IV

Heather

« Heather, aide-moi à le ramener dans la chambre, » murmure Sophie, sa voix douce mais ferme.

J'acquiesce, moi et ma tante nous précipitons pour le ramener au lit. L'inconnu, allongé sur le matelas, se redresse lentement, son regard balayant la pièce avec méfiance. Ses cheveux sombres et en désordre tombent sur son visage, dissimulant ses traits marqués par la douleur physique et émotionnelle.

« Qui êtes-vous ? » demande-t-il d'une voix rauque, comme si chaque mot lui était arraché.

Je me tiens un peu en retrait, les bras croisés, observant l'inconnu avec curiosité et une pointe d'appréhension.

« Ne t'inquiète pas, nous sommes ici pour t'aider, » répond Sophie d'une voix douce mais ferme, tentant de désamorcer la tension palpable dans l'air.

Je m'avance, un verre d'eau à la main, mais il secoue la tête, refusant avec une expression de défi. Un silence pesant s'installe dans la pièce, interrompu par l'arrivée de Savannah.

« Il sait enfin se réveiller ! » s'exclame-t-elle, avant de se figer sous le regard suspicieux de l'inconnu.

L'inconnu nous fixe, son regard scrutateur balayant nos visages. Il semble nous évaluer, cherchant à percer nos intentions. Sophie s'avance d'un pas, son sourire chaleureux contrastant avec la tension ambiante. Elle tend une main vers son visage, mais l'inconnu la stoppe d'un geste brusque. La surprise l'étreint, mais elle ne laisse pas transparaître son dédain.

« On dirait que tu vas mieux, » dit-elle d'un ton rassurant.

Elle s'assied sur le bord du lit, créant une connexion plus intime. « Heather vous a trouvé blessé il y a quelques jours. Vous avez demandé à venir ici, chez Sophie Moore. Vous ne vous en souvenez pas ? »

Il plisse les yeux, m'observant intensément, ce qui me met mal à l'aise. Je détourne le regard, sentant une chaleur monter à mes joues. Puis, il ferme les yeux et murmure : « Je vois... »

Soudain, il se lève d'un coup, mais Sophie, utilisant ses pouvoirs, le force à se rasseoir. « Rasseyez-vous, » lui ordonne-t-elle calmement, mais avec une autorité indiscutable.

« Vous ne pouvez pas me garder ici, » proteste-t-il, un ton désespéré dans sa voix. « J'ai des choses à régler. »

« Comme quoi ? » interroge Sophie, l'inquiétude se lisant sur son visage.

Il plonge son regard dans le vide, ses traits se durcissant. « Je suis à la poursuite de quelqu'un. »

« De l'homme qui t'a blessé ? » demande Sophie, sa voix prenant un ton plus grave.

L'inconnu observe sa blessure, désormais guérie, une lueur de confusion dans ses yeux. Toujours en retrait, je pense amèrement qu'un simple remerciement de sa part ne serait pas de trop.

« Était-ce cette personne qui était au campus cette nuit-là ? » demande Sophie, ses yeux fixés sur lui.

« Non, » répond-t-il, la voix chargée de frustration.

« Alors, que faisais-tu là-bas ? » insiste-t-elle

« J'ai senti une présence et je suis allé voir, » explique-t-il, son regard se perdant dans le vide. « C'était un rejeté. »

« Un rejeté ? » je répète, perdue dans mes pensées.  J'échange un regard avec ma tante et ma cousine, toutes deux concentrées sur l'inconnu.

« Je l'ai éliminé, » continue-t-il, son ton froid et détaché.

« Éliminé ? » je pense, horrifiée. Cela voulait dire tuer, non ?

Sophie, cependant, ne semble pas troublée. « Ce n'est pas alors toi qui as attaqué l'étudiante au campus, » affirme Sophie d'une voix ferme.

« Bien sûr que non, » réplique-t-il, agacé par l'accusation.

Savannah, toujours perplexe, intervient : « Ce n'est pas ce que Ketsia pense. Elle est persuadée que c'est toi son agresseur. »

« Je n'en ai rien à faire, » s'écrie l'inconnu, son regard noir se posant sur nous. « Je suis resté trop longtemps endormi. Je dois y aller. »

Sophie, se redressant avec une autorité naturelle, déclare : « Non, tu n'iras nulle part. »

« Et qui êtes-vous pour me donner des ordres ? » s'exclame-t-il avec défi, un éclat de colère dans ses yeux.

« J'ai tous les droits, » affirme Sophie, son ton ne laissant aucune place au doute. « Tu es arrivé ici blessé, tu avais besoin d'aide. Maintenant, tu es sous ma responsabilité. »

L'inconnu, visiblement agacé, lui lance un regard noir. J'observe la scène, reconnaissant parfaitement cette facette autoritaire et intransigeante de ma tante.

Sophie poursuit, avec une note de gravité dans la voix : « Le sang-né t'a blessé, mais la prochaine fois, il pourrait te tuer. »

Pour rompre la tension, je sors mon téléphone et montre le portrait à l'inconnu. « C'est quoi ça ? » demande-t-il, l'air confus.

