Prom with Hades

  Harlow

— Chérie, tu es prête ? questionne ma mère sur le seuil de la porte, me sortant de mes pensées.

Je suis dans ma chambre, devant le miroir en pied me regardant sous toutes les coutures dans ma toge, le chapeau dans une main.

— J'arrive.

Aujourd'hui c'est la remise des diplômes de fin d'études. Quatre années à travailler dur pour avoir les meilleurs résultats avec au bout la satisfaction d'intégrer les meilleures Universités. Quatre sur les cinq où j'ai postulé m'ont répondu favorablement, il ne manque que celle située à San Francisco, mais ce n'est pas mon premier choix, alors je ne stresse pas. Quatre années réussies puisque je termine major de ma promo, Je suis fière, mes parents le sont également et ma tante Isobel a même réservé un salle dans un palace pour la soirée qui va suivre.

— Tu es magnifique Harlow, spécifie-t-elle en lissant des plis imaginaires dans mon dos.

— Merci maman.

Nos regards se croisent par l'intermédiaire de la glace. Le sien est rempli de contentement, j'accomplis ce qu'elle n'a jamais pu faire, puisqu'elle était enceinte de moi à la fin du lycée, et qu'ensuite Kim Foster s'est assurée que mon père et sa femme quittent la ville. Et quand ils sont revenus habiter ici, elle n'a pas eu besoin de reprendre ses études car mon père avait récupéré l'entreprise familiale et assuré leur train de vie.

— Allez viens, avant que ton père ne décide de monter te chercher... Il tourne tellement en rond dans le salon, qu'à force, j'ai peur qu'il fasse des tranchées dans le parquet.

Je souris. Elle aussi, sauf que le sien n'atteint pas ses yeux. Je me retourne, pour l'observer plus attentivement.

Ma mère triture son collier en perles, arrange une mèche de cheveux qui s'est échappée de mon chignon. Autrement dit, elle est nerveuse.

— Tout va bien avec papa ?

Depuis quelque temps, les disputes entre eux sont incessantes. Pour des broutilles, mais le plus souvent ça commence quand Amanda lui reproche ses absences trop fréquentes, avec des sous entendus d'infidélité à peine voilés, et mon paternel, lui rétorquant que pour maintenir notre niveau de vie, il n'a pas le choix, occultant systématiquement les insinuations de sa femme sur de possibles incartades hors mariage.

— Tu sais ma chérie, commence-t-elle en s'approchant de la fenêtre, son regard perdu vers la maison d'en face.

Pas besoin de me pencher pour savoir ce qu'elle fixe.

— Cela fait de nombreuses années que nous sommes ensemble, reprend-elle. La vie n'est pas un long fleuve tranquille Harlow.

Surtout quand on se nomme Jenkins, ai-je envie de répondre.

Discrètement, elle essuie une larme sous ses yeux, par respect pour elle, je détourne les miens. Amanda Jenkins n'est pas quelqu'un de faible, alors la voir extérioriser sa tristesse en ma présence me fait dire que le mal est plus important que ce qu'elle vient de me laisser entendre.

— Mais ne t'inquiète pas Harlow. Aujourd'hui c'est ta journée. Alors profites-en pour t'amuser et ne pense à rien d'autre. D'accord ?

Elle serre les poings en regardant une dernière fois la villa de Foster avant de se retourner, elle conclut sa tirade d'un sourire triste.

— C'est d'accord maman.

— Par contre Harlow, son ton tranchant m'interpelle, me faisant relever la tête alors que je glisse mon paquet de cigarette dans la pochette, mauvaise habitude que j'ai prise, mais qui atténue ma nervosité. Je t'interdis toujours de fréquenter Isaac Foster... il ne peut rien t'apporter de bon... tu en as eu la preuve l'année dernière...

Je m'apprête à lui répondre que c'est faux, car c'est lui justement qui a tout endossé, m'évitant des ennuis, mais elle ne m'en donne pas le temps.

— Et je ne veux pas que le passé se répète.

