Intruder
Harlow
Allongée sur le ventre, les mains calées sous l'oreiller, je somnole depuis que mon réveil a sonné. Je prends le temps de m'étirer en me retournant quand ma seconde sonnerie se fait entendre. J'attrape la petite bouteille d'eau posée sur ma table de nuit. Besoin de m'hydrater. J'ai un moment de flottement quant au jour que nous sommes... vendredi... et je réalise que je vais me faire tuer et enterrer par ma tante dans un lieu où personne ne retrouvera mon corps.
J'ai rendez-vous dans exactement deux heures avec elle et les artisans sélectionnés pour réaliser le chantier chez Foster Financial.
— Bon Harlow va falloir bouger. Tu n'as pas pour ambition de mourir si jeune.
Je procède par étapes.
Ma tête me faisant souffrir comme jamais. Ca m'apprendra à boire autant la veille d'une réunion importante. Je commence par m'asseoir au bord du lit avant de me mettre debout. Le sol ne tangue pas trop, et mon estomac a décidé de rester tranquille. C'est une bonne chose. Je passe par là case salle de bain, pour un minimum de toilette, quand je m'aperçois que je ne porte que mes sous-vêtements de la veille. Étrange. Je ne me souviens pas m'être déshabillée.
En même temps, tu te souviens de comment tu es rentrée ?
C'est une vraie question ?
Je dors toujours en nuisette ou avec un t-shirt, éventuellement nue, si je ne suis pas seule.
Une sensation bizarre me fait tourner la tête vers l'escalier, comme si un fil invisible m'attirait dans cette direction. Je jette un œil par-dessus la rambarde mais tout est trop sombre.
Je passe un pull en cachemire qui traîne sur l'accoudoir du fauteuil, puis je me dirige vers le palier afin de rejoindre la pièce principale. En descendant les marches, des bribes de ma soirée d'hier refont surface. C'est pas glorieux.
Kendra et Isaac, très, trop, proches à mon arrivée. Elle et moi enchaînons les verres. Tyler et James qui nous rejoignent. Kendra qui se tire avec Tyler. James qui me propose d'aller danser... ma danse lascive sous le regard furieux d'Isaac, puis le baiser de James... et enfin retour à notre table où les shot défilent comme autant de mannequins sur un catwalk.
Et puis... plus rien... black-out.
Il me manque une sacrée partie de l'histoire. Toute la fin en fait.
Comment ai-je réussi à retrouver ma maison ?
Est-ce que quelqu'un m'a ramenée?
Je m'assois sur une marche pour allumer mon téléphone. Dès qu'il est opérationnel, il vibre pour annoncer l'arrivée de messages. J'ai plusieurs appels en absence, de Kendra et un sms. Je vais peut-être avoir les réponses à mes questions.
K:
Tout va bien Harlow ? Je te jure que je vais lui faire bouffer ses couilles à ce connard. Appelle moi dès que tu peux.
Je te kiffe.
J'ai raté un épisode ou quoi ? Pas qu'un à mon avis.
Qu'a fait le surfeur de San Diego pour avoir énervé ma meilleure amie au point de risquer de perdre ses attributs ?
Je préfère la rassurer, nous parlerons de ce qui c'est passé cette nuit quand j'irai la voir à sa boutique tout à l'heure pour le déjeuner.
Moi :
Tout va bien ne t'inquiète pas... à part une gueule de bois phénoménale.
Je passe te voir à ma pause déjeuner et je passe chez l'italien avant de venir.
Je te kiffe aussi.
Je fais défiler les suivants.
Numéro Inconnu :
J'espère que ton frère n'a pas été trop dur... réponds moi s'plait.
James.
Mon frère ? C'est quoi cette histoire. Il est toujours bourré ? Ou alors, il s'est planté de destinataire ! Bon apparemment c'est pas James qui a déconné. Une énigme résolue.
Numéro Inconnu :
Kendra et moi n'avons rien pu faire.
Okkkkkkk.
Je me lève quand un troisième sms arrive dans la foulée.
Numéro Inconnu :
Comme tu le sais, je suis en vacances encore quelques jours... et j'aimerais beaucoup te revoir Harlow.
Je prends le temps de relire le message tout en réfléchissant à une réponse. Sauf que dans mon état actuel il est préférable que j'attende. Je décide que je le ferai plus tard. Je change quand même inconnu par James.
Arrivée à l'entrée du salon, je fais un bon de trois mètres en poussant un cri aigu, qui me vrille les tympans et accentue la fanfare qui s'éclate dans ma tête. J'aperçois une silhouette qui dort profondément sur mon canapé, un plaid remonté jusqu'au cou. Je cherche dans ma mémoire si j'ai ramené un mec ici, mais si c'était le cas, je doute que James ait demandé de mes nouvelles ce matin, et surtout ait émis le souhait de me revoir dans un futur proche. Je ne suis pas le genre de fille à courir deux lièvres à la fois.
