Remember



                                                                                        Harlow

— Mais regarde moi ce cul...

Assise dans les gradins du stade du lycée où je suis scolarisé, le Atlanta International School, attendant l'heure de mon entrainement de cheerleader, je relève le nez de mon bouquin, beaucoup plus intéressant que de mater des joueurs de foot à l'entraînement.

Que fais-je là ? allez-vous me demander.

 J'accompagne mon amie Faith, qui elle ne jure que par les sportifs... Sa seule motivation dans la vie est de se faire déflorer par l'un d'eux, et si c'est le quarterback et capitaine de l'équipe c'est le Super Bowl garanti. J'ai beau lui rabâcher qu'elle n'obtiendra de cette espèce qu'une nuit, notée et un walk of shame, elle s'en fout comme de son premier string.

— Lequel ?

Je suis de mauvaise foi, car je sais pertinemment de quel cul il est question, mais plutôt me laver la bouche avec du javel que de confirmer l'évidence, il est question de celui de mon ennemi juré.

Isaac Foster.

Foster et moi c'est une histoire qui a commencé dès la maternelle, quand il m'a fait un croche patte alors que je passais près de lui me traitant de voleuse. Sur le coup, je n'ai pas compris son accusation, alors en rentrant le soir à la maison après l'école, j'ai demandé à ma maman ce que signifiaient les mots de notre voisin. J'ai bien vu que cela lui faisait de la peine à ses yeux brillants, et à son teint devenu livide, mais elle m'a demandé de m'asseoir et m'a raconté avec des mots appropriés à mon âge son histoire à elle et à mon père. Et donc depuis cette fois-là Isaac et moi nous sommes en confrontation perpétuelle.

— Ne fais pas genre Harlow, me reprend-elle, en levant ses yeux au ciel, trop fardés pour une journée de cours, ce n'est pas parce que vous ne pouvez pas vous voir, que tu ne peux pas être honnête...ouvre les yeux... toutes les filles du lycée en sont folles, elles ne rêvent que de passer dans son lit... Isaac est une bombe atomique.

Oh je ne le sais que trop bien ! d'où mon refus de le mater.

— Bonne chance avec la concurrence alors.

Faith me gratifie d'un regard noir, avant de reporter son attention sur le terrain.

Je baisse mon livre en me retenant de souffler.

— Si je te dis que tu as raison...

Je note ses sourcils froncés, mais elle est toujours concentrée sur les Dieux du stade.

— Que Isaac Foster est un dieu vivant, au physique parfait, et une bête de sexe, elle pivote si rapidement sa tête que j'ai mal pour sa nuque, et ouvre de grands yeux à ma dernière évocation, pas que j'y ai gouté, precisé-je... tu...

— Oh ça je m'en doute, me coupe-t-elle.

Je me retiens de l'envoyer dégringoler les marches. Oui j'ai décidé de garder ma virginité pour le mec qui me plaira, vraiment, celui qui fera vibrer mon cœur. Je suis une romantique dans l'âme. Et alors ? Toutes les filles vierges ne sont pas des cruches avec des lunettes, et mal fagotées et premières de la classe.

Je coche une case sur quatre... la dernière bien sûr.

— Bref. Tu me laisses continuer ma lecture ?

Je préfère couper court à la discussion, je suis vexée, mais Faith n'en a pas terminé apparemment.

Quelle emmerdeuse.

— Puff. Fais comme tu veux , H, mais moi j'ai envie de vivre un maximum d'expériences avant de me caser tu vois.

— Grand bien te fasse. Mais il y a la fac pour ça ! et puis j'ai du mal à t'imaginer te contenter d'un seul mec aussi canon et doué au lit que soit Foster.

Moi aussi je peux piquer.

— Pour un mec comme lui... elle se mord la lèvre inférieure en déshabillant des yeux le sujet de notre conversation, je suis disposée à faire pas mal d'efforts... et puis, ce qu'il ne sait pas ne pourra pas le blesser.

Je ricane face à ce trait de naïveté. Foster est au courant de tout. Il est roi en son royaume. Alors s'il est cocu, je ne donne pas cher de la réputation de ma copine.

J'ai envie de vomir à cause de son absence de morale.

