Harlow
Échec.
Le dîner chez mes parents peut se résumer à ce seul adjectif.
Tout avait pourtant bien commencé. Quand je suis arrivée, ma mère aussi pimpante qu'une fleur de printemps, avec ses cheveux lâchés qui ondulent naturellement, sa robe moulante, et ses escarpins vernis rouge, et aussi sobre qu'un ancien alcoolique dans une réunion des alcooliques anonymes, ce qui est assez rare pour le souligner, m'a accueillie avec un tel enthousiasme que je me suis demandée sur le moment si elle n'avait pas abandonné son habituelle boisson pour des amphétamines. Tout était prêt, la table était dressée dans la salle à manger, avec argenterie et cristal, elle avait cuisiné mes plats préférés, pour un régiment au vue de la quantité, je l'ai aidée à préparer l'apéritif, et elle a tenu à ouvrir une bouteille de champagne.
— Maman ! on a rien à fêter ! m'exclamé-je.
Je la suis jusqu'au salon, un plateau de petits fours dans les mains.
— Pas besoin d'occasion pour s'enivrer de ce bon vin français, m'a-t-elle fait la remarque.
Je n'ai pas relevé. Après tout, si cela lui fait plaisir.
— Papa n'est pas là ?
— Il ne devrait plus tarder, je lui ai envoyé un message plus tôt dans la journée, pour lui rappeler que c'est ce soir tu venais dîner... c'est une bonne occasion pour qu'il termine plus tôt.
Oui, enfin ça fait une semaine qu'ils sont au courant. Alors son excuse est bidon.
— Mais commençons l'apéritif, cela le fera arriver... tu connais son sixième sens.
Pas vraiment non.
Elle me tend une flûte, se saisit de la sienne, puis l'on trinque à une possible arrivée imminente de mon paternel... Ou pas, ai-je envie de rétorquer quand, une heure plus tard, mon père ne nous a toujours pas honorés de sa présence. Ni l'heure suivante. Au bout de trois heures, deux cadavres de bouteille trônent fièrement au milieu des restes de petits fours comme un rappel à la mascarade de ce repas, les plats sont froids, la table ressemble à un banquet de mariage dont les convives auraient foutu le camp dans la précipitation, et ma mère est bonne pour une consultation chez son psy une fois qu'elle aura décuvé.
Et moi ? j'essaye d'avoir désespérément le coupable de ce gâchis au bout du fil, en me demandant qu'est-ce qui a pu détériorer à ce point la vie de couple de mes parents.
A mon départ cinq ans plus tôt, j'avais senti une entaille dans leur relation, Amanda m'avait confié le jour de la remise de mon diplôme de fin d'études que tout n'était pas idyllique, et puis tout paraissait parfait durant leurs visites à San Francisco au cours des années que j'ai passées là-bas, alors j'en ai déduit que la crise de la quarantaine était passée. Mais apparemment pas, elle s'est sacrément aggravée pour que John boude un repas en famille.
— Maman ? l'appellé-je.
— Oui Harlow.
C'est pas fairplay d'essayer de soutirer des informations à quelqu'un qui a bu, mais tous les moyens sont bons.
— Que me cachez-vous, papa et toi, depuis toutes ces années ?
Ma mère relève la tête, incertaine quant à la réaction qu'elle doit avoir.
— Rien, pourquoi une telle question.
L'ivresse chez elle est comme une seconde nature. J'aurais dû m'en douter. L'alcoolisme mondain se travaille.
— Parce que Isaac...
— Qu'est-ce que vient faire ce petit merdeux dans la conversation Harlow ? et où le côtoies- tu ?
Je me cale contre le dossier de la chaise les bras croisés.
— Merdeux ? il y a si longtemps que tu ne l'as pas croisé ? je me moque, et je te signale que Isobel m'a confiée le chantier de chez Foster Financial, tu te souviens ?
— Et alors ? fait-elle en se resservant un verre de vin. Il aurait mieux valu qu'elle le gère elle-même ce foutu contrat... Henry n'en aurait été que plus que satisfait, marmonna-t-elle.
Un flash de ma tante et du père d'Isaac sortant de l'ascenseur me revient en mémoire, mais ce n'est pas le sujet du jour.
— Réponds à ma question maman, insisté-je, en ignorant sciemment sa question et son commentaire.
Je la regarde avaler une longue gorgée de son médicament chimérique, puis quand elle a terminé, de sa voix pâteuse, elle me confirme ;
— Rien qui ne te concerne Harlow.
— Tu mens. Si cela n'avait rien à voir avec moi, Kim ne jouerait pas au maître chanteur, avec l'aide de sa petite protégée depuis tout ce temps...
— Faith !
Surprise qu'elle ait deviné de qui il s'agit sans indice de ma part, ma curiosité est attisée comme un lion par une gazelle.