Et puis quand un homme me suit chez moi, ce n'est pas pour dormir sur le canapé... ou alors ensemble collé serré. Bref ça ne m'éclaire pas sur le squatteur de sofa. Mes yeux suivent la trajectoire d'un bras qui dépasse pour terminer sur un poignet et j'ai comme une impression de déjà vu. La phrase tatouée à l'intérieur de celui-ci m'intrigue depuis que j'ai posé mes yeux dessus hier soir pendant que Isaac séduisait Kendra. Il ne l'avait pas quand j'ai quitté Atlanta. Je connais celle qu'il a sur l'autre. Instinctivement je passe mes doigts sur le mien qui encre ma hanche. Je me suis faite tatouée dès que je suis arrivée à Frisco. C'est une phrase qui a pour but de me rappeler qui je suis. Les roses poussent parmi les épines.
Une chose après l'autre. Pour le moment, le plus important est de savoir ce que Isaac fait sur mon canapé.
Je pense que je ne vais pas tarder à le savoir.
— T'es malade de crier comme ça !
J'étais tellement concentrée pour essayer de lire, que je n'ai pas vu qu'Isaac était réveillé... et de mauvaise humeur apparemment.
— Je crie si je veux. Je suis chez moi.
Isaac se frotte le visage. Marmonne pour lui même, des mots incompréhensibles pour mes oreilles. Il se redresse en virant le plaid puis s'assoit au bord du canapé en passant une main dans ses cheveux. Mon regard suit ses mouvements comme hypnotisé.
— Je n'ai rien contre quand une fille crie... mais en général, c'est parce que je m'occupe d'elle ...
Son timbre, rauque, profond... sexy.
Quoi ?
Je sors de ma contemplation pour lui balancer dans sa belle gueule le premier truc qui me vient. Un escarpin. Ça fera l'affaire.
— Non mais ça va pas putain, hurle-t-il en le rattrapant de justesse.
Les mains sur les hanches, je me rapproche pendant que Isaac se met debout. Nous ne sommes plus qu'à un mètre l'un de l'autre. Je lève le menton par fierté, mais surtout parce qu'il me dépasse d'une bonne tête, et braque mes yeux dans les siens. Gris contre vert. Je pose mon index sur son torse... ferme, prête à lui faire remarquer que c'est lui qui hausse la voix, quand son sourire, le prétentieux, apparaît.
— Tu voulais dire quelque chose, princesse ?
J'allais commencer. Je vous jure.
Mais ses iris couleur orage qui alternent entre les miens et mes lèvres, puis descendent sur mon corps me déstabilisent. Mon ventre se contracte, je serre les cuisses, ce qui n'échappe pas à mon squatteur de canapé, pull trop court égal jambes nues, heureusement que j'ai gardé ma culotte, et je laisse tomber mes bras le long de mon corps.
Et puis je me souviens que je dois lui demander ce qu'il fait dans mon appartement.
— Qu'est-ce que tu fais chez-moi Isaac ? m'informé-je en reculant d'un pas.
— D'après toi Harlow ?
— Ben si je te pose la question c'est que j'attends une réponse... et honnêtement je n'ai pas le temps de jouer aux devinettes... ni l'envie d'ailleurs.
Il secoue la tête se retenant de rire.
Mon état n'est pas flambard mais de là se fendre la poire. j'aimerais l'y voir lui, tiens.
— Je t'ai ramenée.
— Hein ?
— Je t'ai ramené, répète-t-il.
— Ca j'ai compris. Mais pourquoi ?
— Comment ça pourquoi ?
— Ben j'étais pas seule hier soir, et ...
— Non ça c'est sûr, me coupe Isaac. Tu aurais préféré que ce soit ton Ken surfeur aussi bourré que toi ? Et tu penses qu'il t'aurait déposée avec sa planche de surf ?
Je glousse. Oui, oui je glousse.
— Il y avait Kendra aussi.
Aussi saoule que moi. Mauvaise foi quand tu nous tiens.
— Et elle l'aurait fait, avant ou après s'être envoyée en l'air avec Ken numéro deux ?
Serait-ce de la jalousie que je perçois Foster ?
Je ne me suis pas rendu compte qu'Isaac s'était approché me faisant reculer jusqu'au plan de travail. Je suis bloquée entre le meuble et lui. Ses mains sont posées à plat de part et d'autre de mon corps, frôlant mes cuisses nues à leur passage, ce qui n'arrange en rien la fébrilité que j'éprouve à sa proximité. Puis il lève un bras, mes yeux comme hypnotisés par ses gestes suivent leur parcours, et ses doigts se saisissent d'une mèche rebelle qu'il remet derrière mon oreille. Ce geste trop intime me perturbe plus qu'il ne le devrait.
Je retrouve un semblant d'assurance.
— Maintenant que tu as éclairé ma lanterne, je ne te retiens pas.
Isaac éclate de rire.
Encore.