Elle me jette un dernier regard, pour s'assurer que j'ai bien compris son ordre.

— Maintenant dépêche- toi, sinon nous allons vraiment être en retard.

Puis elle a quitté ma chambre comme elle y est rentrée.

Toutes les questions qui se bousculent dans mon crâne devront attendre.

Je m'empare de mes affaires, et je sors de ma chambre afin de rejoindre mes parents et ma tante qui m'attendent en bas.

Je ne veux pas que le passé se répète.

Cette phrase tourne encore en boucle alors que je suis assise au milieu des autres étudiants attendant que mon nom soit appelé pour aller récupérer mon diplôme.

Qu'est-ce qu'elle a voulu dire ? Je ne suis pas amoureuse d'Isaac, la petite voix dans ma tête s'esclaffe, mais je la fais taire d'un pichenette. Kendra ne s'intéresse pas à Isaac. La seule qui pourrait éventuellement l'être c'est Faith, mais elle est moi ne sommes plus amies depuis des années...

Alors qu'est-ce qui lui a fait penser que leur histoire pourrait se decalquer sur la notre ?

Un coup de coude me sort de mes réflexions.

— Le doyen vient de t'appeler, m'informe mon voisin de gauche.

Je le remercie, et à la manière d'un robot, je me lève sous les applaudissements, et marche jusqu'à la scène, l'esprit embrumé et les nerfs à vif. Je repère mes parents et ma tante Isobel assis au fond qui applaudissent à s'en abimer les mains, et ma meilleure amie Kendra à quelques rangées plus loin à qui je fais un clin d'oeil qu'elle me rend.

Mon diplôme en main, je remercie le doyen lui serre la main, quand me sentant observée, je balaie l'assemblée du regard pour tomber dans celui gris orage d'un Isaac impassible, me scrutant sans une once de pudeur. Sa prestance, l'assurance qu'il dégage dans son costume noir, sous sa toge ouverte, evidement Isaac Foster se fou des conventions, le rend presque inaccéssible pour nous simples mortels. Il n'a jamais aussi bien porté le surnom d'Hadès. Je serre mon diplôme contre ma poitrine, geste qui ne lui échappe pas car un sourire railleur étire ses lèvres.

Toi et moi Harlow, ça arrivera...

Pourquoi je pense à ça maintenant ?

Peut-être que la détermination qui s'impose dans ses yeux est la même que quand il m'a plaquée contre le mur des vestiaires des mois plus tôt ?

Je descends de la scène me concentrant sur mes pas, mes jambes légèrement flageolantes, rompant notre contact.

La suite se passe comme sur un nuage. Les félicitations, les photos, les sourires, les rires, remercier, faire semblant de ne pas chercher des yeux un Isaac ténébreux, cacher ma déception quand je ne le vois plus.

Le jeu du chat et de la souris.

Quelques heures plus tard, Kendra et moi sommes dans la suite que ma tante Isobel a reservée pour nous deux. Des fringues échouées sur le lit king size, et par terre, les trousses à maquillage ouvertes, la musique à fond qui sort des enceintes, on se déhanche dans le salon en sous -vêtements et brosses à cheveux en guise de micro. Les mignonnettes d'alcool n'ont pas résisté à notre volonté de prendre de l'avance sur notre soirée.

— Tu penses baiser ce soir H ?

Je m'étouffe avec ma salive et trébuche alors que je suis pieds nus.

D'où ça sort ça ?

— Quoi ? Pourquoi ?

— Parce qu'un certain Foster n'attend que ça...

— Heu, tu étais là ces derniers mois non ?

— A part les jours où j'avais plus intéressant à faire... fait-elle en soulevant ses sourcils de manières suggestive, oui.

— Donc, je ne t'apprends rien en te disant qu'il m'a ignorée ? Et puis...

— Et puis, rien du tout. Il était là aujourd'hui, non ?

— Je te rappelle qu'il a obtenu lui aussi son diplôme.

Mon amie lève les yeux au plafond en s'enfilant un échantillon de vodka.