« Ketsia a fait un portrait de son agresseur qu'elle a envoyé à la police après avoir porté plainte pour tentative d'agression et tentative de meurtre, » j'explique, les mots pesant comme des pierres.

L'inconnu blêmit, l'exaspération se mêlant à la peur. « Quoi ? » s'écrie-t-il, son visage marbré de choc.

« C'est la preuve que quelqu'un te soupçonne d'être son agresseur, » explique Sophie, son regard se durcissant. « Et le seul endroit où tu es en sécurité pour l'instant, c'est ici, dans ma maison. »

Sophie, prenant les choses en main, demande à Heather et Savannah de la suivre. « Laissez-le seul un instant, » ordonne-t-elle.

Avant de quitter la chambre, Sophie se tourne vers l'inconnu. « Quel est ton nom ? »

« Alexei ...» répond-t-il nonchalamment, comme s'il se résignait à sa situation.

Le couloir est faiblement éclairé, les murs peints d'une douce couleur crème résonnent des échos de nos pas qui sortent de la chambre. Savannah, les mains croisées sur sa poitrine, se tourne vers sa mère, l'inquiétude se lisant sur son visage.

« Que va-t-on faire maintenant ? » demande-t-elle, sa voix trahissant une nervosité qu'elle ne peut cacher.

« Rien, » répond Sophie d'un ton ferme, mais apaisant. « Alexei va rester ici jusqu'à ce que je trouve quelque chose. »

Piquant du nez dans l'air lourd, je ne peux m'empêcher d'exprimer des doutes. « Est-ce que c'est vraiment prudent ? Nous logeons toutes les deux au campus, et tu seras seule avec quelqu'un que tu ne connais pas vraiment. »

Sophie se tourne vers moi, ses yeux verts pleins de compassion. « Je comprends tes inquiétudes, Heather. Mais je vais gérer la situation. La seule chose dont j'ai besoin, c'est que vous fassiez comme si tout était normal. »

Je hoche la tête, mais une question brûle sur mes lèvres. Je sais que ce qui se trame autour d'Alexei est bien plus complexe qu'il n'y paraît.

« Qu'est-ce que c'est, les sang-nés ? » je demande, la curiosité piquée au vif.

Sophie soupire, visiblement sur la défensive. « C'est un type d'ensorceleur qui utilise leurs dons pour faire du mal. »

Je remarque l'hésitation dans la voix de ma tante, une volonté de ne pas approfondir le sujet.

« Et les rejetés ? » j'insiste, ne voulant pas abandonner si facilement.

« Ils sont pratiquement pareils aux sang-nés, » répond Sophie, sa voix se raffermissant, mais son regard trahissant une inquiétude palpable.

Frustrée par le manque de réponses, je m'exclame : « J'ai l'impression que tu ne veux pas vraiment m'expliquer ce qui se passe. »

« Je ne veux pas te mêler à ça, » répond Sophie, un air sérieux sur le visage.

Je ne peux m'empêcher de me sentir mise à l'écart. « Mais je suis déjà mêlée à ça ! » j'affirme, la voix prenant un ton plus intense. « Vous ne pouvez pas juste me mettre de côté alors que tout ça fait désormais partie de ma réalité. »

Sophie m'adresse un sourire empreint de tendresse, mais aussi d'une touche de tristesse. « Elena me détesterait si elle savait que je t'ai impliquée dans tout ça. »

La mention de ma mère fait plisser mon front. « Ma mère n'est plus là, » je murmure, la douleur se lisant dans mes yeux.

Savannah, qui observe la scène avec attention, décide de briser ce moment lourd. « Mais nous devons penser à Ketsia et à son accusation. »

Reprenant mon souffle, j'explique : « J'ai essayé de parler à Ketsia, mais elle est convaincue qu'Alexei est son agresseur. »

« Ça complique les choses, » admet Sophie, l'inquiétude perçant sa voix.

Savannah réfléchit un instant avant de proposer, « Nous pourrions enlever le souvenir de cette nuit dans son esprit. »

La réponse de Sophie est immédiate et tranchante. « Non. »

Savannah lève les yeux, surprise. « Pourquoi pas ? C'est pour la bonne cause ! »

« Je ne veux pas que tu manipules l'esprit de quelqu'un, » rétorque Sophie, la fermeté de sa voix laissant peu de place à la discussion.

« Mais si tu connaissais Ketsia, tu comprendrais, » insiste Savannah, sa voix pleine de passion. « C'est une personne qui, lorsqu'elle a quelqu'un dans le collimateur, ne le lâche pas. »

Me sentant soudainement en phase avec ma cousine, j'appuie son propos. « Elle a raison, Sophie. Ketsia ne va pas abandonner tant qu'elle n'aura pas obtenu ce qu'elle veut. »

Savannah me regarde, surprise par ce soutien. C'est rare que nous soyons d'accord sur quelque chose, et cela lui donne un élan de confiance.