— Elle même oui. Alors toujours rien à m'avouer ?
— Non. Et dorénavant prévient Foster de se mêler de ses affaires...ça lui évitera des ennuis.
— Le problème maman, commencé-je menaçante en me levant, c'est que tu vois, vos conneries nous éclaboussent depuis des décennies... tu ne veux rien me déclarer, très bien, je trouverais les réponses toute seule.
Elle allait ouvrir la bouche pour m'interrompre, mais je lui ordonne de se taire d'un signe de main.
— Mais ne venez pas vous plaindre des conséquences, toi et papa... je suis la chair de ta chair, donc tu connais mon seuil de tolérance et de rancune. Maintenant tu m'excuses, mais Isaac m'attend chez lui.
Un hoquet de stupeur déforme son visage, ses doigts contre ses lèvres tremblent et son regard fou me confirme que la vérité ne me plaira pas.
Trop tard. Elle a eu sa chance.
Je vide ce qu'il reste de la bouteille dans son verre.
— Bois pour oublier que ton mari ne se donne même plus la peine de faire semblant que sa famille l'intéresse... ça fait une semaine qu'il est au courant que je venais ce soir... c'est moi qui lui ai téléphoné pour le prévenir et choisir la date ensemble, donc tu vois, il le savait déjà quand tu l'as prévenu ce matin. Vous êtes des lâches tous les deux. Bonne fin de soirée maman.
Lasse de tout ce cirque, je quitte le domicile parental plus énervée que quand j'y suis arrivée. Je recule dans l'allée en jetant un œil à la villa d'en face, tout est éteint, puis j'accélère pour me rendre chez Isaac, j'espère qu'il est prêt à encaisser ma colère... à cette pensée tout un tas d'images percent mes rétines, plus agréables les unes que les autres. J'envoie balader la limitation de vitesse et quand j'arrive devant l'immeuble de l'homme qui doit m'attendre, je ne lui ai pas envoyé de message pour le prévenir, je me gare sur la première place que je croise.
— Tu es prêt à encaisser Hades ? questionné-je à peine a-t-il ouvert la porte.
Isaac hausse un sourcil en souriant.
— J'en déduis que ton repas de famille ne s'est pas déroulé comme tu le souhaitais.
Je ricane.
Il se décale afin que je puisse entrer.
— Le repas a été un fiasco... Mon père a brillé par son absence et ma mère a trouvé une meilleure amie dans l'alcool.
Isaac serre la mâchoire en se crispant.
— Je vois.
— Alors ? Je m'impatiente.
Isaac se poste dans mon dos, reste muet, me débarrasse de mon manteau, non sans frôler mes bras au passage, qui évidemment se parent de chair de poule, puis il attrape ma main pour me guider jusqu'à la pièce principale. La télé diffuse en sourdine un match de NHL, l'éclairage est tamisé, les stores sont tirés donnant au salon un côté intimiste.
Je m'apprête à réitérer ma question, mais Isaac ne s'arrête pas et m'emmène directement vers un couloir, nous descendons quelques marches, puis il fait coulisser un battant et je me retrouve face à une salle de sport qui n'a rien à envier à celles professionnelles.
— Tu ne m'avais pas proposé de me servir de ton corps comme punching ball ? j'ai mal compris ?
— Non aucunement princesse, fait-il en se rapprochant, ce qui m'oblige à reculer et pénétrer dans la pièce. Mais avant, on va tester ta résistance à l'effort...
Son timbre de voix charmerait un serpent tellement il est suave.
— En fait, tu comptes m'épuiser avec des machines. Ça en serait vexant si je n'avais pas senti ton érection contre mes fesses.
Je le dévisage sans pudeur.
— Non, nuance, je compte t'épuiser sur les machines.
Ma conscience tire la tronche d'être détournée de son programme initial.
Je respire, mal, mon bas ventre se contracte, mes mains me démangent de saisir Isaac par le col de son t -shirt afin de l'attirer à moi et poser mes lèvres sur les siennes.
Je lance un regard perplexe à certains de ses engins de torture, en me demandant comment il va arriver à une telle prouesse et surtout quels muscles je vais devoir solliciter. Il doit lire dans mes pensées car son petit sourire narquois étire le coin de sa bouche.
— Mais d'abord Harlow, tu vas te changer...
— Comme tu as pu le constater... je n'ai rien apporté, le coupé-je.
Nous sommes face à face, une tension à faire cramer des câbles électriques grésille tout autour de nous.
— Et comme tu vas le découvrir... j'ai anticipé.
Je suis son regard et effectivement, sur un banc sont posés des vêtements de sport.
— Je te préviens Hades, il est hors de question que j'enfile ces trucs qui appartiennent à une de tes pétasses.
