Kim Foster
Isaac
Le trajet ne me prend que quelques minutes pour arriver chez moi.
Et honnêtement j'aurais préféré, quand j'aperçois qui m'attend sur le perron de mon immeuble. La silhouette de ma mère, impeccable dans son tailleur de créateur, pourrait faire illusion sur sa façon de se maîtriser, si elle ne tapait pas du pied en signe d'impatience.
— Ah quand même ! se permet-elle, dès que j'ai posé un pied dehors.
Ça commence fort.
Je verrouille ma caisse et je la rejoins d'un pas nonchalant, après tout, j'ai des heures de sommeil en moins... merci princesse qui ne tient pas l'alcool, en prenant tout mon temps pour l'observer.
Ma mère est issue d'une famille de notables d'Atlanta et tout le bordel qui va avec. Et l'union, forcée, avec la famille d'Henry Foster n'a fait qu'accroître son patrimoine... et son ventre.
Kim Foster fait partie de ces femmes richissimes dont la beauté ne s'altère pas avec l'âge. Les séances quotidiennes de sport, les injections de botox, la chirurgie esthétique et une alimentation saine sont les combinaisons gagnantes pour une éternelle jeunesse. Ma mère est une belle femme de quarante ans passé, sans charme, mais avec de la classe, sans âme, mais avec un esprit vif, sans aucun amour maternel, mais avec un amour demesuré pour toutes les choses matérielles.
— Bonjour Kim, comment vas-tu ? Tu es radieuse. Ton chirurgien a bien bossé.
Mon ton sardonique ne lui échappe pas. Elle lève les yeux au ciel comme réponse. Signe que je l'agace déjà.
Rassure toi maman, c'est réciproque.
Je sors les clés de ma veste en cuir en passant devant elle, lui tient la porte une fois qu'elle est ouverte, et toujours sans un bonjour, ni un merci. Ma mère pénètre dans mon appartement comme une reine en son royaume. Le bruit de ses talons qui claquent contre le carrelage me donne des envies matricides et mal à la tête.
— Que me vaut ta visite si matinale, et ici en plus ? Me contenté-je de demander.
Je n'insiste pas sur le manque de politesse. Inutile avec une femme comme elle.
Kim me regarde comme si elle cherchait à lire en moi une vérité qu'elle seule connaît, en triturant son collier de perles grises de Tahiti. Cadeau de son dernier voyage offert par mon père.
La paix a un prix finalement.
— Un problème ? Demandé-je, plus par intérêt que par compassion, en déposant mon trousseau de clé sur le passe plat.
— A toi de me le dire Isaac.
Ma mère me fixe toujours de son regard bleu glacier en suivant mes mouvements.
— Écoute... Kim, si l'on pouvait remettre cette future conversation à base de devinettes plus tard, ça m'arrangerait. Je suis...
— ... Fatigué. Oui, aucun doute au vu de tes cernes. Ta nuit dans les draps de l'une de tes...
— C'est bon maintenant, m'énervé-je. Où je passe mes nuits ,et avec qui, ne te regarde pas. Tu ne t'en es jamais préoccupée... alors, soit tu me dis ce qu'il y a de si urgent, et qui ne pouvait pas attendre que j'arrive au travail, soit tu t'en vas et...
— Tu savais que Harlow Jenkins était de retour ? crache-t-elle en me coupant la parole, comme si prononcer son prénom lui brûlait la langue ou la dégoutait.
Voilà ce qui l'a fait courir jusque dans mon quartier de bobos.
J'aurais dû m'en douter. Ma mère ne vient chez moi que si elle y est vraiment obligée. Elle n'est pas fan de mon environnement.
Mon silence est éloquent. Je suis persuadé qu'elle connaissait la réponse avant de me poser la question. Je patiente en attendant la suite.
— Comment ton père et toi, avez-pu, ne serait-ce qu'avoir pensé à faire appel à Isobel et à sa nièce pour les rénovations ?
Bingo.
Elle fait les cent pas, accentuant mon mal de crâne. Je vais lui faire manger ses putain de talons. Je me frotte les yeux pour la seconde fois en peu de temps. Je saisis mon paquet de blonde sous le regard désapprobateur de ma mère. Notez que je m'en tape. Et allume ma cigarette en prenant soin de rejeter la fumée dans sa direction.
Un fort amour maternel nous lie.
Sarcasme, sarcasme.
Kim se téléporte, ou c'est tout comme, tellement elle est rapide pour mon cerveau endormi, devant la baie vitrée pour l'ouvrir et prendre une grande goulée d'air frais.
— Pourquoi tu ne demandes pas directement à papa ? Questionné-je, en la rejoignant sur la terrasse.