Mais Sophie, implacable, secoue la tête. « Personne ne va rien faire. Manipuler les souvenirs des gens n'est pas une solution. Ça ne fait qu'aggraver les choses. »

Je soupire, le sentiment d'impuissance m'étouffant. Je déteste cette situation ...

Le soleil décline lentement à l'horizon, projetant des ombres longues et mystérieuses à travers la maison. Le cœur battant d'une curiosité mêlée d'appréhension, j'entre dans la pièce. Mes mains tremblent légèrement alors que je tiens une pile de vêtements propres, soigneusement pliés. Je dépose les habits sur le lit, prenant un moment pour admirer la simplicité des tissus : une chemise en coton blanc, un pantalon sombre, et un pull en laine qui semble avoir été tricoté à la main.

En me retournant, je me fige, les yeux s'élargissant sous le choc. Alexei est là, une serviette nouée à la taille, son regard perçant fixé sur moi. Je ne peux m'empêcher de sursauter, un frisson de peur parcourant mon échine, avant de me retourner rapidement, me forçant à ne pas croiser son regard. La chaleur de son souffle est presque palpable dans l'air, et je me sens soudainement vulnérable, comme si les murs de la chambre se referment autour de moi.

« Ma tante m'a laissé des vêtements propres, pour que tu te sentes à l'aise », j'annonce d'une voix tremblante, essayant de paraître calme. J'entends un léger mouvement derrière moi, puis Alexei touche les vêtements, ses doigts effleurant le tissu avec une douceur inattendue.

« Ça devrait aller », répond-t-il d'un ton neutre, mais il y avait quelque chose dans sa voix, une mélancolie qui me laisse perplexe. Je me retourne alors, le visage marqué par une curiosité croissante.

« De rien... Merci », je balbutie, les mots flottant dans l'air chargé de tension. J'observe son visage, cherchant une étincelle de compréhension. « Tu ne connais pas ces expressions, n'est-ce pas ? »

Il me fixe intensément, ses yeux d'un bleu profond semblant percer mon âme. « Toi, c'est Heather, si je me rappelle bien. »

Je croise les bras, intriguée par son attitude désinvolte.

« Si tu aides les gens pour qu'ils te remercient, il vaudrait mieux ne pas les aider, » observe-t-il, un léger sourire aux lèvres.

Je plisse les yeux, ne sachant pas si je dois me sentir vexée ou rire. « Ce n'est pas ça, » j'explique. « C'est juste une question de politesse. C'est quelque chose que tu ne sembles pas vraiment connaître. »

Je me retourne, prête à quitter la chambre, mais une voix profonde m'arrête. « Tu ne sais pas utiliser tes pouvoirs. »

Je me retourne lentement, la surprise gravée sur mon visage. « Pourquoi dis-tu cela ? »

Alexei s'approche d'un pas, son regard se faisant plus sérieux. « Je l'ai remarqué quand je parlais des sang-nés et des rejetés. Tu es novice, tu viens certainement d'apprendre pour tes pouvoirs. »

Je sens une vague de honte me submerger. « C'est vrai, je ne connaissais rien de tout cela jusqu'à ce que je te rencontre. »

Il s'avance davantage, l'espace entre nous se réduisant, et dit d'un ton presque taquin : « Eh bien, notre rencontre a au moins servi à quelque chose. »

Me sentant à la fois vulnérable et curieuse, je lui demande avec une voix tremblante : « Ce n'est vraiment pas toi qui a attaqué Ketsia ? »

Alexei plisse les yeux, une lueur d'énigme dans son regard. « Qui ça ? »

« La fille qui s'est faite agressée au campus », j'explique, mon cœur battant plus vite. « Elle pense que c'est toi. »

Il secoue la tête, son expression se durcissant. « J'ai déjà dit que ce n'est pas moi. Un rejeté l'a attaquée, et j'étais là pour le tuer, rien de plus. »

Je scrute son visage, cherchant la vérité dans ses yeux. « Je me demande si je peux te faire confiance. »

Alexei sourit, mais ce n'est pas un sourire rassurant. « Tu penses que je suis dangereux ? »

Je hausse un sourcil, ne lâchant pas son regard. « Mais n'es-tu pas dangereux ? »

Un silence pesant s'installe entre nous, une tension palpable. Il reste immobile quelques secondes, pesant ses mots. « Je le suis, mais pas pour les sorceliers comme toi. »

La révélation me prend de court. « Qu'est-ce que tu veux dire par là ? »

« Ta tante n'a pas mentionné que je suis un chasseur. Un sorcelier qui traque les sang-nés et les rejetés » explique-t-il, son ton se faisant plus sérieux. Le regard d'Alexei continue de me scruter, presque désolé. « Je peux tout t'expliquer, si tu le veux. »

Je me mords la lèvre, pesant le pour et le contre. Je ne suis pas habituée à faire confiance si facilement, surtout pas à quelqu'un que je viens à peine de rencontrer. Mais il y a quelque chose dans sa voix, une promesse d'authenticité qui m'intrigue.

« D'accord, » je finis par dire, la voix légèrement tremblante. « Explique-moi. »

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