13. Soirée mouvementée


— Et n'oubliez pas, répéta pour la millième fois Darcy en arrêtant son cheval devant le perron alors que des domestiques sortaient précipitamment, il est essentiel qu'il ne se doute de rien. Jouez la comédie, distrayez-le, faites ce que vous voulez, mais il ne doit pas entrer dans son bureau le temps de cette soirée.

— Peut-on savoir pourquoi vous faites le gros du travail quand je dois jouer la dinde devant Henry ? S'insurgea Lizzie en rassemblant les rênes de sa propre monture.

— C'est que vous le faites si bien...

Elizabeth Bennet s'étouffa de rage, Nicolas hoqueta de stupeur et Darcy reporta son attention sur le manoir illuminé par des centaines de chandeliers. Greenwell ne regardait pas à la dépense.

— Bien. Rassurez-vous, je vous trouverai une tâche lorsque nous en aurons fini avec votre fiancé.

Pour le coup, Lizzie aurait voulu assister à une bataille entre le colonel et Henry, pour et devant elle. Mais son instinct lui souffla que Darcy gagnerait probablement. Son promis n'avait pas l'air adepte des jeux d'épée.

— Je vous le ferai payer Monsieur Darcy, siffla-t-elle en balançant ses jambes du côté gauche pour descendre gracieusement. Comme la reine l'a elle-même dit, nous formons une équipe. Pensez-y la prochaine fois que vous recommencerez à jouer les dictateurs.

Il aurait voulu la reprendre mais elle avait été plus rapide et monta les marches. Impassible, il se tourna vers Nicolas, mais le zombie secoua la tête.

— Je suis d'accord colonel. Miss Bennet est différente des autres femmes, faites-lui confiance.

Il fit la moue, touché. Nicolas avait raison, Lizzie était unique. Mais... il ne savait trop. Il ne voulait pas la mettre en danger, souhaitait simplement qu'elle s'amuse ce soir, qu'elle se rapproche de ce fiancé quelle épouserait une fois cette mission terminée... toutes ses excuses lui paraissaient brusquement fausses d'un coup. Car là, en haut de l'escalier, Henry Greenwell enlaçait Elizabeth Bennet, une étrange lueur dans le regard.

Darcy serra les poings et sauta à terre sous le regard pensif de son acolyte. Nicolas restait toujours en-dehors des mémorables disputes de ses compagnons, mais notait que Lizzie était à la fin rouge de confusion et que Darcy restait souvent silencieux après ces échanges vifs, morne mais troublé.
Il secoua la tête. Allons. À chaque fois qu'il posait cette sempiternelle question, ils lui répondaient que non, ils n'étaient pas fiancés. Encore moins amoureux.
Et pourtant...

Il releva à son tour la tête. Henry déposait un baiser sur la joue de Lizzie, l'invitant à se changer dans la chambre que les servantes avaient préparée pour elle. Le noble avisa le colonel anglais et réitéra du bout des lèvres son offre ; une chambre était prête pour lui aussi, la réception commencerait dans une heure, le temps qu'ils se changent.

Nicolas enfonça la casquette sur sa tête et conduisit les chevaux dans l'écurie, au milieu des montures des autres invités. Il n'y avait pas de raison qu'ils ne profitent pas des largesses de ce Greenwell. Et ce n'était pas le palefrenier à moitié soûl qui démasquerait sa véritable nature. En attendant, sa mission à lui était de sécuriser les alentours du château. Lizzie s'esquiverait dès que Darcy aurait accompli sa mission.

Le colonel se changea rapidement et ressortit, tentant de deviner qu'elle porte abritait la chambre de sa coéquipière. Il voulait... il ne savait pas quoi. Lui parler pour effacer ce moment qu'il avait surpris entre elle et Greenwell ?
Peu importait. Il voulait qu'elle redevienne la Lizzie agaçante, que cette image d'une Lizzie amoureuse s'efface.

La porte au bout du couloir s'ouvrit brusquement et la jeune fille en sortit. Il sourit ; ne serait-elle jamais douce ?
Elle releva la tête et se dirigea droit vers lui, une moue affaissant ses fines lèvres. Et il déglutit. Cette robe mauve soulignait délicieusement ses courbes féminines, sa coiffure rehaussait la délicatesse de sa nuque... elle était belle, incomparablement belle.

— Je suis affreuse.

Il sursauta. Seigneur, l'odieux mensonge !

— Hum hum, grommela-t-il, bougon. Eh bien, vous n'êtes pas désagréable à regarder. Il y a pire.

