Chapitre 3
2 ans et 9 mois après le jour J
— Giulia, réveille-toi! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Putain ! crie mon meilleur ami à côté de moi.
J'ouvre un peu les yeux mais je suis éblouie. Je n'arrive pas à les garder ouverts. Les rayons du soleil m'en empêchent. Je tâtonne sur mon sac sans arriver à attraper ce que je veux. Je suis allongée, la tête contre Kylian, au sol. Mais que s'est-il passé ? Pourquoi je suis dans cette position ?
Kylian comprend que je cherche mes lunettes de soleil. Il farfouille dans mon sac et les trouve enfin. Il me les tend, et je le remercie d'une voix faible et légère.
— Merci Kylian, Merde, pourquoi .... pourquoi je suis comme ça ?
J'attends sa réponse, sans comprendre ce que je fais là. J'ai les bras engourdis et tout avance au ralenti autour de moi. Mon cœur bat au rythme d'un concert de hard rock. Je déteste me sentir si faible, pourtant c'est ce que je suis, une pauvre petite chose détruite, piétinée, inutile.
— Je ne sais pas, Giu, on était en train de discuter, de fumer et dès que j'ai parlé de Tom, tu t'es évanouie. Je n'ai pas compris non plus. Mais je vois bien que quelque chose ne va pas, me dit-il sérieusement en me regardant dans les yeux.
Sans répondre, j'essaye de me relever et Kylian m'aide. Une fois debout, je ressens comme un étau qui m'écrase le cœur. Je ne suis pas bien. Je savais que le quitter m'affaiblirait et me rendrait triste, mais à ce point-là, je ne l'aurais jamais pensé. Je n'arrive pas à lui dire cette vérité, ma vérité. Tout ce dont j'ai souffert pendant durant cette relation auprès d'un homme que j'ai aimé. Sans le regarder dans les yeux, je lui cache la réalité de mes souffrances.
— Non ce ne doit pas être grand chose, je suis tellement fatiguée avec le rythme que j'ai pris, avec tous ces trajets, mon corps me le renvoie en pleine figure aujourd'hui. Ne t'inquiète pas, je vais rentrer et me reposer. Ne m'en veux pas !
— D'accord, je comprends ! Mais s'il te plait, ne te renferme pas comme tu as pu le faire avant. Je peux tout entendre, tout comprendre. Parle-moi si tu en as besoin, je suis là, je serai toujours là ! me répond t-il.
Je hoche la tête pour accepter ses mots mais au fond de moi, je le sais, je n'y arriverai pas. Mon corps me le fait comprendre. J'aimerais tout lui dire, toute la vérité, tout ce qui s'est passé durant ces deux ans avec Tom, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je me rends compte qu'une larme vient de glisser, le long de ma joue. Je ne peux pas lui dire, les menaces planent et je sais qu'il serait capable de me retrouver. Il n'a pas accepté et n'acceptera jamais que j'ai osé le quitter. Je fuis cette emprise mais j'ai l'impression qu'une épée de Damoclès plane au-dessus de ma tête. J'ai peur pour mes proches comme pour moi. Allez c'est bon, je rentre, sinon je ne vais pas tenir. Je m'approche, l'embrasse sur la joue et je lui dis que je lui enverrai un message une fois que j'aurai récupéré de mon manque de sommeil. Il me regarde, sceptique, mais me laisse partir, sans demander son reste. Je marche rapidement le long du trottoir. Je passe le portillon de chez mes grands-parents, je rentre et monte directement prendre une douche pour essayer d'effacer ce moment d'égarement.
— Allez Giulia, sois forte, merde ! Tu vaux mieux que ça !
Voilà mon mantra. Je vais me le répéter sans cesse pour ne plus me laisser envahir par son enfer. Il a voulu me détruire, briser cette part de moi qui semblait renaître, mais je dois lui prouver qu'il a échoué. Pourtant, j'ai encore du mal à voir mon reflet dans un miroir.