Je m'adosse à la rambarde pour lui faire face.
Elle grimace.
Je souris.
— Ah oui, c'est vrai... Pour ça il faudrait que vous vous croisiez ailleurs que chez le psy.
Mes parents ont entamé une thérapie il y de ça des années.
Soit le mec est un sacré charlatan, car depuis tout ce temps, les séances n'ont rien donné. Soit, mon paternel le paye exprès pour avoir la paix avec ma mère.
Encore une fois, la paix a un prix.
Scénario plus probable de sa part.
Ma mère est toujours en boucle sur les Jenkins, et mon père sans tape toujours autant... de la famille Jenkins, et des nanas dans le dos de ma mère.
Elle arme son bras pour me gifler, mais sur le coup, je suis plus rapide qu'elle, et lui bloque son bras de ma main libre en lui saisissant le poignet.
Un mauvais rictus naît sur mon visage.
— Un conseil maman, j'insiste sur l'appellation car elle déteste que je la nomme ainsi. Ne t'avise plus jamais à vouloir faire ce genre de geste sur moi... je n'ai plus quatre ans.
C'est la seule et unique fois où elle m'a giflé, quand elle a appris que j'avais passé l'après-midi à jouer avec Harlow au parc, pendant que nos nounous discutaient entre elles. A l'époque, je n'avais pas compris pourquoi elle avait réagi si violemment. J'ai tout raconté à mon père le soir dès qu'il est rentré du travail. A la fin de mon récit, il est allé trouver sa femme pour l'engueuler. C'est un enfoiré de première dans pas mal de domaine, mais il n'a jamais levé la main sur moi. Et depuis ce jour-là, Kim m'en veut d'avoir soit disant monté son mari contre elle. Tu parles ! Je n'étais peut-être qu'un gamin de maternelle, mais je n'étais pas aveugle, et encore moins sourd. Les disputes étaient plus courantes que nos repas pris en famille. J'ai eu l'explication bien plus tard de pourquoi cette haine envers les Jenkins. Et depuis cette époque, ma mère m'a prodigué sa doctrine anti Amanda et John et par ricochet à leur fille.
— Et pour le reste, je vais être clair. Si ton mari a fait appel à l'agence d'Isobel, c'est d'une, parce qu'elle est la meilleure du pays dans son domaine, et de deux... c'est... tu t'en doutes non ?
Mon ton est dur malgré le vacillement que je peux lire dans son regard, mais Kim se reprend très vite. Ne jamais rien montrer. Ne jamais rien expliquer non plus. Juste imposer. C'est son mantra.
— Et je suppose que si Isobel a confié le chantier à Harlow c'est qu'elle estime qu'elle en est capable... et moi aussi après avoir étudié son projet.
Si Kim avait des revolvers à la place des yeux, je serais étendu au sol dans une marre de sang. Fils ou pas. On ne défie pas la grande Kim Foster.
— Très bien. Je te laisse te reposer. Mais cette conversation est loin d'être terminée Isaac.
Pas du tout habitué à ce qu'elle capitule si vite, je tente de lire en elle, mais c'est peine perdu. Son masque est de retour. Les injections de botox n'ont pas tout figé cependant. Ses lèvres s'étirent dans un rictus mauvais.
— N'oublie pas une chose mon fils... à son tour d'insister sur mon dénominatif.
Elle se rapproche en enfilant son manteau.
— Mes menaces sont toujours d'actualité Isaac, ne l'oublie pas.
Sur ses paroles sibyllines et sans que je n'ai eu le temps de réagir, Kim quitte mon penthouse comme elle est venue. Sans un au revoir, mais avec la prestance d'une reine sadique qui sait qu'elle a gagné.
Après le départ de ma mère, il m'a été impossible de fermer l'œil. Trop de tensions. Je n'ai pas arrêté de repenser à sa dernière phrase. Serait-elle capable après toutes ces années de mettre à exécution son plan ?
Bien sûr que oui. Ta mère est folle. La jalousie la rend irrationnelle.
Du coup, je suis allé courir, pour me vider l'esprit, et faire partir cette fatigue, que je traîne depuis qu'une certaine princesse m'a réveillé en sursaut.
Je suis rentré de mon footing, les pensées moins moroses et les muscles plus endoloris. J'ai filé sous une bonne douche chaude salvatrice, et jouissive, cette tension là aussi était à évacuer, puis je me suis préparé pour ma journée de travail.
Quand j'arrive chez Foster Financial quelques heures plus tard, mon père m'attend dans mon bureau en compagnie de Barbie Jenny.
— Dans la famille dysfonctionnelle, après la mère, je demande le père, je m'exclame en pénétrant dans mon antre.
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