— C'est comme ça que tu vires les mecs après une nuit passée avec toi ?
— On n'a pas passé la nuit ensemble Isaac.
— Est-ce de la déception que je sens poindre, princesse... Parce que ça peut encore s'arranger... le jour n'est pas encore levé. Et crois moi j'aurais préféré ton lit à ton canapé ...
— Personne ne t'a obligé à rester.
Sa mâchoire se crispe et je devine que je l'ai vexé. Mais c'est vrai quoi ! Vu l'état dans lequel j'étais je n'ai pas dû insister pour qu'il joue au garde de fille bourrée.
— Et quoi ? j'allais t'abandonner dans l'état minable dans lequel tu étais ?
Je baisse les yeux en le repoussant de mes deux mains.
— Bon si tu as terminé, souffle-je, sans répondre à sa question, je te remercie de ton âme charitable, mais maintenant je dois me préparer.
Ce simple mot réveille une lueur étrange dans son regard.
— Pas de soucis... j'ai le dos en compote alors une douche chaude...
J'éclate d'un rire mauvais.
— Même pas en rêve Foster.
— Si tu connaissais la teneur de mes songes Jenkins. Tu partirais en courant.
— Ca je n'en doute pas Foster. Peu recommandables... comme toi.
A peine ma phrase a franchi mes lèvres que je le regrette.
— Excuse-moi Isaac, ce n'est pas...
— T'inquiète princesse, j'en ai vu d'autres.
Son regard dévie vers la porte fenêtre, et je m'en veux d'avoir insinuer que son séjour en prison l'avait rendu mauvais et infréquentable, car ce n'est pas la vérité.
— J'ai rendez-vous avec les artisans que nous avons sélectionné Isobel et moi, pour les rénovations de vos locaux, dis-je en me radoucissant, et je ne suis pas en avance. Alors je ne te raccompagne pas.
Pourquoi je lui donne toutes ces explications, déjà ?
—Tu connais... d'ailleurs comment tu as su où j'habite ? fais-je en pivotant pour le toiser.
— Kendra parle beaucoup quand elle a trop bu, dit-il fièrement.
Note pour moi même lui en toucher deux mots tout à l'heure.
Je le pousse une nouvelle fois, pour pouvoir atteindre la machine à café, mais Isaac me retient par le bras.
— Quoi encore ?
— Un merci ne serait pas trop Harlow... après tout je t'ai évité une chute mortelle de surf.
Son sourire de sale gosse est communicatif. Impossible de rester sérieuse. J'éclate de rire devant l'image qui me vient. Le regard d'Isaac change. On dirait de la tendresse, mais je dois me tromper. Il n'a jamais rien éprouvé de tendre à mon encontre. Pas depuis...
— Je te remercie Isaac d'avoir pris soin de moi.
Mes mots ont largement dépassé ma pensée. Mais c'est trop tard, il les a entendus et assimilés.
— J'ai toujours pris soin de toi Harlow...
IL laisse sa phrase en suspens. Nos yeux ne se lâchent pas. Cherchant sûrement des réponses dans le regard de l'autre. Isaac y met fin le premier en tournant les talons pour rejoindre l'entrée, mais un flash me revient quand je fixe mes pieds.
Je l'interpelle alors qu'il a les doigts autour de la poignée.
— Isaac ?
Il me regarde par-dessus son épaule.
— C'est toi qui m'a déshabillée cette nuit ? je percute l'idiotie de ma question trop tard.
Un sourire éclatant me montrant sa dentition parfaite. Mais il laisse sa bouche fermée. Il s'apprête à ouvrir le battant quand j'insiste.
— Tu pourrais répondre au moins.
— J'en ai pris plein les yeux... et j'adore ta lingerie... et ton tatouage...ça répond à tes interrogations, princesse ?
Et merde !
Je n'ai pas le temps de me saisir d'un objet pour le lui balancer qu'il a déjà refermé derrière lui. Son rire résonne sur le perron puis le bruit de la rue prend le dessus. Je cours jusqu'à la fenêtre pour le voir démarrer sa voiture de sport.
Qu'est-ce qu'il vient de se passer entre Foster et moi ?
Je me dépêche de boire ma boisson chaude, accompagnée d'un comprimé contre le mal de crâne, puis je file me préparer pour la réunion qui m'attend dans une heure. Je prends les devant en informant Isobel que j'aurais un peu de retard, puis je quitte à mon tour ma maison où le parfum d'Isaac flotte encore. Pensez à aérer quand je rentre ce soir. Hors de question que je dorme avec son odeur... je pourrais faire des rêves qui m'emmèneraient vers une destination que je refuse... et pourtant...la phrase énigmatique qu'il a prononcée juste avant de partir j'ai toujours pris soin de toi tourne en boucle dans ma tête. Comme à l'époque, quand il disait vouloir me protéger.
Abandonne ce passé Harlow. Tu es partie des années pour oublier...
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