Je me déshabille dans la petite salle de bain au carrelage bleu océan et blanc nacré. Un style tout à fait rétro mais qui colle parfaitement à la personnalité de mes grands-parents. Les carreaux parfaitement posés témoignent de l'expérience de mon Nonno au moment où il a effectué les travaux. On y retrouve une baignoire et une douche à l'italienne avec, en face, deux grandes vasques et des toilettes attenantes. Je plie mes vêtements et les pose à côté de la porte que je ferme à clef. Une fois nue, je me glisse sous la douche et fais couler l'eau sur ma peau. Mes poils s'hérissent au contact de l'eau chaude sur mon corps froid. Je ne ressens, à ce moment-là, plus rien. Je ferme les yeux et mon corps bloque toutes les émotions néfastes qui tournent dans ma tête et je me sens alors un peu mieux. Une sensation monte au creux de mon ventre, une envie... cette envie de pouvoir avoir quelqu'un contre moi. Un corps brûlant me recouvrant de tout son être et me montrant tout son amour. Tout ce à quoi j'ai cru durant ces deux années mais qui n'était que le fruit de mon imagination. J'ouvre les yeux mais je ressens toujours une envie, un besoin. J'ai besoin de me faire du bien, d'assouvir ce désir par moi-même, de me sentir vivante, d'être maîtresse de mon corps. Trop d'émotions me prennent et j'ose poser mes mains sur moi. L'envie s'accentue, il faut que je le fasse pour me sentir bien. Pour apaiser mes démons. Ma main entre en contact avec mon intimité. Mes doigts commencent doucement à faire ces caresses dont j'ai besoin, et mon autre main forme une petite pression sur mon sein. Je joue avec mon téton et les doigts de l'autre main avec mon clitoris, pendant que la pression de l'eau me procure une sensation de plénitude. Mon pouce danse pendant que j'insère un doigt en moi et je commence les va et vient. Je ne pense plus à rien d'autre qu'à mon désir charnel. J'accélère mon mouvement. Ce rythme me fait énormément de bien. Je m'amuse avec mon propre corps et je sens la jouissance monter au creux de mon ventre. Mon pouls s'accélère, je le ressens, ça arrive. Je suis prise au dépourvu par la puissance de ma jouissance. Mon sexe se contracte sous mes doigts et je me mords la main pour enfouir les gémissements qui sortent de ma bouche. Un bien être, enfin un ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti une telle émotion. Jamais, je n'aurais pu faire cela avant. Le plaisir solitaire, voilà ce qu'il me reste aujourd'hui. Je reprends le contrôle de mon esprit, mon cerveau se reconnecte avec la réalité et l'eau commence à se faire tiède. Merde, je ne vais plus avoir d'eau chaude. Je mets du savon au creux de ma main et me savonne rapidement. L'eau est de plus en plus froide... je n'ai pas eu l'impression d'y être restée longtemps mais je commence à me les cailler sévère.
Vite, retour à la réalité, Giulia, me dit cette petite voix.
Une fois rincée, je sors et attrape une serviette accrochée sur le porte serviette. Je me sèche à la hâte et file dans ma chambre pour m'habiller.
Je croise mon regard dans la glace et la honte s'immisce en moi. Je suis tellement bête et stupide, j'ai cru qu'un petit orgasme effacerait ma souffrance. Mais maintenant c'est pire, je me sens sale et les empreintes de ses mains sur moi refont surface. Je me plaque contre les portes de mon armoire et je sens les larmes monter. Mon corps glisse le long de celle-ci et je me retrouve les fesses nues sur le sol. Ma vue se brouille. J'ai mal, j'ai peur, je suis fatiguée. Je ferme les yeux et je revois son visage. Cette vision m'arrache un sursaut. Mon cœur s'accélère. Non Gui, tu es forte, tu es partie, tu vas te reconstruire. Je sèche mes sanglots avec le drap de bain et je me relève les jambes tremblantes. Je vais faire mieux, je vais me reconstruire. Je jette la serviette sur le lit et je me prépare.
Prête, je descends et j'aide ma grand-mère à mettre la table.
— Ça va Giulia ? Tu as été voir Kylian ? Il va bien ? me demande-t-elle.
Je respire profondément afin de garder la face devant mes grand-parents mais mon palpitant s'accélère.
— Oui, il va bien, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus, mais je ne suis pas restée longtemps étant donné que c'était l'heure du déjeuner, on se verra au lycée. J'ai besoin de me reposer aujourd'hui.
— D'accord, retourneras-tu en cours lundi ?
— Oui, je n'ai loupé que vendredi. Je souhaite continuer à poursuivre mon chemin, il faut que je passe mes examens malgré tout. Et puis, j'ai envie de revoir Alyssia et Myla. Ça fait des mois que je n'ai pas pris le temps d'être avec elles, les trajets ne me le permettaient pas, je compte bien changer ça, lui dis-je, une pointe gênée en repensant à ce qui vient de se passer là-haut.
Tout ceci me prouve une chose, je suis faible et sans défense, comment vais-je pouvoir réussir à aller de l'avant ? Surtout que désormais je suis seule, comment m'en sortir sans Tom désormais ?
— C'est super Giulia, je souhaite que tu réussisses dans ta vie, nous serons là comme nous l'avons toujours été pour t'aider, et ta mère serait si fière de toi, me dit-elle avec un sourire aimant.
Mon cœur peine à reprendre un rythme normal. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé de ma mère. J'aimerais qu'elle soit là pour m'aider à remonter à la surface, qu'elle puisse me conseiller et me câliner afin que cette séparation soit plus douce. A cet instant, elle me manque plus que tout. Comment je fais pour vivre sans elle, sans son regard, sans sa voix ? A bien y réfléchir, je n'y arrive pas. Depuis son départ, j'ai passé mon temps à faire des mauvais choix. Tom a raison, je suis qu'une conne sans cervelle et si j'avais eu tort ? Tout semble si difficile maintenant, au moins avec lui je ne prenais aucune décision. J'ai peur d'échouer encore une fois. Comme si elle sentait mon mal-être, ma Nonna s'approche de moi et me replace une mèche de cheveux. Mes mains tremblent, je les camoufle et lui sourit. L'amour c'est ça, et pas ce que j'ai vécu là-bas dans mon enfer.