Isaac reste imperturbable devant ma pique.
— Je te laisse te préparer, je reviens.
Attends.
Quoi ? tu veux qu'il t'aide à enfiler un micro short et une brassière ?
Pour le temps que je vais les garder...je peux tout aussi bien m'en passer.
Ou pas, se gosse cette saleté de conscience.
— Et je t'ai déjà averti Harlow, que je n'emmène aucune femme chez moi.
— Je me sens privilégiée.
— Tu l'as toujours été H. Maintenant enfile ses putain de fringues.
Mes yeux font des aller-retour entre la tenue de sport et lui alors qu'il se dirige vers une autre porte coulissante.
Je me dépêche de me déshabiller et d'enfiler les deux bouts de tissu. La taille est parfaite, les couleurs, mes préférées.
— Prête ? me surprend Isaac alors que je termine de resserrer ma queue de cheval haute.
Je pivote, nos yeux se percutent, puis les siens naviguent sur mon corps, ses dents mordant sa lèvre inférieure.
— Magnifique.
— Je te crois sur parole Foster... un short riquiqui qui irait à une adolescente et une brassière qui me ferait passer pour une actrice porno dans une salle de sport prête à se faire sauter par tout un tas de musclors dans les douches, ou sur des machines.
Isaac éclate de rire. Je souris car ma mauvaise foi n'est pas crédible.
— Merci quand même Hades.
— De rien, Perséphone. Allez au boulot, tu es aussi tendue que ce micro short.
Je m'esclaffe en lui tapant sur le bras.
Faire une séance de sport en compagnie d'Isaac est comme visiter le musée des sucreries pour un diabétique. Tout fait saliver. Tout donne envie. Son corps luisant de transpiration, aux muscles bandés par l'effort, son t shirt qui remonte laissant entrevoir ses abdominaux, ses bras puissants, qui à ce moment même entourent ma taille, ses cuisses fermes bloquant les miennes... bref, je ne suis qu'une pauvre chose dégoulinante de désir pour celui qui me maintient au sol. Bloquer est le terme exact.
Parce que oui, après un échauffement, du corps et de l'esprit, les deux étant enflammés par ce que je viens de citer ci- dessus, monsieur a décidé que j'étais prête pour un cours de combat rapproché. D'où ma situation actuelle. Prisonnière d'un Foster tout sourire.
— Tu n'essayes pas de dégager Harlow.
— A quoi bon, je suis bien là.
Je m'étire accentuant la cambrure de mes reins.
Isaac secoue la tête, en râlant, se penche vers moi, ses deux mains posées à plat de chaque côté de mon crâne, il me fixe de ce regard brûlant qui me donne envie de lui arracher ses vêtements.
— C'est bien toi qui voulais continuer ce que l'on a commencé dans ton bureau...non ?
Isaac grogne, se collant un plus à moi. Par réflexe, ou provocation, je bouge mon bassin de manière à appuyer sur son érection.
— Tu prends des risques, princesse.
Son souffle chaud s'échoue sur mes lèvres.
— Quoi, le grand et sexy Isaac Foster ne serait qu'une légende ? je le provoque en enroulant mes jambes autour de sa taille.
Mes doigts se perdent dans sa chevelure humide.
— Je ne vais pas te retracer tous mes exploits H... La nuit ne serait pas assez longue.
J'ouvre la bouche prête à le remettre à sa place, mais il ne m'en laisse pas le temps et prend en otage mes lèvres qui n'attendent que ça depuis que je l'ai quitté tout à l'heure.
C'est doux et sauvage à la fois, un mélange détonnant, comme si lui et moi voulions profiter de ce baiser, mais que l'impatience et le désir se livraient bataille.
— Tu es sure de toi ? parce que là, je ne vais pas pouvoir m'arrêter.
Sans un mot, je tire sur son haut, lui faisant comprendre mon intention, Isaac se redresse de manière à pouvoir l'enlever, je suis des yeux ses gestes, quand il se retrouve torse nu, mes doigts parcourent ce torse que j'ai vu tant de fois dénudé après les entraînements mais que je ne n'ai jamais eu l'occasion de toucher vraiment. Je sens sous la pulpes de mes doigts, sa peau se couvrir de frissons, ses muscles se contracter, Isaac inspire, respire fort, les siens se resserrent sur mes hanches, arrivée à la lisière de son short, je tire sur le cordon qui le maintient sans dévier mon regard du sien.
— Tu es consciente qu'après ça, il n'y aura plus de retour en arrière possible, princesse, et ce malgré que rien n'est réglé. Cela fait trop longtemps que j'attends ce moment de te posséder enfin.
— J'ai décidé de ne plus fuir Isaac, tant pis pour les conséquences... je prends le risque.
