Point de vue de Lucas

Je la regarde dormir. J'ai encore l'impression de rêver et pourtant je suis bien réveillé. Cela fait si longtemps qu'elle est ici. Je n'arrive pas à croire qu'elle soit finalement revenue parmi nous. Oh je ne me fais pas d'illusions. Je sais que le chemin ne fait que commencer et que la guérison est encore loin devant nous. Physiquement, les dégâts ne sont pas trop importants. Heureusement, elle s'est juste cognée la tête en tombant. Par contre, quand je l'observe, je constate qu'elle a beaucoup maigri et qu'elle est encore plus pâle que d'habitude. J'en ai déjà parlé au médecin quand elle s'est réveillée. Je m'inquiète, je n'en peux rien. Il m'a rassuré.

(Flashback)

- Ne vous en faites pas. Son corps est resté inactif pendant un mois et elle était nourrie uniquement via la perfusion. La perte de poids est tout à fait normale. Quant à son teint, il va revenir aussi.

- Que va-t-il se passer pour elle maintenant?

- Nous allons lui faire subir quelques examens pour être sûrs qu'elle a récupérer toutes ces facultés. Elle devra encore attendre quelques jours avant de pouvoir rentrer. Le kinésithérapeute viendra tous les jours pour l'aider à récupérer sa mobilité. J'ai également demandé à un psychologue de passer.

Je soupire, la partie psychologique est loin d'être gagnée, je la connais et je ne suis pas sûr qu'elle sera déjà capable de parler de tout ça.

- Que va-t-il se passer une fois qu'elle sera rentrée à la maison?

- Elle va devoir continuer les séances de rééducation. Elle aura également un programme nutritionnel qu'elle devra suivre scrupuleusement.

- Et si elle ne veut pas parler au psychologue?

- Elle pourra en prendre un de son choix quand elle se sentira prête. Dans ce genre de cas, parler à un professionnel aide beaucoup dans la guérison. Elle aura besoin de vous et de ses proches plus que jamais et même si elle dit le contraire.

- Merci docteur.

- De rien, allez la retrouver maintenant, me dit-il en me faisant un clin d'oeil.

(Fin du flashback)

Je vais devoir lui demander si nos projets de vivre ensemble tiennent toujours. J'espère que oui. Depuis ces événements, je me suis rendu compte à quel point je l'aime et mon instinct protecteur est encore plus présent. Que ce soit envers elle ou envers Joy d'ailleurs. Je la considère un peu comme ma fille. Je sais qu'il est encore un peu tôt mais c'est comme ça que je le ressens.

Un mouvement me sort de mes pensées. Auriane dort toujours mais elle est très agitée et commence à gémir. Ses gémissements se transforment en cris.

- Non, s'il te plaît, arrête Jordan!

Je descends du lit en vitesse. Je m'approche d'elle et la prends dans mes bras en espérant la calmer.

- Auriane, ma belle. Chut, calme toi...

Je caresse ses cheveux et m'installe un peu plus près. Elle commence à se calmer. Je continue à lui parler doucement jusqu'à ce que je la sente se détendre. Maintenant qu'elle n'est plus dans le coma, les cauchemars vont commencer. Si Jordan n'était pas déjà en prison, je le tuerais pour avoir osé faire ça. Heureusement que j'avais oublié mon portable ce soir-là. Je ne veux même pas imaginer ce qu'il se serait passé.

Quelque chose me sort de mon sommeil. Qu'est-ce que je fais là? Je suis un peu hébété. Je remarque que je suis toujours dans le lit d'Auriane. J'ai dû m'endormir. Elle commence à gigoter. C'est probablement ça qui m'a réveillé. Elle a l'air calme. Ce n'est plus un cauchemar, elle se réveille simplement.

- Lucas, dit-elle toute endormie.

- Oui c'est moi ma belle.

- Pourquoi tu es dans mon lit? Pas que ça me dérange, rajoute-t-elle rapidement.

- Tu as fait un cauchemar. Je suis parvenu à te calmer. Apparemment je me suis endormi sur place, lui dis-je en baillant.

- Pas très confortable. Merci d'être resté près de moi, me dit-elle dans un murmure.

- Toujours mon coeur.

Nous ne disons plus rien pendant un moment. Ce n'est pas un silence pesant au contraire. Elle a sa tête sur mon torse, mes bras sur ces épaules. Nous profitons l'un de l'autre. Ça m'a tellement manqué. Tout à coup, elle commence à parler.

- Je suis désolée pour tout ça.

- Ce n'est pas ta faute. Tu ne dois pas t'excuser pour quelque chose dont tu n'es pas responsable ma belle.

Je cherche ses lèvres et y dépose un baiser. Je sens des larmes couler sur ses joues. Le baiser prend fin. Je la serre plus fort. Je lui laisse le temps. C'est elle qui décide si elle veut ou non en parler.

- Pourquoi a-t-il fait ça? Je ne comprends pas, me dit-elle dans un sanglot.

