19. Retour en terre civilisée


Le retour fut rude.
Lizzie ne parlait plus et Darcy avait sombré dans un silence morose. Le temps s'était mis au diapason et il pleuvait sans discontinuer depuis leur départ. Le charme de l'Angleterre à l'état pur.

Le médaillon, en tombant dans la lave, s'était peu à peu dissous puis provoqué une gigantesque explosion qui avait détruit le château jusqu'à ses fondations. Les zombies, réveillés dès que leur créatrice avait perdu le médaillon, avaient remarqué l'épais nuage noir qui s'amoncelait au-dessus d'eux et n'avaient eu que le temps de froncer les sourcils. La déflagration les avait tous tués.

Lizzie et Darcy avaient fui le plus vite possible, ne se retournant brièvement que pour constater les dégâts et s'assurer qu'aucune ombre ne se relevait. Mais rien.

Le soir était tombé trois fois depuis l'accomplissement de leur mission et ils ne disaient toujours rien. Londres se rapprochait, bientôt ils se sépareraient. Le feu craquait devant Lizzie qui, assise en tailleur et les bras croisés, regardait les flammes s'élever vers le ciel.
Darcy jeta une pile de bois et s'assit à côté d'elle, sans trop savoir comment amorcer la conversation.

— Comment l'avez-vous eue ? Demanda-t-elle finalement, la voix rauque. La sorcière.

— Lorsque vous avez arraché le médaillon, je l'ai forcée à se battre contre moi. Nicolas... il est parti vous rejoindre et elle a dû rester. Elle était très affaiblie, je crois que le médaillon lui procurait une force vitale qu'elle a perdue lorsque vous le lui avez arraché.

— Vous avez vérifié qu'elle était morte ?

Il hocha la tête, les yeux fixés sur le feu.

— Bien. Nicolas est vengé, déclara-t-elle sombrement.

Il acquiesça de nouveau et posa doucement sa main sur celle de la demoiselle. Elle frémit mais ne dit rien, attentive à ne pas rompre l'instant.

— Lizzie... murmura-t-il. Nicolas est mort en héros.

— Mais il n'aura jamais de reconnaissance officielle, gronda-t-elle, écœurée. C'est un zombie, la reine ne voudra pas l'accepter.

Le jeune colonel garda le silence. Elle avait raison, il ne le savait que trop bien.

— Les autres... les zombies. Sont-ils tous morts ? Demanda-t-elle finalement.

— C'est ce qui était prévu. La destruction du médaillon prive Margaret de ses pouvoirs et sa mort entraîne celle de ses créatures.

— Nicolas serait donc mort dans tous les cas ?

— Je ne sais pas Lizzie. Il était différent des autres zombies, unique. Vous l'avez vu son cœur battait, contrairement aux autres. Il était vivant, du moins encore un peu. Et ce n'était pas à cause de Margaret. Nicolas était moitié zombie, moitié humain, et sa partie humaine a pris le dessus malgré la sorcière.

Lizzie serra les poings et Darcy, n'y tenant plus, l'attira dans ses bras. Le monde cessa enfin d'être fou et il manqua soupirer de soulagement. Il sentait son cœur tambouriner contre le sien et respirait paisiblement ; c'était sa place.
La jeune fille se raidit instinctivement puis se laissa aller. Elle se blottit contre lui et ferma les yeux. Enfin elle pouvait se laisser aller.

— Lizzie... chuchota Darcy au creux de son oreille, comment avez-vous su que le médaillon était autour de son cou ?

— Facile Mr. Darcy, répliqua-t-elle avec un sourire un peu plus léger. Toutes les femmes aiment les bijoux et les portent.

— Pas vous, contra-t-il avec un froncement de sourcils, désarmé.

— Il faut croire que... je n'ai jamais agi comme les autres, murmura-t-elle.

Elle n'avait jamais eu honte de sa différence et ce n'était pas Mr Darcy, aussi craquant fût-il, qui lui ferait changer d'avis. Mais il sourit au contraire et l'enlaça plus étroitement encore pour répondre :

— Vous n'êtes pas comme les autres, Miss Bennet. À mon plus grand plaisir.

Elle releva lentement la tête et Darcy reçut un coup au cœur en voyant ses prunelles pétiller. Il y avait un appel dans ces yeux-là. Un désir qui faisait écho au sien, flambant depuis plusieurs jours. Il ne pouvait plus se voiler la face désormais. Plus rien ne l'empêchait de se dire cette vérité éclatante.
Il l'aimait. Comme un fou. Elle avait réveillé son cœur, fait fondre la coque de glace qui l'enserrait. Et s'il n'avait jamais dit ces mots à qui que ce soit, il était prêt à tenter avec elle. Pour elle.

