15. En route vers Margaret !



— Je dis juste que vous preniez votre rôle très à cœur ! Trop à cœur sûrement.

— Rhaaaa !! Que je sache, je devais monopoliser son attention ! J'ai réussi, plaignez-vous !

— L'embrasser était tout de même superflu Miss Bennet ! Ou alors, admettez que vous en aviez envie !

— Mais êtes-vous sûrs que vous n'êtes pas fiancés ?

— Silence Nicolas !! S'écrièrent en chœur les deux acolytes.

Le jeune zombie haussa les épaules, mains levées en signe d'innocence, et continua à préparer la monture de Lizzie. Mieux valait ne pas déranger ces deux-là quand ils se disputaient. La casse pouvait se révéler terrible.

— Au cas où vous l'auriez oublié, Henry est mon fiancé. L'embrasser est logique. Il aurait eu des soupçons sans ça !

— Il a tout de même duré très longtemps, rétorqua Darcy en croisant les bras. J'avais trouvé la carte et les indices compromettants que vous étiez déjà dans ses bras.

— Nous y voilà ! Les fameux indices prouvant qu'Henry est de mèche avec Margaret. Le choc sur la tête a manifestement été plus rude que prévu.

Darcy fusilla Nicolas du regard, encore rancunier de ce coup, et le zombie rentra la tête, peu désireux d'être inclus dans la querelle. Était-ce sa faute si le colonel avait la même stature que ce Greenwell ? Lui, mince et fluet, était bien plus reconnaissable.

— Je suis désolé, commença-t-il, mais lorsque j'ai vu Miss Lizzie se faire brutaliser par un étranger, j'ai bondi. Après tout, ne sommes-nous pas une équipe ?

— Nous aurions pu l'être, grogna Darcy en croisant les bras. Mais comment rester soudés quand un tiers fraternise avec l'ennemi et que l'autre tiers frappe le troisième équipier ?

— L'ennemi ?! Henry n'est pas un ennemi ! À la rigueur, il a été envoûté par Margaret. Mais ce n'est pas notre ennemi !

— Mais qu'avez-vous trouvé dans ce coffre ? Intervint Nicolas.

Darcy le fusilla de nouveau du regard puis vida la sacoche qui pendait à sa selle et dévida le tout sur l'herbe. Une carte usée, une photographie d'une femme étrange et mystérieuse, un trousseau de clefs et un rubis, voilà tout ce que cela contenait.

— Je ne vois pas le problème, fit remarquer le jeune zombie en s'approchant peu à peu.

— Je l'avais dit ! Triompha Elizabeth. Je l'avais dit ! De toute façon, colonel, vous êtes atrocement....

— C'est Margaret.

La voix de Nicolas résonna longtemps dans les bois. Il paraissait choqué, choqué et horrifié.

— Je vous demande pardon Nicolas ?

— C'est Margaret. Sur la photographie. Celle qui m'a créé.

— Co... comment le savez-vous ? Balbutia la demoiselle en s'approchant à son tour.

— Comment peut-il nous donner l'emplacement exact du château ? Comment a-t-il pu nous révéler l'origine des zombies ? Margaret Mulsown a mis ces informations dans sa tête. Et encore une fois, Nicolas et sa faculté de parler ont déjoué ses plans.

Ce dernier rougit devant le compliment informulé, mais Darcy fronça les sourcils. Ce n'était pas le moment de jouer les jolis cœurs. Il haïssait les jolis cœurs. Depuis hier soir plus précisément.

Lizzie s'accroupit et déplia soigneusement la carte. Les contours de l'Angleterre étaient dessinés en une ligne noire, et un tracé en pointillés était la seule indication.

— Qu'est-ce que...

— Vous ne comprenez pas ? Le point A est le château de Greenwell. Le point B situe exactement le château de Margaret, l'emplacement même du volcan.

Lizzie bafouilla sans trop savoir ce qu'elle disait et elle releva les yeux, perdue. Darcy la contemplait, ses yeux brillant intensément.

— Henry a une carte qui lui permet de se rendre chez la sorcière...

— Oui.

— Il est donc au courant de tout.

— Oui.

— Il est dans le camp de la sorcière.

— Oui Elizabeth.

— Il faut l'éliminer.

— Ah ! Elle l'a dit elle-même ! S'écria Darcy en se redressant.

— N'est-ce pas un peu trop expéditif ? Protesta Nicolas en fronçant les sourcils.

— Miss Bennet a parlé Nicolas. Je la soutiens, répliqua le colonel anglais en haussant les épaules.

— Mr Greenwell est peut-être manipulé par la sorcière.