- Je ne sais pas mon ange. Apparemment, il buvait de plus en plus et tu es devenue une vraie obsession pour lui. Il voulait te récupérer à tout prix. Il n'a pas supporté que tu sois heureuse avec quelqu'un d'autre. Tu savais qu'il a perdu son travail?

Elle me fit signe que non, me laisse poursuivre.

- C'était un mois avant ton agression. Il ne se présentait plus que rarement, complètement débraillé et puant l'alcool. Même Maude ne le reconnaissait plus. Il venait la voir que le temps de manger et encore, ça c'est quand il y pensait. Les seules fois où il faisait un effort, c'était pour voir Joy chez sa mère.

- Je n'en reviens pas!

- Personne ma chérie.

- Que va-t-il lui arrivé maintenant?

- Tu es sûre que tu veux en parler tout de suite?

- Oui, j'aimerais au moins savoir qu'il ne peut plus m'approcher.

- D'accord. Déjà tu peux être rassurée sur ce point. Il est actuellement en prison. Il a été inculpé pour agression sexuelle et tentative de viol. Il est suivi par un psychologue parce qu'il a complètement lâcher prise, il est dans sa réalité comme si plus rien ne pouvait l'atteindre. Il ne parle plus, ne réagit plus. Tout ce qu'il fait, c'est se balancer d'avant en arrière en répétant «Pourquoi». Le procureur veut le mettre dans un hôpital psychiatrique. Ils attendent l'avis des experts.

Je me tais. Ça fait beaucoup à digérer. Moi-même, j'ai du mal. Elle ne réagit pas, elle est plongée dans ses pensées. Puis je l'entends prendre une grande inspiration et me demander

- Que va-t-il se passer ? Pour moi, je veux dire.

- Les policiers attendaient que tu te réveilles pour prendre ta déposition. Après, je pense qu'il y aura un procès. Mais on en reparlera plus tard. Pour l'instant, tu dois te reposer.

Je sens qu'elle se détend un peu.

- Et qu'as-tu au programme? Tu as dû mettre ta vie entre parenthèse pour moi, me dit-elle timide et gênée.

- Auriane, regarde-moi, lui dis-je doucement. J'attends qu'elle lève les yeux puis recommence à lui parler. Tu passeras toujours avant le reste. Je t'aime. Tu es toute ma vie. Vous rencontrer toi et Joy a été la plus belle chose qui me soit arrivée. Alors, oui, c'est vrai, j'ai mis mon travail un peu de côté mais pas ma vie. Ma vie, c'est toi, nous, notre trio avec Joy. Mon boss a été très généreux et mes collègues aussi. Tu ne dois pas t'en faire. Et puis, j'ai bien l'intention de retourner bosser et de te refaire faire un peu de musculation, rajoutais-je avec une pointe d'humour.

Elle pouffe mais je sens qu'elle est émue.

- Je t'aime aussi Lucas. Qu'est-ce que je ferais sans toi? Je ne peux plus me passer de toi.

- En parlant de ça, tu te rappelles qu'on avait parler de vivre ensemble?

- Évidemment, j'étais dans le coma, je n'ai pas perdu la tête, me dit-elle un peu moqueuse.

- Que dirais-tu de commencer maintenant? Je sais que c'est un peu tôt...

Elle met sa main devant ma bouche pour que je me taise. Je hausse un sourcil.

- J'en serais honorée. Je ne veux pas retourner dans cet appartement. J'y ai beaucoup de souvenirs heureux mais les mauvais les ont remplacés. Je ne peux plus mettre un pied dans cette cuisine, me dit-elle les larmes revenant en force.

- Très bien ma belle, tu n'y remettras plus les pieds. Je te le promets. En plus, Joy a quasi élu domicile chez moi donc, une partie de ces affaires est déjà là.

Elle me regarde sans comprendre.

- Je ne voulais pas la laisser. Je sais qu'elle aurait pu aller chez Alice mais j'ai pensé que ce serait plus facile pour elle d'être près de moi. Et puis, j'avais aussi besoin d'elle. On s'est beaucoup rapproché.

Nous entendons la porte s'ouvrir. Nous regardons qui est là. Je vois une infirmière qui est loin d'être contente. Je ne comprends pas, jusqu'à ce que je vois quelqu'un suivre et l'infirmière nous dire

- Bonjour madame Dubois, bonjour Lucas. Voici l'inspecteur qui s'occupe de votre dossier, il aimerait vous poser quelques questions. Je lui ai dit que vous n'étiez pas prête mais il a insisté. Je la vois lui lancer un regard noir.

- Bonjour, heureux que vous soyez réveillée madame. Il nous sert la main.

Voilà, c'est parti. L'extérieur nous a retrouvé. Au revoir notre cocon.

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Comme petit cadeau de fin de semaine, voici encore un loooong chapitre. Quand l'inspiration est là et qu'il y a beaucoup à dire... 

Chapitre corrigé - 29/03/18