J'aime parler avec ma Nonna, elle a toujours les mots pour me réconforter. Je me suis confiée de nombreuses fois à elle et elle m'a, à chaque fois, donnée de bons conseils sur tous les sujets qu'on pouvait aborder. Mais cette fois-ci, cela sera impossible de me confier même à elle. Je ne veux pas lui faire de la peine, je ne veux pas qu'elle se sente coupable de mes choix. Je veux la préserver un maximum de mes tourments. Je ne peux pas me permettre de lui parler de la souffrance que j'ai endurée.
Ma grand-mère interrompt mes tristes pensées comme si elle l'avait senti et m'aide à ne pas sombrer.
— Allez à table ! dit-elle d'un ton plus fort.
Je m'installe à table, mon grand-père arrive et fait de même. Nous mangeons tous les trois en silence, en regardant la télévision. Mon frère étant de sortie "foot", je le verrai seulement ce soir. Une fois le déjeuner terminé, je débarrasse mon assiette et je m'excuse auprès de mes grands-parents, j'ai besoin d'être seule et de me reposer. Je monte dans ma chambre, je décide enfin d'allumer mon téléphone. A peine l'ai-je fait, qu'il se met à sonner dans tous les sens. Cinquante appels manqués et quinze messages non lus. C'est lui ! J'ai peur d'ouvrir ses textos, j'ai peur de lire ce qu'il m'a écrit. Il va me rabaisser bien plus bas que terre, comme à son habitude et ça me terrifie. Mon cœur bat tellement fort qu'il me fait mal. J'ai la nausée.
Après une grande inspiration, je prends mon courage à deux mains et commence à les lire. Je constate qu'il m'en a envoyé toute la nuit et ce matin.
[ Tom - Mon cœur où es-tu ? Tu es chez Sonia ? Je viens de rentrer du taf, appelle-moi que je te retrouve ! ]
[ Tom - Bon tu es où? J'ai appelé Sonia. Tu n'y es pas. Putain, tu fais chier ! Il est minuit, tu me fais cocu ou quoi? ]
J'en lis d'autres qui sont de plus en plus méchants. Sérieusement, il croit que je le trompe mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité ou quoi ? Il a vraiment de la merde dans les yeux. Et puis, j'irai toute seule chez son pote et sa copine ? Non, mais vraiment, il ne me connaît pas. Le dernier date de ce matin à neuf heures.
[ Tom - Tu n'es qu'une pute ! Tu as pris toutes tes affaires, tu t'es cassée comme la grosse salope que tu es et tu vas me le payer ! ]
Je pleure, je me rends compte qu'il va me pourrir la vie et qu'il ne va pas me laisser tranquille. Il sait où j'habite, fais chier ! Énervée contre moi-même de n'avoir pas pensé à cela, je coupe mon téléphone. Une peur invisible s'empare de chaque parcelle de mon corps. Je me mets à faire les cents pas dans ma chambre tout en réfléchissant à une solution. Des tonnes de questions se bousculent dans ma tête à m'en donner des vertiges. Je m'assois sur le bord de mon lit, mes jambes tremblent, une panique sourde me traverse. Mes mains se paralysent, mon souffle est coupé et je peine à retrouver mes esprits. Il sait où je vis et il connaît mes amis, ma famille et s'il s'en prend à eux pour m'atteindre ? Que dois-je faire ? Je suis totalement perdue dans mes tourments. Si nous nous croisons, je sais qu'il me forcera à revenir avec lui. Je ne peux pas le permettre. Dois-je répondre à sa menace et lui montrer que je n'ai pas peur ? Mais si je réponds, il saura que ses messages ont été lus et ça je ne veux pas. Je ne veux plus que son emprise m'atteigne. Je veux me libérer de toute cette souffrance. Je ne suis plus qu'une coquille vide. Il m'a détruite. Des larmes perlent le long de ma joue. J'attrape alors un coussin et plonge mon visage dessus me coupant la respiration. Je ne veux plus vivre. Je ne veux plus souffrir. Laissez-moi partir. Alors que je m'inflige ce que mon bourreau aurait aimé me faire, un son presque inaudible me parvient. Non Giulia, tu n'as pas le droit de les laisser, tu dois te battre, tu es plus forte que ça. Elle a raison, ma conscience, je ne peux pas. Je relève ma tête, tentant de reprendre une respiration normale et rempli d'une hargne que je ne me connaissais pas, je replonge dans mon oreiller et hurle de toutes mes forces. Épuisée, je m'allonge sur mon lit, les yeux remplis de perles salées et je sombre.
Ma sieste reste agitée, mon cauchemar commence...
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