— Arrête de te bloquer à cause du passé de tes parents, c'est leur problème, pas le tien.

Pas sûr que mes parents soient du même avis.

— Si bébé Foster te plaît, et je ne doute pas que ce soit le cas. Profite de la fête et de l'alcool.

Tu auras une excuse demain si jamais tu regrettes ton acte.

Je me demande des fois où Kendra va chercher tout ça.

Est-ce que je trouve Isaac beau ? Bien sûr comme la majorité des filles de cette ville.

Est-ce que le fait qu'il t'ait dédaignée pendant tout ce temps a attisé mon désir pour lui ? J'ai envie de dire oui.

Ce mec m'intrigue à souffler le chaud et le froid.

Un coup il me sauve.

Un coup il me snobe.

Un coup il me chauffe.

Un coup il m'ignore.

J'ai la tête qui tourne à force d'essayer de le comprendre.

— Alors, j'ai raison ou j'ai raison ?

Kendra me donne un coup de fesse.

— Si on se préparait avant de terminer, bourrées dans une suite... seules...à ressasser notre vie ratée...

Elle n'est pas dupe de mon esquive pas fine du tout.

Juchée sur mes talons, la robe encore intacte de tout liquide aux couleurs acidulées, je me dirige en direction des sanitaires pour me rafraîchir, quand une silhouette se matérialise en face de moi me faisant sursauter et pousser un cri ridicule.

— Isaac ! m'esclamé-je une main en appui sur ma poitrine.

— En chair et en os, princesse.

Je ne l'ai pas aperçu de toute la soirée, et là, comme par magie, il apparaît tel un stripteaser sortant d'un gâteau.

Enlève de suite cette image de ton cerveau Harlow.

Je souffle pour balayer une mèche collée à mes lèvres, geste que suit Isaac en se mordant sa lèvre inférieure.

So sexy.

— Qu'est-ce que tu veux Isaac ?

— Une danse.

Je plante mes poings sur mes hanches, en ricanant.

— Une danse, répète-je pour moi-même.

Il fait oui de la tête.

— Arrête moi si je me trompe ok. Alors ça fait quoi ? je fais mine de réfléchir, trois mois que tu ne m'as pas adressé la parole...

— Tu as compté chérie.

Je fais abstraction de sa remarque et poursuit :

— Ou même calculé d'ailleurs, que tu as fait comme si je n'existais pas, après ton petit jeu des promesses... et là, tu débarques dans ton costard sur mesure, avec ta gueule de mec sûr de lui, mon ton monte, mais vu les décibels de la musique, on ne risque pas de m'entendre, pour m'inviter à danser ? Comme si c'était la chose la plus naturelle qui soit. Mais tu te prends pour qui ? terminé-je en le bousculant pour passer. Va te faire foutre toi et ta danse.

Isaac rit

Ce connard est mort de rire. Et moi je suis de plus en plus énervée.

— Si c'est un putain de pari avec un de tes débiles de coéquipiers, vous pouvez aussi aller vous...

La fin de ma phrase est étouffée, car Isaac me plaque contre le mur en posant une main contre ma bouche.

— Tu sais que tu es bandante quand tu t'énerves princesse... encore plus que d'habitude je veux dire... mais tu me donnes un putain de mal au crâne.

Je râle sous ses doigts, prête à le mordre, mes iris le fusillent. Isaac le devine mais ne retire pas pour autant sa main.

— Essaye de voir au-delà des apparences, princesse.

La même phrase qu'il m'avait sortie quand nous étions dans le commissariat.

— Je répondrai à toutes les questions que tu voudras... mais là, je te demande simplement de danser avec moi, comme tu le ferais avec n'importe quel mec...

Le voilà le souci. Isaac n'est pas n'importe quel mec.

Il est celui qui m'a évitée les emmerdes en s'accusant tout en sachant qu'il n'échapperait pas à la prison.

Il est celui à qui j'ai écrit des lettres pour m'excuser.

Que t'a jamais envoyées.