— Lizzie... soupira-t-il, le souffle court.

Il posa sa main sur sa joue et se rapprocha lentement, la laissant libre de se reculer si elle le voulait. Mais les yeux de la jeune fille étincelèrent et elle baissa les yeux puis les ferma, s'abandonnant davantage encore dans ses bras.
Il posa ses lèvres sur les siennes, doucement, délicatement, comme si elle était une porcelaine à ne pas casser.

Ils s'abandonnèrent très vite à leur passion et Lizzie s'agrippa au jeune homme sans jamais lâcher ses lèvres. Il l'attira à elle et elle s'assit sans façon sur lui. Il repoussa une mèche folle et se détacha finalement d'elle, à bout de souffle. Ils haletaient tous deux, étroitement imbriqués l'un dans l'autre.

Lizzie rougit et baissa les yeux, dans l'espoir d'entendre les mots dont elle rêvait depuis quelques temps. Mais rien ne vint. Darcy demeura silencieux, visiblement torturé, et elle souffla.
Dans sa tête réapparurent ces paroles jetées à la figure par Margaret Mulsown. Il était fiancé à une autre. Anne, la fille de la reine, qu'elle n'avait au demeurant jamais vue. Mais elle la haïssait.

Elle se dégagea et s'éloigna de quelques pas. Mieux valait oublier cet instant d'abandon et ne plus penser à rien. Darcy la faisait souffrir avec son silence obstiné et elle était fatiguée de souffrir, fatiguée de devoir être rassurée sur ceux qu'elle aimait. Elle avait perdu Nicolas, Darcy ne serait jamais rien d'autre qu'une connaissance, et elle finirait vieille fille. Ca ne la dérangeait pas avant, avant qu'elle ne rencontre le colonel, qu'elle ne tombe amoureuse de lui. Mais maintenant... maintenant elle aspirait à tellement plus. Elle ne voulait pas vieillir coincée chez ses parents.

— Lizzie ! Lizzie !

— Quoi ? Rétorqua-t-elle, acerbe, sans se retourner.

— Nous sommes près d'un village. Regardez.

Elle souffla. Cet homme était impossible. Elle était furieuse et lui ne s'en rendait même pas compte !
Elle tourna la tête vers la direction indiquée et soupira de soulagement en voyant les lumières scintiller péniblement dans le noir. Enfin. Elle pourrait fuir loin de Darcy, tenter de panser son cœur blessé par cette mission et ce colonel imbu de lui-même qu'elle aimait trop pour sa santé.

Darcy stoppa son cheval devant l'auberge du village de Longbourn et l'observa descendre du sien, perdu. Elle n'avait plus parlé depuis leur baiser, voilà trois jours, et s'était enfermée dans un silence presque boudeur. Il balança ses jambes d'un côté pour sauter à terre et entra dans la taverne.

— Il y a quelqu'un ? Demanda-t-il d'un ton rogue.

Le tavernier apparut, propre en tous points, et Lizzie soupira de soulagement. Elle retrouvait enfin son monde familier, celui où elle avait grandi, ces visages qu'elle avait côtoyés.

— Miss Bennet ! S'écria le tavernier en la reconnaissant. Quelle bonne surprise, cela doit bien faire deux semaines que nous ne vous avons pas vue !

Elle hocha la tête et il se fendit d'un sourire poli.

— Avez-vous vu des zombies dans le coin ?

— Je vous demande pardon ? Demanda l'homme replet, manifestement surpris.

— Des zombies. Des morts-vivants, insista Darcy, impatient.

Lizzie se détourna de la conversation et s'approcha de la fenêtre. Les balcons étaient fleuris, les rues plus vivantes. Qu'est-ce que...

— Mais enfin colonel, il n'y a plus de zombies depuis environ une semaine.

Elle se retourna brusquement, un large sourire aux lèvres.

— Une semaine ? Vous êtes sûrs ? Insista Darcy.

— A peu près... hésita le tavernier en leur jetant un regard soupçonneux. Je dirais six jours.

— Merci Nicolas, murmura Lizzie en joignant les mains.

Darcy baissa la tête puis remercia l'aubergiste et sortit d'un pas vif.

— Attendez ! Où allez-vous ? S'écria Lizzie en le suivant de près.

Il remonta sur son cheval et partit au galop vers Londres en criant :

— Voir la reine. Il est temps de mettre fin à tout ceci !

Elle resta figée sur place alors qu'il s'éloignait. Alors il partait comme ça, sans un mot de plus ?

— Oh le mufle ! S'écria-t-elle en trépignant du pied. Le mufle, le mufle !

Adorable mufle.

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