— Croyez-vous que ceci soit un compliment ? S'écria-t-elle, incrédule.

— Elizabeth Bennet, vous êtes ravissante ! S'écria Henry derrière eux.

Elle eut un sourire triomphant, ses yeux étincelèrent, et elle murmura d'une voix sifflante :

— Ceci. Est. Un compliment. Monsieur Darcy. Monsieur Greenwell ! Poursuivit-elle gracieusement. Quel bonheur d'enfin entrer dans ce château !

— Hélas nous manquons d'affreusement de temps pour visiter. Je peux seulement vous dire que cette aile regroupe toutes les chambres tandis que l'aile ouest accueille mon bureau, la bibliothèque et le salon où je reçois des visiteurs.

Lizzie acquiesça, son regard cherchant furtivement celui de son acolyte qui baissa les yeux une fraction de seconde pour confirmer. Il avait entendu.

— Descendons, poursuivit Greenwell en présentant son bras, ravi d'avoir sa fiancée avec lui. Vous verrez que le rez-de-chaussée n'a rien à envier au peu que vous avez entraperçu de l'étage.

Lizzie hocha la tête et Darcy toussa violemment.

— Un problème colonel ?

— Je ne me sens guère bien. Veuillez m'excuser Greenwell.

— Bien sûr. Après une équipée aussi folle que la vôtre... les toilettes sont dans l'aile est. Nous serons en bas.

Et les deux jeunes gens descendirent sous le regard lourd de Darcy qui serra les poings. Il n'appréciait guère ce m'as-tu-vu et était pressé de mettre les voiles d'ici. Ce château ne lui disait rien qui vaille.
Attentif à ne croiser personne, il se glissa dans l'aile ouest et se mit à la recherche du bureau. Greenwell cachait forcément tous ses papiers là-bas, à lui de le trouver.

La porte la plus sombre dans ce couloir était probablement celle du bureau en question. C'était toujours ainsi.
Darcy se prépara à crocheter la serrure mais se figea lorsque la porte s'ouvrit lentement devant lui.
C'était suspect. Qui laissait son bureau ouvert à tous ? Ce Greenwell était décidément trop louche pour ne pas fouiner.
Ou alors, il était lui-même paranoïaque. Peu importait.

Le colonel rongea son frein et se força à remettre en place chaque papier qu'il prenait. Mieux valait ne pas mettre la puce à l'oreille de leur hôte et tout remettre en ordre. Mais Lizzie ne lui ôterait pas cet étrange sentiment qui revenait à chaque minute. Margaret avait sûrement cédé à la tentation et probablement essayé de contrôler les nobles alentour.
Dont Henry Greenwell.

**********

Il ouvrit chaque tiroir, manqua tout envoyer en l'air puis s'assit sur le bureau après une bonne heure de recherches, découragé. Rien. Les comptes ne relevaient aucune incohérence, le rapport de métayer le plus troublant évoquait une vache morte en mettant bas, et la seule somme d'argent importante que Greenwell avait déboursée... était due à la garde-robe qu'il venait d'offrir à Lizzie.

Cet homme était trop parfait. Ou plutôt, Darcy devait reconnaître que lui-même était définitivement imparfait. Il n'était pas aussi net, pas aussi méticuleux.
Il n'était pas étonnant qu'Elisabeth Bennet tombe amoureuse de Greenwell. Quelle femme refuserait un parti aussi agréable à regarder, aussi conforme aux prétentions de la bonne société ?
Il envoya valdinguer une pile de papiers, rageur, et se dressa, poings serrés. Ce n'était pas possible ! Pas possible !

Sans trop savoir comment, il posa les yeux sur le lit et fronça les sourcils. Sous le lit. Il n'avait pas regardé sous le lit.
Il s'accroupit, releva le drap tombant jusqu'au sol et plongea son regard dans ces sombres profondeurs. Là, un coffret semblait le narguer. Un coffret de bois et d'ivoire, simple en somme.
Il sourit, sardonique. Allons. Ce brave Henry avait bien des secrets. Ne restait plus qu'à espérer que ce n'était pas une bague de fiançailles pour Lizzie. Ou il ne serait plus maître de lui-même.

Il tira vers lui le coffret, se remit sur ses pieds, l'ouvrit à même le sol, pressé.
Et il écarquilla les yeux. Sa bouche s'ouvrit de stupeur et il laissa échapper un gargouillement fort peu élégant.

Oui. Henry Greenwell avait de lourds secrets en lien avec les zombies.

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