Isaac ancre ses yeux aux miens et tout un tas d'émotions les traversent.
Intenses.
Douloureuses.
Pourtant quelque chose de nouveau éclaire ses iris couleur orage.
Sans plus attendre, il se relève me tend sa main que j'accepte, nos doigts s'entrelacent et sans prononcer un mot nous remontons jusqu'à atteindre sa chambre. Je n'ai pas le temps de l'inspecter qu'il me pousse vers son lit king size. L'arrière de mes genoux butent contre le matelas. D'une main il me pousse et nous basculons tous les deux. Isaac est sur moi en appui sur ses coudes pour ne pas m'écraser. Ensuite, ce sont des vêtements qui volent, des mots qui sont prononcés au creux de l'oreille, des doigts qui découvrent, des lèvres qui embrassent... un étui argenté que l'on déchire, puis un regard qui cherche et qui trouve toute l'envie, le désir, et l'apaisement d'être là où j'aurais dû être depuis des années.
— Harlow.
Un murmure, presque une supplication quand Isaac est à l'entrée de ma féminité.
Je pousse mon bassin, on souffle de concert quand il me pénètre enfin d'une seule poussée. Nos doigts sont entrelacés au-dessus de ma tête, nos nez se touchent, il amorce un premier va et vient, s'immobilise.
— Je savais que ça allait être le paradis d'être en toi princesse... et l'enfer en même temps.
Je me contente de caresser son visage en commençant par le front, pour lui retirer une mèche qui cache ses iris incandescents, puis ses joues rendues rugueuses par un chaume de barbe, ses lèvres pleines et charnues pour enfin terminer par saisir sa mâchoire et l'attirer à moi. C'est comme une drogue, à l'instant où nous nous sommes embrassés dans son bureau il y a quelques jours, j'ai eu beau verrouiller toutes les portes de mon esprit qui tentaient de me rappeler comme c'était bon, mes synapses les ouvraient.
Mes lèvres capturent les siennes et Isaac en profite pour se mouvoir plus intensément. Une de ses mains englobe un sein pour le cajoler, l'autre se pose sur ma hanche, nos regards ne se lâchent pas, on ne se cache aucune émotion, on les vit ensemble, en symbiose, Isaac et moi nous complétons. L'évidence me frappe. Toutes nos actions ne sont que la continuité de ce qui nous a été enlevé il y a cinq ans.
— Je suis dingue de toi Harlow Jenkins, déclare Isaac, alors que le plaisir enfle dans nos veines.
Emue par sa déclaration, mes bras entourent plus fermement son cou, l'extase nous surprend en même temps, m'envoyant tourbillonner au milieu d'un ciel d'étoiles.
Nous avons besoin de quelques minutes pour reprendre nos esprits et une respiration normale. Isaac est toujours en moi, et sur moi, ses mains dans mes cheveux, sa tête enfouie dans mon cou, nous sommes silencieux, appréciant ce moment de félicité.
Je bouge la première, Isaac se décale sur le côté m'entrainant avec lui. Incapable de détourner les yeux, nous nous dévisageons, un sourire niais aux lèvres. Ses doigts tracent des arabesques dans mon dos, pendant que les miens, dessinent ses abdominaux qu'un artiste Grec n'aurait pas mieux sculptés.
— Pourquoi tu restes muet ? questionné-je, étonnée qu'il ne dise rien.
— Je profite.
— De ?
— Du calme avant la tempête...
Intriguée par ses paroles, je me redresse sur un coude.
— Tu sais Hades on est pas obligé d'attaquer de suite les velléités. J'ai confiance en toi.
Je me mords la lèvre inférieure consciente que les mots sont sortis avant l'approbation de mon cerveau.
— Et je me dégoutte encore plus de le savoir.
— Ecoute Isaac, on est plus à quelques heures près. Je suis venue te rejoindre en toute connaissance de cause d'accord ? Depuis le début, tu cherches à me protéger d'une chose qui ne te concerne pas...
Isaac s'assoit contre le mur en ramenant le drap sur la partie de son corps qui me fait saliver, mais je suppose que c'est mieux pour la discussion qui va suivre. Je me cale contre lui après en avoir fait autant, puis je saisis son menton pour qu'il lise dans mes yeux que je le comprends, et que je ne lui en veux pas.
— Je n'ai pas encore réussi à rassembler toutes les pièces du puzzle. Faith, mes parents, Kim.
Je sens Isaac se crisper à l'évocation des noms prononcés.
— Mais honnêtement à cet instant, je n'ai envie, et besoin que de toi Hades. Ne me donne pas matière à regretter mon choix... une nouvelle fois, murmuré-je pour moi.
Sans que je ne puisse réagir Isaac englobe mon visage des ses mains et sans attendre me donne un baiser qui vaut mille mots.
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