Point de vue d'Auriane

Une semaine avant la visite de Lucas

«Je dois appeler Jordan pour lui parler de la suite. Je ne lui ai plus parlé depuis que je lui ai demandé de partir. Il me manque terriblement. Enfin, je ne sais pas si c'est lui ou sa présence. La solitude me pèse plus que ce que j'aurais pensé. Et ça ne fait qu'une semaine. J'aimerais attendre pour lui parler mais nous ne pouvons pas éternellement mentir à Joy. Je prends donc mon courage à deux mains et compose son numéro. Il décroche après trois sonneries.

- Allo

- Salut Jordan. C'est Auriane.

- Je sais. Ton numéro s'est affiché, me dit-il en soupirant. Si tu appelles pour me dire de revenir, ça ne sert à rien.

Ok super l'accueil. Si je ne m'attendais pas à ce qu'il saute de joie, je ne pensais pas avoir un ton aussi froid.

- Écoute, nous devons parler à Joy, nous ne pouvons plus lui mentir. Tu n'es jamais parti plus d'une semaine pour le travail. Elle me demande constamment la date de ton retour.

- Je sais, elle me le demande aussi quand je parle avec elle sur Skype.

- Quand penses-tu venir?

- Je peux passer ce soir si ça va pour toi.

- Très bien, à ce soir.

- À ce soir.

Je raccroche et recommence à respirer. Je ne m'étais même pas rendue compte que j'avais arrêté. Bon, il est temps que j'aille chercher Joy à l'école.

Je la vois sortir. Elle parle avec beaucoup d'animation avec ses copines. J'ai le coeur serré, la fin de soirée va être animée mais pas de la même manière.

- Coucou maman, me dit-elle en ouvrant la portière.

- Salut ma chérie. C'était bien l'école?

Elle commence à m'expliquer sa journée en long et en large. On arrive devant notre immeuble. La voiture de Jordan est là, elle l'a vue également.

- Papa est là! Et elle fonce vers l'appartement.

- Ouais super génial, murmurais-je. Je pensais avoir un peu plus de temps avant la confrontation.

Je rentre dans l'appartement. Joy est déjà en train de raconter sa journée à son père en lui faisant câlin sur câlin. Je déglutis et m'avance.

- Bonjour Jordan, et comme à mon habitude je l'embrasse sur la joue.

- Bonjour.

Joy doit sentir que quelque chose ne va pas, elle nous regarde bizarrement.

- Quelque chose ne va pas? nous demande-t-elle.

- On doit te parler de quelque chose d'important ma belle. Viens, allons nous asseoir dans le salon.

Nous nous asseyons dans le divan chacun d'un côté de notre princesse. Jordan entame la conversation.

- Ma puce, il s'éclaircit la gorge et reprend, tu vois les histoires d'amour comme tu as dans les contes de fées ou dans les histoires de princesse? Elles parlent d'un amour qui dure toujours, qui résiste à tout. Et bien, il arrive que ce ne soit pas le cas.

- Qu'est-ce que tu veux dire papa?

- Et bien, ton papa veut dire que notre amour a beau avoir été très fort, il a changé. On s'aime toujours d'une certaine manière mais plus comme un papa et une maman. Est-ce que tu comprends ce que je veux dire?

- Tu veux dire que c'est comme quand tonton et tatie ont arrêté de vivre ensemble? Il est parti vivre dans une autre maison, dit-elle toute triste.

- Oui ma chérie, c'est exactement ça. Papa va aller vivre ailleurs mais il t'aime toujours très fort ma chérie, ça ne changera jamais.

Mon dieu, que c'est dur à dire. Nous voudrions la protéger de tout mais c'est impossible. Elle commence à pleurer et se jette au cou de son père.

- Je veux que tu restes papa, dit-elle dans un sanglot.

- Je sais ma chérie mais c'est mieux comme ça. Quand j'aurai trouvé un appartement tu pourras venir tant que tu veux et tu peux m'appeler quand tu veux. Tu auras ta propre chambre aussi.

Je vois qu'il a du mal lui aussi. Je détourne le regard, c'est trop d'émotions.

- Maintenant, tu vas aller dans ta chambre, je vais discuter encore un peu avec papa.

- Je viendrai te dire au revoir dans ta chambre, promis.

Elle nous fait un bisou, elle a l'air abattue. Il lui faudra un peu de temps pour digérer la nouvelle.

Nous allons à la cuisine, à l'abri des oreilles indiscrètes.

- Tu pourras venir la voir et la chercher quand tu veux, tant que tu me préviens avant, dis-je à Jordan.

- Très bien. Je suis désolé Auriane. Vraiment, ce n'était pas du tout prémédité.

- Qu'est-ce qu'elle a de plus que moi?

Je n'aurais jamais cru que ça sortirait de ma bouche, lui non plus au vu de sa réaction. Il est bouche bée et plutôt gêné.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée d'en parler, c'est déjà assez dur comme ça.

- Franchement au point où j'en suis, j'aimerais bien le savoir.

- Comme tu veux. Il hésite quelques instants puis se lance. Elle est tout ce que tu n'es pas en fait, elle est ton contraire.

Je le regarde sans comprendre.

- Mais encore?

- Elle est belle, jeune et surtout mince. Je la désire comme je ne t'ai jamais désirée.

Des milliers de coup de poignard me transpercent. Il n'a pas pu dire ça, il n'a pas pu changer à ce point. Apparemment si. Comment n'ai-je pas vu le changement? Je ne lui laisse pas voir ma douleur, il a perdu le droit de la voir.

- Toujours faire attention à ce que l'on souhaite, murmurais-je, on a souvent plus que ce qu'on a demandé.

- Tu voulais savoir, tu sais.

Il n'a pas le moindre remord, il a l'air de se moquer royalement de mes sentiments.

- Maintenant que les choses sont claires, tu n'as plus rien à faire ici. Va dire au revoir à Joy et dégages de ma vue.

Il ne demande pas son reste et va vers la chambre de Joy. J'entends les pleurs de notre fille mais je n'ai pas le droit de craquer. Si je pleure maintenant, je ne saurai pas me relever et je ne veux pas qu'il voit ce spectacle. Il part sans se retourner.

Ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer...

C'est ce que je me répète depuis qu'il est parti. Je dois faire comme si tout allait bien tant que Joy est là. Je prépare son repas. Un truc léger, quelque chose me dit qu'elle n'aura pas faim. Je lui fais des croque-monsieur je sais qu'elle adore ça.

Je l'appelle pour venir manger. Je me force à manger un peu pour ne pas qu'elle s'inquiète. Une fois le repas terminé, je range la table pendant qu'elle va prendre sa douche. Je ne l'oblige pas à faire ses devoirs, je m'arrangerai avec ces professeurs plus tard.

Une demi-heure plus tard, je vais la border. Elle est sous le choc. Je la tiens contre moi jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

Je ne suis pas très en forme non plus, je vais me changer et vais me coucher. À quoi bon rester debout de toute façon. J'ai du mal à m'endormir. Une larme, traîtresse, coule sur ma joue bientôt suivie par d'autres. Je n'en peux plus, ma résistance est à bout. Mon mantra n'a pas tenu...»

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Auriane n'avait pas vu venir le changement chez Jordan. De tout sucre, il est devenu, comment dire, un vrai salop. Le prochain chapitre sera du point de vue de Lucas, en tout cas, je vais essayer.

Chapitre corrigé - 24/03/18