— Il a une carte. Si elle dirigeait son esprit, il n'aurait guère besoin de guide pour la retrouver. Mais s'il a volontairement adhéré à sa cause, il est normal qu'elle lui ait confié cette carte. Je suppose que ce trousseau permet d'ouvrir toutes les portes du château.

Darcy acquiesça et Lizzie fit la moue, dégoûtée. Elle avait eu confiance en Henry Greenwell, l'avait apprécié à défaut de l'aimer. Il lui avait menti. Il paierait.

— Attention ! Rugit Darcy en s'interposant devant elle.

Un zombie se précipita sur eux, la bouche grande ouverte. Il reçut un coup de sabre dans la poitrine et s'effondra à genoux, aussitôt décapité par le jeune homme. Nicolas se précipita vers le feu, à la recherche du poignard qu'il avait chipé au palefrenier d'Henry, et Lizzie tira d'un coup sec son épée hors du fourreau, prête à en découdre.

Darcy eut un cri de douleur et s'effondra. Un zombie l'avait tiré par les pieds, le faisant s'effondrer au sol. Un autre s'était mis sur lui, l'empêchant de bouger, prêt à l'infecter dans sa quête de chair fraîche. Nicolas était encerclé par d'autres morts-vivants ; ils avaient manifestement compris qu'un des leurs pouvait choisir son propre camp.

Lizzie bondit sur les zombies qui se réjouissaient à l'idée de croquer un bout de ce colonel anglais et les décapita proprement, froidement. Ses traits étaient figés par l'âpreté de la bataille et elle tua sans hésiter tous ceux qui s'approchaient d'elle, du colonel. D'eux.
Darcy, trop sonné pour réagir pendant quelques secondes, grogna et tenta de se relever. Elle l'aida puis partit débarrasser Nicolas des zombies. Le pauvre restait pétrifié face à ses congénères et brandissait tant bien que mal le poignard, maigre défense. Il soupira de soulagement lorsqu'une épée traversa le corps de son ennemi et sourit de toutes ses dents à Elizabeth Bennet, reconnaissant. Il n'oubliait pas le soutien qu'elle lui avait apporté depuis le début de leur étrange mission. En lui, elle avait trouvé un allié de taille, un appui inébranlable.
Ils se mirent dos-à-dos et repoussèrent chaque mort-vivant audacieux qui s'approchait. Mais l'ennemi déferlait, dizaine par dizaine. Ils semblaient trop bien coordonnés pour être aussi stupides qu'on le disait.
Ou alors...

Ou alors, quelqu'un leur envoyait cette armée.

Ils luttèrent longtemps. Chaque zombie était froidement tué puis décapité et jeté au feu afin d'être sûr qu'il ne renaîtrait pas la minute suivante. Le feu, presque mourant au début de la matinée, flambait désormais, sans cesse alimenté par ces corps pourris hautement inflammables.

Darcy gronda de plus belle et tomba à genoux. Quinze zombies s'étaient agrippés à lui, le traînant plusieurs mètres plus loin, et tentaient chacun de le mordre. L'un d'entre eux l'avait blessé à la poitrine et le sang coulait désormais, en petite quantité mais affaiblissant néanmoins ce corps déjà fatigué par cette mission et ses péripéties. Un autre zombie, ancien soldat de la reine si l'on en croyait son uniforme de garde royale taché de sang et de terre, s'agrippa à lui et posa ses mains couvertes de pustules sur son cou, prêt à l'étrangler.

— Non ! Hurla Lizzie.

Mais d'autres morts-vivants se ruèrent sur elle, l'empêchant de venir en aide à son compagnon. Darcy soufflait, toussait, tentait d'échapper à cette étreinte mortelle, en vain. Il suffoquait lentement sous ses yeux.
Folle de rage, Lizzie pirouetta sur elle-même et tous les zombies assez fous pour être près d'elle furent coupés en deux, stupéfaits. Elle se redressa, farouchement déterminée, sauta sur son cheval, puis s'élança et fondit sur le zombie. Il redressa la tête, et la dernière chose qu'il vit fut une Elizabeth Bennet furieuse.

Il mourut avant même d'avoir eu le temps de dire ouf et s'effondra sur Darcy qui retomba au sol, suffoquant.
Il se redressa tant bien que mal, dépenaillé par sa lutte, du sang partout sur lui, et ses yeux accrochèrent ceux de la jeune femme.

Le silence se fit pour eux deux et le moment s'éternisa. Plus loin, Nicolas se chargeait des derniers zombies. Mais c'était inutile ; mystérieusement prévenus, ils refluaient vers l'intérieur des bois, un air affolé inscrit sur leurs traits de morts encore un peu vivants.