Je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui spécifier que c'est un comportement déplorable, mais elle me coupe dans mon élan.

— De toute façon, je n'irai pas à l'université...

— Quoi ? Pourquoi ? l'interrompé-je à mon tour.

Pas que ça me dérange vraiment. C'est ça vie après tout. Elle en fait ce qu'elle veut. Cependant j'aimerais qu'elle m'explique.

Elle détourne son visage pour fixer un point au loin. Je ferme mon livre, puis je presse délicatement son bras pour qu'elle me regarde.

Faith vient d'une famille aisée, pas autant que la mienne ou celle de lui, mais ses parents ont les moyens de lui payer des études supérieures. En plus elle travaille tous les Week end au dîner à deux pas du campus. Donc je voudrais comprendre pourquoi elle est si catégorique.

— Faith ? l'appellé-je doucement voyant qu'elle persiste à fixer l'horizon.

Elle se retourne enfin, mais contrairement à ce que j'ai cru, elle n'a pas une once de tristesse sur son visage. Elle doit percevoir à mon air dubitatif que je ne comprends pas sa réaction, car elle finit par m'expliquer :

— Tu sais Harlow, je ne suis pas comme toi... trouver le grand amour, faire des études pour avoir un métier qui me rapporte du fric, déjeuner le dimanche chez mes vieux, avoir le mari parfait, les gosses de magazines... tout ça je ne le désire pas... moi ce qui m'importe le plus, c'est de me casser le plus vite possible, de chez mes parents, d'être indépendante et de trouver un mec qui m'entretiendra.

Je reste sans voix face à cette belle perspective d'avenir. Mais ce qui me dérange le plus, c'est la manière qu'elle a de mettre des étiquettes sur les personnes qui sont dissemblables d'elle.

— Oh ça va madame la populaire, pas la peine de prendre cet air condescendant avec moi.

— Alors, d'un, je n'ai pas un air condescendant, ni avec toi, ni avec quiconque, si tu étais amie avec moi pour autre chose que ma popularité, et que tu t'intéresses un minimum à ma personne, du t'en serais rendue compte.

J'ai beau apprécier Faith, il y a des fois comme maintenant où elle me gonfle avec ses préjugés. Sous prétexte que mes parents ont de l'argent, que je suis capitaine des Cheerleader et que je souhaite faire des études pour m'assumer financièrement, je suis le cas typique de la fille arriviste et sans scrupules. Sauf qu'elle ne connait pas tout de ma vie, ou plutôt celle de mes parents qui empiète sur la mienne par ricochet. Moi aussi je n'ai qu'un désir, c'est de partir d'ici et de recommencer ailleurs où Foster et Jenkins ne seraient pas les Montaigu et les Capulet des années deux mille.

— Je...

— Et de deux, la coupé-je énervée, c'est de ta vie dont il est question, ça te regarde. Jamais je ne jurerais tes choix parce qu'ils sont différents des miens...contrairement à toi Faith. Et laisse moi rire, tu te contredis toute seule. Car si tu penses être indépendante en étant entretenue... c'est que tu es bien naïve. Et fais moi confiance à ce sujet... car c'est justement le milieu dans lequel j'évolue... tu sais celui qui me rend condescendante. Bref ! Rien n'est jamais gratuit chez les mecs à fric. Au mieux, tu seras un faire-valoir, que ton mec trimballera de soirée en gala, en passant par le country club, avec une date de péremption bien sûr, au pire ses congénères te considèreront comme une pute, qu'ils peuvent acheter afin d'en disposer à leurs guise... et tu resteras la maîtresse, pas celle que l'on épouse, parce que même cette espèce ne se mari qu'avec des filles ayant un minimum de diplômes. Alors un conseil, tu en feras ce que bon te semble, mais prépare des armes avec assez de munitions tu en auras besoin.

Sa mine stupéfaite me donne envie de rire.

Elle pensait quoi ? Qu'avoir un beau visage et un cul baisable suffisent à la rendre bonne à marier à un homme figurant dans le Wall Street journal ?

Sur ces paroles amères, je range mes affaires dans mon sac pour regagner les vestiaires afin de me préparer pour l'entraînement, quand Faith me rattrape par le bras.

— Excuse-moi Harlow. Je ne voulais pas te blesser... mais tout parait tellement facile pour toi...