Il est celui qui m'a fait une promesse et que j'ai eu envie d'accepter... sur le champ.

Et surtout il est celui que je dois absolument pas fréquenter... et là mon côté fille pas sage se frotte les mains.

Alors non Isaac Foster n'est pas un simple mec pour moi.

— Et puis tu me dois bien ça non ? une danse contre neuf mois de taule, c'est pas cher payé !

Il enlève sa main, pour la placer à côté de ma tête.

— Je me suis excusée Isaac et puis c'est toi qui a tenu à tout endosser, moi j'étais ...

Morte de trouille oui.

— Peu importe me coupe-t-il, c'est du passé. Alors cette danse mademoiselle Jenkins, dit-il en se reculant pour me tendre une main.

Je le fixe en réfléchissant. Après tout, qu'est-ce que je risque, à part, des regards de tueuses, une culottes a essorer et l'envie de lui sauter dessus ? Rien, nada.

Il devine qu'il a gagné à l'instant où j'accepte sa main tendue. Isaac entrelace nos doigts et nous dirige vers le centre de la piste.

— Une seule Hades.

— Compris Persephone, me répond-il en me ramenant contre lui.

Mes mains se posent sur ses épaules, les siennes s'arriment à ma taille, je regarde partout sauf vers lui. Regards de tueuses. Check.

— Tu ne veux pas t'éloigner un peu plus ! plaisante-t-il en souriant.

— Si tu veux, j'approuve en reculant.

— Arrête tes conneries Harlow, on est plus au collège, je vais pas être gêné que tu sentes mon érection, comme j'apprécie de deviner ta poitrine ferme contre mon torse.

Je le fixe en retour, la bouche ouverte.

— Et ferme moi cette bouche si tu ne ...

Je plaque ma main pour qu'il ne termine pas sa phrase.

Puis je décide de passer mes bras autour de son cou, les siens se resserrent en signe d'approbation autour de ma taille. Nos yeux se heurtent quand je relève mon visage, quelque chose d'indéfinissable passe entre nous. Nos corps se rapprochent. Nous ne parlons pas.

Je l'entends inspirer quand ma joue repose contre sa clavicule mon nez inspirant son parfum dans son cou. Identique à celui d'il y a des années.

Je m'entends souffler quand ses doigts tracent des cercles sur la partie laissée nue de mes reins.

Culotte mouillée. Check.

— Isobel...

Je me redis à l'entente du prenom de ma tante. Je sais que mes parents sont partis plus tôt. Donc pas de risque d'être surprise en pleine trahison.

— No stress princesse... elle lève un pouce en l'air en souriant.

J'abandonne, à regret, la clavicule d'Isaac pour vérifier par-dessus mon épaule s' il dit vrai. Et effectivement Isobel nous jette des coups d'œil tout en discutant, sans se départir de son sourire ultrabright.

— C'est la seule qui n'en veuille pas à ma mère... ni à toi... d'ailleurs.

— C'est la plus intelligente, fait-il énigmatique.

Je ne relève pas. Son égo est déjà bien au-dessus de la moyenne.

— Isobel a compris que nos parents sont dans le faux et l'excès. Leur histoire ne nous regarde pas... elle ne devrait pas influencer la nôtre.

— Quoi ?

La musique change, Isaac me relâche un sourire mystérieux aux lèvres. Il caresse ma joue, attrape mon menton entre son index et son pouce, je crois qu'il va m'embrasser, j'aimerais qu'il le fasse, mais alors que nos lèvres ne sont qu'à un souffle, il les détourne pour frôler ma pommette et murmurer dans mon oreille :

— Rendez-vous demain sur le parking du lycée à onze heures Perséphone... et ne soit pas en retard... j'ai horreur d'attendre.

J'ai envie de lui rétorquer que j'attends un signe de sa part depuis pas mal de temps, mais il ne m'en laisse pas le temps. Immobile au milieu des autres danseurs, quand je me décide à bouger, je le vois passer les doubles portes pour rejoindre le hall de l'hôtel.

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