Darcy se redressa lentement, dévorant du regard la jeune femme qui redressa la tête, altière, et glissa :

— Un peu de tenue Monsieur Darcy. À vous voir, on jurerait que vous buvez en cachette.

Il sourit, sa main serrant fermement son bras droit. C'était mot pour mot ce qu'il lui avait dit la première fois qu'il l'avait sauvée de ces monstres. Sa Lizzie était tenace. Tenace et rancunière.
Venait-il de penser "sa Lizzie" ? Ciel, il délirait.

— Les hommes avec un goût marqué pour l'alcool ont toujours été plus attirants, rétorqua-t-il.

— Plutôt que de dire des bêtises, laissez-moi soigner votre plaie, grommela Lizzie en descendant de cheval. Il ne manquerait plus qu'une nouvelle horde débarque. Nicolas ! Apportez la trousse de soins et préparez le repas.

Le zombie acquiesça et courut chercher le nécessaire, déposant respectueusement la trousse aux pieds de Lizzie. Darcy avait retiré sa chemise et observait silencieusement la jeune femme l'ausculter.

— Ils étaient bien organisés, déclara-t-il soudain de sa voix rauque.

Elle frissonna et hocha la tête. Dieu que leur position était troublante. Et pourquoi Nicolas souriait-il ainsi ?!

— Nicolas, n'avez-vous rien d'autre à faire ? Demanda-t-elle sèchement.

Le jeune homme bondit et fuit loin de cette hargne.

— N'empêche, grogna-t-il, que seuls deux fiancés amoureux se comportent ainsi...

— Nicolas je vous entends nom d'un chien !

Il se réfugia derrière son cheval, tira la langue, et Lizzie leva les yeux au ciel.

— Vous pensez que Margaret a envoyé ces morts ? Reprit-elle en fronçant les sourcils devant la forme tordue que prenait le bras droit du colonel.

— J'en suis persuadé, répondit-il en grinçant des dents lorsqu'elle appuya légèrement sur son bras. Elle doit être au courant que nous avons pris le coffret de Greenwell et tente de nous arrêter.

Lizzie fit la moue. La traîtrise de son fiancé, même si celui-ci lui avait été imposé, lui restait encore en travers de la gorge.
Darcy posa doucement sa main sur la sienne et la contempla de longues secondes avant de murmurer :

— Elizabeth... si cela vous gêne, je m'occuperai moi-même de Greenwell lorsque nous en aurons fini avec Margaret.

— Non, répliqua-t-elle en secouant la tête. Je veux le mettre au pied du mur et le forcer à avouer. Après, il sera tout à vous. Mais je veux qu'il me le dise les yeux dans les yeux.

Il hocha la tête puis se risqua à demander, les yeux brûlants :

— Vous... vous allez bien ?

— Je me sens trahie. Mais c'était le fiancé que mes parents m'ont imposé. Je ne l'aimais pas.

— Vraiment ? Il me semblait pourtant que...

— J'ai menti, admit-elle avec une moue confuse mais charmante. Je venais d'apprendre que ma mère voulait que je l'épouse quand nous nous sommes vus cet après-midi.

Il rayonna brusquement. Elle ne l'aimait pas. Oh, cela ne changeait rien pour lui. Mais elle... elle ne tomberait pas entre les mains d'un manipulateur fourbe et cruel.

— Mais alors... hésita-t-il. Ce baiser...?

— Colonel Darcy, soupira-t-elle. Sans mon intervention, vous seriez dans ses cachots. Je ne l'ai embrassé que pour sauver notre mission.

Il acquiesça, ravi, et se rapprocha d'elle sans trop savoir pourquoi. Cette nouvelle inattendue lui mettait du baume au cœur, ce cœur si endolori par les événements d'hier soir, qui avait besoin d'être rassuré. Elle était libre. Et lui-même n'était-il pas un parti honorable ?

— Lizzie... souffla -t-il.

— Le poisson chaud est là !

Les deux jeunes gens sursautèrent et se redressèrent précipitamment, chacun tentant de cacher son trouble. Au-dessus d'eux, Nicolas les regardait d'un air sardonique, un plat entre les mains.

— Bah quoi ? Quand on n'est pas fiancé, on ne se rapproche pas autant.

Il s'assit en tailleur entre les deux et mastiqua gaiement, la bouche ouverte. Il n'avait pourtant jamais faim avait-il dit. Le fourbe, nota mentalement Darcy, amer.

— Allez, on mange un morceau puis on va tuer Margaret Mulsown ! S'écria Nicolas en lui jetant un coup d'œil narquois. Notre aventure s'achève bientôt ! 


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