a imposée. Mais j'ai eu gain de cause sur le service où l'affecter. Un où elle ne mettrait pas le bordel en faisant des histoires de vagins, et bien sûr il était hors de question qu'elle soit dans le mien. Kim a râlé, mais mon paternel est intervenu en rappelant qui dirigeait cette boite. Et ma mère a compris qu'elle n'avait plus aucun moyen de pression puisqu'elle avait obtenu des années auparavant le départ précipité de Harlow.

Je l'ai donc collé au service juridique sous la coupe d'Alan. Il a râlé, m'a maudit sur des générations entières, mais je n'ai pas cédé, et je lui ai rafraîchi la mémoire en lui rappelant qu'à une certaine époque ça ne le dérangeait pas de la baiser entre deux entraînements dans les vestiaires du stade ou dans les placards à balais de la fac.

Au moins il la garde à l'œil et c'est mon but.

Ayant abandonné le lycée rapidement, elle n'a aucune compétence dans ce domaine. Ni dans un autre d'ailleurs. Mais peu importe. Elle y fait de la figuration, améliore son aptitude de serveuse en allant chercher des cafés, et approfondit son expérience en photocopieur. Rien de plus, rien de moins. Cela dit, il y a des jours, comme aujourd'hui, où elle est obligée de passer par mon bureau.

— Alors comme ça, ta princesse est revenue, crache-t-elle en posant ses fesses sur l'angle du bureau.
Je ne lui pose la question de comment elle est au courant, j'ai une vague idée de la réponse.

Sa réflexion a atteint son but.

Je serre les poings en lui jetant un regard méprisant tout en me calant plus confortablement dans mon fauteuil.

Ce n'est vraiment pas le jour pour me provoquer.

Elle va vite en avoir un aperçu.

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

— Oh, moi rien... j'ai eu ce que je voulais...

Cette salope me donne des envies de meurtres.

— Mais ce n'est pas le cas de ta chère maman.

Je contracte la mâchoire.

Toute une flopée d'images reviennent comme des boomerangs. Elles me narguent, me rappelant que je n'ai pas été à la hauteur de l'amour que me portait ma princesse. La colère gronde en moi.

— Ferme là Faith.

Ses lèvres peintes d'un rouge vif s'étirent, le crissement de ses ongles sur la surface en verre augmente mon mal de crâne, et réduit ma patience à néant.

— Dommage, murmure-t-elle, d'habitude les mecs aiment que je l'ouvre.

Cette femme me dégoute.

— En même tant, c'est le rôle d'une pute de la garder ouverte.

Elle se redresse prête à m'agresser, se ravise, percutant certainement que je suis son patron et non un mec de passage.

Je termine de signer les derniers feuillets, lui tend le dossier, sans me soucier si elle l'attrape ou pas, ce qu'elle ne fait pas puisque ces bras sont maintenant croisés sur sa poitrine, si bien que tout s'étale par terre.

A mon tour de sourire.

— Tu n'as plus qu'à réparer ta connerie, dis-je en me levant de mon fauteuil pour la toiser.

— C'est toi qui n'a pas regardé si...

— Peu importe, la coupé-je, tu n'es pas payée pour caresser mon bureau, mais pour être en mesure de réagir quand tu attends quelque chose en retour. Et là, ce n'est pas le cas. Donc tu vas ramasser les feuilles et les remettre dans l'ordre pour les rendre à Alan.

Sans plus me préoccuper de Faith, je tourne les talons et avance jusqu'à la fenêtre pour envoyer mon message à Harlow.

— Tu agis comme si tu avais un quelconque pouvoir sur moi ou ta mère, Isaac.

Je me retourne si violemment que je tangue une fraction de seconde, laissant tomber mon portable au sol. Fait chier.

— Attention à tes mots Faith. Me menacer ne t'apportera rien de bon.

— Tu peux toujours le croire... mais toi, fais attention, maintenant que ta petite protégée...

Je me rapproche dangereusement de cette garce, me stoppe au dernier moment avant de finir au poste pour agression, surtout que je suis déjà passé par la case prison, et je n'ai pas pour ambition d'y retourner, la coince contre le mur. Mon corps ne la touche pas, mes bras appuyés contre la cloison encadrent son visage.

Si n'importe qui rentre je me doute de l'image que l'on doit renvoyer elle et moi. Un couple à deux doigts de s'envoyer en l'air.

— Termine cette phrase Faith... et je m'arrangerais pour trouver une famille d'accueil à...

Elle amorce son bras pour me gifler mais je m'en saisis avant qu'il n'atteigne son but. Ses yeux lancent des éclairs, elle écume de rage. Je ne suis pas mieux. Je me retiens de la tirer par les cheveux pour l'envoyer à des milliers de kilomètres d'ici.

— Moi aussi, je sais appuyer là où ça fait mal Faith. Et moi aussi, je prendrais du plaisir à te voir souffrir... quoi que je doute que tu aies un cœur pour ça.

Je la libère en reculant.

Elle s'empare du parapheur et remet les feuilles éparpillées à l'intérieur.

Je la regarde faire puis quand elle a terminé, je lui ordonne :

— Maintenant tu sors d'ici et tu vas apporter les documents à Alan.

Faith se dirige vers la sortie quand je l'interpelle :

— Et surtout Faith !

Elle me regarde par-dessus son épaule.

— Ne t'avise plus jamais de me menacer ou de menacer Harlow. Parce que moi, ce ne sont pas des paroles en l'air... il y a beaucoup de couples en mal d'enfants.

Elle me fusille de ses yeux trop fardés, mais l'interphone sonne et la voix de mon assistante raisonne dans la pièce, détournant mon attention de mon employée.

— Isaac, l'accueil m'informe que madame Jenkins souhaite te voir... mais comme elle n'a pas rendez-vous, je...

Le petit recadrage hier après-midi à porté ses fruits.

Je décroche, et lui ordonne de faire monter Harlow ou Isobel. Ça va être la surprise.

J'ai quand même une préférence pour que ce soit la première. Surtout que cela serait une belle coïncidence si Harlow avait décidé de venir me rendre une petite visite.

La battant claque dans mon dos, m'indiquant que Faith est enfin partie. Je vais devoir la garder à l'œil et prévenir Alan d'en faire autant. Elle est capable de tout quand Harlow est dans l'équation. Chat échaudé craint l'eau froide. Mais ce qu'elle n'a pas eu l'air de piger, c'est que je ne suis plus le jeune homme sans ressource obligé de se mettre à genoux pour protéger celle qui détient son cœur. L'homme que je suis devenu a beaucoup plus de ressources et de pouvoir. J'ai également un allié de taille. Mon père. Ni Kim, ni Faith ne sont au courant de notre conversation à cœur ouvert.

Mais pour le moment une seule chose retient mon attention. De qui Harlow ou Isobel va passer la porte de mon bureau. Sauf que je ne suis pas connu pour être patient, donc je quitte la pièce et je vais me planter devant l'ascenseur.

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