— Justement, je te le répète Faith, si tu avais cherché à me connaître vraiment, tu aurais appris que non justement... Les apparences sont parfois trompeuses Faith.

Je détache ses doigts de mon bras, descends les marches, en pestant contre la connerie des gens à ne voir que l'extérieur d'une personne, et plus intensément contre ma soi-disant meilleure amie qui est exactement comme la majorité des gens. 

Faith est pourtant celle avec qui je m'entends le mieux, nous avons pas mal de points en commun, si on fait abstraction de son son côté moralisateur qui m'énerve de plus en plus, ou de sa passion maladive pour les sportifs et leurs cartes gold. Je suis toujours en train de ruminer ma dispute avec elle, quand à l'entrée du tunnel qui mène aux vestiaires, Alan, le running back de l'équipe et meilleur pote de Foster m'interpelle depuis le banc de touche.

H ?

Je pivote pour lui faire face. Son sourire est communicatif, je l'imite. Alan est un mec sympa, comme peuvent l'être des garçons de dix-sept ans, populaires, beaux, et doués dans tous leurs domaines. En tout cas, ce sont les rumeurs qui circulent dans notre lycée.

— Qu'est-ce que tu veux Alan ?

— Toi ? fait-il avec un sourire d'ange.

Je souffle d'exaspération et m'apprête à lui tourner le dos.

Qu'est-ce que je disais déjà ? Sympa comme des mecs... quand le ballon lui percute le dos le faisant grimacer. Je relève mon regard pour tomber dans celui de mon ennemi juré. Alan grogne en faisant un doigt d'honneur à son coéquipier sans prendre la peine de se retourner et concentre son attention sur moi.

— Non plus sérieusement Harlow, dit-il en courant en petites foulées pour me rejoindre, je voulais savoir si ce soir tu venais à Centennial Park, pour fêter le début des vacances ?

Centennial Olympic Park, le parc le plus prisé de la ville par les jeunes lycéens ou étudiants. Son accès est interdit la nuit, mais qui s'en soucie ? pas nous en tout cas. La vue y est splendide, on domine toute la ville d'Atlanta, c'est l'endroit idéal pour flirter ou plus si affinité, on peut boire, mettre de la musique, fumer, du légal ou pas, le danger d'être pris par la police pimente l'interdit.

Papa dégainera sa carte Platinum, fera un don pour les enfants orphelins de la police, avec en renfort son armada d'avocats aux honoraires exubérants.

Saleté de gosses de riches... dont je fais partie.

Mes yeux se portent par-dessus son épaule, vers deux orbes grises, qui fusillent son pote. 

Avec un sourire charmeur, je m'approche d'Alan.

— C'est d'accord Al.

— Génial. Je passe te chercher chez toi...

— Pas la peine, je te rejoins directement là bas.

— Bon mec ! s'écrit impatient Isaac, quand tu auras terminé de draguer, tu pourras nous faire honneur de ta présence sur le terrain ? Et puis, ne te fatigues pas Al, Jenkins ne vibre que pour les fils à papa.

— Ça tombe bien j'en suis un mec, répond Alan en me fixant.

C'est à mon tour de fusiller Isaac en levant mon médius bien haut.

Connard

— La jalousie ne te va pas au teint Foster.

Seul un sourire immense me répond.

Alan s'esclaffe en me gratifiant d'un clin d'œil, puis il repart en sens inverse, tout en criant.

— A ce soir H...et pour info, je suis un mec bien.

— Je suis certaine que si je demande à tes conquêtes elles me le confirmeront...

Il part dans un grand éclat de rire. Arrivé à hauteur de son coéquipier, il se saisit du casque qu'il lui tend. De ma place je ne distingue pas ce qu'ils se disent mais Foster junior a l'air en colère et son regard de tueur est dirigé vers moi.

De petits fourmillements naissent dans mon ventre quand nos iris se rencontrent.

Imaginer Isaac jaloux de son running back n'a aucun sens. 

Ce qui est plus probable, c'est qu'il soit énervé parce que son meilleur ami m'a invitée, et qu'il ne veut pas me voir à la fête.

Dommage pour toi Foster, car j'ai bien l'intention de m'y rendre.

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